La transgression comme outil de dénonciation ou d’hommage dans La voz dormida de Dulce Chacón et dans Trece rosas rojas de Carlos Fonseca

DOI : 10.35562/celec.416

Résumés

Dans les romans historiques La voz dormida et Trece rosas rojas, le traitement de l’espace est caractéristique de la transgression politique et idéologique infligée à la société espagnole. Au sein de cet espace, la résistance prend forme. Cette réaction constitue à son tour une forme de transgression par rapport à une autorité elle-même transgressive.

In the historical novels La voz dormida and Trece rosas rojas, the treatment of space is characteristic of the political and ideological transgression inflicted on Spanish society. Within this space, resistance takes shape. This reaction, in turn, constitutes a form of transgression in relation to an authority that is itself transgressive.

Plan

Texte

Dulce Chacón dans La voz dormida1 et Carlos Fonseca dans Trece rosas rojas2 donnent à voir au travers d’un chronotope3 que nous pourrions appeler « le chronotope de l’espace public dans le temps de la victoire », l’expression littéraire des étapes de l’implantation d’un nouveau régime vu comme transgression par rapport à un régime légitime. Parallèlement, dans le cadre spatio-temporel mis en place par les vainqueurs, demeure un monde fait de transgressions face à la norme et l’uniformisation nouvellement imposées. Le contexte de référence historique de ces deux romans est la victoire nationaliste après la guerre civile espagnole de 1936-1939 qui conduit à l’anéantissement de la république et à la dictature de Francisco Franco (1939-1975). La transgression est donc présentée sous un aspect binaire et opposé offrant une vision partisane de la confrontation fratricide. Nous allons étudier ses différentes manifestations.

1. Transgression par rapport au régime politique issu des urnes : implantation de la nouvelle autorité

Face à la légitimité accordée par les urnes au Frente Popular lors des élections de février de 1936, le soulèvement militaire du mois de juillet de cette même année s’inscrit dans l’Histoire en tant que transgression. Dulce Chacón dans La voz dormida et Carlos Fonseca dans Trece rosas rojas inscrivent leurs romans dans une voie de dénonciation de la transgression, des multiples transgressions exercées par l’autoritarisme des vainqueurs de la guerre civile espagnole.

La présentation romanesque du chronotope de l’espace public dans le temps de la victoire considérée comme illégitime suit un modèle qui lui est propre4. Tout d’abord, la transgression se met en place par la transformation. Ses principaux espaces sont la ville et la prison. La ville n’est pas systématiquement décrite et lorsqu’elle l’est, comme c’est le cas dans Trece rosas rojas, la description s’articule sommairement autour de sa transformation à partir du siège jusqu’à la victoire nationaliste :

Pasaron los meses y las cartas y los encuentros fugaces se entremezclaron en un Madrid asediado por el enemigo y las privaciones. Escaparates vacíos, calles con barricadas, casas destruidas o agujereadas por las bombas y mucho, mucho frío. (Trece rosas rojas, p. 91)

Le narrateur donne des précisions sur les étapes de la défaite de la capitale du pays : « Madrid fue entregada a los nacionales el 28 de marzo, pero hacía días que estaba en manos del enemigo. » (Trece rosas rojas, p. 39). Les dates précises se font rares et c’est l’adverbe « ya » qui se charge davantage d’exprimer le temps historique. La valeur littéraire de cet adverbe est liée à la rupture, au changement, au bouleversement : « la capital ya estaba en manos de los fascistas » (Trece rosas rojas, p. 156), « A las cuatro de la tarde, rendida ya la ciudad » (Trece rosas rojas, p. 37).

La nouvelle autorité, issue de la confrontation fratricide, se doit, pour s’imposer, d’afficher les signes de sa victoire. C’est ainsi que les nationalistes s’emparent de la ville, de ses couleurs. Le rouge acquiert une importance singulière ; il revêt une signification historique puisque c’était la couleur politique de Madrid pendant le conflit armé, la couleur de la résistance face à l’occupation : « Madrid había sido una ciudad roja, heroica, el símbolo de la resistencia de la República » (Trece rosas rojas, p. 15). L’appropriation de la ville est rendue, entre autres, par l’appropriation de sa couleur. Ce rouge ne rappelle pas les idéaux égalitaires de la république mais plutôt un marquage au fer rouge qui soumet la ville. La fenêtre est également un élément significatif par sa fonction de charnière, d’ouverture vers l’extérieur. Elle favorise la communication, la réceptivité et, dans ce contexte, contribue à dessiner et à encadrer la ville avec les couleurs des vainqueurs. Par son caractère limitrophe articulant l’espace privé intérieur et l’espace public extérieur, la fenêtre permet d’élargir et d’amplifier la victoire. En effet, les drapeaux nationalistes aux fenêtres trahissent la soumission des Madrilènes contraints, y compris s’ils ont défendu les couleurs de la république, d’adopter le nouveau système issu de la transgression :

Las ventanas empezaron a engalanarse con banderas rojigualdas, mientras boinas rojas, requetés y uniformes de Falange, con los brazaletes rojos y el haz de flechas, se enseñoreaban por la ciudad brazo en alto y mano extendida gritando tan fuerte como podían ¡Viva España! y ¡Franco, Franco, Franco! que habían de ser respondidos por cuantos pasaran a su lado como muestra de inequívoca e inquebrantable adhesión. (Trece rosas rojas, p. 36)

