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Attribution de la nationalité française d’origine : appréciation de la nationalité des parents

Bastien Baret


1La cour d’appel de Lyon est confrontée à un contentieux important en droit de la nationalité (v. par exemple l’arrêt commenté dans cette revue par A. Camuzat). L’arrêt sous étude permet de rappeler certaines règles classiques de la matière. Dans cette affaire, il est question de la nationalité française d’un enfant né en France en 2009, d’une mère togolaise devenue française par décret en 2014, soit postérieurement à la naissance de l’enfant. Avant sa naissance, l’enfant a été reconnu par un homme de nationalité française, ce qui a entraîné la délivrance d’un certificat de nationalité française. Toutefois, en 2013, le tribunal de grande instance de Lyon a annulé cette reconnaissance et établit la filiation de l’enfant à l’égard d’un autre homme. Ce dernier, de nationalité togolaise, a acquis la nationalité française par décret en 2010.

2En 2016, suite au refus d’accorder à l’enfant un nouveau certificat de nationalité française, la mère a agi en qualité de représentante de son enfant pour obtenir du tribunal de grande instance l’annulation de la décision de refus de délivrance, et l’obtention d’un tel certificat. En 2018, les juges du fond ont considéré que l’enfant était bel et bien de nationalité française du fait de sa filiation paternelle. La cour d’appel de Lyon n’est pas du même avis. Pour aboutir au refus de délivrance d’un certificat de nationalité française à l’enfant, elle écarte un à un les arguments soulevés par la mère, ce qui permet d’aborder différentes règles aptes à être mises en œuvre en droit de la nationalité.

3Tout d’abord, la cour d’appel rappelle le régime probatoire de la matière en présence d’un certificat de nationalité. Si, par principe, la charge de la preuve en matière de nationalité pèse sur l’intéressé (art. 30 du Code civil), cette charge est renversée en présence d’un certificat de nationalité. Toutefois, en l’espèce, le ministère public a prouvé que le certificat avait été délivré à tort à l’intéressé : la filiation paternelle étant mensongère, le certificat est dépourvu de force probante. On revient alors au cadre classique, c’est à l’intéressé, et ici plus spécifiquement sa mère, de rapporter la preuve de la nationalité française.

4Ensuite, s’intéressant au fond, la cour d’appel rappelle un principe important : pour les questions d’attribution de la nationalité française d’origine, la nationalité des parents prise en compte est celle dont ils disposent au moment de la naissance de l’enfant. Ainsi, dans le cadre de l’application de l’article 18 du Code civil, qui prévoit qu’« est français l’enfant dont l’un des parents au moins français », la nationalité française des parents est appréciée au moment de la naissance de l’enfant. En l’espèce, au moment de la naissance de l’enfant, sa mère n’avait pas acquis la nationalité française. Au sujet de son père, le changement de la paternité au cours de la minorité de l’enfant n’impacte pas l’application de cette règle. En effet, le lien de filiation établi au cours de la minorité de l’enfant peut avoir des conséquences en matière de nationalité (ce qui n’est pas le cas si l’enfant est majeur, en application de l’article 20-1 du Code civil). S’il produit des effets rétroactivement au jour de la naissance de l’enfant, cela ne signifie pas qu’au moment de cette naissance le père était français. Lorsque le tribunal a établi le lien de filiation le père était français, mais au moment de la naissance de l’enfant il ne l’était pas encore. Or c’est ce moment qui est pris en compte dans le cadre de l’article 18. De ce fait, au moment de sa naissance, aucun des parents de l’intéressé n’avait la nationalité française. L’article 18 ne peut donc pas lui être appliqué.

5Enfin, les deux parents de l’intéressé sont devenus Français par décret. La mère invoque alors l’effet collectif des décrets de naturalisation, prévu selon elle aux articles 22-1 et 21-22 du Code civil. Il faut en réalité distinguer ces deux articles. L’effet collectif est prévu à l’article 22-1, qui dispose que « l’enfant mineur dont l’un des deux parents acquiert la nationalité française, devient français de plein droit s’il a la même résidence habituelle que ce parent », mais précise également que cette règle n’est applicable aux enfants dont les parents sont devenus français par déclaration ou décision de l’autorité publique que si leur nom est mentionné dans la déclaration ou le décret. En l’espèce, cet effet collectif pourrait jouer puisque l’intéressé est un enfant mineur qui réside avec ses parents ayant chacun acquis la nationalité française par décret. Cependant, son nom n’apparaît dans aucun des deux décrets. Il est d’ailleurs relevé de manière assez ironique par la cour d’appel que cette absence est « logique » puisque la mère avait indiqué de manière erronée dans son dossier de naturalisation que l’intéressé avait déjà la nationalité française.

6La mère de l’enfant s’intéresse également à l’article 21-22. Cependant, cet article ne concerne pas l’effet collectif suite à l’obtention par un parent de la nationalité française, mais est une dérogation relative à l’âge requis pour demander une naturalisation. Une telle demande n’est pas effectuée dans notre affaire, ce qui rend la mobilisation de cet article inopérante.

7La mère de l’intéressé ne trouve aucun fondement qui entraîne la délivrance d’un certificat de nationalité française. Il lui faudra alors sans doute passer par la procédure de naturalisation, avec la dérogation prévue à l’article 21-22 du Code civil. Cet arrêt rappelle l’importance du moment de l’appréciation de la nationalité des parents dans le cadre de l’attribution de la nationalité française. Il illustre également la possibilité de voir les événements s’enchaîner de manière inopportune pour les individus : si la remise en cause de la nationalité française de l’intéressé était intervenue avant la naturalisation de ses parents, son nom aurait pu figurer sur les décrets, ce qui lui aurait permis d’obtenir la nationalité française. Il est malgré tout rassurant de constater que cette temporalité « malheureuse » (les circonstances relatives à la fausse reconnaissance réalisée par le « premier père » ne sont pas connues) est couverte par les règles du droit de la nationalité, puisque même si la procédure est différente, l’intéressé pourra demander l’obtention de la nationalité française sur un autre fondement (par naturalisation). La procédure sera plus contraignante, pour limiter les risques de fraude, mais elle n’est pas absente.

Arrêt commenté :
CA Lyon, 2e ch. 1, 21 juillet 2020, n° 18/09008, JurisData n° 2020-011304



Citer ce document


Bastien Baret, «Attribution de la nationalité française d’origine : appréciation de la nationalité des parents», BACALy [En ligne], n°16, Publié le : 01/03/2021,URL : http://publications-prairial.fr/bacaly/index.php?id=2648.

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À propos de l'auteur Bastien Baret

Doctorant, équipe de recherche Louis Josserand, université Jean Moulin Lyon 3


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