Éditer pour elle ? Le journal d’une servante

  • To Edit for Her? The Diary of a Servant Girl

DOI : 10.35562/agastya.218

Abstracts

Shano, une jeune servante adolescente vivant dans une métropole indienne contemporaine, écrit son journal. Elle y décrit les étapes de son passage à l’âge adulte : la mort de son père, le désir, une sexualité naissante, mais aussi ses relations avec ses employeurs et sa découverte de l’écriture. Elle s’étonne de la façon dont son expression s’améliore et de ce que l’introspection lui apporte. Alors que sa situation semble s’améliorer — elle s’installe chez les employeurs qui l’ont aidée et initiée à l’écriture —, elle renonce finalement à changer de destin et de classe sociale. Avant de partir, elle leur confie son journal, qui constitue l’intégralité du roman. Les pages présentées sont les quatre premières, correspondant aux tout débuts de l’écriture de Shano ; le texte reste de ce fait relativement accessible. Il sera suffisamment lisible pour des apprenants d’hindi de niveau « continuant ». Les difficultés majeures sont traduites et il y a des notes qui élucident des aspects sociologiques et sémantiques.

Shano, an adolescent servant living in a contemporary Indian metropolis keeps a journal describing her path to adulthood: her father’s death, her growing desires and newfound sexuality, but also her relationships with her employers and her discovery of writing. She is surprised to see how her capacity for expression expands and how much self‑reflection brings her. Her social situation seems to improve when she moves in with the employers who helped her discover writing—but then she gives up, deciding against the attempt to change her destiny and social class. Before leaving, she gives them her journal, which makes up the whole of the novel. The pages presented here are the first four which represent Shano’s first attempts at writing, so the level of the text is relatively accessible. It should be sufficiently readable for hindi learners having completed 3 years of study; the major difficulties are resolved by the translation and accompanying notes.

Outline

Editor's notes

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Text

Présentation du livre et du projet de traduction

Le texte que nous proposons appartient à l’Inde contemporaine. Son espace est celui des grandes villes de l’Inde, son objet est leur critique sociale. La narratrice est une jeune fille indienne pauvre, mais fascinée par la modernité autant que par son inaccessibilité, par la possibilité ou non d’échapper à son contexte social. Le texte traduit n’étant pas encore paru en français il nous a semblé intéressant d’en mettre cette petite partie à la disposition du public.

Le texte original est issu d’un roman de Krishna Baldev Vaid, romancier, dramaturge et traducteur reconnu comme un classique contemporain de la littérature hindiphone. K. B. Vaid est né en 1927 à Dinga, dans ce qui allait devenir le Pakistan. Il a franchi la ligne de partition avec sa famille à 20 ans (Montaut, 2004, 2016 ; Castaing, 2016). Il a étudié à l’Université du Penjab puis d’Harvard. Il a enseigné en Inde et aux États‑Unis. Mort en 2020, il était reconnu pour son usage original et brillant d’une langue à laquelle il parvient à donner l’apparence de la simplicité, et pour son approche radicalement iconoclaste des problèmes de la société, du nationalisme, et des familles indiennes. Sa langue en effet est lisible pour un débutant en hindi : les mots ne sont pas excessivement sanskritisé, les phrases sont souvent courtes. C’est — pour un apprenant d’hindi — avec un œil plus attentif que l’on remarque comment une phrase se fond dans l’autre, comment les sujets parfois changent, ou la profondeur d’un mot choisi.

Shano, la narratrice du Journal d’une servante (एक नौकरनी की डायरी, K. B. Vaid, 2000), dont des extraits sont ici proposés en traduction, est une jeune fille intelligente et dynamique, fille d’un alcoolique mourant et d’une domestique, et domestique, ou femme de ménage elle‑même depuis qu’elle a quitté le collège. Elle sait lire et écrire, ce qui intrigue autour d’elle. Elle subit la violence sociale, parfois sexuelle, de ses employeurs et de leurs familles. L’une de ses employeurs, madame Varma, une femme âgée divorcée, lui offre un cahier, et lui dit d’écrire son journal, ses idées, ce qui lui passe par la tête. Progressivement, et à mesure qu’elle s’habitue à écrire, le regard de Shano change, elle prend davantage conscience de son intelligence, de sa position sociale, de ses envies, de ses désirs d’adolescente puis de jeune femme. Son style s’affine, le vocabulaire se diversifie. Un second personnage, appelé le Journaliste, et dans lequel le lecteur peut être tenté de chercher K. B. Vaid lui‑même, lui permet de trouver le temps d’écrire et d’améliorer son ordinaire. Une romance se tisse, dans laquelle Shano joue l’entremetteuse, entre le Journaliste et Madame Varma. Sa personnalité qui s’affirme lui vaut les railleries de ses amies et des filles du bidonville où elle vit.

Son frère, lui, suit la trajectoire la plus classique des travailleurs issus des classes populaires, alternant entre travail, alcoolisme, périodes de disparition. Il vient réparer le toit qui fuit dans la cahute de leur mère, dans le bidonville. Mais il profite de l’occasion pour voler l’argent économisé patiemment par les travailleuses de la maison, en particulier pour le mariage de Shano. Le personnage fait penser à l’homme décrit brillamment par Aman Sethi dans A Free Man, non traduit (2011, « Un homme libre »).

