La place vide : l’expérience intérieure et l’expérience mystique comparées

DOI : 10.35562/marge.378

Texte

          Si on peut dire de Bataille qu’il n’était pas croyant1, on peut difficilement comprendre sa pensée sans le christianisme. Tout en affirmant que ses rapports avec ce dernier ne peuvent « pas être des rapports d’amitié ; ce sont des rapports purs et simples d’hostilité2 », Bataille reste quelqu’un que Dieu, en sa présence ou en son absence, obsède. Ainsi, il dira :

[T]out le monde sait ce que Dieu représente pour l’ensemble des hommes qui y croient, et quelle place il occupe dans leur pensée, et je pense que lorsqu’on supprime le personnage de Dieu à cette place-là, il reste tout de même quelque chose, une place vide. C’est de cette place vide que j’ai voulu parler3.

La question alors est de savoir comment il en parle. Lors d’un entretien radiophonique de 1951 entre Bataille et différents intellectuels4, un des intervenants dira de Bataille qu’il est un « mystique constitutionnel », affirmation à laquelle il répondra : « ma philosophie est le contraire d’une mystique ». S’il semble refuser cette dénomination, ses essais comme ses textes de fiction mettent en jeu ce qu’il nomme « l’expérience intérieure », proche de l’expérience mystique à bien des égards. Ainsi, cette tension entre expérience intérieure et mystique traverse toute La Somme athéologique, en commençant par la première page :

J’entends par expérience intérieure ce que d’habitude on nomme expérience mystique : les états d’extase, de ravissement, au moins d’émotion méditée. Mais je songe moins à l’expérience confessionnelle, à laquelle on a dû se tenir jusqu’ici, qu’à une expérience nue, libre d’attaches, même d’origine, à quelque confession que ce soit. C’est pourquoi je n’aime pas le mot mystique.

Je n’aime pas non plus les définitions étroites5.

Si plusieurs ont voulu écarter Bataille des mystiques à cause des confusions auxquelles ce mot pouvait donner lieu, ainsi qu’à la critique de Sartre qui opérait un rapprochement polémique entre les deux, il demeure selon nous intéressant d’ouvrir la question de la spécificité du mysticisme de Bataille. Nous ne considérerons donc pas ce rapprochement sous l’angle adopté par Sartre : en effet, le mysticisme de Bataille ne ferait pas de lui un chrétien6, tout comme son opposition à l’idée de projet ne le situe pas dans un hors-temps contemplatif et apolitique. L’écriture mystique étant traversée par la question fondamentale du rapport à l’autre, qui s’étend à la question de la communauté chez Bataille, les interrogations qui la portent seraient nécessairement éthiques et politiques. En fait, le rapprochement que nous souhaitons effectuer serait à l’opposé de celui de Sartre, qui élabore tout d’abord sa critique selon une opposition entre la forme et le contenu, élément auquel il semble accorder une attention plus grande7. Ainsi, ce qui nous intéresse ici est le langage qu’emploie Bataille, dans la mesure où ce qui se dit est coextensif de la manière de le dire, alors que Sartre semble considérer le langage comme simple instrument servant à « exprimer » la pensée8. Comme l’écrit Francis Marmande, « cette poétique imprécise, ‟balbutiante et incertaine”, […] Bataille en fait la condition de l'expérience elle-même9 » ; « [l]oin d'être conçu dans un rôle instrumental, comme il est de mise à l'époque, le langage devient l'arme et la visée de l'expérience10 ». En somme, nous importe moins ce qui est dit, que comment c’est dit. C’est d’ailleurs cette question qui semble constituer le cœur de la réponse de Bataille à Sartre dans sa « Défense de L’Expérience intérieure », où il traite principalement de sa « manière d’écrire11 », « chute vertigineuse » qui « ne laisse pas au lecteur plus lent la possibilité de saisir (de fixer)12 ». Nous chercherons donc à voir comment cette manière d’écrire est similaire à celle des mystiques à travers La Somme athéologique. Ainsi, lorsqu’à la fin de la « Discussion sur le péché » Jean Hyppolite fait part du fait qu’écrit autrement, c’est-à-dire sans les concepts chrétiens qu’utilise Bataille, L’Expérience intérieure l’aurait « infiniment moins intéressé13 », Bataille lui répond la chose suivante :

[I]l m’a semblé que j’avais gagné à sortir de cette étroitesse d’esprit en me référant souvent au monde chrétien et en apercevant, en n’hésitant pas à apercevoir, des possibilités de lien, en dépit d’une opposition que je crois fondamentale […]. [J]e ne regrette pas qu’aujourd’hui la possibilité d’un pont au-dessus d’un abîme d’ailleurs extrêmement profond, ait paru possible, non d’un pont sur lequel on puisse passer – il n’est pas question de passer d’un côté de l’abîme à l’autre – mais d’un pont dont on puisse se rapprocher, et qui permette d’apercevoir la continuité d’une expérience humaine qui se poursuit14.