La victoire se doit d’être parfaitement visible et audible. Le nouveau drapeau est fièrement arboré, de sorte que la présence des vainqueurs devient palpable où que le regard se pose. La force de l’armée s’exprime dans les couleurs de ses uniformes qui prennent possession de la rue. Couleurs, gestuelle, cris rituels (¡Arriba España!), autant d’éléments qui signent la nouvelle topologie de la ville : « La Gran Vía […] era un desfile continuo, en el que el color caqui del uniforme militar rivalizaba con el atuendo negro y azul con boina roja de los falangistas. » (Trece rosas rojas, p. 59). Cette transformation de l’espace est toujours présentée comme radicale et fulgurante : « Madrid se transmutaba en sólo unas horas […]. No era ya la capital heroica que había plantado cara a los fascistas. » (Trece rosas rojas, p. 35-36). Les espaces et leurs fonctions sont remplacés par d’autres espaces et par d’autres fonctions qui témoignent d’une régression sociale dont le principal objectif est la répression :

En Jorge Juan 5 estaba ubicada la Dirección de Policía Urbana que compartía sede con el Tribunal Militar número 8. Se trataba de un edificio de tres plantas que durante la República había sido la sede de la Inspección de la Policía Municipal de Madrid, que al final de la guerra había perdido a la mitad de sus 1.200 agentes. (Trece rosas rojas, p. 158)

L’instauration du Nouveau Régime se fait par l’intimidation. Il se dessine ainsi une nouvelle ville au sein de laquelle la peur s’impose progressivement : « Con este Madrid asustado y demudado, de yugo y flechas, se encontró José Pena Brea el 10 de abril, tras muchos meses de ausencia. » (Trece rosas rojas, p. 61). Les sentences et les jugements expéditifs deviennent monnaie courante pour déraciner le mal : « consejos de guerra sumarísimos que se celebraban a diario en la plaza de las Salesas » (Trece rosas rojas, p. 149).

La victoire nationaliste met ainsi en place un rythme fait d’oppression où les Madrilènes vivent dans une perpétuelle attente : « Vivían agazapados, escondidos, a la espera de que aquella ciudad henchida de odio, rencor y ánimo de revancha recuperara su pulso cotidiano. » (Trece rosas rojas, p. 123). Les rivalités surgissent entre ceux qui avaient renoncé à se battre contre les nationalistes et ceux qui continuaient la lutte malgré la défaite :

Madrid, la ciudad roja que había sido capaz de resistir durante nueve meses, desde noviembre de 1936, un asedio ininterrumpido, se convirtió en el escenario de una guerra dentro de la guerra entre quienes la habían defendido sin desmayo durante tanto tiempo. (Trece rosas rojas, p. 33)

L’impassibilité et l’indifférence face aux crimes et aux humiliations commis par les vainqueurs sont aussi montrées du doigt : « La ciudad, mientras tanto, vivía ajena a la represión desatada contra los derrotados y mostraba un rostro festivo. » (Trece rosas rojas, p. 162). L’absence de descriptions sur les espaces monumentaux constitue un autre signe de la perte d’identité du territoire car comme l’indique Amelia Sanz, la ville est le lieu où le temps historique s’exprime le mieux : « l’espace urbain […] est un art temporel parce qu’il est mémoire, souvenir d’expériences et de séquences d’événements antérieurs5 ».

Cet espace pourrait ainsi appartenir à ce que l’anthropologue Marc Augé a désigné comme des « non-lieux » : « Si un lieu peut se définir comme identitaire, relationnel et historique, un espace qui ne peut se définir ni comme identitaire, ni comme relationnel, ni comme historique définira un non-lieu6. »

Dans un tel univers de répression, les espaces ouverts sont également délimités. En conséquence, c’est le mur et la palissade qui définissent le mieux la nouvelle topologie de la ville. Felipe et Paulino, en route vers la France d’où ils ont le projet d’organiser un réseau de résistance actif, vont se livrer à un rituel puéril mais significatif au moment de franchir la frontière. Ils urinent simultanément contre un mur avant d’embarquer pour l’exil : « Un gesto. No era más que una protesta. Un gesto que los dos reconocieron pequeño e inútil. » (La voz dormida, p. 165).

Plus que jamais, lorsque l’embarcation vogue sur les eaux territoriales françaises, Paulino et Felipe doivent oublier leur véritable identité et s’en tenir à celle qui leur avait été attribuée lors de la réalisation des faux papiers devant faciliter le passage d’un pays à l’autre : Jaime et Mateo. L’espace naturel de la montagne, aperçue depuis la mer, entre en opposition avec l’espace artificiel du mur évoqué par Felipe et Paulino comme représentatif de l’Espagne. L’Espagne est devenue murs de prisons, poteaux d’exécution et barrières d’exclusion :

— Ya estamos en aguas francesas.
A la derecha, Jaime y Mateo observaron la silueta de una montaña.
— Chiquillo, lo último que hemos hecho en España ha sido mear.
— Contra una tapia. (La voz dormida, p. 166)

Le mur associé à l’idée de clôture et d’enfermement est une image habituelle du roman au point d’en devenir un véritable leitmotiv7. Même la vaste étendue de l’horizon, pourtant traditionnellement signe d’absence de limites, est concernée par cette vision restrictive et étroite. Il est associé à la liberté limitée et contrôlée que le régime accordait au peuple. En 1963, Franco gracie des prisonniers. C’est ainsi que Paulino, El Chaqueta Negra, après dix-neuf ans de prison, en sort sous le nom de Jaime Alcántara. Les instructions à respecter pour vivre en liberté conditionnelle figurent sur un document officiel intégré dans le roman sur des pages non numérotées : « 1° Irá directamente al lugar que se le haya asignado, […]. 2° No podrá salir del lugar que se le haya asignado ». La brève description de l’horizon se situe après l’évocation de ce document et après la marque temporelle « Y era miércoles ». L’auteur emprunte ces trois vers à Luis Álvarez Piñer :

Y a lo lejos
la empalizada temporal improvisaba
el horizonte imprescindible. (La voz dormida, page non numérotée, dernières pages du roman)

La palissade forme la barrière délimitant sa liberté et d’une manière générale celle des Espagnols. L’horizon, qui dénote usuellement une vaste étendue, se voit réduit par l’adjectif « imprescindible ». Cet adjectif suggère avec force un sentiment de survie. Par le cloisonnement de l’horizon, l’auteur dénonce le manque de liberté des Espagnols pendant le franquisme. L’Espagne était ainsi devenue une grande prison.