K. B. Vaid s’attache à décrire sans concessions la réalité des classes populaires. Dans le renoncement de Shano à la fin du Journal d’une servante, on retrouve une absence d’explication, un silence sur l’impossibilité de rejoindre les classes bourgeoises et leur monde, et un enracinement de la culture de la pauvreté, d’où l’on ne s’extrait pas par simple volonté. La lecture procure un choc comparable à celui que l’on ressent à la première lecture de Kafan de Premchand (2018, « Le suaire »), en ce qu’il faut passer au‑delà des questions morales, et particulièrement des questions morales issues des classes bourgeoises, pour essayer de comprendre les trajectoires des personnages (Nagar, 2019). Cette trajectoire se double d’une question insoluble. C’est peut‑être l’histoire de Shano que le lecteur a entre les mains. Mais peut‑être son histoire a‑t‑elle été éditée par le Journaliste et madame Varma, à qui Shano a donné tous ses cahiers. L’ont‑ils alors publié telle‑quelle ? Se sont‑ils donnés un meilleur rôle ? Y a‑t‑il autre chose qui échappe au lecteur ? Est‑ce plus ou moins qu’un roman ? Quelle part de réel contient‑il si la voix de la narratrice est relue, filtrée ? La possibilité pour une femme subalterne d’écrire son histoire à elle reste soumise au bon vouloir d’une bourgeoisie dont le propre est de croire qu’elle est la seule à en avoir une — on ne sort pas de la question posée par Gayatri C. Spivak (2011 [1988]) quand elle se demande sous quelles conditions, si elle le peut, la parole des dominées peut être entendue.

La traduction de Damien Carrière est relue par Manmeet Singh1. C’est ce dernier qui a fait le choix de l’extrait. Pour le premier, la traduction part d’une longue fréquentation du texte — il s’agit du premier roman en hindi que le traducteur a lu intégralement, et qu’il a commencé à traduire dans le cadre de son propre apprentissage de la langue.

Ce roman l’a intéressé d’autant plus que sa thèse devait à l’origine porter sur l’esclavage moderne et le rôle de ces jeunes femmes que l’on appelle des maid servants dans les quartiers riches de Delhi2. La préparation de ce terrain a inclus la rencontre d’associations organisant les servantes. L’une d’elle, qui tenait à la fois du syndicat de quartier et de l’association d’entraide lui a affirmée avoir reçu la visite de K. B. Vaid en personne alors qu’il préparait son roman — sans qu’il ne soit jamais possible de vérifier cette information. Finalement, son directeur de thèse a eu la sagesse de lui faire remarquer que ce travail était sans doute condamné d’avance au « suicide méthodologique » : allait‑il pouvoir trouver des domestiques qui accepteraient de parler, suffisamment librement, à un homme, qui plus est blanc, et par surcroît identifié par elles à la classe bourgeoise ? Les questions d’interprétation, de positionnalité3, se posaient en obstacle au projet, au risque de plaquer un récit de plus, le sien, sur l’expression d’une classe socio‑professionnelle déjà largement l’objet de discours qui parlent pour elle, à sa place, mais sans elle.

Le travail de Raka Ray et Seemin Qayum, Cultures of Servitudes (2009), souffre d’ailleurs également, mais dans une mesure bien moindre, de ce problème de positionnalité. Ray et Qayum ont pu interroger les travailleuses, et montrer comment le métier s’est transformé avec la libéralisation économique de l’Inde. Le travail des classes ancillaires était encore largement dominé jusque dans les années 1990‑2000 par le régime d’attente réciproque du féodalisme contemporain. En échange de leur loyauté et malgré des salaires de misères, les travailleuses, et occasionnellement les travailleurs, pouvait espérer une aide en retour, par exemple au moment du grand âge, une place pour les enfants, ou une aide ponctuelle pour faire face à la maladie ou aux exigences financières des mariages indiens. Ce n’est plus le cas dans l’économie plus fragmentée de l’ère libérale. Les contrats peuvent être rompus, des commentaires déposés auprès des agences qui empêcheront toutes embauches futures. Au final, le coût de la reproduction de la force de travail est intégralement porté par les employées qui ne reçoivent plus ces aides, et à qui on reproche par surcroît leur manque de loyauté ou leur trop grande propension à changer de place.

Aucune date ne vient ancrer le roman dans une période définie de l’histoire nationale. Aucun élément géographique précis ne permet de situer l’espace de Shano. Son histoire n’est jamais reliée à l’histoire nationale, ni à la ville de Delhi. Cette absence de détail universalise l’histoire de la servante. Son bidonville est un bidonville standard, celui que l’on imagine. Le quartier riche est un quartier riche, semblable à tous les quartiers riches. La mousson est toutes les moussons. Pourtant l’histoire de Shano est située dans l’évolution des rapports de classes et de castes dans l’Inde de la libéralisation, entre la fin du xxe et le début du xxie siècle. Tous les changements sont perçus à travers le regard d’une Shano pour qui, privilège du jeune âge, tout est nouveau. Pourtant, elle mentionne régulièrement l’idée du changement, l’idée paradoxale d’être une servante moderne, maîtresse de son destin marital comme de sa fécondité, à défaut de maîtriser son parcours professionnel. D’autres éléments viennent situer le roman. C’est l’époque de la « révolution silencieuse » (Jaffrelot, 2003), et de la démocratisation relative de la société indienne, entre les années 1980 et les années 2000. Les castes « les moins avancées » exigent une participation aux processus démocratiques et au progrès social. Lolita, l’amie de Shano, incarne cette revendication d’appartenance à la sphère politique, encore moyennement comprise par ses collègues.

La dynamique de caste est peu explicite dans le roman. Pourtant, c’est aussi avec l’émergence des « classes moyennes » comme sujet politique (Fernandes, 2006), le moment où la discrimination de classe commence à prendre la forme des discriminations de castes. Au début du roman, Shano subtilise un tampon à la fille de l’une de ses employeuses. Une autre lui interdit d’utiliser sa salle de bain. En Inde, où le vocabulaire de l’hygiène recouvre souvent les discriminations de castes, interdire l’usage d’une salle de bain aux domestiques est fréquent, comme de leur interdire d’utiliser la même vaisselle. Shano propose au Journaliste de cuisiner pour lui, au‑delà du rôle de nettoyage qui lui était originellement proposé, ce qui transgresse sa place de caste. En effet, en nettoyant, une personne se souille, s’abaisse, quand faire la cuisine ou servir de la nourriture implique, traditionnellement, un statut d’origine au moins égal au sien4. Le renoncement au changement, la démission finale de Shano, c’est aussi l’impossibilité de changer son statut, de quitter ce qu’elle devient.

