La modernité de l’Académie de la Fucina de Messine, entre révolution scientifique et revendication politique (1639-1678)

DOI : 10.35562/celec.209

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Texte

L’Académie de la Fucina de Messine représente l’acmé du mouvement académique sicilien de l’époque moderne dont les prémices remontent à la fin du XVe siècle et l’officialisation à 1566 sous le gouvernement des Habsbourg de Madrid (1559-1701). Bien que Michele Maylender1 ait décrit les quelque soixante-quatorze académies de cette période, de nouvelles recherches2 ont permis non seulement d’augmenter ce nombre à celui de quatre-vingt-treize académies, mais aussi de remettre en question la place de la Fucina3 dans l’histoire culturelle et politique de la Sicile.

Le contexte académique sicilien

La singularité de la Sicile moderne réside dans sa situation politique par rapport aux autres États italiens sous domination espagnole4. À la différence du vice-royaume de Naples et du duché de Milan qui avaient été conquis par les armes et avaient dû adopter de nouveaux statuts espagnols, la Sicile avait en effet conservé ses institutions séculaires. Ce détail fut très dommageable pour les vice-rois de Sicile qui se servirent, entre autres, de la corruption sociale et de la répression pour tenir sous leur joug l’aristocratie. Ne pouvant avoir un contrôle absolu sur la Sicile, les Habsbourg firent tout pour que les Siciliens ne fussent pas animés d’idéaux d’indépendance, et s’appliquèrent donc à entretenir la stratégie politique mise en place par la dynastie aragonaise, visant à entretenir une certaine rivalité entre les grandes villes de l’île. À chacune d’elles avait été ainsi attribué un monopole différent : Palerme et Messine se partageaient le siège de la vice-royauté, sauf que Messine fut très souvent ignorée par les vice-rois et était aussi le siège de la zecca ; Catane avait en revanche le monopole de l’université.

Cette politique qui ne permettait à aucune ville de s’affirmer en tant que capitale du vice-royaume trouva un écho dans la création d’académies où Palerme et Messine proposèrent des institutions de référence où les érudits convergeaient, et où Catane, par la présence de son université, proposa seulement des universités mineures et « para-scolaires5 ». Il faut donc comprendre le mouvement académique sicilien comme un mouvement polycentrique, principalement animé par l’opposition politique des deux villes-capitales qu’étaient Palerme et Messine, une opposition manifeste surtout dès 1591 lorsque Messine acheta à Madrid ses privilèges, c’est-à-dire ses relatives autonomie et immunité administratives6 ; c’est pourquoi il est intéressant de se demander, lorsque l’on étudie le cas de l’Académie de la Fucina, dans quelles mesures le polycentrisme politico-culturel mis en place par les Habsbourg participa paradoxalement de l’émancipation du mouvement académique sicilien dont Messine fut le fleuron.

Au XVIIe siècle, chacune des deux capitales eut son académie « majeure », représentative de sa propre idéologie politique et culturelle. À Palerme fut fondée l’Académie des Riaccesi (1622-1701) à laquelle Messine répondit par l’ouverture de l’Académie de la Fucina en 1642, trois ans après le début des réunions privées de la Conversazione Letteraria7.

L’Académie des Riaccesi était une institution littéraire qui servait l’idéologie espagnole. En revanche, la Fucina de Messine se distingua par sa pluridisciplinarité mais aussi par ses caractéristiques révolutionnaires qui lui valurent d’être fermée par les Espagnols en 1678, au terme de la révolution de Messine de 1674-788, lorsque les Français qui étaient venus aider les Messinais quittèrent la Sicile comme le stipulait le traité de paix de Nimègue. L’aversion des divers gouvernements vice-royaux pour la relative autonomie de la ville de Messine qui souhaitait devenir une capitale à part entière dans le vice-royaume – et proposa d’ailleurs deux millions d’écus à la cour de Madrid pour ce fait9 – alimenta l’engagement politique des académiciens qui faisaient partie, pour la plupart, de la classe dirigeante et prirent part à la révolution. Ce n’est donc pas un essoufflement de son activité qui causa la fermeture de la Fucina, mais une répression du gouvernement espagnol, comme cela s’était d’ailleurs produit à Naples entre 1543 et 154710.

Les caractéristiques structurelles de la Fucina

L’opposition politique des deux capitales fut perceptible dans leurs académies respectives dont les idéologies divergeaient : le frein sous-jacent des vice-rois, impliqués dans l’activité des Riaccesi, n’atteignit pas les intellectuels de Messine dont l’autonomie que leur avait octroyée Philippe II en 1591 participa de l’épanouissement de leurs entreprises. Le danger messinais fut ainsi sous-estimé par le pouvoir en place : au début des années 1640, le vice-roi Piero Faxardo Zuniga y Requesens marquis de Los Veles résida une année à Messine et ne chercha nullement à entraver le développement de la Fucina. De ses débuts en 1639 jusqu’à sa fermeture en 1678, la Fucina fut en effet très prospère : elle compta cent soixante-sept académiciens11 qui, pour la plupart, firent corps avec leur ville, dépassant le caractère intellectuel du rôle d’académicien :

L’Accademia diventa inoltre lo strumento principale attraverso cui il ceto egemone cittadino realizza la propria gratificazione intellettuale e produce la più coerente elaborazione del proprio progetto ideologico volto alla difesa delle proprie prerogative politiche ed economiche, alla affermazione di una leadership politico-culturale nell’isola e alla creazione di una dimensione culturale di più ampio respiro12.

Cette collusion entre Sénat et intellectuels, au-delà du mécénat, fut illustrée par deux moments significatifs pour l’émancipation de la culture messinaise : jusqu’en 1641, donc juste avant l’officialisation de l’académie, cette collusion participa de l’éviction des Jésuites de l’université de Messine. Dès 1642, avec la Fucina, elle encouragea l’ouverture et la libre-pensée, caractéristique de la modernité des travaux des académiciens. Messine fut au cœur des débats qui animèrent le polycentrisme académique insulaire, mais ce fut également le siège sicilien de la lutte pour la laïcisation du savoir : la Fucina (1642) permit aux érudits d’ouvrir leur horizon à des disciplines « raisonnables13 » ; c’est d’ailleurs peu après que Palerme eut aussi son académie scientifique des Iatrofisici (1645). Les thèses scientifiques révolutionnaires de Copernic, ou de Galilée, pour ne citer que celles-là, arrivèrent en Sicile et, à défaut de pouvoir museler les académiciens Fucinanti, les autorités politiques et religieuses palermitaines essayèrent de canaliser ceux qui étaient présents dans la capitale, et censés montrer l’exemple14.