Il s’agira donc de comprendre comment se manifeste cette continuité, en comparant Bataille aux écrits de Thérèse d’Avila, d’Angèle de Foligno et de Jean de la Croix. Si l’expérience intérieure est comme l’expérience mystique un mouvement vers le non-savoir, il est clair qu’elles diffèrent fondamentalement dans leurs fins : Bataille ne cherchant pas à atteindre quoi que ce soit à l’issue de son expérience, qui n’a qu’elle-même pour but15. Cependant, en prenant le concept certaldien du conversar − c’est-à-dire l’idée que le binôme « parler et entendre […] définit l’espace où s’effectuent les démarches des mystiques16 » et qu’il « désign[e] le centre, incertain et nécessaire, autour duquel se produisent des cercles de langage17 » − on verra que l’expérience mystique en est également une de l’absence, et que cette place vide dont Bataille voulait parler est, d’une certaine façon, tout aussi vide pour eux.

          Les mystiques traitent principalement de deux questions : l’oraison, relation avec Dieu, et la relation « spirituelle » avec les autres (compagnons, lecteurs, représentants de l’institution ecclésiale). Étymologiquement, l’oratio désigne le fait de parler, de dire, ce pour quoi, selon Certeau, la « communication » mystique est à comprendre comme un acte :

Dans le vocabulaire mystique espagnol, elle est indiquée par un seul mot : conversar (parler ‟avec Dieu”, con Dios, ou ‟avec les autres”, con los otros), équivalent du latin colloquium, qui dans la spiritualité médiévale désigne à la fois la prière et l’échange oral18.

Les écrits mystiques sont donc vus comme une conversation, un échange de paroles, dans un langage qui n’est pas « expression » de la pensée, ou un ensemble d’énoncés cherchant une vérité, mais énonciation au présent, performance. Dans cette « conversation », le mystique est dans l’attente de celui qui parle, car Dieu est le Verbe, et selon la promesse faite par les Écritures il doit parler. Cependant, cette attente se heurte à une absence et instille chez le croyant un soupçon vis-à-vis du langage : non seulement la Parole n’est pas, mais « la communication est perçue comme brisée. […] Les ruptures, l’équivoque et le mensonge du langage introduisent dans la relation une insurmontable duplicité, qui redouble le mutisme des institutions ou des choses19 ». C’est à partir de cette absence que le mystique écrit, car les êtres et les livres qui parlent de Dieu ne sont pas suffisants pour celui qui veut converser directement avec lui (« Ay quién podrá sanarme / Acaba de entregarte ya de vero / no quieras enviarme / de hoy más ya mensajero / que no saben decirme lo que quiero20 »). La relation est dominée par l’incertitude et la surdité : où et comment parlera-t-il, et comment l’entendre ? Ainsi, le conversar se définit autant par le fait de parler que celui d’écouter, de créer un espace pour écouter et être écouté :

[p]ar une réciprocité qui renvoie à la confusion des langues à Babel […] on ne peut s’entendre soi-même sans être entendu. […] Une interrogation générale s’étend à la double face de l’oratio : son procès interne et son procès externe sont indissociables. Rien d’« Autre » ne parle à l’âme s’il n’y a pas un tiers pour l’écouter21.

Les mystiques prennent donc la parole autant pour guider leur lecteur vers l’extase que pour être entendus, écoute nécessaire à leur propre cheminement : Thérèse d’Avila condamne les « maîtres » qui ne « l’entendent pas » et qui l’empêchent de se comprendre elle-même22 et se trouve désemparée devant la perspective de perdre son confesseur23, et Jean de la Croix écrit pour ceux cherchant une écoute, car « [c]’est une chose rude et pénible qu’une âme […] ne trouve personne qui l’entende24 ». Bataille va de même chercher à guider son lecteur vers l’expérience intérieure (« aussi simplement que je puis, je parlerai des voies par lesquelles je trouvai l’extase, dans le désir que d’autres la trouvent de la même façon25 »), et ce en donnant des méthodes héritées des mystiques : si Angèle de Foligno médite sur « la grande douleur que le Christ endura sur la croix, [avec] ces clous qui avaient tiré la chair de ses pieds et de ses mains à l’intérieur du bois26 », Bataille recommande ses propres images :

J’ai eu recours à des images bouleversantes. En particulier, je fixais l’image photographique – ou parfois le souvenir que j’ai – d’un Chinois qui dut être supplicié de mon vivant. […] Le patient, la poitrine écorchée, se tordait, bras et jambes tranchés aux coudes et aux genoux27.

Mais surtout, le sujet de l’expérience intérieure prend la parole parce qu’il a besoin d’être lu par un autre :

Je traîne en moi comme un fardeau le souci d’écrire ce livre. En vérité je suis agi. […] Le tiers, le compagnon, le lecteur qui m’agit, c’est le discours. Ou encore : le lecteur est discours, c’est lui qui parle en moi, qui maintient en moi le discours vivant à son adresse. Et sans doute, le discours est projet, mais il est davantage encore cet autre, le lecteur, qui m’aime et qui déjà m’oublie (me tue), sans la présence insistante duquel je ne pourrais rien, je n’aurais pas d’expérience intérieure28.

Il y a donc une dimension dialogale à l’écriture bataillienne qui rappelle celle du conversar, le sujet de l’expérience intérieure nécessitant la création d’un espace d’écoute où auteur et lecteur se guident réciproquement.