Extraits de Journal d’une servante (एक नौकरनी की डायरी, K. B. Vaid, 2000)

Nous proposons ici des extraits du roman originel en hindi, une traduction, ainsi que des notes contenant explications et approfondissements.

मां कहती है मालक लोग5 बहुत कमीने होते हैं, उनका कोई भरोसा नहीं, उन्हें हम लोगों से कोई हमदर्दी नहीं, उनकी बातों में कभी मत आना6 । मां लोगों के बरतन मलते‑मलते बूढ़ी हो गयी है । मुझे उस पर तरस आता है । गु़स्सा भी । गु़स्सा मुझे बापू पर ज़्यादा आता है । मां न होती तो हम मर गये होते । बापू समेत । …बापू बरसों से बीमार और बेकार है । मां कहती है बीमार तो अब हुआ, वह हरामख़ोर है, उसे बस पीने के लिए दारू मिलता रहे, उसे और किसी की क्‍या चिंता । अब तो बापू खा‑पी भी कुछ नहीं सकता । कोई चीज़ टिकती ही नहीं उसके अन्दर । जिगर जल गया है उसका । मां कहती है कल का मरता आज मरे । और फिर रोने बैठ जाती है । मुझे बापू पर तरस आता है । गु़स्सा भी । मुझे मां से डर लगता है । जब वह बापू को गालियां देने लगती है, तब मुझे उस पर गु़स्सा भी बहुत आता है । ग़ुस्सा मुझे अपने आप पर भी बहुत आता है । कभी‑कभी जी करता है डुकड़े कर दूं अपने । मां कहती है लड़कियों को इतना गुस्सा नहीं आना चाहिए । कहती है, मुझे देखो, मैंने कम दुख झेले हैं, तेरे बापू की बकवास सुनते‑सुनते और लोगों के बरतन मलते‑मलते बूढ़ी हो गई हूं ।

Maman dit que les patrons sont des gens méchants, qu’on ne peut pas leur faire confiance, qu’ils n’ont aucune compassion pour nous, qu’il ne faut jamais leur faire confiance. Maman s’est usée à frotter la vaisselle des autres, jour après jour, jusqu’à en vieillir7. Elle me fait de la peine. Et elle m’énerve. Mais je suis surtout en colère contre Bapu8. Si Maman n’était pas là, on serait mort, et Bapu aussi… Il est patraque et il se traîne depuis des lustres9. Maman dit qu’il est malade maintenant, mais qu’il n’a jamais été autre chose qu’une feignasse10, juste bon à ramener de la gnôle pour se saouler, et qu’il ne s’est jamais soucié de personne. Maintenant, Bapu ne peut plus ni boire ni manger. Rien ne lui reste dans l’estomac. Son foie est cramé11. Maman dit que s’il doit mourir demain de toute façon, autant qu’il meurt tout de suite. Et puis elle s’assoit et elle pleure. Bapu aussi me fait de la peine. Et il m’énerve. Maman me fait peur. Quand elle commence à insulter Bapu, ça m’énerve à fond. Mais je suis aussi en colère contre moi‑même. Des fois, je voudrais me découper en petits morceaux. Maman dit que les filles ne doivent pas se mettre dans des états pareils. Elle dit, regarde‑moi, est‑ce que j’ai moins souffert ? Je suis vieille à force d’entendre les conneries de ton père et de faire la vaisselle chez les gens.

मैं भी चाकरी करते‑करते12 बूढ़ी हो जाऊंगी । मां की तरह । मेरे बच्चे भी । मुझे भी कोई मिल जाएगा बापू जैसा बीमार और बेकार । यह मैं क्या सोच रही हूँ । मैं बच्चे नहीं जनूंगी, शादी नहीं करूंगी । मां कहती है, जनोगी कैसे नहीं, बच्चे जनना तो औरत का धरम है । मुझे नहीं चाहिए यह धरम‑करम । मां कहती है, तेरा दिमाग़ ख़राब हो गया है । हुआ नहीं तो हो जाएगा । मुझे यह काम छोड़ देना चाहिए । मुझे स्कूल नहीं छोड़ना चाहिए था । अब तक दसवीं पास कर ली होती । तो क्या होता । तो मैं दसवीं पास नौकरानी होती । अब आठवीं फ़ेल हूं । मैं भी बूढ़ी हो जाऊंगी, मां की तरह, बरतन मलते‑मलते । लेकिन मैं शादी नहीं करूंगी । बच्चे नहीं जनूंगी । मैं नये ज़माने की । नौकरानी । हंसी भी आती है, रुलायी भी ।

Moi aussi, je me tuerai à la tâche pour d’autres gens13. Comme Maman. Et mes enfants après moi. Moi aussi, je serai mariée à quelqu’un qui sera comme papa, un souffreteux feignant. Mais qu’est‑ce‑que je raconte ? Je n’aurai pas d’enfants et je ne me marierai pas. Maman dit : « Comment ça, tu n’auras pas d’enfants ? Faire des enfants, c’est le devoir des femmes ». Je ne veux pas de ce destin‑là14. Elle répond qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans ma tête. Et que si je ne suis pas déjà folle, je ne vais pas tarder à l’être. Il faudrait que je change de métier. Je n’aurais pas dû arrêter l’école. Si j’avais continué, j’aurais eu le brevet15. Et alors quoi ? Je serais une domestique brevetée ! Là, j’ai raté l’examen de cinquième. Moi aussi, je ferai la vaisselle toute ma vie, comme Maman. Mais moi, je ne me marierai pas. Je n’aurai pas d’enfant. Je suis moderne. Une servante moderne. C’est à la fois drôle et triste à pleurer.