Les deux moments sont liés car la dichotomie entre académie et université15 était un phénomène complexe en Sicile, à cause des stratégies politico-religieuses des vice-rois. Comme le processus de la recherche scientifique requérait une approche différente de celle que proposaient les académies littéraires16, les érudits se trouvaient en général dans une situation équivoque vis-à-vis de l’université17, mais ce ne fut pas le cas à Messine où la cohésion des diverses structures permit une certaine émancipation des savoirs. De plus, ce ne fut pas la coexistence des académies18 et de l’université qui était délicate à Messine, puisque la classe dirigeante, composée en grande partie d’érudits, était engagée dans les deux institutions, mais plutôt leurs rapports avec les Jésuites19. Au XVIe siècle, les aristocrates messinais s’étaient en effet servis du prestige et des ressources du collège jésuite ouvert en 1548 – le premier dans l’île, rappelons-le – pour obtenir l’ouverture d’une université : après que la requête fut acceptée en 1596, les instances de la ville firent approuver, dès l’année suivante, des chapitres qui décrétaient l’exclusion des Jésuites des enseignements scientifiques notamment et, en 1641, les évincèrent complètement de toute direction des structures universitaires20. L’ouverture culturelle, et donc politique de la ville dont l’université n’était plus dirigée par des hommes d’Église à partir de 1641 mais par la civitas, devint dès lors manifeste21.

Dans le macrocontexte insulaire, la naissance de cette université plaça Messine en porte-à-faux à la fois vis-à-vis de Palerme qui ne réussissait pas à obtenir l’accord des autorités pour créer la sienne22, et de Catane qui souhaitait conserver son monopole.

L’idéologie culturelle messinaise

L’Académie de la Fucina se distinguait de ses homologues italiennes par la singularité de son nom, mais participait du même « progressivo affermarsi della “nuova scienza” sperimentale23 » que les dénominations académiques « Lincei », « Investiganti », « Cimento », entre autres, qui sous-entendaient une nouvelle méthode de recherche.

Son impresa24 était composée de la représentation d’un four à réverbère, et de la devise d’inspiration virgilienne « Formas vertit in omnes » : elle fut explicitée tout d’abord en 1642 par l’académicien et secrétaire Luca Fani dans un discours qui fait partie du premier recueil de l’académie dont il s’occupa :

Come in un fornello così chiamato dai più periti nell’opere de metalli, per la ripercussione delle fiamme fino i più rigidi ed intrattabili bronzi, cedendo l’innata rozeza e detestata la loro ruvidità, vergognosi dileguansi in focoso pianto, che d’angusto forame sgorgando, si congela poi in più preziose forme, e si rende adatto, variamente, o agli usi di guerra o di pace più riguardevoli; così nelli ridotti de’ virtuosi… adunate le nobili fatiche di molti elevati ingegni, e quelle con maniere particolari, non usate nelle scuole, proposte e partecipate tra loro, vengono a sembrare una fiamma, da molte parti accresciuta, ed in guisa tale rinvigorita, che sia per ammolire qual si sia rozeza d’ingegno, inesperto di scienza25.

Les académiciens Fucinanti comparaient ainsi la chaleur de la fournaise qui liquéfie le bronze aux travaux présentés en public qui enrichissaient et développaient l’intellect ; ils comparaient les métaux fondus, et les diverses formes qu’ils prenaient, aux esprits « rammoliti » par l’assiduité des travaux qui se disposent « ad abbellirsi di quelle discipline, alle quali il genio l’inchina26 », tel « il già molle metallo [che] hora s’incerchia in campana, che è la lingua del cielo, hora si veste d’humane membra, e s’erge, ad onta del tempo, sovra la base dell’immortalità, così altri degli Accademici imprende a scrivere Historie, altri Epopeie, altri sacri inni, ed altri scherza con liriche compositioni, come a ciascuno aggrada27 ». La cohérence du nom de l’institution avec sa propre impresa sous-entendait une démarche réfléchie, un projet de travail non seulement littéraire, mais également politique qui se développa au cours des décennies suivantes et aboutit à la publication de quarante-sept ouvrages collectifs28 où figuraient des discours explicites ; la langue vulgaire fut utilisée par les académiciens pour une plus grande diffusion du savoir scientifique, localement comme dans la péninsule et en Europe.

Les diverses œuvres des Fucinanti illustraient une activité plurielle : comme nous l’avons évoqué, ces académiciens ne se contentaient pas seulement de proposer des poèmes ou de discuter de poésie, mais ils travaillaient aussi la philosophie, l’histoire, l’astronomie, la médecine, la physique comme la théologie. En effet, l’éloignement des Jésuites était en réalité d’ordre politique et structurel : les académiciens ne rejetaient pas les doctrines religieuses et philosophiques dont l’étude était nécessaire pour le progrès des sciences ; c’est pourquoi ils mettaient sur le même plan foi et travail intellectuel :

Compatisci però tu, cortese: e credi, che le voci Fato, Destino, Sorte, Divino, Idolo, Paradiso, Inferno, adorare, deificare e somiglianti, sono solo ornamenti dell’opere, non sentimenti degli Autori, li quali scrivono da Poeti, ma credono da Catolici29.

Dans cet « Avvertimento a chi legge » du premier recueil des Fucinanti de 1642, l’institution souhaita distinguer l’érudition de la religion, afin de laïciser ses approches scientifiques, pour une plus grande objectivité : elle se détachait en cela des Riaccesi palermitains qui « si gloria[va]no più d’esser Cattolici, che Poeti30 », mais également des académiciens Catanais, représentés par Francesco Morabito qui reprenaient les mêmes termes que la Fucina pour distinguer le savoir de la foi31.

Le programme académique des Fucinanti fut ainsi illustré non seulement par des œuvres littéraires, par des essais philosophiques et scientifiques, mais aussi par des ouvrages sur le contexte religieux dans lequel ceux-ci s’inséraient. En 1658, l’académicien Raimondo Del Pozzo publia son histoire du Concile de Trente, dédiée au pape Alexandre VII : il s’agissait d’un récit historique dans lequel l’auteur ne prenait pas parti dans les polémiques théologiques et politiques de l’époque32. Au ton plus acerbe, la Censura Theologica de Scipione Errico, publiée en 1554, puis republiée en 1664 grâce à l’académie, remettait en question l’Histoire du Concile de Trente de Paolo Sarpi33. Errico divise l’œuvre en deux parties : la première rappelle les origines et les conclusions du Concile, et la seconde critique l’ouvrage de Sarpi, ses erreurs et errements qui vont à l’encontre de la foi catholique. Avec son De tribus historicis Concilii tridentini publié en 1662 sous le pseudonyme de Cesare Aquilino34 et mis à l’Index pour des thèses plus polémiques, il revient sur le sujet en comparant son œuvre précédente avec celle de Sforza Pallavicino, puis celle-ci avec celle de Sarpi : il réévalue ainsi l’œuvre de Sarpi aux dépens de Sforza Pallavicino.

La modernité scientifique de l’Académie de la Fucina de Messine se fondait sur une redécouverte et une critique des modèles : cette « attitude » fut ainsi à l’origine de nombreuses études portant non seulement sur tous les domaines scientifiques, mais aussi sur la philosophie et sur l’histoire de la religion, nécessairement convoquées en raison de la modernité des idées scientifiques.