L’espace carcéral sert ainsi à asseoir l’autorité du nouveau régime. Le régime improvise des lieux de réclusion et s’approprie des espaces tout aussi improvisés par les républicains destinés à la réclusion et à la torture des nationalistes pendant la guerre civile : « Fueron conducidos a un chalé de la calle Lope de Rueda que había sido checa y en la que ahora se hacinaban los detenidos. » (Trece rosas rojas, p. 109). L’entassement des prisonniers est un élément significatif de la déshumanisation des détenus : « Se queja de que doce petates ocupen el suelo de las celdas donde antes había una cama, una mesa, un pequeño armario, y una silla. » (La voz dormida, p. 132). Cet espace carcéral ne peut pas être désigné par le substantif « prison », il est réduit au substantif générique « espacio » : « Aquel espacio atestado se convertía entonces en un hervidero de sentimientos, de gritos y llantos, en los que unos y otros intentaban hacerse escuchar. » (Trece rosas rojas, p. 185). L’expression « hervidero de sentimientos » nous renvoie aussi à l’entassement de souffrances humaines confondues dans un espace indigne de porter le nom de prison.

Les espaces fermés acquièrent une grande importance. La clôture et l’immobilisme subjuguent à tel point l’espace que le temps se limite à l’ouverture et la fermeture des portes de prison. L’expression de l’intermittence de l’adverbe « ya » nous renvoie paradoxalement à la continuité, à l’univers de répression imposé par les nationalistes signifiant ainsi davantage l’enfermement dans la répétition que le progrès. « El funcionario ya ha cerrado la puerta. » (La voz dormida, p. 344). La porte, symbole du passage d’un état à un autre, d’un monde à un autre, reste donc essentiellement fermée dans ces romans qui dénoncent le franquisme. Elle matérialise une privation tangible de liberté de mouvement et d’expression pendant la dictature : « Las puertas de las cárceles no se abrirían tras la victoria de los aliados. » (La voz dormida, p. 328). Les vainqueurs ont ainsi institué un nouveau temps fait de continuité et d’actes répétés car en prison s’instaure un temps propre à la détention, fait de répétitions, qui fonctionne aussi comme un élément carcéral :

La noche era tiempo para recrearse en la última visita de los seres queridos, para abrir las cancelas y volar libres. El atardecer, en cambio, creaba en la prisión un desasosiego fantasmal. (Trece rosas rojas, p. 13)

De même, la présence permanente du soleil dans la cour de la prison évoque l’immobilisme du pays. Le temps et les différentes orientations du soleil semblent abolis tout comme la pluralité d’idées politiques ou religieuses. La description de la cour est recensée dans une lettre adressée par Dionisia Manzanero à sa famille afin de la rassurer. Ce soleil statique rappelle l’hymne phalangiste « Cara al sol » : « Gorda no sé si me pondré, pero morena sí, porque salimos a unos patios que da el sol todo el día. » (Trece rosas rojas, p. 186).

Dans ce même ordre d’idées, les seules marques du temps cyclique comme références à la vie apparaissent dans les souvenirs des révolutionnaires. Felipe, réfugié dans le maquis afin de poursuivre sa lutte contre les nationalistes, se remémore un temps passé aux côtés de sa femme Tensi. Le temps cyclique semble appartenir aux révolutionnaires mais il est lié au passé, au souvenir, au temps où l’Espagne était encore libre :

Le gustaban las noches así, cuando el cielo se dibuja a sí mismo y las estrellas parecen el rastro luminoso de una explosión de luz. Le gustaba. Y en las noches de estrellas le gustaba buscar la de Tensi. (La voz dormida, p. 293)

En conséquence, la victoire nationaliste fait plonger le pays dans un non-temps. Un autre exemple de ce non-temps est donné par la présentation des horloges qui ne donnent que très rarement l’heure. Les seules fois où cela se produit correspondent aux moments où l’action se rapporte aux républicains, comme lorsque Pepita porte un message à un leader républicain8 : « Las campanas de la Iglesia de San Judas Tadeo darán la media. Las ocho y media. » (La voz dormida, p. 85), ou lorsque don Fernando décide de reprendre son métier de médecin après avoir donné naissance à la fille de Tensi en prison : « Se dirigirá hacia el reloj de pared del pasillo, le dará cuerda sin perder la sonrisa. » (La voz dormida, p. 209).

Le temps historique associé au progrès s’estompe pour laisser place à la continuité qui signe la régression. L’opposition entre les termes ancien et moderne joue également un rôle significatif. L’appréciation de l’un par rapport à l’autre est question de point de vue ou de perspective. Le vaincu se remémore un passé idéalisé au moment de la guerre, alors que le vainqueur voit dans son présent le renouveau nécessaire pour barrer la route à un passé décadent. Les variations possibles sont donc multiples et dépendent essentiellement de la perspective adoptée. Dans La voz dormida, la dichotomie ancien/moderne concerne le souvenir d’une célèbre pâtisserie de l’époque de la république. El Chaqueta Negra vient de sortir de prison et se marie à l’église avec Pepita. Leur gâteau de mariage vient de « la antigua pastelería del Pozo ». L’adjectif « antiguo » rappelle une période révolue car la pâtisserie porte désormais un autre nom, mais le fait de la présenter sous l’ancien nom transcrit la persistance des convictions républicaines. De plus, le substantif « Pozo » désigne un espace de vie car il contient de l’eau. Cette eau du passé entre en opposition avec la sécheresse qui caractérise l’espace nationaliste. Un espace de vie lié au passé se surimprime sur l’espace de mort et de survie caractéristique du présent : « van a recoger el pastel de bodas que han encargado en la Antigua Pastelería del Pozo. » (La voz dormida, p. 372).