***

आज डस्टिंग कर रही थी कि मोटी मेम ने फिर टोकना शुरू कर दिया । बोली, इतना जो़र कहां से आ जाता है तुम लोगों में, क्या खाती हो, सब तोड़‑फोड़ डालोगी ? कितनी बार समझाया है, आराम से किया करो सब काम । पटाख़‑पटाख़ करती रहती है । इतना क़ीमती सामान। पता नहीं दिमाग़ है कि भूसा ।

Je faisais la poussière quand la Grosse16 a commencé à me houspiller17 : « D’où est‑ce que vous sortez une énergie pareille vous autres18 ? Qu’est‑ce que vous bouffez pour tout casser comme ça ? Combien de fois il faudra que je te dise de faire les choses doucement ? Tu cognes tout. Des meubles qui m’ont coûté si cher ! T’es bête à bouffer du foin ! »

मोटी बहुत बकती है । मन करता है मनमन की गालियां दूं। मन‑ही‑मन देती रहती हूं। मन करता है किसी दिन झाड़न उसके मुंह पर दे मारूं। मां कहती है, बकती है तो बकने दे, तू चुपचाप काम करती रह, जिस दिन कोई और घर मिल जाएगा तो छोड़ देना । मां कहती है, सब मालकिनें बकती हैं । कोई कम, कोई ज़्यादा । कोई मन ही मन, कोई मुंह से । मां ठीक ही कहती है । उननीस‑बीस का फ़रक हो तो हो । सब परले दरजे की शक्की और कंजूस । मालक सब बदमाश, हबसी । लेकिन यह मोटी तो बहुत ही ज़्यादा बकती है । जब कभी बीमार पड़ जाती है, मैं बहुत ख़ुश होती हूँ ।लेकिन वह पलंग पर पड़ी‑पड़ी भी बकती रहती है । मुझे उसके आदमी पर तरस आता है । वह बेचारा बहुत दब्बू है । पतला पतंग । मैंने देखा है मोटियों के घरवाले अक्सर पतले होते हैं, पतलियों के अक्सर मोटे । पता नहीं क्यों । मां कहती है यह क़ुदरत का खेल है । मुझे तो यह कुदरत का मज़ाक़ ही लगता है । पतले अक्सर दब्बू होते हैं, मोटे अक्सर दबंग। मोटियां भी ।

La Grosse me harcèle tout le temps. J’aimerais lui balancer des insultes par kilos entiers. Et je les déverse dans ma tête19. Je voudrais lui jeter ma serpillière à la gueule, un jour… Maman dit qu’il faut la laisser râler, mais que je dois bosser et fermer ma gueule, et que je pourrai partir le jour où je trouverai une autre maison, je pourrai quitter celle‑là. Maman dit que toutes les bourgeoises râlent de toute façon. Certaines plus que d’autres. Dans leurs têtes, ou à voix haute. Maman a raison. Elles sont toutes pareilles, des sales avares suspicieuses. Et leurs maris sont pires, des sales types, des nègres20. Mais la Grosse me harcèle vraiment trop. Je suis bien contente quand elle tombe malade. Mais même allongée, elle râle depuis son lit. Je plains son mari. C’est un petit soumis. Il est fin comme un cerf‑volant. J’ai remarqué que les maris des grosses sont souvent des petits maigres, et que ceux des maigrichonnes sont souvent gros. Je ne sais pas pourquoi. Maman dit que c’est le jeu de la nature. Il me semble que c’est plutôt sa blague. Les maigres sont souvent des dégonflés, et les gros des brutes. Les grosses aussi.

मोटी मुझसे जलती है । जानती है, मैं उससे ज़्यादा सुन्दर हूँ । उसका घरवाला भी जानता होगा । बेचारा । सब मालकिनें नौजवान नौकरानियों से जलती हैं । उन्हें अपनी सौत समझती हैं । उन्हें डर लगा रहता है, वह उनके घरवालों को पटा लेंगी । मां कहती है, कुछ नौकरानियां पटा भी लेती होंगी । वह कहती है, मालकों से बच कर रहना चाहिए । मालकों के बेटों से भी । मां ने पता नहीं क्या‑क्या देखा है, क्या‑क्या भोगा है । उसकी बातों से लगता है, बहुत कुछ | शायद सब कुछ । मुझे पता नहीं क्या‑क्या भोगना पड़ेगा । एक दिन मोटी का गुसलखाना साफ़ कर रही थी कि उसका घरवाला दरवाजा धकेल कर अन्दर आ गया । उस बेचारे को पता नहीं होगा । मैं अन्दर थी । मुझे देखते ही वह पीछे हट गया । मैंने दरवाज़ा फिर उड़का दिया क्योंकि मोटी कहती है गु़सलखाने के छींटे बाहर न उड़ें । मोटी ने उस बेचारे को रगड़ना शुरू कर दिया था | ऊंची‑ऊंची आवाज़ में । शर्म तो नहीं आती ! क्या देखने गये थे अन्दर ! वह मुश्टन्डी भी बेहया, तुम भी । बस‑बस, मुझे सब मालूम है । मैं उस रंडी को निकाल दूंगी ।

La Grosse est jalouse. Elle sait que je suis plus jolie qu’elle. Son mari doit le savoir aussi. Le pauvre. Toutes les patronnes sont jalouses de leurs jeunes servantes. Elles nous voient comme des rivales. Elles ont peur qu’on séduise leurs maris. Maman dit que ça arrive. Et qu’il faut rester à l’écart des patrons. Et de leurs fils. Je ne sais pas ce que Maman a pu voir, ni ce par quoi elle a bien pu passer. D’après ce qu’elle dit, j’imagine qu’elle en a vu de belles. Peut‑être qu’elle a tout subi. Je ne sais pas à travers quoi je vais devoir passer aussi. Un jour, je nettoyais la salle de bain de la Grosse quand son mari est entré en poussant la porte. Le pauvre ne pouvait pas savoir que j’y étais. En me voyant, il s’est à moitié enfui. J’ai tiré la porte parce que la Grosse dit que les saletés de la salle de bain ne doivent pas en sortir. La Grosse a engueulé son pauvre bonhomme avec une voix suraiguë. « T’as pas honte ! Qu’est‑ce que t’es allé faire là‑dedans ? Elle est vicieuse et perverse, et toi aussi ! Ça suffit je sais tout. Je vais la virer cette pute ! »