          Pour ce faire, le livre, autant dans l’espace abstrait qu’il crée que dans sa dimension matérielle, est nécessaire29. Afin de pouvoir être écouté, le sujet doit prendre la parole et l’inscrire : tel un stigmate qui serait la trace d’un autre sur sa peau, le livre est « ce corps tatoué de graphes30 » qui permet de créer une différence dans un espace opaque, un lieu distinct d’où peut advenir le dialogue. Le livre alors n’est pas quelque chose qui transmettrait un savoir, mais un objet qui crée un lieu, traçant les contours de l’absence. Parce que Thérèse d’Avila ne peut pas se représenter l’Autre, le livre lui est nécessaire pour que son amour ait un « objet présent » et que ses pensées cessent de lui livrer « un grand combat31 ». Elle écrit donc qu’elle « n’osai[t] jamais [s]e mettre en oraison sans un livre32 », puisqu’elle ne pouvait sans lui « parer les coups de mille pensées », son « âme se sen[tant] bouleversée et [s]es pensées s’égar[ant] 33 ». Le livre est ce « bouclier34 » qui lui permet de se concentrer, de créer un silence pour écouter et parler à son tour : ainsi, plus que « l’énoncé d’un signifié, [le livre] est un signifiant de l’Autre35 », il « occupe une place vide, il la soutient, il la marque, sans la remplir36 ». Si cet autre avec qui Bataille cherche à rentrer en conversation est à certains égards différent de celui des mystiques (dans lequel se confondent ses compagnons et Dieu), le livre tient toutefois un rôle similaire dans son expérience intérieure. Comme Thérèse d’Avila avec ses « milles pensées », Bataille dit avoir besoin de son livre « pour annuler [en lui] un jeu d’opérations subordonnées37 », en trouvant les mots qui « réintroduisent – en un point – le souverain silence qu’interrompt le langage articulé38 ». Le livre est donc ce qui permet cette pénétration, ce point d’où émerge alors d’un espace saturé le silence, où le sujet peut déployer son écoute. Espace représenté dans ce passage de Méthode de méditation39 :

*

· · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ceci, toutefois, est l’instant · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · · ·

Inséré à la suite d’une écriture continue, cette représentation graphique du vide au présent rappelle la suspension de la parole ayant lieu dans tout dialogue : moment de contemplation entre deux phrases échangées, où, avec l’autre, est vécu « l’instant », le mouvement du parler et de l’entendre qui résonne encore comme un écho autour du silence. Ce passage souligne la façon dont le lecteur s’insère à même le livre, grâce au processus d’appropriation qu’implique les indicateurs de la deixis : la forme présent et l’indice d’ostention « ceci » font en sorte que cet instant devient le nôtre40. Le livre serait ainsi pour Bataille un endroit où le je peut exister devant et avec un tu :

Les seules parties de ce livre écrites nécessairement – répondant à mesure à ma vie – sont la seconde, le Supplice, et la dernière. J’écrivis les autres avec le louable souci de composer un livre. Se demander devant un autre : par quelle voie apaise-t-il en lui le désir d’être tout41 ?

Mais « [a]ux trois quarts achevé », l’auteur « abandonn[e] l’ouvrage où devait se trouver l’énigme résolue42 ». Ainsi, l’écriture du livre n’est pas motivée par l’idée d’un projet où Bataille chercherait à transmettre un savoir (l’ouvrage est abandonné au ¾, il n’offre pas de réponse) mais par le désir d’avoir ce lieu où « communiquer » avec son lecteur43.

          Pour établir cet espace dialogal, comment dire, les circonstances et les conditions qui entourent l’acte de parler, deviennent plus essentielles que le dit :

Les spirituels visent en effet à spécifier les conditions dans lesquelles l’élocution « marche », ou « réussit » à rendre possible une communication. Par la détermination de présupposés pratiques, ils veulent créer des lieux de relation [:] en élaborant les préalables et les règles des opérations qui correspondent à un usage dialogal ou conversationnel du langage, en comprenant dans ce langage ses aspects corporels (gestuels, sensoriels) ou circonstanciels (temps, lieux, lumières, sons, positions, situations d’interlocution ou d’« oraison »), et pas seulement son élément verbal44 […].

Le sujet mystique et le sujet de l’expérience intérieure cherchent ainsi à fixer les conditions de fonctionnement de leur propre parole, qui concernent en premier le lecteur : « la relation ne tolère que des personnes entièrement résolues, ou qui ‟en veulent”45 ». Ainsi, dès le début de L’Expérience intérieure, Bataille affirme qu’« [u]ne telle expérience n’est pas ineffable, mais je la communique à qui l’ignore : sa tradition est difficile […] ; exige d’autrui angoisse et désir préalable46 » ; de même dans Méthode de méditation : « Ce jeu du ‟réel discursif” et de son évanouissement existe en fait. Il exige l’honnêteté, la loyauté et la générosité du joueur47 ». Thérèse d’Avila quant à elle répète à ses sœurs les conduites à adopter afin d’accéder à la pièce centrale du Château intérieur 48 , et Jean de la Croix ne s’adresse qu’à des « âmes déjà engagées dans le chemin de la vertu49 ». Acte « hétérogène au discours50 », ce « vouloir » supplante alors tout « savoir » ; en tant que verbe performatif, il ne cherche pas à affirmer une vérité, il se produit simplement parce que le lecteur le vit, tel que semble l’expliquer Bataille :

Ces énoncés ont une obscure apparence théorique et je n’y vois aucun remède sinon de dire : « il en faut saisir le sens du dedans ». Ils ne sont pas démontrables logiquement. Il faut vivre l’expérience, elle n’est pas accessible aisément et même, considérée du dehors par l’intelligence, il y faudrait voir une somme d’opérations distinctes, les unes intellectuelles, d’autres esthétiques, d’autres enfin morales et tout le problème à reprendre. […] Ce n’est que du dedans, vécue jusqu’à la transe, qu’elle apparaît unissant ce que la pensée discursive doit séparer51.