Comme l’académie pluridisciplinaire qu’était la Fucina avait pour principe « di non ammettere la censura e di non negare il registro a qualunque compositione si leggesse35 », les remises en question des préceptes religieux et philosophiques animèrent les diverses polémiques scientifiques de l’époque auxquelles étaient liées certaines figures messinaises de renom tels que Giovanni Alfonso Borelli, figure scientifique emblématique de la Sicile du XVIIe siècle dans les domaines de la médecine, de la géologie, des mathématiques, de la physique et l’astronomie.

L’étude de la médecine plus particulièrement, avec son utilité publique en cas d’épidémie, concerna les grands centres de la Sicile mais plaça l’Académie de la Fucina ainsi que l’université de Messine dans une situation privilégiée, notamment par leur ouverture au recrutement d’érudits étrangers comme le bolonais Marcello Malpighi mais aussi par leur promotion d’un savoir progressiste à visée utilitariste36 : lors de l’épidémie de malaria en 1647-48, le Sénat de Messine demanda par exemple à l’académie d’en trouver l’origine, les symptômes et le remède37.

Grâce au mécénat à la fois financier et idéologique du Sénat, l’Académie de la Fucina démontra une ouverture scientifique unique en Sicile avant la révolution, fruit d’une collaboration avec le monde universitaire. Toutes les conditions furent réunies pour faire de cette académie un centre de recherche scientifique moderne mais créer également un noyau aristocratique favorable aux idées d’indépendance, à rebours de la politique vice-royale. Malgré sa fermeture en 1678, elle inspira un nouveau rapport aux autorités et au savoir qui annonça le futur déclin de la stratégie culturelle polycentriste des Habsbourg en Sicile.

L’affirmation du modèle messinais

La légitimité de l’Académie de la Fucina fut d’autant plus manifeste à travers ses épigones politiques et son héritage scientifique. Sa position géographique favorisa ses échanges, à première vue scientifiques, avec les divers centres italiens, tandis que l’Académie des Riaccesi de Palerme invitait plutôt les aristocrates de la ville à se rendre à Madrid. Les deux capitales siciliennes, chacune tournée vers une péninsule, entretenaient des relations culturelles extra-insulaires, qui dépassèrent le polycentrisme académique sicilien, mais également insulaires.

Les académies « mineures » de l’île n’étaient pas seulement liées par la « pluri-appartenance » des érudits ou par leur mobilité, mais par les divers rapports qu’ils entretenaient entre eux, impliquant de ce fait les académies mêmes dans ces réseaux. La définition de ces réseaux était soit intellectuelle et/ou personnelle, soit politique. La fréquentation d’une académie ou d’une autre n’était parfois pas simplement due à la géographie, mais à des préférences politiques, entretenues au fil des ans. Les intellectuels qui décidaient d’émigrer, d’entrer dans une académie autre que celle de leur bourg d’origine, confirmaient l’opposition des deux modèles politiques et culturels des académies des Riaccesi de Palerme et de la Fucina de Messine.

[Mobilité des académiciens en Sicile au XVIIe siècle]

[Mobilité des académiciens en Sicile au XVIIe siècle]

Nos exemples illustrent une réalité insulaire bipolarisée à laquelle les autorités qui siégeaient à Palerme étaient très vigilantes, en surveillant notamment de près les divers rapports des académiciens de la Fucina avec ceux de Syracuse, issus de l’académie appelée Setta dei Filosofi (1614-1661). Les académiciens syracusains furent en effet à maintes reprises soupçonnés de fomenter, à l’aide des académiciens Fucinanti de Messine, des actions contre l’hégémonie espagnole38. Selon les recherches de Francesca Fausta Gallo, les académiciens de la Setta furent entre autres convoqués le 5 mai 1649 à Messine par le vice-roi Giovanni D’Austria (1649-1650)39, et disculpés. L’académie fut néanmoins officiellement dissoute et le hasard voulut qu’en 1651 fût créée à Syracuse la Compagnia dei cavalieri della Fede ou dello Spirito Santo. Les doutes sur un lien entre la Setta et cette Compagnie poussèrent les autorités civiles et religieuses palermitaines à ouvrir une enquête et à en signaler le danger hispanophobe au roi Philippe IV. L’archevêque de Palerme était en effet convaincu que la Setta dei Filosofi, appelée Congregazione dei filosofi della Sorbonna pour le caractère francophile de ses membres, avait fondé, avec l’aide des Théatins, cette nouvelle congrégation qui avait changé de nom pour dissimuler ses aspirations révolutionnaires40. De même, Fausta Gallo affirme qu’en 1655 les chevaliers de la compagnie durent s’expliquer auprès du nouveau vice-roi, Giovanni Telles Giron Duca di Ossuna (1655-1656), à propos de banquets où la compagnie trinquait souvent en l’honneur du roi de France et du prince d’Orange, alors que la guerre avec la France n’était pas encore terminée41. Convoqués plusieurs fois par divers vice-rois, ils furent à chaque fois lavés de tout soupçon mais leur entente avec Messine était bien réelle. Messine inspira d’ailleurs tellement Syracuse qu’en 1680, après la révolution, Syracuse demanda à son tour à être proclamée seconde capitale de l’île, en vain.

La révolution de 1674-78, justement, constitua un changement brutal dans la vie politique et académique de l’île, comme l’avaient été à Palerme les révoltes de 1647-4942. La politique des Habsbourg en Sicile fut des plus répressives : l’affirmation de l’hégémonie espagnole redevenait en effet une priorité, c’est pourquoi le but premier des autorités ne fut pas la fondation d’une académie ou son mécénat, mais plutôt le contrôle de l’aristocratie, surtout à Palerme et Messine. Le bouleversement de l’équilibre des monopoles siciliens toucha donc y compris le domaine de la culture, mais ne fut pas préjudiciable au développement et à l’enseignement des connaissances, même scientifiques : les stratégies politiques mises en place ne pouvaient annihiler la nouvelle vision plus utilitariste des savoirs développée par la Fucina, qui parcourait alors désormais l’île et engageait les académies de la fin du XVIIe siècle dans de nouveaux programmes culturels.

Cette période particulière (1678-1701), qui signa le déclin de Messine qui perdit tout son prestige et tous ses privilèges43, vit naître de nouveaux centres académiques qui s’inscrivaient dans la continuité de la politique culturelle d’ouverture de Messine : la ville de Modica, située également au sud-est de l’île, permit à la Sicile d’exploiter l’héritage laissé par la capitale du Détroit, que l’Académie des Svegliati de Messine (1680) ne sut ou ne put reprendre44. Modica, grâce à des érudits tel que Tommaso Campailla, eut ainsi son académie des Affumicati (1670-) qui avait une orientation tout d’abord littéraire et qui changea de nom en 1688 et devint l’académie des Infuocati pour marquer son ouverture à l’étude à visée sociale des sciences ; en activité jusqu’en 1740, elle fut même secondée par une école de médecine ouverte par l’un des académiciens.