वह बाहर बके जा रही थी, मैं गुसलखाने में खड़ी साफ़ सुन रही थी । मुझे सुनाने के लिए ही तो वह बक रही थी । मुझे गु़स्सा भी आ रहा था, मज़ा भी । मज़ों पता नहीं क्यों । मेरे बाहर आ जाने के बाद भी उसका मुंह बन्द नहीं हुआ । मुझे साब बेचारे पर तरस आ रहा था । और गु़स्सा भी । उसने मोटी के मुंह पर थप्पड़ क्यों नहीं मारा, उसे गाली क्यों नहीं दी । उस दिन जब ग़ुसलख़ाने के अन्दर आया तो शायद वह नहाने के लिए ही था लेकिन एक पल के लिए तो मैं भी यही समझी कि वह बुरी नियत से ही आया था । लेकिन नहीं । वह बेचारा तो मोटी से इतना डरता है कि आंख उठा कर देखता तक भी नहीं मुझे । जब वह बिदक कर पीछे हट बाहर निकल गया तो मुझे हंसी आ गई थी । अगर मोटी ने मुझे हंसते सुन लिया होता तो न जाने वह क्या करती । मुझे निकाल देने की धमकियां वह अक्सर देती रहती है । निकालती नहीं । निकालेगी नहीं, आजकल नौकरानियां आसानी से नहीं मिलतीं । और फिर मोटी का लड़का मेरी तरफ़दारी करता है । कहता है मैं साफ़ सुथरी हूं । काम अच्छा करती हूं। मोटी का लड़का भी मोटा है। मोटियों के बच्चे अक्सर मोटे होते हैं । बच्चे जन लेने के बाद अक्सर औरतें मोटी हो जाती हैं । मैं भी हो जाऊंगी – मोटी । मैं बच्चे जनूंगी ही नहीं, क्या फ़ायदा ? जिंदगी भर मोटियों के ग़सलखा़ने साफ़ करने पड़ेंगे। मोटी का गुसलखा़ना बहुत गन्दा होता है । जब वह नहा कर निकलती है तब तो और भी । पता नहीं कहां‑कहां से इतनी मैल निकाल कर छोड़ जाती हैं । मोटियों की मैल भी मोटी । हर तीसरे‑चौथे रोज़ तो शायद बालिसंफ़ा पाउडर लगाती है । उस से इतना भी नहीं होता कि बाल तो खुद बाहर फंक दे । कभी‑कभी तो मैं उन्हें नाली में ही घुसेड़ देती हूं । फिर जब नाली बन्द हो जाती है तो चिल्लाने लगती है । चिल्लाती रहे, मुझे क्या ।

Dehors elle gueulait encore21, et j’entendais tout depuis la salle de bain. Elle lui criait dessus pour que je l’entende aussi. Ça me mettait en colère, et ça me faisait rire. Je ne sais pas pourquoi mais ça me plaisait. Elle n’avait toujours pas fermé sa gueule quand je suis sortie. J’avais vraiment pitié de son petit mari soumis. Et je lui en voulais un peu. Pourquoi il ne la gifle pas ? Pourquoi il ne répond pas ? Le jour où il est entré dans la salle de bain c’était peut‑être vraiment pour se laver, mais l’espace d’un instant moi aussi j’ai cru qu’il venait avec de mauvaises intentions. Mais non. Le pauvre a tellement peur de la Grosse qu’il n’ose même pas lever les yeux sur moi. Quand il s’est enfui, j’ai failli pouffer de rire. Mais si la Grosse m’avait entendue, Dieu sait ce qu’elle aurait fait ! Elle menace souvent de me virer. Mais elle ne le fait pas. Elle ne le fera pas parce qu’aujourd’hui on ne retrouve pas une servante si facilement. Et aussi parce que son fils prend ma défense. Il dit que je suis propre. Et que je travaille bien. Le fils de la Grosse aussi est gros. Les enfants des gros sont souvent gros. Après avoir eu un enfant les femmes deviennent souvent grosses. Moi aussi, je vais grossir. Mais je n’aurai pas d’enfant, à quoi bon ? Si c’est pour passer sa vie à récurer les toilettes des grosses… D’ailleurs, sa salle de bain est toujours dégueulasse. Et encore plus après son passage. Je ne sais d’où peut sortir autant de crasse. La crasse des grosses est grasse. Tous les trois ou quatre jours, elle se met une poudre sur les cheveux. Après ça, elle n’est même pas capable de jeter elle‑même ses touffes de cheveux. Des fois, je les pousse dans l’évier. Après, elle crie quand c’est bouché. Crie donc, qu’est‑ce que ça peut me foutre ?