Les mystiques comme Bataille n’ont donc pas un rapport au fait d’écrire qui vise la thésaurisation d’un savoir mais la création d’un espace intersubjectif, relevant d’un enjeu éthique. Espace que Bataille métaphorise par la notion de passage, passage vers l’autre et vers soi :

Or vivre signifie pour toi non seulement les flux et les jeux fuyants de lumière qui s’unifient d’un être à l’autre, de toi à ton semblable ou de ton semblable à toi (même à l’instant où tu me lis la contagion de ma fièvre qui t’atteint) : les paroles, les livres, les monuments, les symboles, les rires ne sont qu’autant de chemins de cette contagion, de ces passages52.

Ce que le livre permet est ce passage, qu’on pourrait comprendre comme transsubjectivité, au sens que Gérard Dessons et Henri Meschonnic donnent à ce terme53. Cette forme de subjectivation, qui traverse les frontières individuelles, est indissociable de l’activité de réénonciation, tel que l’explique Meschonnic :

Si une écriture produit une reprise peut-être indéfinie de la lecture, sa subjectivité est une intersubjectivité, une trans-subjectivité. […] Cette écriture est une énonciation qui n’aboutit pas seulement à un énoncé, mais à une chaîne de ré-énonciations. C’est une énonciation trans-historique, trans-idéologique54.

Cette réénonciation est à l’œuvre non seulement chez le lecteur de Bataille, mais également au sein de La Somme athéologique, où sont reprises des pages entières des mystiques, de Nietzsche et de Proust. S’appropriant l’œuvre de l’autre, Bataille la fait sienne et par le fait même, offre une approche critique de la conception individualiste du sujet artistique : « c’est d’un sentiment de communauté me liant à Nietzsche que naît en moi le désir de communiquer, non d’une originalité isolée55 ». Car la communication, ou en d’autres termes, l’expérience intérieure, nécessite ce passage, que Bataille comprend comme « blessure56 », « brèche béante57 » ouverte vers l’autre et vers soi :

L’extase est communication entre des termes (ces termes ne sont pas nécessairement définissables), et la communication possède une valeur que n’avaient pas les termes : elle les annihile – de même, la lumière d’une étoile annihile (lentement) l’étoile elle-même. […] La communication demande un défaut, une « faille » ; elle entre, comme la mort, par un défaut de la cuirasse. Elle demande une coïncidence de deux déchirures, en moi-même, en autrui58.

          Cette brèche/blessure nécessaire à l’expérience intérieure représente non seulement la critique d’une certaine conception de l’individu chez Bataille, mais aussi une approche spécifique de l’écriture, où le corps va régulièrement faire irruption dans le texte. Qualifié par Certeau d’« énonciation coulant du corps blessé59 », cet aspect formel vaut aussi pour les mystiques : « parsemant le corpus mystique entier, ‟il y a” ces résonances de corps touché, ‟gémissements” et bruits d’amour, cris brisant le texte qu’ils induisent, lapsus énonciatifs dans une organisation syntagmatique d’énoncés60 ». Ainsi, on retrouve cette brèche à même le texte, alors que les cris et gémissements du sujet viennent trouer le fil de la conversation et son ton souvent didactique ou réflexif :

À moi l’idiot, Dieu parle bouche à bouche : une voix comme de feu vient de l’obscurité et parle – flamme froide, tristesse brûlante – à…l’homme du parapluie. […] Moi, je suis debout, sur des sommets divers, si tristement gravis, mes différentes nuits d’effroi se heurtent, elles se doublent, s’accolent et ces sommets, ces nuits … joie indicible ! … je m’arrête. Je suis ? un cri – à la renverse, je défaille61.

La présence du corps se manifeste tout autant au niveau des signifiés (un Dieu charnel appose sa bouche sur celle du sujet) qu’au niveau formel : par l’usage d’une ponctuation heurtée, l’anticipation du cri vient créer ces trouées dans la phrase, jusqu’à ce que ce dernier advienne et y mette fin. Si ces « bruits énonciatifs62 » sont ceux du corps et de la conscience du sujet qui se disloquent à travers la nuit « suppliciante » du non-savoir, ils deviennent tension vers l’autre à mesure que le cri se mue en appel, interjection lancée dans la nuit que le sujet vit comme déserte de l’autre : « ‟Ce que j’écris : un appel ! Le plus fou, le mieux destiné aux sourds. J’adresse à mes semblables une prière (à quelques-uns d’entre eux, du moins) : vanité de ce cri d’homme du désert !” 63 » Passage où l’oralité du geste est doublée par la présence des guillemets. De façon similaire, on retrouve ce type d’interjection dans le Cantique spirituel, où le sujet est laissé gémissant par l’absence de l’autre, être insaisissable que l’âme tente de retenir par son appel : « Adónde te escondiste / amado y me dejaste con gemido ? / Como el ciervo huiste / habiéndome herido / salí tras ti clamando, y eras ido64 ». Devant cet autre silencieux et incorporel, le sujet mystique témoigne de son existence par son propre corps : ainsi, l’expérience de la nuit opaque dans La Nuit obscure est imprégnée du désir languissant du sujet, désir incarné par la répétition obsédante du [a] : « En una noche oscura / con ansias en amores inflamada / oh dichosa ventura ! / salí sin ser notada65 » – en tout dix-huit fois dans la première strophe et vingt et une dans la deuxième. Continuum sonore, gémissement, balbutiement parsemé entre les mots, le sujet de La Nuit obscure fait exister l’autre absent à travers la prosodie, tel un stigmate sonore qui toucherait et traverserait le lecteur.