Modica se distingua toutefois de Messine par son rapport avec les autorités civiles et religieuses : même si leurs activités avaient les mêmes caractéristiques, les hommes de science devaient s’assurer la protection des mécènes de la classe dirigeante comme de l’Inquisition dont faisaient partie certains académiciens tel Felice Celeste, à la fois mécène de l’académie et commissaire du Saint-Office à Modica. Les érudits de Modica, même si le comté était dirigé par des Espagnols, n’avaient toutefois pas participé à la révolution de Messine : les Ribera en question n’étaient en effet pas présents la plupart du temps et ne nuisaient pas aux diverses initiatives culturelles. De plus, l’absence d’ambiguïté concernant la présence du collège jésuite à Modica, et son adéquation avec l’académie et l’école de médecine, s’opposaient clairement au dessein original de la classe dirigeante de Messine, qui avait été de faire de son collège jésuite un tremplin pour l’obtention d’une université, monopole de Catane jusque-là.

Conclusion

L’Académie de la Fucina de Messine se distingua de ses homologues siciliennes du XVIIe siècle par son ouverture disciplinaires, structurelles et idéologiques. Tout en essayant de moderniser la culture de l’Église catholique, elle développa la pensée scientifique en Sicile et permit à la philosophie galiléenne d’y triompher. Les académiciens palermitains furent d’ailleurs attirés par les discussions scientifiques de Messine et participèrent à leurs débats. Cette avancée culturelle et politique marqua un changement institutionnel significatif dans le fonctionnement des académies siciliennes du XVIIe siècle. La Fucina alla même plus loin, en se distinguant au-delà des frontières de l’île avec ses échanges académiques et scientifiques : Giovanni Alfonso Borelli, académicien de la Fucina de Messine, du Cimento de Florence et des Investiganti de Naples à titre honorifique, créa sa propre académie en Calabre à Palmi, appelée Académie Borelliana, faisant ainsi participer la Fucina au réseau académique scientifique « italien ».

[Axe académique scientifique italien au XVIIe siècle]

[Axe académique scientifique italien au XVIIe siècle]

Bien qu’aucun document historique ne prouve le lien entre les intellectuels de Messine rebelles et leurs convictions progressistes45, le mécénat et la collusion du Sénat à leur égard témoignaient d’une volonté de rupture avec l’immobilisme des Habsbourg. Si la révolution de 1674-78 mit un frein à l’affirmation politique de cette seconde capitale sicilienne, elle n’empêcha pas les érudits siciliens de s’impliquer dans le développement des savoirs, ni même dans la formation de nouveaux centres culturels qui, malgré le début des guerres de succession, engagèrent la Sicile dans la nouvelle ère académique du XVIIIe siècle.

Notes

1 MAYLENDER Michele, Storia delle accademie d’Italia, Bologna, Arnaldo Forni, 1926-1930, 5 vol. Retour au texte

2 MONTOLIU Delphine, Les académies siciliennes sous le règne des Habsbourg (1559-1701), 3 vol. et 1 cd-rom (Thèse de doctorat, Université Toulouse II-Le Mirail / Scuola Normale Superiore di Pisa, 2012) ; ID., Accademie siciliane 1400-1701. IT Bio-bibliografica Database, en cours de publication sur line@editoriale, (http://e-revues.pum.univ-tlse2.fr/sdx2/lineaeditoriale/index.xsp). Retour au texte

3 Pour une première approche de l’histoire et des activités de l’Académie de la Fucina, voir NIGIDO-DIONISI Giacomo, L’Accademia della Fucina di Messina ne’ suoi rapporti con la storia della cultura in Sicilia (1639-1678), Catania, Giannotta, 1903. Voir également MARLETTA Fedele, « Recensione di G. Nigido-Dionisi, L’Accademia della Fucina di Messina, Catania, 1903 », in Archivio Storico per laoSicilia Orientale, 1904, I, p. 146-156. Pour une contextualisation de l’académie de la Fucina dans le mouvement académique sicilien à l’époque moderne, voir MONTOLIU D., Les académies siciliennes sous le règne des Habsbourg (1559-1701), Op. cit. Retour au texte

4 Les Habsbourg dominaient la péninsule italienne puisqu’ils gouvernaient, en plus de la Sicile, le duché de Milan, les vice-royaumes de Naples et de Sardaigne, et les États des Présides. Les états « italiens » qui n’étaient pas sous domination espagnole en subirent l’influence, à des degrés différents (le royaume de Savoie, le duché de Toscane, la république de Gênes, les villes de Lucques, Parme, Plaisance, Mantoue, Ferrare et Urbino), sauf le Piémont de la maison de Savoie. La république de Gênes, si elle prospéra grâce à son port et son implication dans les trafics outre-atlantiques, en voulant se prémunir des ambitions expansionnistes du Piémont, fut contrainte de collaborer avec l’Espagne et d’en financer la politique. Venise et les États de l’Église étaient en revanche indépendants : ces derniers étaient toutefois, rappelons-le, les alliés de l’Espagne dans la lutte contre les Turcs et les hérétiques. Retour au texte

5 PECORELLA Corrado, « Note per la classificazione delle accademie italiane dei secoli XVI-XVII », in Studi sassaresi, 1967-68, serie III, p. 226. Retour au texte

6 BENIGNO Francesco, « Messina e il duca d’Osuna: un conflitto politico nella Sicilia del Seicento », in Ligresti Domenico, Il governo della città. Patriziati e politica nella Sicilia moderna, Catania, CUECM, 1990, p. 178 : « Questi ultimi erano infatti assimilati a un contratto e quindi alle regole del diritto privato, che nemmeno lo stesso sovrano spagnolo poteva violare servendosi della sua autorità pubblica; città di mercanti, Messina aveva insomma “comprato” anche la sua libertà politica. Effettivamente nel 1591 la città stipulò un contratto a titolo oneroso con lo Corona di Spagna, in base al quale dietro il pagamento di un favoloso donativo di 583.333 scudi, otteneva la concessione “della conferma generalizzata dei suoi privilegi, del monopolio sull’esportazione della seta dalla Sicilia orientale e dell’obbligo per i viceré di risiedere per metà del mandato nella città dello stretto” ». BENIGNO Francesco, « Messina e il duca d’Osuna: un conflitto politico nella Sicilia del Seicento », in Ligresti Domenico, Il governo della città. Patriziati e politica nella Sicilia moderna, Catania, CUECM, 1990, p. 178 : « Questi ultimi erano infatti assimilati a un contratto e quindi alle regole del diritto privato, che nemmeno lo stesso sovrano spagnolo poteva violare servendosi della sua autorità pubblica; città di mercanti, Messina aveva insomma “comprato” anche la sua libertà politica. Effettivamente nel 1591 la città stipulò un contratto a titolo oneroso con lo Corona di Spagna, in base al quale dietro il pagamento di un favoloso donativo di 583.333 scudi, otteneva la concessione “della conferma generalizzata dei suoi privilegi, del monopolio sull’esportazione della seta dalla Sicilia orientale e dell’obbligo per i viceré di risiedere per metà del mandato nella città dello stretto” ». Retour au texte