***

बंगालियों के घर में आज बहुत घमासान हुआ । बंगाली पूरे बंगाली नहीं, यहां रहते‑रंहते आधे हिन्दुस्तानी हो गये हैं । खिचड़ी भाषा बोलते हैं । झगड़े की वजह उनकी बड़ी लड़की झरना थी जो किसी मुसलमान के साथ फंसी हुई है । आज झरना की मां लक्षमी को पता नहीं कैसे इस बात का पता चल गया और उसने चीख़ना‑चिल्लाना शुरू कर दिया । साब ने बहुत समझाया कि शान्ती के सामने तमाशा मत करो लेकिन बंगालन पर तो जैसे दौरा ही पड़ गया । उस वक़्त झरना घर में नहीं थी, पिछली रात भर उसने कहीं बाहर ही बितायी थी । हो सकता है अपने मुसलमान के साथ ही । बंगालन बार‑बार बंगाली भाषा में एक ही फ़िक़रा दुहराए जा रही थी जो मैं साफ समझ तो नहीं सकी लेकिन मेरा अन्दाज़ा है कि वह यही दुहाई दे रही होगी कि झरना ने खानदान का नाम मिट्टी में मिला दिया । ऐसा ही कुछ होगा । झरना की छोटी बहन देवी ने भी मां को शान्त रहने के लिए बार‑बार कहा । शान्ती को तो जा लेने दो मां । लेकिन मां शान्त नहीं हुई । देवी और झरना को बंगाली कम आती है, हिन्दी ज़्यादा, इसलिए उनकी बातें मैं समझ लेती हूं । बंगालन चिल्ला ही रही थी कि झरना आ गई । उसे देखते ही बंगालन ने माथा पीटना शुरू कर दिया । मैं तो हैरान । मैं समझती थी कि बंगाली बहुत भले और भोले होते हैं । और यह सच है, कि उनके घर में कोई भी कभी मुझे झिड़कता नहीं ‑‑ आज मुझे पता चला कि बंगाली भीतर से बम के गोले होते हैं। बंगालन ऐसे माथा पीट रही थी जैसे मां पीटती है, कभी‑कभी । खै़र, मैं सब देख‑सुन ही रही थी और मज़ा ले ही रही थी कि बंगालन ने मुझे देख लिया । देखा तो पहले ही होगा, ध्यान नहीं दिया होगा । वैसे साब और देवी बार‑बार उसे समझा तो रहे थे कि शान्ती के सामने तमाशा न करो लेकिन उसने सुना ही नहीं होगा । या जो हो, मुझे देखते ही उसे जैसे होश आ गयी और उसने चीखना‑चिल्लाना बन्द कर मुझसे पूछना शुरू कर दिया कि मैं वहां खड़ी क्या कर रही थी, जल्दी‑जल्‍दी अपना काम ख़त्म करके चली क्यों नहीं गयी । मैं मन ही मन सोच रही थी यह बंगालन भी अन्दर से उस मोटी की बहन निकली । मुझे गुस्सा तो बहुत आया लेकिन मैं चुप रही और कुछ देर बाद घर चली आयी ।

Aujourd’hui, chez les Bengalis22, c’était la bagarre. Les Bengalis ne sont pas vraiment bengalis, à force ils sont à moitié indiens. Ils mélangent les deux langues23. Aujourd’hui, ils se sont disputés à cause de leur fille aînée, Jharna24 : elle s’est entichée d’un musulman. La mère de Jharna, Lakshmi, l’a appris on ne sait comment, et elle s’est mise à hurler. Son mari essayait de lui faire comprendre de ne pas faire de scandale devant moi, mais la Bengalie était hors d’elle. Jharna n’était pas là, elle avait découché la veille au soir. Peut‑être qu’elle était avec son musulman. La Bengalie répétait en boucle une phrase dans sa langue. Je n’ai pas bien compris, mais je pense qu’elle accusait sa fille d’avoir traîné la réputation de la famille dans la boue, ou quelque chose comme ça. La petite sœur de Jharna, Devi, essayait aussi de calmer sa mère. « Laisse Shanti partir, Maman. » Mais elle ne décolérait pas. Devi et Jharna parlent moins bengali que hindi, donc je comprends ce qu’elles disent. La Bengalie criait encore quand Jharna est revenue. En la voyant, elle a commencé à se taper le front. J’étais surprise. Je croyais les Bengalis bons bonhommes25. Et il faut dire que dans leur maison, personne ne me houspille — mais aujourd’hui j’ai appris que les Bengalis peuvent exploser comme des cocottes minutes. La Bengalie se tapait le front comme Maman le fait parfois. Je profitais du spectacle, et ça m’amusait, jusqu’à ce qu’elle me voie. Enfin, elle avait dû me voir avant, mais elle n’avait pas réalisé que j’étais là. Son mari et Devi lui disaient de ne pas faire de scandale devant moi, mais elle n’écoutait rien. Enfin, quand elle m’a vue, c’est comme si elle reprenait conscience, elle s’est arrêtée de hurler et m’a demandé ce que je faisais encore là, au lieu de finir rapidement mon travail et de partir. Je me suis dit que la Bengalie aussi, au fond, aurait pu être sœur avec la Grosse. J’étais très en colère, mais je n’ai rien dit et je suis rentrée à la maison.

उस अख़बार वाले के घर जाने का मन ही नहीं हुआ । अब कल कोई झूठ बोलना पड़ेगा, बोल दूंगी । अख़बार वाला साब बहुत भोला है । उस पर कोई भी बहाना चल जाता है । मैंने देखा है कि बूढ़े अक्सर भोले होते हैं । कभी‑कभी बुद्धू भी । लेकिन सब नहीं । कुछ बूढ़े बदमाश भी होते हैं । जैसा हमारा हकीम । अखबार वाला पढ़ा‑लिखा तो बहुत है लेकिन है एकदम सीधा । उसने कभी मेरे किसी बहाने पर शक नहीं किया । जो कहती हूँ मान लेता है, मां कहती है, उसकी बीवी उसे छोड़ गयी है । कहती है, उसे भोला मत समझो, अख़बार वाले भोले नहीं होते । नहीं होते होंगे, वह तो है । मैं उसे अंकल कह कर बुलाती हूँ । मन ही मन । मां कहती है, आजकल के बूढ़े भी बहुत बदमाश होते हैं, और फिर अखबार वाले, वह तो असल में बूढ़े भी नहीं होते, उनके बाल तो दिमागी काम की वजह से सफ़ेद हो जाते हैं । कभी‑कभी मुझे भी महसूस होता है जैसे वह सचमुच का बूढ़ा नहीं । कभी‑कभी मुझे डर महसूस होता है कि किसी दिन कोई उसे अमीर बूढ़ा समझ कर मार जाएगा । अकेले दुकेले बूढ़ों के क़तल की ख़बरें आजकल बहुत छपती हैं अखबारों में । वह अमीर नहीं, सिर्फ़ लापरवाह है । उसके घर में उसकी घड़ी, पैसे वगै़रह इधर‑उधर गिरे पड़े रहते हैं । मैं उठा‑संभाल कर उसे देती रहती हूँ । वह मुझ पर शक नहीं करता । इसीलिए वह मुझे अच्छा लगता है । है भी अच्छा । घर के हर कमरे में अखबारों और किताबों के ढेर लगे रहते हैं ।