          Expériences fondamentalement corporelles, les expériences intérieure et mystique fondent alors un rapport à la connaissance où le ressentir a préséance sur le penser. Le mot « expérience » l’indique : contrairement aux théologiens qui rassemblent un ensemble cohérent d’énoncés « vrais », dans un discours réglé par l’ordre du logos, les mystiques ne fondent pas leur (non)savoir sur des faits déjà constitués, mais à partir d’une expérience au présent, éminemment subjective, qui ne nourrit pas le même rapport au vrai ou au mensonger. En effet, au sein de la nuit du non-savoir, les mystiques ne voient pas le langage comme étant quelque chose de stable où les mots correspondraient aux choses qu’ils nomment (« les mots, leurs dédales, l’immensité épuisante de leurs possibles, enfin leur traîtrise, ont quelque chose des sables mouvants66 »), et une méfiance s’installe en eux quant à leur propre parole. Cette méfiance ne donne toutefois pas lieu à une dynamique où le sujet chercherait à distinguer la vérité du mensonge et à chasser ce dernier afin de retrouver une parole « vraie » : c’est tout le langage qui est soupçonné, et ce dernier est vu comme trahissant continuellement l’intention du sujet67. Ainsi, les mystiques enjoignent le lecteur à se méfier de leurs dires, et se discréditent eux-mêmes :

Voyez le démon de mon âme et la malice de mon cœur ! Écoutez bien : je suis l’hypocrisie, fille du diable ; je me nomme celle qui ment ; je me nomme l’abomination de Dieu ! […] Ne me croyez plus. N’adorez plus cette idole où est caché le diable ; tout ce que je vous ai dit est mensonge, et mensonge diabolique68.

De même, le sujet de l’expérience intérieure va comparer son discours aux mensonges du criminel :

Ce qui n’est pas servile est inavouable : une raison de rire, de … : il en est de même de l’extase. Ce qui n’est pas utile doit se cacher (sous un masque). Un criminel mourant formula le premier ce commandement, s’adressant à la foule : ‟N’avouez jamais” 69.

Le lecteur est donc prévenu, rien ne sera révélé, les paroles professées ne sont qu’un masque sous lequel se cache l’expérience de l’extase, expérience inutile et souveraine. Toutefois, si le sujet est continuellement aux prises avec le langage, il n’entretient pas un rapport d’hostilité au mensonge : ce dernier ne serait pas « l’ennemi qu’il faut combattre pour affirmer une vérité, [mais] le lieu stratégique où le ‟dire” s’articule sur le ‟dit”70 ». En effet, parce que les expériences intérieure et mystique sont une expérience de l’innommable, parce que toute définition qu’on leur assigne est mensongère, elles deviennent infiniment dicibles :

Précédemment, je désignais l’opération souveraine sous les noms d’expérience intérieure ou d’extrême du possible. Je la désigne aussi maintenant sous le nom de : méditation. Changer de mot signifie l’ennui d’employer quelque mot que ce soit (opération souveraine est de tous les noms le plus fastidieux : opération comique en un sens serait moins trompeur) ; j’aime mieux méditation mais c’est d’apparence pieuse71.

Si La Somme athéologique s’ouvrait sur une incertitude définitionnelle quant à l’expérience intérieure, cette dernière n’est toujours pas définie 204 pages plus loin72. En fait, c’est un processus inverse que celui de la définition qu’effectue Bataille : plutôt que de limiter conceptuellement l’expérience, on se retrouve devant une absence de mot définitif, où le nom n’est plus une catégorie légitime, un terme se substituant à l’autre dans une conceptualisation à l’œuvre, ouverte « vers un autre champ que celui de l’idéalité : celui du discours73 ». Ainsi, la démarche mystique implique une théorie du savoir qui ne rapporte pas la connaissance au définissable : c’est dans le mouvement même du dire qu’ils pensent la question de l’inconnu. Ce mouvement implique alors une conception spécifique de la langue, qui n’est plus comprise à travers l’unité qu’est le mot, c’est-à-dire le signe, mais à travers l’unité qu’est la phrase :

Mais la difficulté est qu’on n’arrive pas facilement ni tout à fait à se taire, qu’il faut lutter contre soi-même […] : nous cherchons à saisir en nous ce qui subsiste à l’abri des servilités verbales et, ce que nous saisissons, c’est nous-mêmes battant la campagne, enfilant des phrases, peut-être au sujet de notre effort (puis de son échec), mais des phrases et dans l’impuissance à saisir autre chose, il faut nous obstiner74.