Trece rosas rojas n’utilise l’adjectif « moderno » que pour émettre une critique sur la dégradation du pays, après la victoire nationaliste. Cet adjectif se rapporte à la prison construite pendant la république pour devenir un centre de formation et de réinsertion plutôt qu’un espace de réclusion. « Moderno » est donc synonyme d’un progrès social obtenu pendant la république et perdu pendant la dictature :

La moderna prisión […] se había transformado en un enorme almacén humano […]. (Trece rosas rojas, p. 167)

Pero aquella prisión ante cuya puerta de acceso esperaba ahora Dolores no tenía nada que ver con los aires renovadores que Victoria Kent había intentado llevar al mundo penitenciario. (Trece rosas rojas, p. 142)

C’est ainsi que le temps semble avoir subi les transformations que les nationalistes ont infligées à la ville et à ses habitants. L’écriture vise donc à dénoncer en pointant du doigt le nouveau régime comme étant à l’origine de l’involution du pays. La catégorie temporelle agit donc comme un élément significatif au sein de l’œuvre. Cette idée a déjà été soulignée par la critique. De ce fait, José María Pozuelo Yvancos s’appuie sur Paul Ricœur lorsque celui-ci défend, comme l’une des clés de la fiction narrative, l’expérience fictionnelle du temps de la narration en s’éloignant des théories de Gérard Genette qui ne tient pas compte de l’expérience subjective du temps :

La medida de la literaturización del tiempo le da su capacidad para formar parte del significado mismo del texto artístico y el modo cómo el tiempo interviene en la creación de ese significado9.

Le nouveau régime se livre également à une transgression des valeurs religieuses. Le catholicisme, en s’associant au soulèvement illégitime et en imposant sa doctrine par la force de la violence, transgresse ses lois fondatrices. Les vainqueurs imposent à la ville un nouveau rythme de vie représentatif de l’idéologie du régime qui active la sainte Croisade contre ces nouveaux ennemis que sont les Rouges : « eran frecuentes las misas de campaña organizadas en las calles más emblemáticas de la ciudad en acción de gracias por el triunfo de la Cruzada. » (Trece rosas rojas, p. 59).

Une autre manifestation de cette transgression est la présence du crucifix comme seul élément descriptif dans des espaces où s’exerce la torture. Le mur atemporel sur lequel il est fixé laisse entendre que le christianisme cautionne la barbarie dont sont victimes les vaincus : « Los dos hombres la dejan [a Pepita] sentada en una silla en medio de la habitación que tiene un crucifijo colgado en la pared, y se alejan. » (La voz dormida, p. 176).

La présentation de la forte demande de remises de peine accordées par Franco pour commémorer l’année jacobée en constitue un autre exemple : « Es martes, y la cola en la iglesia supera la Plaza de Santa Cruz. » (p. 341). La référence au deuxième jour de la semaine rappelle son étymologie planétaire et ses connotations guerrières. Le chiffre deux, qui correspond à la place du mardi dans la semaine ainsi qu’à la planète mars à laquelle il est associé, rappelle les deux forces qui s’opposèrent dans la guerre civile. De même, le nom de la place « Santa Cruz » n’est pas anodin car il nous renvoie au sacrifice du Christ pour racheter les péchés de l’humanité et à son exploitation ultérieure, puisque l’on peut condamner au nom de la religion.

Lors de la sortie des prisonnières pour leur exécution, le texte donne aussi à voir l’invalidité du discours chrétien sur la mort. Même au moment de mourir, les prisonnières ne parviennent pas à voir l’horizon, à éprouver un moment de liberté dans l’ouverture de l’espace :

Una a una cruzaron aquel portón de madera que habían franqueado por primera vez meses atrás con el desasosiego de quien se sabe ante un mundo inhóspito, y al hacerlo miraron al horizonte que les había sido hurtado durante tanto tiempo. Aún era noche cerrada y en lontananza no se adivinaba nada. (Trece rosas rojas, p. 236)

La marque temporelle « noche cerrada » insiste sur l’emprisonnement qui se prolonge en dehors des murs pénitentiaires. La possible libération dans la mort est mise à l’écart par la description spatiale de l’au-delà qui ne laisse pas présager l’éventualité d’un paradis : « en la lontananza no se adivinaba nada ».

Mais dans l’univers des multiples transgressions déployées par le soulèvement nationaliste, demeure un autre monde souterrain de résistance fait de transgressions au régime installé par la force.

2. Transgression au nouveau régime : conviction, détermination des républicains

Bien que l’écriture romanesque présente l’Espagne comme une grande prison, le nouveau régime ne réussit pas à anéantir la détermination d’un groupe de républicains. Trece rosas rojas et La voz dormida rendent hommage aux perdants de la guerre civile en leur donnant la parole. Par le biais de la littérature affleurent les histoires individuelles et collectives de ces hommes et de ces femmes condamnés au silence. La transgression menée par les vaincus grandit ces derniers. Ils transgressent la norme dans le but d’organiser la résistance à l’intérieur de ce nouveau cadre spatio-temporel :

Ésa fue la primera decisión de Severino, buscar gente. […]. Pasear al caer la tarde se convirtió así en un ejercicio habitual, rutinario, para observar y ser observado, para indagar los cambios en una ciudad transmutada por la derrota. (Trece rosas rojas, p. 66)

La réunion hebdomadaire des femmes républicaines à La Casa de Campo s’inscrit dans cette même démarche :