Je n’avais vraiment pas envie d’aller chez le Journaliste. Il faudra que je trouve une histoire à lui raconter quand j’irai demain. Le Journaliste est un monsieur très naïf. Avec lui, n’importe quelle excuse passe. J’ai remarqué que les vieux sont souvent naïfs. Et parfois idiots. Mais pas tous. Certains vieux sont des pervers. Comme notre hakim26. Le Journaliste a beaucoup d’éducation, c’est quand même quelqu’un de simple. Il n’a jamais douté d’aucune de mes excuses. Il gobe tout ce que je lui dis. Maman dit que sa femme l’a quitté. Elle dit que je ne dois pas le croire naïf, que les journalistes ne le sont jamais. En tous cas, lui si. Je l’appelle « mon oncle27 ». Dans ma tête. Maman dit que les vieux d’aujourd’hui sont pervers, mais que lui n’est pas vraiment vieux, que ses cheveux ont blanchi parce qu’il travaille avec sa tête. Parfois, moi aussi j’ai le sentiment qu’il n’est pas vraiment vieux. J’ai peur, qu’un jour, quelqu’un le tue en pensant qu’il est vieux et riche. De nos jours, on lit des histoires de meurtres de personnes âgées solitaires dans tous les journaux. Il n’est pas riche, seulement distrait. Chez lui, il laisse traîner sa montre ou de l’argent un peu partout. Moi, je ramasse et je lui donne. Il me fait confiance. C’est pour ça que je l’aime bien. C’est quelqu’un de bien. Il y a des piles de livres et de journaux dans chaque pièce de la maison.

Bibliography

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Castaing, Anne. (2009). Pour une poétique du fragment : partition et polyphonie dans Guzrâ huâ zamânâ de K. B. Vaid. Dans L. Guilhamon, L. Zecchini & A. Castaing (dir.), La modernité littéraire indienne : perspectives postcoloniales (p. 115‑142). Presses universitaires de Rennes, 2009. <https://doi.org/10.4000/books.pur.39771>.

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Montaut, Annie. (2016). De la « walled city » à la « world city » : Delhi, un océan de romans. Itinéraires. Littérature, textes, cultures, 2016(1). <https://doi.org/10.4000/itineraires.3221>.

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Vaid, Krishna Baldev. (2000). एक नौकरनी की डायरी [Ek Naukrani ki diary] : 1. saṃskaraṇa. Rajpal & Sons.

Notes

1 Note sur les rôles des auteurs : la présentation du texte et la traduction originelle sont de Damien Carrière. Manmeet Singh a proposé des commentaires et corrections qui ont grandement amélioré la traduction. Beaucoup des notes de traductions lui sont dues. Return to text

2 Finalement, elle a porté sur les gardes de sécurité à Delhi, une autre classe « intermédiaire » entre riches et pauvres. Non pas au sens d’une classe moyenne, mais d’une de ces classes laborieuses qui assurent l’interface entre les deux et lubrifient les frictions entre riches et pauvres. Return to text

3 « La positionnalité réfère à l’impact des structures de pouvoir explicites et implicites sur le processus de recherche, sur les relations entre le chercheur et les personnes étudiées, et sur le transfert des connaissances » (Balla, 2024). Return to text

4 Cette distinction s’estompe globalement dans les grandes villes. Return to text

5 लोग signifie « gens », ou « groupe ». C’est toute la classe possédante que la mère de Shano désigne. Return to text

6 La phrase évolue subtilement du descriptif vers une forme qui peut aussi être un impératif. होते हैं hote hain est le verbe être au présent de vérité général (présent gnomique). Les deux segments suivants n’ont pas de verbes, ce qui est courant quand le verbe ‘être’ est à la forme négative, mais dans le même temps cela laisse une ambiguïté de statut, car la phrase peut être un encouragement autant qu’une description. Au quatrième segment, le verbe आना ‘venir’ est à l’infinitif, forme souvent utilisée pour un impératif différé, ou poli : « il ne faut pas les écouter ». Return to text

7 L’utilisation de मलते‑मलते (à force de frotter) au lieu de verbes plus neutres comme धोना (laver) ou साफ़ करना (nettoyer) est significative. Le choix de मलना (frotter) met l’accent sur l’effort physique, la corvée sans fin. Return to text

8 Contrairement au mot « papa », le terme बापू  est souvent utilisé pour s’adresser à un homme âgé, ce qui renforce une image d’autorité, éventuellement d’affection. Il est employé pour désigner son propre père parmi les membres des classes les moins favorisées ou dans les environnements ruraux. Return to text

9 « बीमार और बेकार » (lit. : « malade et faignant »). L’allitération est rendue par « patraque et traîner », au risque d’altérer la fluidité de la traduction. Return to text

10 हरामखोर est une insulte. Le texte est riche en expressions populaires — ce qui correspond d’ailleurs au vocabulaire attendu d’une servante de 15 ans. Return to text

11 Dans ce contexte, l’expression fait référence à un problème physique — une dégradation ou une inflammation du foie — mais le terme जिगर (jigar) associe l’organe physique, à des qualités comme le courage, ou encore à l’âme ou aux émotions d’une personne. Ainsi, si जिगर जल गया है avait été utilisé dans un sens métaphorique, il aurait pu évoquer une douleur émotionnelle intense ou un sentiment de désespoir. Return to text