7 Les érudits de la ville se retrouvaient, de manière officielle depuis le 23 octobre 1639, pour une « Conversazione » littéraire chez Carlo Di Gregorio, marquis de Poggio Gregorio, plusieurs fois sénateur et ambassadeur de la ville à la cour de Madrid, mais également académicien de l’Académie de la Stella de Messine (1595-1678) dont il fut Prince en 1652. L’enthousiasme grandissant pour ces rassemblements amena à leur institutionnalisation : l’Académie de la Fucina fut inaugurée le 3 juin 1642, le jour de la fête de la Sacra Lettera. Retour au texte

8 Si les Habsbourg maintenaient volontairement cette opposition entre Palerme et Messine pour empêcher une coalition sicilienne hispanophobe d’envergure, la relative indépendance de Messine n’était pas du goût des vice-rois qui s’appliquèrent souvent à en réduire l’autonomie : la dégradation des rapports entre Messine et les vice-rois et Madrid se fit petit à petit au fil des décennies du XVIIe siècle et amena à la révolution de Messine de 1674-1678, un épisode historique singulier de la Sicile moderne, dont les origines, les caractéristiques et les conséquences furent déterminantes dans la vie académique de l’île. Sur la révolution de Messine de 1674-78, voir entre autres GALATTI Giacomo, La rivoluzione e l’assedio di Messina (1674-78): studio storico critico da fonti sincrone in gran parte inedite, Messina, Nicotra, 1899 ; CHIARAMONTE S., « La rivoluzione e la guerra messinese », in Archivio Storico Siciliano, 1899, N.S., vol. XXIV ; ARENAPRIMO G., « Diario messinese (1662-1712) del notaio Giovanni Chiatto », in Archivio Storico Messinese, 1901, anno I-II ; GUARDIONE Francesco, La rivoluzione di Messina contro la Spagna (1671-1680). Documenti, Palermo, Boccone Del Povero, 1906 ; ID., Storia della rivoluzione di Messina contro la Spagna, Palermo, Alberto Reber, 1907 ; DALLA VECCHIA Umberto, Cause economiche e sociali dell’insurrezione messinese del 1674, Messina, Prem. stab. d’arti grafiche « La Sicilia », 1907 ; LALOY Émile, La révolte de Messine. L’expédition de Sicile et la politique française en Italie (1674-1678), avec des chapitres sur les origines de la révolte (1648-1674) et sur le sort des exilés (1678-1702), Paris, Klincksieck, 1929-1931, 3 tomes ; GUARDIONE F., « Nuovi documenti inediti sulla rivoluzione di Messina », in Archivio Storico Messinese, 1925, vol. XXIV-XXV ; GIARDINA Camillo, « Documenti inediti degli “Archives Nationales di Parigi” sulla rivoluzione di Messina del 1674-78 », in Bollettino Storico Messinese, 1936-38, vol. I ; PETROCCHI Massimo, La rivoluzione cittadina messinese del 1671, Firenze, Le Monnier, 1954 ; AA. VV., La rivolta di Messina (1674-78) e il mondo mediterraneo nella seconda metà del Seicento. Convegno storico Internazionale del 10-12 ottobre 1975 a Messina, a cura di Saverio Di Bella, Cosenza, Pellegrini, 1979 ; RIBOT GARCÍA Luis Antonio, La revuelta antiespañola de Mesina. Causas y antecedentes (1591-1674), Valladolid, [s.n.], 1982 (traduit et publié en italien à Soveria Mannelli, Rubbettino, 2011) ; ID., La Monarquía de España y la guerra de Mesina (1674-1678), Madrid, Actas Editorial, 2002 ; BENIGNO F., « Lotta politica e sbocco rivoluzionario: riflessioni sul caso di Messina (1674-78) », in Storica, 1999, anno V, n. 13, p. 7-56 ; DI BELLA Saverio, Caino Barocco: Messina e la Spagna, 1672-1678: con documenti inediti e rari, Cosenza, Pellegrini, 2005 ; BOTTARI Salvatore, Post res perditas: Messina 1678-1713, Messina, A. Sfameni, 2005 ; DE CAPUA Antonella, I rami della rivoluzione: aspetti della rivolta antispagnola nella Messina del Seicento, 1674-1678, Benevento, Il chiostro, 2009. L’académicien Fucinante et Riacceso Giovan Battista Romano Colonna, originaire de Messine, réussit à publier pendant la révolte le récit des événements qui lui étaient contemporains : ROMANO COLONNA Giovan Battista, Della congiura de’ Ministri Spagnuoli contro la Fedelissima ed esemplare città di Messina, Parti III, Messina, nella stamperia dell’Ill. ed Eccell. Senato, Matteo La Rocca, 1676-77. Voir également le manuscrit suivant, conservé à la Biblioteca Regionale Universitaria de Messine (cote : BRUM, FV 64) : Historia delle guerre civili di Messina dell’anno 1672 sino al 1678 descritta da D. Francesco Lo Cascio, Palermitano del Monastero detto di Saladino. Retour au texte

9 Sur ce sujet, voir BENIGNO F., « La questione della capitale: lotta politica e rappresentanza degli interessi nella Sicilia del Seicento », in Società e storia, gennaio-marzo 1990, a. XIII, n. 47, p. 27-63. Retour au texte

10 Il s’agit des académies Pontaniana, des Eubolei, des Ardenti, des Sireni et des Incogniti de Naples. Lorsque les vice-rois essayèrent d’établir l’Inquisition à Naples en 1510 et 1547, il y eut de violentes révoltes. Sur ce sujet, voir AMABILE Luigi, « Il tumulto napoletano dell’anno 1510 contro la Santa Inquisizione: memoria letta all’Accademia Pontaniana nelle tornate del 2 e 16 dicembre 1888 dal socio residente Luigi Amabile », in Atti dell’Accademia Pontaniana, 1888, vol. 19 ; DEL GIUDICE Giuseppe, I tumulti del 1547 in Napoli pel Tribunale dell’Inquisizione: processo rinvenuto nell’Archivio di Stato di Napoli, Napoli, Michele D’Auria, 1893 ; FOLIETA Umberto, I moti napoletani contro l’inquisizione, 1547, traduzione, introduzione e note a cura di Giuliana Di Pierro, Matera, Fratelli Montemurro, 1971 ; PEDIO Tommaso, « Napoli contro l’inquisizione spagnola nel 1547 nella cronaca di Antonino Castaldo », in Saggi in onore di Leopoldo Cassese, Napoli, Libreria Scientifica Editrice, 1971 ; LOPEZ Pasquale, Inquisizione, stampa e censura nel Regno di Napoli tra ’500 e ’600, Napoli, Edizioni del Delfino, 1974 ; SOTELO ALVAREZ Avelino, La inquisición en la Nápoles aragonesa-virreinal (1442-1547), Alicante, Phd Aristos Editors, 2001. Retour au texte