[Reme] no tardó en ser la responsable de la célula que se reunía en la Casa de Campo, simulando una merienda campestre bajo dos árboles a los que llamaron Puerta Chiquita. (La voz dormida, p. 286)

Cet espace devient pour ces femmes, le temps d’un goûter dominical, un lieu de résistance. Malgré la forte répression du régime dictatorial, leur détermination reste inébranlable :

Es domingo y a pesar del frío, la Casa de Campo está más concurrida que de costumbre. Al llegar a Puerta Chiquita, el grupo de mujeres que simula haberse reunido para merendar rodea a Reme. (La voz dormida, p. 333)

La « Puerta chiquita », l’emplacement entre deux arbres où se réunissaient les femmes républicaines, devient dans le texte un espace nommé et identifié. Ces femmes ont donné naissance à un espace de rébellion. La porte, presque toujours fermée, est un élément très présent dans les romans qui abordent l’après-guerre. Ici, la porte est imaginée et délimite un espace mais ne le ferme pas. Les deux arbres de la porte imaginaire fonctionnent comme deux colonnes naturelles. L’arbre réunit divers éléments : l’eau circule avec sa sève, la terre s’intègre à son corps par ses racines, l’air nourrit ses feuilles, le feu jaillit de son frottement. Ces éléments naturels sont présentés en harmonie avec la lutte des républicains. Ces réunions de femmes, en apparence inoffensives pour la stabilité du régime, inscrivent la transgression dans la continuité. En mémoire de sa sœur emprisonnée et assassinée par le nouveau régime, Pepita accompagne sa nièce à ces rassemblements de femmes républicaines. L’adhésion de Tensi témoigne de la persistance des valeurs défendues par la république malgré l’autoritarisme et la forte coercition de la dictature : « Pepita asistirá en silencio a las meriendas en la Casa de Campo, año tras año, de la mano de Tensi, que crecerá entendiendo las palabras que Pepita no quiere entender. » (La voz dormida, p. 337).

Le combat de ces femmes fut utile parce qu’il s’intégra dans la durée « año tras año ». La dictature ne parvint pas à étouffer leur conviction. Dulce Chacón a toujours déclaré que La voz dormida est avant tout un hommage à la femme qui participa activement à la guerre et qui a toujours été reléguée au second plan dans la reconnaissance collective :

La mujer perdió doblemente la guerra. Perdió la contienda y perdió la lucha civil. La mujer había ganado muchas batallas en la República, muchos derechos. Avances que de un cuajo se los arrancaron. La mandaron a casa y los trabajos a los que había accedido porque el hombre estaba en la guerra se los quitaron porque el hombre regresaba de la guerra. Se la destinó a ser el «descanso del guerrero» y el «ángel del hogar». Aparte de la pérdida de la guerra y de la pérdida de los derechos civiles, fue una situación muy injusta porque la mujer había sido protagonista principal de la historia y siempre se la ha relegado a un segundo plano. Y no fue así, por los testimonios que yo he recogido se constata que hay mujeres que han sido guerrilleras. Sin embargo, cuando se nombra a la guerrilla o al maquis se habla de hombres, pero de mujeres muy pocas veces. Y ahí están Reme, Esperanza y muchas otras que han sido guerrilleras y siguen viviendo10.

C’est ainsi que, malgré la volonté de la nouvelle autorité d’anéantir les risques de débordements, la lutte continue même à l’intérieur des enceintes de la prison. Le texte donne à voir des espaces de solidarité dont l’écriture romanesque crée un parallélisme avec le christianisme. Un exemple est constitué par « la habitación de los lavabos ». Dans La voz dormida, la chambre dénote un espace de solidarité et de réunion clandestine à l’intérieur de la prison. Les détenues se répartissent en groupes nommés « familles ». Afin de s’entraider, les prisonnières qui recevaient des vivres les partageaient avec d’autres camarades moins favorisées :

Esa misma noche, en la reunión de Partido en la habitación de los lavabos, Tomasa y Reme debían incorporarse a una nueva familia. Como Reme recibía paquetes y Tomasa no, buscaron un grupo que ya estuviera compensado. (La voz dormida, p. 254)

Famille, espoir, cérémonial codifié en un lieu déterminé, tous ces éléments ne sont pas sans rappeler les principes fondamentaux du christianisme. L’espoir qui aide les jeunes femmes à surmonter les épreuves de l’incarcération rappelle la foi qui guide le chrétien tout au long de sa vie et qui l’aide à surmonter l’adversité dans les épreuves. Les prisonnières survivent donc en établissant leur propre dogme avec ses principes et ses rituels. Les lavabos rappellent les fonts baptismaux qui garantissent, lors d’une cérémonie tout aussi rituelle et codifiée, l’intégration dans la grande famille des catholiques. L’eau acquiert de la sorte une valeur connotative fortement marquée. L’espace prosaïque de la salle d’eau devient ainsi espace sacré. Ce parallélisme entre éthique républicaine et christianisme rappelle les deux camps opposés de la guerre civile. Cette partie de l’espace carcéral, nommée « habitación de los lavabos » par les prisonnières, présente les caractéristiques que Florence Paravy attribue à l’espace carcéral littéraire en tant que « lieu étrange où dans les conditions les plus inhumaines peut s’accomplir un extraordinaire progrès humain, car elle pousse le sujet à transcender sa situation11. »

La transgression s’opère aussi lorsque, profitant du travail de couture destiné à la confection des uniformes nationalistes, les prisonnières détournent les tissus pour habiller les républicains :

Le cuentan que las que saben leer y escribir están enseñando a las que no saben, y que en el taller de costura están haciendo un buen trabajo.