12 La reprise du verbe conjugué de cette façon indique une répétition de l’action, et se traduit par « à force de ». L’accumulation des répétitions des verbes d’action suggère la répétition des vies à l’identique, d’un destin dont on ne s’échappe pas, avant même qu’apparaisse le terme de धरम, le rôle donné à la naissance et qu’il appartient à chacun de jouer, sous peine d’une folie de dissociation. La possibilité d’échapper à ce destin, la difficulté psychique de changer sa vie — de devenir un transfuge de classe, pour reprendre un vocabulaire en vogue dans les études littéraires françaises (Véron 2024) — sont les questions que Shano va affronter. Return to text

13 चाकरी ne se limite pas à l’idée générale de « travailler », mais porte une connotation de service lié à une position de servitude. Ce terme évoque un travail effectué sous la contrainte sociale ou économique, dans une relation hiérarchique implicite ou explicite, par opposition à son équivalent français « travailler » dont la simple traduction en hindi est काम करना. Return to text

14 धर्म ‑कर्म (orthographié ici comme धरम‑करम) combine deux concepts fondamentaux : धर्म (le devoir moral, religieux ou social) et कर्म (l’action ou les actes dictés par ces devoirs). L’orthographe modifiée (धरम‑करम au lieu de धर्म‑कर्म) signale un régionalisme, une modernisation des termes sanskrits, un faible niveau d’éducation formelle ou encore une déformation volontaire destinée à ridiculiser ou à minimiser la grandeur perçue de ces concepts, ajoutant ainsi une tonalité de mépris. Une traduction comme « Je ne veux rien savoir de ces soi‑disant devoirs sacrés » ou « Je ne veux pas de ces dogmes‑là » pourrait s’approcher du sens global, mais elle ne saurait pleinement intégrer les nuances liées au registre, au contexte social ou à la déformation linguistique. Return to text

15 Examen de dixième année (vers 16 ans). Une étape importante dans la scolarité indienne. On passe du discours indirect marqué (« qu’il… ») au discours indirect libre, mais les deux segments s’interpénètrent parce que celui qui est au discours indirect marqué emploie déjà le registre familier qui prévaut dans celui qui est au discours indirect libre. La structure dans le texte hindi est également fluide pour le passage de l’un à l’autre, et l’absence de marquage typographique du discours rapporté — ce qui est normal en hindi — facilite cette fluidité, que l’on retrouve dans l’ensemble du livre. Return to text

16 मेम est un diminutif de मेम‑साहिबा, utilisé traditionnellement pour désigner des femmes de haute classe sociale, y compris les Britanniques durant l’époque coloniale. Dans un contexte postcolonial, मेम peut aussi véhiculer une distance critique, surtout lorsqu’il est employé par des personnes appartenant à une classe subalterne. मोटी signifie « grosse ». मोटी मेम relève de l’oxymore, puisque l’expression contient à la fois une marque de respect et une insulte. Le choix fait est cette fois celui de la fluidité. Dans le contexte indien parler ainsi de la « Grosse » et de « gros » fait sens et s’inscrit dans la critique des classes bourgeoises par une employée « subalterne » — à une époque et dans un contexte ou le terme de « grossophobie » n’apparaissait pas. Return to text

17 टोकना : Ce verbe signifie « interrompre » ou « reprendre quelqu’un ». Il s’agit de remarques fréquentes d’une attitude critique et condescendante. Return to text

18 Avec लोगों la patronne ne s’adresse pas qu’à Shano, mais à toute sa classe : « Vous » (les subordonnés, ou une classe perçue comme inférieure) et « nous » (la classe dominante). Ce लोग (log) fait écho au même mot, rapporté de la mère de Shano, dès la première phrase du livre, mais qui désignait les « gens riches ». Return to text

19 मन signifie à la fois le « mental » ou « l’esprit » et une unité de mesure équivalente à environ 40 kilos. Le passage bascule ensuite sur मन‑ही‑मन, qui signifie « dans sa tête ». Return to text

20 Le terme hindi हबशी signifie noir, africain, ou nègre. Ici l’insulte raciste est sans complexe et en contexte très violente, dans un contexte social et national qui ne s’embarrasse pas le moins du monde de précautions sur le sujet du racisme. Return to text

21 Le syntagme verbal बके जा रही थी n’est pas très fréquent. La forme progressive (aux. जाना) suit parfois le participe accompli oblique du verbe principal, pour ajouter une connotation négative ou positive (selon les cas). (Note suggérée par la relectrice/le relecteur anonyme). Return to text

22 Sans doute originaires du Bangladesh, mais ils peuvent aussi être originaires du Bengale Occidental. Return to text

23 Le terme est खचड़ी भाषा. Le खचड़ी est un mélange de dal (lentille) et de riz. Return to text

24 Nous utilisons l’orthographe simplifiée des prénoms (Jharna, Devi, Shanti…) pour cette traduction. Return to text

25 Dans le texte : बंगाली बहुत भले और भोले « bengali bahut bhale aur bole ». Rendre l’allitération implique une petite torsion d’usage : « Bengalis bons bonhommes ». Return to text

26 Médecin traditionnel du système arabo‑musulman (par opposition à la médecine traditionnelle ayurvédique). Return to text

27 En Inde, les personnes plus âgées sont souvent appelées « oncle » (uncle, en anglais dans le texte) par les plus jeunes, dans un cadre informel, mais respectueux. Ici, l’écart social est très important et la position sociale du journaliste, l’employeur de Shano, voudrait qu’elle l’appelle « monsieur » (sāb), forme abrégée de sahab. L’appeler « oncle » est relativement subversif par rapport aux conventions sociales. Return to text

References

Electronic reference

Damien Carrière and Manmeet Singh, « Éditer pour elle ? Le journal d’une servante », Agastya [Online], 1 | 2025, Online since 02 juin 2025, connection on 27 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/agastya/index.php?id=218

Authors

Damien Carrière

Aix-Marseille Université, CNRS, IrAsia, Aix-en-Provence, France
damien.carriere[at]univ-amu.fr

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Manmeet Singh

Aix-Marseille Université, CNRS, TDMAM, Aix-en-Provence, France
manmeet.singh[at]univ-amu.fr

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