11 Cf. MONTOLIU D., Accademie siciliane 1400-1701. IT Bio-bibliografica Database, en cours de publication sur line@editoriale, (http://e-revues.pum.univ-tlse2.fr/sdx2/lineaeditoriale/index.xsp). Retour au texte

12 LIPARI Giuseppe, « Per una storia della cultura letteraria a Messina dagli Svevi alla rivolta antispagnola del 1674-78 », in Archivio Storico Messinese, 1982, XXXIII, p. 167. Retour au texte

13 La classification actuelle des disciplines scientifiques diffèrent de la perception qu’en avaient les intellectuels des XVIe et XVIIe siècles : « Maurolico è convinto che la classificazione possa cambiare posizioni interne a seconda dei punti di riferimento (in base alla natura del contenuto, o secondo le potenze del soggetto nella tendenza al bene e al vero, o secondo la divisione in genere e specie), ma quel che sostanzialmente gli interessa nelle scienze non è tanto la diversità delle “posizioni”, quanto il reciproco legame […] e la comune derivazione […] ». Membre de l’Académie Messinese (1540-1560), Francesco Maurolico plaçait la géométrie avant l’astronomie qui précédait elle-même la physique (DOLLO Corrado, Modelli scientifici e filosofici nella Sicilia spagnola, Napoli, Guida, 1984, p. 14). Amedeo Quondam, en se basant sur le système de Bacon, distingua les sciences de la raison et de la nature (arithmétique, géométrie, mécanique, astronomie, anatomie, médecine, botanique, minéralogie, chimie, etc.) des connaissances mémorielles (histoire), imaginaires (littérature) et des sciences de Dieu et de l’Homme (philosophie) : « L’impiego del sistema baconiano può risultare non del tutto arbitrario, se solo si consideri la sua piena pertinenza all’ambito delle teorie e delle pratiche scientifiche dell’età delle accademie, e soprattutto la sua durata sino all’Encyclopédie, che lo adotta come punto di riferimento obbligato per la strutturazione del suo “albero enciclopedico” delle conoscenze » (QUONDAM A., « La scienza e l’Accademia », in AA. VV., Università, Accademie e società scientifiche in Italia e Germania dal Cinquecento al Settecento. Atti della settimana di studio, 15-20 settembre 1980, a cura di Laetitia Boehm e Ezio Raimondi, Bologna, Il Mulino, 1981, p. 29). Retour au texte

14 VASOLI Cesare, « Le Accademie fra Cinquecento e Seicento e il loro ruolo nella storia della tradizione enciclopedica », in AA. VV., Università, Accademie e società scientifiche in Italia e Germania dal Cinquecento al Settecento. Atti della settimana di studio, 15-20 settembre 1980, a cura di Laetitia Boehm e Ezio Raimondi, Bologna, Il Mulino, 1981, p. 83 : « non meraviglia che intorno alle Accademie corresse spesso la fama di segrete cospirazioni, il sospetto di operazioni non chiare, al limite dell’illecito, di pratiche magiche o propensioni ereticali, coperte dal pretesto dell’esercizio letterario ed erudito; e che, pertanto, i poteri politici e religiosi si affrettassero a controlarle o sopprimerle, quando non mirarono, addirittura, a trasformarli in propri strumenti convenientemente epurati, “riformati” e istituzionalizzati ». Retour au texte

15 Les étymologies latines des mots « académie » et « université » entretenaient une ambiguïté depuis le Moyen Âge : « tenne pure questo nome la scuola nel medio evo, e fino a’ dì nostri lo serbò nelle università germaniche in cui lo studente porta il titolo di civis academicus. Le Accademie giovano ora per lo avanzamento delle scienze; le università hanno per ufficio di insegnare e di promuovere anche i nuovi progressi della scienza » (SAMPOLO LUIGI, La Reale accademia degli studi di Palermo, Palermo, Tipografia dello Statuto, 1888, p. 51). Retour au texte

16 BALDINI Ugo e BESANA Luigi, « Organizzazione e funzione delle accademie », in AA. VV., Storia d’Italia. Annali 3. Scienza e tecnica nella cultura e nella società dal Rinascimento a oggi, a cura di Gianni Micheli, Torino, Giulio Einaudi, 1980, p. 1311 : « della ricerca in forma moderna, ma non l’affermazione esplicita e completa dello sperimentalismo; sul piano dell’assetto funzionale ciò corrisponde al fatto che l’attività si svolse nei moduli espositivi delle accademie tradizionali, comprendenti di norma la presentazione di testi (la “lezione”) con eventuale discussione. Questa non va però vista troppo modernamente come “verifica”, prassi complessa e strutturata che si afferma al termine del processo qui descritto: nelle accademie il momento dell’indagine era di solito esterno alla seduta, e quindi privato, anche se il dibattito poteva suscitare spunti e facilitare la circolazione di risultati ». Retour au texte

17 PECORELLA C., Art. cit., p. 212 : « È fenomeno italiano […] il moltiplicarsi di enti che si assunsero quei compiti cui l’università non provvedeva, e se li assunsero o perché non era possibile costituire una università (questo è il significato della presenza di accademie in località pur modeste) o perché non appariva possibile, forse neppur desiderabile, introdurre negli schemi universitari discipline nuove, nuovi metodi di insegnamento, una nuova atmosfera ». Sur la coexistence des universités et des académies scientifiques, voir BOTS Hans, « De la transmission du savoir à la communication entre les hommes de lettres : universités et académies en Europe du XVIe au XVIIIe siècle », in AA. VV., Commercium litterarium : la communication dans la République des Lettres, 1600-1750. Conférences des colloques tenus à Paris en 1992 et à Nimègue en 1993, publiées par Hans Bots et Françoise Waquet, Amsterdam, Maarsen, APA-Holland University Press, 1994, p. 101-117 ; BENZONI Gino, « Alla ricerca dell’identità: tra università e accademie », in Studi veneziani, 1997, XXXIII, p. 83-93. Retour au texte

18 Rappelons seulement que la Fucina ne fut pas la seule académie de Messine au XVIIe siècle : après les académies des Informi (1608-1620) et des Instabili (1623), l’Académie des Abbarbicati (1636-1678), l’Académie des Argonauti (1644-) et l’Académie des Salivari (-1678) proposèrent également des rassemblements d’érudits. L’Académie de la Stella (1595-1678) était en revanche une académie de chevaliers. Retour au texte

19 Notons que les autres ordres religieux, très présents dans l’île avec des séminaires par exemple, ne proposaient toutefois pas d’enseignement scientifique capable de rivaliser avec les académies, les universités et les collèges jésuites qui s’en disputaient déjà le monopole. Retour au texte