— Sacamos prendas para la guerrilla. (La voz dormida, p. 58)

Malgré l’enceinte de la prison, l’évasion n’est pas uniquement possible par l’imagination et les souvenirs mais également par l’évasion physique des prisonnières. Lors du spectacle donné par Antoñita Colomé à la prison, les prisonnières applaudirent avec enthousiasme son interprétation de « La tempranica12 ». La chanteuse, elle-même républicaine, leur apporte de l’espoir. En feignant de perdre connaissance, elle participe à l’évasion de Sole, une importante dirigeante républicaine de Salamanque, et d’Elvirita, condamnée à mort :

Cantaron a coro La tarántula.

La señal.

Fingió la artista.

Se desmayó.

Las actrices continuaron cantando La tarántula. Alzaron la voz hasta desgarrar las gargantas. La canción sobrepasó las tapias y llegó al exterior de la prisión. Al otro lado del patio, esperaban la señal dos hombres uniformados.

Maldita la araña que me picó.

El resto fue confusión. (La voz dormida, p. 249)

À l’opposé de l’enfermement et de l’immobilisme imposé par la nouvelle Espagne, se dessine un passé républicain fait d’ouverture et de progrès. Dans La voz dormida, les manifestations de ce temps se réduisent à quelques dates qui ne signalent pas les jours décisifs de la bataille ou de l’après-guerre, mais qui évoquent des moments importants empreints de valeurs républicaines. Tel est le cas du jour où Hortensia apprit à écrire :

[Hortensia] Y recuerda el verano de mil novecientos treinta y siete, cuando aprendió a escribir. Le enseñó El Chaqueta Negra en la Casa Grande de Las Tres Cruces, cerca de Don Benito. Toda Extremadura estaba tomada, excepto la Bolsa de la Serena. Y ellos resistieron en la Casa Grande, y El Chaqueta Negra le enseñó a escribir en la pared. (La voz dormida, p. 191)

Plusieurs éléments dans cette citation renvoient aux deux camps de la guerre civile. D’une part, cette citation nous ramène à la référentialité historique de ces terres comme lieu reconnu de forte résistance républicaine pendant la guerre. D’autre part, la description laisse apparaître une opposition par rapport au message chrétien. Ce dernier se manifeste essentiellement dans l’identification des lieux « Casa Grande » et « Las Tres Cruces ». Cet espace acquiert la fonction d’un temple. De même que l’église est le lieu où l’on transmet un enseignement prenant appui sur le texte biblique, de même la Casa Grande est le lieu de la transmission d’un savoir puisque El Chaqueta Negra, dont le surnom rappelle la soutane des prêtres, transmet à Hortensia les rudiments de l’écriture. Toutefois, cet enseignement n’est pas placé au service de l’idéologie catholique. La Casa Grande n’est pas la maison de Dieu mais la maison qui abrite les républicains. Le mur fonctionne en tant qu’espace d’ouverture car il sert de support à l’écriture. Par le message qu’il contient, la démocratie s’impose par l’instruction et la responsabilité de tout un chacun :

Los hombres dormían en el piso de arriba y por la mañana descargaban la vejiga desde la escalera. Fue Hortensia la que escribió en la pared con letras de molde recién aprendidas: EL QUE ORINE DESDE LA ESCALERA SERÁ CONSIDERADO CAMARADA CERDO. Y fue ella la que dejó constancia sobre el muro de que el batallón número cinco había llegado a la Casa Grande el día dieciocho de julio de 1937, escribiendo en la pared el nombre de los milicianos que lo componían: Pedro Gómez, Aniceto Estévez, Carlos Peinado, Estrella López, Patricio Rovira, Eloy Menéndez. Doce nombres escribió en la pared. (La voz dormida, p. 191-192)

La mention des douze noms des républicains réfugiés à la Casa Grande crée un parallélisme avec les douze apôtres chrétiens. Les apôtres républicains sont des hommes et des femmes qui risquent leur vie pour défendre la dignité de l’homme. Tensi vient tout juste d’apprendre à écrire, mais elle prêche déjà pour la justice humaine. Cette date et cette inscription sur le mur figurent comme la trace écrite de l’histoire des républicains et des valeurs qu’ils défendaient :

Un autre exemple de ce type est constitué par la mention de la date anniversaire du premier rassemblement des résistants :

La creación de la Agrupación Guerrillera de Cerro Umbría se llevó a cabo en asamblea en el molino Antón, en la noche del primero de abril de mil novecientos cuarenta y tres, ante los jefes de todas las brigadas. (La voz dormida, p. 288)

Ces deux descriptions du mur intègrent donc des dates précises et les noms d’un groupe de défenseurs de la démocratie. En faisant figurer des dates en rapport avec les républicains, le passé des vaincus rentre dans l’Histoire et donne de la légitimité à ses acteurs oubliés car, comme l’avait déjà souligné P. Ricœur, « les notions de temps datable, public, extensif sont essentielles au déchiffrage des “traces” du passé13 ». La « version officielle » transgressa les faits pour asseoir son autorité. Mateo de Paz Viñas établit le constat suivant au sujet de l’Enciclopedia Álvarez et d’autres « versions officielles » de l’Histoire :

los libros de historia de España escritos por la disposición franquista que extendía implacablemente su ordenancismo, la Enciclopedia Álvarez y la «gloriosa cruzada», entre otros, han quedado, necesariamente, relegados al olvido. Estos documentos […] representan de manera inverosímil y con pretensiones literarias únicamente la historia unilateral de los vencedores14.

C’est ainsi que Carlos Fonseca et Dulce Chacón présentent littérairement leur engagement avec les perdants de la guerre civile espagnole. Carlos Fonseca rappelle que les nationalistes transgressèrent la loi en se soulevant contre la république :

Es verdad que ambos bandos cometieron atrocidades, que la realidad no es blanco o negro, sino que hay una enorme gama de grises, pero no conviene olvidar que la legalidad era la republicana, que había sido refrendada en las urnas, y que los fascistas se levantaron en armas contra esa legalidad15.