Si ces deux unités produisent du sens, elles le font de façon différente : le signe, unité sémiotique, a un sens « refermé sur lui-même et contenu en quelque sorte en lui-même », alors que la phrase, unité sémantique, suppose une « ouverture vers le monde », où le sens est « absolument imprévisible », « résultant de l’enchaînement, de l’appropriation à la circonstance et de l’adaptation des différents signes entre eux75 ». C’est cette ouverture et cette imprévisibilité du sens que cherchent les mystiques, à travers un mode de connaissance qui passe par la poéticité du langage, usant de métaphores, d’apories ou d’oxymores pour rendre une abstraction conceptuelle, s’opposant aux procédures de connaissance issues de la rationalité logique :

[C]e serait ignorance de penser que les dits d’amour en intelligence mystique […] se puissent bien expliquer en quelque sorte de paroles […]. Certainement, nul ne le peut et, certainement, pas même celles en qui cela se passe ne le peuvent. Car telle est la cause pour laquelle c’est avec des figures, des comparaisons et des similitudes qu’elles déversent un peu de ce qu’elles sentent et de l’abondance de l’esprit répandent secrets et mystères, plutôt qu’elles ne les expliquent avec des raisons76.

Tel que le conseille Jean de la Croix, la métaphore du « château intérieur » à laquelle a recourt Thérèse d’Avila tout au long de son livre est peuplée de contradictions, permettant à la mystique de « déverser » et « répand[re] » le sens de son expérience. Ainsi, le château intérieur est fait de plusieurs pièces, mais il est également « un » comme l’âme qu’il est censé représenter ; tout le texte de la mystique tente d’enseigner à ses sœurs comment y entrer, alors qu’elles y sont déjà77 ; son centre intérieur, son cœur, est aussi son ouverture vers l’extérieur puisqu’il est accès, point de fuite vers l’être transcendantal ; huis clos où l’on se détourne des choses corporelles afin de se concentrer sur l’âme, il est dans son point culminant, expérience corporelle. Le château n’est donc pas représentable, il est un interstice, un entre-deux qui crée le mouvement, qui fait avancer le discours, qui permet au sens de continuellement se produire de par son manque de fixité. C’est ce même mouvement qui semble nécessaire à Bataille, tel qu’il le revendique dans sa réponse à l’article polémique de Sartre :

Ce que dans L’expérience intérieure j’essayai de décrire est ce mouvement qui, perdant toute possibilité d’arrêt tombe facilement sous le coup d’une critique qui croit l’arrêter du dehors puisque la critique, elle, n’est pas prise dans le mouvement. Ma chute vertigineuse et la différence qu’elle introduit dans l’esprit peuvent n’être pas saisies par qui n’en fait pas l’épreuve en lui-même : dès lors on peut, comme Sartre l’a fait, successivement me reprocher d’aboutir à Dieu, d’aboutir au vide ! Ces reproches contradictoires appuient mon affirmation : je n’aboutis jamais78.

          Ainsi, s’il est clair que Bataille n’est pas chrétien, son statut de « mystique » semble beaucoup plus ambigu. Tout en étant nourri par leurs écrits, il affirme lui-même que sa « philosophie est le contraire d’une mystique79 ». Mais ici encore, nous sommes devant un flou définitionnel, puisque Bataille n’est pas philosophe, et l’on ne sait pas alors à quoi s’oppose exactement le terme « mystique ». Ce qu’on peut toutefois savoir, c’est que Bataille cherche une écriture où est remis en question ce mouvement vers un savoir qui bercerait l’homme de l’illusion de son achèvement. En ce sens, Bataille écrit son œuvre dans la même langue que les mystiques : langue parlée, écoutée, énonciation qui dissout les valeurs de vérité ou de sens comme chose saisie, arrêtée ; pratique qui ouvre le langage à sa matérialité, le mot à la question du sens, l’être qui écrit à celui qui le lit, fil tissé autour de l’être ensemble, place vide où faire exister l’éternelle tension vers l’autre qui travaille sans cesse le langage.

Bibliographie

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Michel Surya, Georges Bataille, la mort à l’œuvre, Paris, Gallimard, 2012.

Notes

1 Du moins après avoir découvert Nietzsche en 1923 (Michel Surya, Georges Bataille, la mort à l’œuvre, Paris, Gallimard, 2012, p. 71. L’ouvrage sera abrégé de la sorte : Surya.) Retour au texte

2 Georges Bataille, Œuvres complètes VI, Paris, Gallimard, 1973, p. 358. L’ouvrage sera abrégé de la sorte : OCVI. Retour au texte

3 Madeleine Chapsal, Quinze écrivains : entretiens, Paris, R. Julliard, 1963, p. 19. Retour au texte

4 Émission d’André Gillois du 20 mai 1951 où Bataille s’entretient avec Emmanuel Berl, Maurice Clavel, Catherine Gris, Jean Guyot, le Dr Martin et Jean-Pierre Morphé, disponible sur : https://www.pileface.com/sollers/spip.php?article359#section3 Retour au texte

5 Georges Bataille, Œuvres complètes V, Gallimard, 1973, p. 15. L’ouvrage sera abrégé de la sorte : OCV. Bien qu’il affirme ne pas aimer ce mot, Bataille ne l’exclut pas tout à fait de sa définition, et y aura recours à de nombreuses reprises par la suite, voir par exemple OCV, p. 255 ou OCVI, p. 61. Retour au texte