20 Au début du XVIIe siècle, de nouveaux contacts entre les Jésuites et l’élite politique de Messine se lièrent, au point qu’en 1628 furent confiés à sept jésuites les cours de philosophie, théologie et mathématique : Salvatore Bottari (Op. cit., p. 45) voit dans ce rapprochement une « ricerca, da parte del gruppo egemone dell’oligarchia cittadina, dell’appoggio gesuitico presso la corte spagnola per perorare la divisione del Regno di Sicilia, proprio prendendo come modello la divisione della provincia gesuitica ». En 1636-37 cependant, après de longues luttes de la part du Sénat, les Jésuites furent écartés de la gestion et des enseignements scientifiques, philosophiques et de droit de l’université, ne conservant que ceux de lettres, d’art et de théologie : une nouvelle ère commença, où c’était uniquement le Sénat qui dirigeait l’université qui fut scindée en deux, dont l’une était caractérisée par l’autonomie et la diffusion de savoirs, empreints pour certains de philosophie galiléenne. Peu de temps après commencèrent les premières réunions de la Fucina, en 1639 ; en 1641, le Consiglio civico réclamait au Sénat la fonction de Gran Cancelliere dell’almo Studio et de Regio Consiliaro qu’il conserva jusqu’à la révolution de 1674-1678. Sur les rapports entre les Jésuites et l’aristocratie érudite de Messine, voir CESCA Giovanni, L’Università di Messina e la Compagnia di Gesù, Messina, A. Trimarchi, 1900 ; TROPEA Giacomo, Sommario storico documentato del collegio ed Università di Messina di un anonimo jesuita, Messina, A. Trimarchi, 1900 ; ARENAPRIMO DI MONTECHIARO G., I lettori dello Studio messinese dal 1636 al 1674. Notizie e documenti, Messina, D’Amico, 1900 ; NOVARESE DANIELA, Istituzioni politiche e studi di diritto fra Cinque e Seicento: il Messanense studium generale tra politica gesuitica e istanze egemoniche cittadine, Milano, Giuffrè, 1994 ; AA. VV., Gesuiti e università in Europa (secoli XVI-XVIII). Atti del Convegno di studi. Parma, 13-15 dicembre 2001, a cura di Gian Paolo Brizzi, Roberto Greci, Bologna, CLUEB, 2003. Retour au texte

21 QUONDAM A., « La scienza e l’Accademia », in AA. VV., Università, Accademie e società scientifiche in Italia e Germania dal Cinquecento al Settecento. Atti della settimana di studio, 15-20 settembre 1980, a cura di Laetitia Boehm e Ezio Raimondi, Bologna, Il Mulino, 1981, p. 39-40 : « l’accademia della Fucina di Messina costituisce […] un caso altrettanto esemplare di accademia pubblica (appoggiata e finanziata dal Senato) in grado di rispondere prontamente ai problemi anche dell’emergenza ». Retour au texte

22 Au XVIIe siècle, l’ouverture d’une université à Palerme par les Jésuites, comme annexion au collège, fut demandée en 1632, validée en 1637 par le Supremo Consiglio d’Italia mais, après quelques obstacles au sein des autorités palermitaines, les Jésuites se retirèrent du projet. La tentative de 1680, après la fermeture de celle de Messine, fut un échec : il fallut en effet attendre le XIXe siècle pour que le projet devienne réalité. Daniela Novarese affirme très justement que ces refus répétitifs faisaient partie de la politique culturelle polycentriste de Madrid : « ritengo che il policentrismo possa essere assunto, nelle vicende che impedivano la realizzazione di uno Studium a Palermo, come chiave di lettura di un preciso progetto culturale, a forte valenza politica, posto in essere con successo dai sovrani spagnoli in Sicilia allo scopo di mantenere in vita equilibri assai delicati. Un disegno volto a bloccare l’emergere di un centro decisionale (economico, politico e culturale) intorno al quale potessero coagularsi forze ed interessi capaci di opporsi alla corona » (NOVARESE D., « Policentrismo e politica culturale nella Sicilia spagnola », in AA. VV., Le università minori in Europa (secoli XV-XIX). Convegno Internazionale di Studi. Alghero, 30 ottobre-2 novembre 1996, a cura di Gian Paolo Brizzi e Jacques Verger, Soveria Mannelli, Rubbettino, 1998, p. 319). Retour au texte

23 QUONDAM A., « La scienza e l’Accademia », in AA. VV., Università, Accademie e società scientifiche in Italia e Germania dal Cinquecento al Settecento. Atti della settimana di studio, 15-20 settembre 1980, a cura di Laetitia Boehm e Ezio Raimondi, Bologna, Il Mulino, 1981, p. 43. Retour au texte

24 Rappelons seulement que le mot impresa n’a pas de traduction littérale en français : il définit une académie par une représentation iconographique symbolique accompagnée d’une devise : « Figura (corpo dell’impresa) che, accompagnata per lo più da una frase allegorica (anima dell’impresa), serve come divisa o stemma gentilizio di personaggi, famiglie, stati, città, comunità, ecc. (e richiama, più o meno chiaramente, le origini, il nome, le attività, le gesta delle persone o degli enti a cui si riferisce) » (BATTAGLIA Salvatore, Grande Dizionario della lingua italiana, Torino, Unione Tipografico-editrice Torinese, 1962, vol. VII, p. 515). Retour au texte

25 FANI Luca, « Allegoria dell’impresa », in Le Muse Festeggianti nell’aprirsi l’Accademia della Fucina nella città di Messina, Bologna, Gio. Battista Ferroni, 1642, non pag. D’autres académiciens écrivirent également des discours sur cette impresa : ARMINIO MONFORTE Fra Fulgenzio, « In lode dell’impresa dell’Accademia della Fucina », in Prose degli Accademici della Fucina, Libro primo, nel quale si contengono vari Discorsi, raccolti dall’Immoto, Monteleone, Domenico Antonio Ferro, 1667, p. 59-75 ; ZERBONE Agostino, « In lode dell’Accademia della Fucina, e della sua impresa. Del Padre D. Agostino Zerbone nell’Accad. della Fucina detto l’Addormentato », in Prose degli Accademici della Fucina, Libro primo, nel quale si contengono vari Discorsi, raccolti dall’Immoto, Monteleone, Domenico Antonio Ferro, 1667, p. 76-91. Retour au texte

26 FANI L., Art. cit., non pag. Retour au texte

27 Ibidem. Retour au texte

28 Cf. NIGIDO-DIONISI G., Op. cit., p. 254 e seg. ; MONTOLIU D., Accademie siciliane 1400-1701. IT Bio-bibliografica Database, en cours de publication sur line@editoriale, (http://e-revues.pum.univ- tlse2.fr/sdx2/lineaeditoriale/index.xsp). Retour au texte

29 « Avvertimento a chi legge », in Le Stravaganze Liriche De Gli Academici della Fucina, Parte I, Bologna, Gio. Battista Ferroni, 1642, non pag. Retour au texte

30 Poesie in lode del M. R. P. Antonio Casaletti Palermitano della Compagnia di Gesù per lo suo Corso Quaresimale fatto nella Chiesa Metropolitana della medesima Città l’anno 1674, Venezia, Eredi del Babba, 1674, p. 12. Retour au texte