Conclusion

L’approche chronotopique se révèle être particulièrement éclairante dans l’analyse de La voz dormida de Dulce Chacón et de Trece rosas rojas de Carlos Fonseca. Parmi les éléments fédérateurs qui unissent les deux productions littéraires caractéristiques du roman historique, nous avons considéré et mis en évidence que le plus éclairant, dans la perspective retenue par les auteurs, est le chronotope de l’espace public dans le temps de la victoire. Il va de soi que la victoire des uns implique la défaite, voire la soumission des autres. L’implantation du nouveau régime qui parvient à renverser le pouvoir en place est perçue comme une transgression majeure. Cette transgression politique brutale impose un tournant radical dans la vie quotidienne. Ce changement, voulu et imposé par les vainqueurs, est ostensiblement affiché. Il s’agit là d’une stratégie de propagande visant à l’acceptation de la situation nouvelle, ou pour le moins à laisser entendre qu’il n’existe pas d’autre issue envisageable. Tant et si bien que le régime façonne et modèle l’espace, tout particulièrement l’espace public, urbain et carcéral. La notion d’enfermement prédomine dans le traitement de l’espace extérieur, provoquant de la sorte une impression de non-temps ou de temps paralysé. L’espace dans les deux romans retenus est le vecteur des traces de la victoire. En opposition à cette représentation littéraire de l’involution du pays, La voz dormida dessine le cadre spatio-temporel des vaincus, ouvert et en mouvement, signe d’un progrès stoppé.

La volonté de traiter le passé devient une constante dans la société espagnole actuelle. Nombreux sont les livres d’histoire, les productions cinématographiques et littéraires sur le passé récent. Les deux romans proposés en sont un exemple car comme l’indiquait Dulce Chacón, la connaissance d’autres versions de l’Histoire est à la base de la reconstruction d’un peuple :

Hablar todavía del conflicto es revivirlo, y existe ese resquemor quizá porque se ha hablado poco de él. Es necesario hablar más y contar más, para que la voz sea un instrumento de reconciliación y no un arma arrojadiza contra el otro. La reconciliación real todavía no ha llegado, porque aún no se ha producido esa conversación. Hemos oído la versión de los vencedores, ahora tenemos que oír a los vencidos. […] El conflicto acabará cuando se pueda hablar libremente de él16.

Ces déclarations révèlent une forte volonté de revisiter le passé mais ce passé est dessiné avec des coordonnées spatio-temporelles qui lui sont propres et qui appartiennent inéluctablement au domaine littéraire. Le caractère « quasi historique » de la fiction et le caractère « quasi fictif du passé historique17 » nous semblent bien illustrer les propositions romanesques de ces deux romans :

S’il est vrai qu’une des fonctions de la fiction, mêlée à l’histoire, est de libérer rétrospectivement certaines possibilités non effectuées du passé historique, c’est à la faveur de son caractère quasi historique que la fiction elle-même peut exercer après coup sa fonction libératrice. Le quasi-passé de la fiction devient ainsi le détecteur des possibles enfouis dans le passé effectif. Ce qui « aurait pu avoir lieu » – le vraisemblable selon Aristote – recouvre à la fois les potentialités du passé « réel » et les possibles irréels de la pure fiction18.

En cédant la parole aux oubliés de l’Histoire, les deux auteurs empruntent la voie de la dénonciation et se fixent l’objectif de laisser entendre la voix de ceux que l’Histoire a longtemps méprisés.

Bibliographie

Augé Marc, Non-lieux, Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Seuil, coll. « Librairie du xxie siècle », 1992.

Bakhtine Mikhaïl, Esthétique et théorie du roman, Paris, Gallimard, 1987.

Chacón Dulce, La voz dormida, Madrid, Alfaguara, 2005.

Crespo Mariano, « Entrevista a Dulce Chacón », in mujeractual.com, s.d. http://www.mujeractual.com/entrevistas/chacon/index3.html, consulté le 9 décembre 2012

De Paz Viñas Mateo, « La voz dormida de Dulce Chacón. La novela como forma de realidad histórica », República de las Letras. Revista literaria de la Asociación Colegial de Escritores, no 83, 2004, p. 158-170.

Fonseca Carlos, Trece rosas rojas, Madrid, Temas de hoy, 2005.

Paravy Florence, « Espace carcéral, espace littéraire », in Vion-Dury Juliette, Grassin Jean-Marie et Westphal Bertrand (dir.), Littératures et espaces. Actes du xxxe congrès de la Société française de littérature générale et comparée, Limoges, 20-22 septembre, Presses universitaires de Limoges, 2001.

Pozuelo Yvancos José María, « Tiempo del relato y representación subjetiva (un problema teórico y unos cuentos de J. Cortázar) », in Annexes aux Mélanges de la Casa de Velázquez. Rencontres, vol. 3 Le Temps du récit, Madrid, Casa de Velázquez, 1989.

Ricœur Paul, Temps et récits, vol. III Le temps raconté, Paris, Seuil, 1985.

Sanz Amelia, « Lire l’espace contemporain », in Soubeyroux Jacques (dir.), Lire l’espace. Littératures et arts d’Espagne et d’Amérique latine, Publications de l’université de Saint-Étienne, coll. « Cahiers du GRIAS », 1994.