6 Comme l’affirme à de nombreuses reprises Michel Surya : « Bataille se découvre simultanément mystique et antichrétien. Ou tout au moins (car son antichristianisme est vieux déjà de quinze ans) a-t-il le soin, puisqu’il se dit mystique (et pourquoi ce mot n’aurait-il pas un sens nouveau ? Un sens d’homme sans Dieu), de se réaffirmer violemment antichrétien […]. », Surya, p. 317. Retour au texte

7 Non seulement la phrase qui clôt la section portant sur la forme semble laisser entendre qu’elle est secondaire (« Mais la forme n’est pas tout : voyons le contenu. », Jean-Paul Sartre, Situations, I, Paris, Gallimard, 2010, p. 181), mais c’est surtout que Sartre ne consacre que 8 pages à cette partie, comparativement à 23 pour l’autre. Retour au texte

8 Tel que le laisse deviner cette phrase : « Certains […] tenteront d’économiser les mots et le temps, de resserrer au moyen d’ellipses nombreuses le développement abondant et fleuri qui est le propre de cette langue. Mais alors, que d’obscurité ! Tout est recouvert d’un vernis agaçant, dont le miroitement cache les idées. », Jean-Paul Sartre, Situations, I, Paris, Gallimard, 2010, p. 173. Retour au texte

9 Francis Marmande, Georges Bataille politique, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1985, p.112 Retour au texte

10 Ibid. Retour au texte

11 OCVI, p. 195. Retour au texte

12 Ibid. Retour au texte

13 Ibid., p. 357. Retour au texte

14 Ibid., p. 358. Retour au texte

15 Voir « L’Expérience seule autorité, seule valeur », OCV, p. 18, ou encore : Surya, p. 351. Retour au texte

16 Michel de Certeau, La Fable mystique : xvie-xviie siècle, t. I, Paris, Gallimard, 1987, p. 216. L’ouvrage sera abrégé de la sorte : FM, I. Retour au texte

17 FM, I, p. 219. Retour au texte

18 Ibid., p. 217. Retour au texte

19 Ibid., p. 217. Retour au texte

20 « Ah, qui me guérira ! / Achève enfin d’entièrement t’offrir, / ne me dépêche pas / d’envoyés pour me dire / ce qui ne peut répondre à mon désir », Jean de la Croix, Œuvres, Paris, Gallimard, 2012, p. 698. L’ouvrage sera abrégé de la sorte : JC. Retour au texte

21 FM, I, p. 219. Retour au texte

22 « Le débutant a besoin de conseils pour discerner ce qui lui est le plus profitable. Pour cela un maître lui est très nécessaire, s’il est expérimenté ; s’il ne l’est pas, il peut commettre bien des erreurs et conduire une âme sans la comprendre ni lui permettre de se comprendre elle-même […]. », Thérèse d’Avila, Œuvres, Paris, Gallimard, 2012, p. 80. L’ouvrage sera abrégé de la sorte : TA. Retour au texte

23 « J’appris qu’on lui disait de se méfier de moi, de peur d’être abusé par le démon en croyant quoi que ce fût de ce que je lui disais […]. Tout ce ceci m’angoissait. Je craignais de n’avoir plus personne à qui me confesser et de voir tous me fuir. Je ne faisais que pleurer. Ce fut une providence de Dieu qu’il voulût continuer à m’entendre », TA, p. 188. Retour au texte

24 « Il y a, en effet, des confesseurs et des Pères spirituels qui n'ont point la lumière nécessaire ni l'expérience de ces voies ; […] ils ressemblent aux bâtisseurs de Babel qui, au lieu de fournir des matériaux convenables, en apportaient d'autres tout différents, parce qu'ils ne comprenaient plus le langage qu'on leur parlait ; aussi l'édifice ne s'élevait pas. C’est une chose rude et pénible qu’une âme […] ne trouve personne qui l’entende. », Jean de la Croix, « La montée du carmel », Œuvres complètes, Desclée de Brouwer, 1967, prologue. Retour au texte

25 OCV, p. 265. Retour au texte

26 Angèle de Foligno, Jouir de Dieu en Dieu, Paris, Éditions Points, 2012, p. 40. L’ouvrage sera abrégé de la sorte : AF. Retour au texte

27 OCV, p. 139. Retour au texte

28 Ibid., p. 75. Retour au texte

29 Voir « La lecture absolue » dans Michel de Certeau, La Fable mystique : xvie-xviie siècle, t. II, Paris, Gallimard, 2013, p. 197. L’ouvrage sera abrégé de la sorte : FM, II. Retour au texte

30 Ibid., p. 197. Retour au texte

31 TA, p. 20. Retour au texte

32 Ibid., p. 21. Retour au texte

33 Ibid. Retour au texte

34 Ibid. Retour au texte

35 FM, II, p. 206. Retour au texte

36 Ibid. p. 207. Retour au texte

37 « J’écris pour annuler un jeu d’opérations subordonnées (c’est, somme toute, superflu). », OCV, p. 222. Retour au texte