31 MORABITO Francesco, Catania liberata. Poema, Catania, Bonaventura la Rocca, 1669, « Lo Stampatore a chi legge », non pag. : « l’Autore dopò che ha scritto conforme all’uso, ma crede conforme all’obligo protesta, che le parole Destino, Fato, Deità, Sorte, Fortuna, Paradiso, Dea, e simiglianti; l’hà poste per ornamento del metro, poiche se per conservare intatta la purità della Fede, spenderebbe il sangue, così mai per contaminarla havrebbe sparso l’inchiostro: e vivi in gratia di Dio, se brami di campar felice ». Retour au texte

32 DEL POZZO R., Romana veritas contra haereticos, Messanae, Iacobi Matthaei, 1658. Cet ouvrage est divisé en trois parties : la première met en lumière les divers hérétiques dont l’auteur démontre les erreurs ; la deuxième partie est consacrée à l’histoire des conciles ecclésiastiques de Nicée en 325 jusqu’à Trente ; la dernière partie reporte les Actes du Concile de Trente et analyse les hérésies condamnées. Retour au texte

33 ERRICO S., Censura theologica et historica adversus Petri Soave Polani de Concilio Tridentino pseudo-historiam, Dilingae, Ignatium Mayer, 1654, « Prefazione », non pag. : « Non giova conoscere quale sia il nome vero dell’autore, né occorre sapere s’egli sia un ateista o un eretico: parlerò solo della sua storia, perché in tal maniera egli la chiama, mentre sarebbe stato assai proprio dirla Satira, difettando della qualità essenziale di quella, cioè della verità storica, dettata com’è dall’odio contro il Romano Pontefice ». Retour au texte

34 AQUILINO Cesare, De tribus historicis Concilii Tridentini, auctore Caesare Aquilinio, Antuerpiae, Joannem Verbrugge, 1656. Retour au texte

35 « Avvertimento a chi legge », in Le Stravaganze Liriche De Gli Academici della Fucina, Parte I, Bologna, Gio. Battista Ferroni, 1642, non pag. Retour au texte

36 Un débat théorique opposa les villes de Catane et de Messine. Deux courants de pensées se distinguèrent en effet dans l’avancement de ces recherches scientifiques : les catanais Mario Cutelli et Ottavio Branciforte protégèrent le modèle conservateur appelé « vétéronobiliaire », alors que Giovanni Alfonso Borelli et Marcello Malpighi, qui enseignaient à l’université de Messine, soutenaient le projet progressiste dit « néotérique ». Mais la polémique enfla également dans la ville même de Messine, où les néotériques se heurtèrent aux galéniens : en 1665, Giovanni Di Natale participa par exemple à une disputa publique sur le problème de la « saignée » avec le bolonais Carlo Fracassati, en présence d’autres médecins de la ville mais aussi d’intellectuels comme Francesco Maurizio, Bernardino Noceto, Agostino Scilla et Andrea Micalizzi. L’académicien Iatrofisico palermitain Giuseppe Mancuso se ligua, pour sa part, avec certains médecins de Messine contre l’autre bolonais enseignant à l’université, Marcello Malpighi : les polémiques auxquelles celui-ci dut répondre publiquement à la demande du sénateur Alberto Tuccari – et fondateur de l’Académie des Abbarbicati (1636-1678) –, virent ses théories triompher. En d’autres termes, la pénétration des nouvelles idées scientifiques péninsulaires, relayées par des académiciens Fucinanti tels que Giovanni Alfonso Borelli, se heurta au conservatisme des hommes de science catanais mais aussi messinais. Retour au texte

37 Les académiciens Giovanni Alfonso Borelli, Bernardo Cagliostro, Pietro Castelli, Antonio Ferrara, Placido Reina et Vincenzo Risica furent nommés pour trouver la source de l’épidémie et y remédier. Leur analyse pragmatique des causes de la malaria permit d’enrayer la maladie et de récuser de nouveau les approches empiristes et astrologiques du problème : l’académicien Giovanni Alfonso Borelli en publia d’ailleurs le traité intitulé Delle cagioni delle febbri maligne della Sicilia negli anni 1647 e 1648. Discorso di Gio. Alfonso Borrelli, Accademico della Fucina, Filosofo e Professore delle Scienze Matematiche nello Studio della nobile città di Messina. Diviso in tre parti, con una appendice della natura della febbre in comune. Et in fine si tratta della digestione de’ cibi con nuovo metodo, Cosenza, Gio. Battista Rosso, 1649. Retour au texte

38 Sur le caractère politique de la Setta dei Filosofi, voir GALLO Francesca Fausta, Siracusa barocca. Politica e cultura nell’età spagnola (secoli XVI-XVII), Roma, Viella, 2008. Retour au texte

39 Cf. Ibidem, p. 214-235. Retour au texte

40 Vers la moitié du XVIe siècle, le roi Henri III avait fondé l’ordre militaire du Santo Spirito, dont le symbole était, entre autres, composé d’une colombe. Bien qu’il existât une congrégation du Spirito Santo à Palerme, dans la chapelle de Saint-Thomas, l’archevêque de Palerme affirma, par haine des Français, qu’elle ne pouvait être soupçonnée comme celle de Syracuse dont les diverses caractéristiques prouvaient le contraire. Retour au texte

41 Rappelons que c’est le traité des Pyrénées de 1658 qui mit fin à cette guerre entre la France et l’Espagne. Retour au texte

42 Rappelons qu’après les révoltes de 1647-49, l’académie des Riaccesi ne put officiellement se réunir qu’avec de nouveaux statuts établis en 1653. Retour au texte

43 Cf. BOTTARI S., Op. cit., p. 17 : « È una fase di transizione molto delicata per Messina: un passaggio cronologico in cui lentamente si avvia il ripensamento del proprio ruolo all’interno di uno scenario mediterraneo ed internazionale che muta velocemente ». Retour au texte

44 Le calabrais Domenico Cadalopoli lut un discours scientifique en 1680 à l’Académie des Svegliati de Messine, non répertoriée par Maylender : CADALOPOLI Domenico, Sentimento su la cometa del 1680. In occasione della quale si ragiona della natura, generazione, effetti e ro rietà di tutte l’altre Comete, Venezia, Niccolò Pezzana, 1687. Cf. MINIERI-RICCIO Camillo, Catalogo di libri rari della biblioteca del Sig. Camillo Minieri Riccio, Napoli, Vincenzo Priggiobba, 1864, vol. I, p. 115 ; ACCATTATIS Luigi, Le Biografie degli uomini illustri delle Calabrie, Cosenza, Tipografia municipale, 1870, vol. II. Secoli XVI e XVII, p. 269. Retour au texte

45 Cf. LALOY Émile, Op. cit., T. I, p. 55. Retour au texte

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Citer cet article

Référence électronique

Delphine Montoliu, « La modernité de l’Académie de la Fucina de Messine, entre révolution scientifique et revendication politique (1639-1678) », Cahiers du Celec [En ligne], 6 | 2013, mis en ligne le 01 juin 2023, consulté le 20 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/celec/index.php?id=209

Auteur

Delphine Montoliu

Université Toulouse II / Le Mirail

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