38 Ibid. Retour au texte

39 Ibid, p. 227. Retour au texte

40 Ces indices linguistiques spécifiques que sont les déictiques « délimitent l’instance spatiale et temporelle coextensive et contemporaine de la présente instance de discours » (Émile Benveniste, Problèmes de linguistique générale, I, Paris, Gallimard, 1966, p. 253). De même, à « chaque fois qu’un locuteur emploie la forme grammaticale de “présent” (ou son équivalent), il situe l’événement comme contemporain de l’instance du discours qui le mentionne ». (Émile Benveniste, Problèmes de linguistique générale, II, Paris, Gallimard, 1974, p. 73). Retour au texte

41 OCV, p. 9. Retour au texte

42 Ibid., p. 11. Retour au texte

43 On peut alors voir ce parallèle entre le livre et le sujet bataillien lui-même, qui voudrait que leur ouverture à l’autre soit à la mesure de leur inachèvement. Retour au texte

44 FM, I, p. 226. Concernant la position du corps chez Bataille voir OCV, p. 47 et p. 273. Retour au texte

45 Ibid., p. 227. Retour au texte

46 OCV, p. 10. Retour au texte

47 Ibid., p. 332. Retour au texte

48 « À la vérité, ce n’est pas dans toutes les demeures que vous pourrez entrer par vos propres forces, même si elles vous paraissent grandes, et seul le Seigneur du château pourra vous y faire entrer. C’est pourquoi, je vous en avertis, il ne faut pas avoir recours à la force si vous trouvez quelque résistance, car vous le fâcheriez tant, qu’il ne vous laisserait plus jamais entrer. », Ibid., p. 687. Retour au texte

49 Jean de la Croix, « La montée du carmel », Œuvres complètes, Paris, Desclée de Brouwer, 1967, prologue. Retour au texte

50 FM, I, p. 229. Retour au texte

51 OCV, p. 21. Retour au texte

52 Ibid., p. 111. Retour au texte

53 Voir Gérard Dessons, L’Art et la Manière – art, littérature, langage, Paris, Honoré Champion, 2004, p. 172. L’ouvrage sera abrégé de la sorte : AM. Retour au texte

54 Henri Meschonnic, Critique du rythme. Anthropologie historique du langage, Lagrasse, Verdier, 1982, p. 86. Retour au texte

55 OCV, p. 39. Retour au texte

56 « C’est l’inachèvement, la blessure, la misère et non l’achèvement qui sont la condition de la “communication” », OCV, p. 512 ; voir aussi p. 262. Retour au texte

57 OCV, p. 74. Retour au texte

58 Ibid., p. 266. Retour au texte

59 FM, II, p. 229. Retour au texte

60 Ibid., p. 229. Retour au texte

61 OCV, p. 48. Retour au texte

62 FM, II, p. 226. Pour d’autres exemples chez Bataille, voir OCV, p. 62, p. 69, p. 92. Retour au texte

63 OCV, p. 63. Retour au texte

64 « Mais où t’es-tu caché / me laissant gémissante mon ami ? / Après m’avoir blessé / tel le cerf tu as fui, / sortant j’ai crié, tu étais parti », JC, p. 696. Retour au texte

65 « Dans une nuit obscure, / par un désir d’amour tout embrasée / Oh ! l’heureuse aventure ! / Je sortis sans être vue », JC, p. 868. Retour au texte

66 OCV, p. 26. Retour au texte

67 Voir « Le mensonge, ou la fonction du dire », FM, I, p. 240. Retour au texte

68 Angèle de Foligno, Le Livre des visions et Instructions, Paris, Librairie Poussielgue Frères, 1868, p. 36-38. Retour au texte

69 OCV, p. 196. Retour au texte

70 FM, I, p. 241. Retour au texte

71 OCV, p. 219. Retour au texte

72 Voir la définition donnée en première page de l’article. On peut observer la même difficulté terminologique chez Thérèse d’Avila : « [I]l arrive souvent, […] qu’est frappé un coup provenant d’ailleurs (on ne comprend ni d’où ni comment), comme si on était frappé d’une flèche de feu. Je ne veux pas dire que c’est une flèche, mais, quoi que ce soit, on voit clairement que cela ne peut venir naturellement de nous. Et même si je dis “coup”, ce n’est pas non plus un coup, mais la blessure est bien plus aiguë. », TA, p. 658-659. Retour au texte

73 AM, p. 306. Retour au texte

74 OCV, p. 27. Retour au texte

75 Émile Benveniste, Problèmes de linguistique générale, II, Paris, Gallimard, 1974, p. 21. Retour au texte

76 JC, p. 693. Retour au texte

77 « J’ai l’air de dire une sottise, parce que si ce château est l’âme, il est clair qu’elle n’a pas besoin d’y entrer puisqu’elle est elle-même ce château. » TA, p. 523. Retour au texte

78 OCVI, p. 199. Retour au texte

79 Émission d’André Gillois du 20 mai 1951 où Bataille s’entretient avec Emmanuel Berl, Maurice Clavel, Catherine Gris, Jean Guyot, le Dr Martin et Jean-Pierre Morphé, disponible sur : https://www.pileface.com/sollers/spip.php?article359#section3 Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Marianne Godard, « La place vide : l’expérience intérieure et l’expérience mystique comparées », Nouveaux cahiers de Marge [En ligne], 4 | 2021, mis en ligne le 01 décembre 2021, consulté le 20 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/marge/index.php?id=378

Auteur

Marianne Godard

Université McGill

Droits d'auteur

CC BY-NC-SA