Velázquez Jordán Santiago, « Dulce Chacón: La reconciliación real de la guerra civil aún no ha llegado », Espéculo. Revista de Estudios Literarios, no 22, 2002. http://www.ucm.es/info/especulo/numero22/dchacon.html, consulté le 9 décembre 2012

Notes

1 Chacón Dulce, La voz dormida, Madrid, Alfaguara, 2005. La trame du roman est élaborée à partir d’histoires de vies individuelles qui nous renvoient à une histoire collective, celle de l’histoire de l’Espagne de l’après-guerre. La population vit dans le souvenir et dans l’attente du retour de la république et de la liberté. Les histoires individuelles sont incarnées par des personnages fictifs en prenant parfois appui sur des personnes ayant vécu les faits. Rares sont les personnages bénéficiant d’une identité complète. Retour au texte

2 Fonseca Carlos, Trece rosas rojas, Madrid, Temas de hoy, 2005. Carlos Fonseca réécrit l’histoire des premières années de l’après-guerre à Madrid. L’assassinat de treize jeunes femmes fusillées le cinq août 1939 constitue la base du roman. Le texte regorge d’informations concernant ces treize victimes : identité complète, domicile, situation de famille et motif de leur arrestation. Retour au texte

3 En 1973, le critique littéraire russe Mikhaïl Bakhtine compléta le chapitre intitulé « Formes du temps et du chronotope dans les romans », de son livre Esthétique et théorie du roman. Bakhtine arriva aux conclusions selon lesquelles les catégories spatio-temporelles sont inséparables et supposent une émotion. C’est uniquement par l’analyse des chronotopes que l’on peut saisir la signification d’une œuvre : « toute pénétration dans la sphère des sens ne peut se faire qu’en passant par la porte des chronotopes ». Bakhtine Mikhaïl, Esthétique et théorie du roman, Paris, Gallimard, 1987, p. 398. Afin de démonter le chronotope dans les citations des romans étudiés, les marqueurs de temps sont soulignés et les espaces ont été mis en gras. Retour au texte

4 Les espaces et les marqueurs temporels ont été respectivement transcrits en gras et soulignés pour la mise en évidence de ce chronotope. Retour au texte

5 Sanz Amelia, « Lire l’espace contemporain », in Soubeyroux Jacques (dir.), Lire l’espace. Littératures et arts d’Espagne et d’Amérique latine, Publications de l’université de Saint-Étienne, coll. « Cahiers du GRIAS », 1994, p. 19. Retour au texte

6 Augé Marc, Non-lieux, Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Seuil, coll. « Librairie du xxie siècle », 1992, p. 100. Retour au texte

7 Antoni Tàpies a également montré et défini les murs en tant que « testigos de los martirios y del sufrimiento inhumano causado a nuestro pueblo ». « Antoni Tàpies. Gran pintura, 1958 », Solomon R. Guggenheim Museum, Collection online, 2011, cité par « Abstracción pictórica, 1949-1969: Selecciones de las Colecciones Guggenheim », 14 juin 2011-8 janvier 2012. http://www.guggenheim-bilbao.es/guia-educadores/antoni-tapies-gran-pintura-1958/, consulté le 15 août 2014 Retour au texte

8 Il est significatif que le seul saint mentionné du côté des opposants soit saint Jude Thaddée. Ce saint est le patron des causes impossibles et sa tendresse est l’un de ses traits distinctifs. L’image que l’Église donnait de Jésus, pendant et durant la dictature, était celle de la crainte et du châtiment. La mention de saint Jude Thaddée offre une autre vision de l’Église, plus humaine. De plus, le chiffre huit symbolise l’équilibre central qui est aussi celui de la justice. La référence au saint est récurrente : « De camino a la pensión, Pepita entró en la iglesia de San Judas Tadeo. Prendió dos velas. » (La voz dormida, p. 310). Retour au texte

9 Pozuelo Yvancos José María, « Tiempo del relato y representación subjetiva (un problema teórico y unos cuentos de J. Cortázar) », in Annexes aux Mélanges de la Casa de Velázquez. Rencontres, vol. 3 Le Temps du récit, Madrid, Casa de Velázquez, 1989, p. 172. Retour au texte

10 Crespo Mariano, « Entrevista a Dulce Chacón », in mujeractual.com, s.d. http://www.mujeractual.com/entrevistas/chacon/index3.html, consulté le 9 décembre 2012. L’interview fut publiée pour la première fois dans la revue Tribuna en 2002. Retour au texte

11 Paravy Florence, « Espace carcéral, espace littéraire », in Vion-Dury Juliette, Grassin Jean-Marie et Westphal Bertrand (dir.), Littératures et espaces. Actes du xxxe congrès de la Société française de littérature générale et comparée, Limoges, 20-22 septembre, Presses universitaires de Limoges, 2001, p. 151. Retour au texte

12 La tempranica, zarzuela composée par Gerónimo Giménez, dont le livret est de Julián Romea Castro, fut représentée pour la première fois au Teatro de la Zarzuela de Madrid le 19 septembre 1900. Cette zarzuela raconte l’histoire de la jeune gitane, María la tempranica, amoureuse du comte Don Luis. Le refrain insiste sur la tristesse de la jeune femme :
Tempranica me llaman
Quizás lo sea
Quizás lo sea,
no por las alegrías
Sí pa las penas,
Sí pa las penas.
La tarántula, que les prisonnières chantent, fait partie de cette zarzuela. María la tempranica et les femmes emprisonnées partagent ce même sentiment de chagrin et de souffrance. Retour au texte

13 Ricœur Paul, Temps et récits, vol. III Le temps raconté, Paris, Seuil, 1985, p. 179. Retour au texte

14 De Paz Viñas Mateo, « La voz dormida de Dulce Chacón. La novela como forma de realidad histórica », República de las Letras. Revista literaria de la Asociación Colegial de Escritores, no 83, 2004, p. 164. Retour au texte

15 « Ha estado con nosotros Carlos Fonseca » [en ligne], in elmundo.es, 18 mai 2004. http://www.elmundo.es/encuentros/invitados/2004/05/1085/, consulté le 9 décembre 2012 Retour au texte

16 Velázquez Jordán Santiago, « Dulce Chacón: La reconciliación real de la guerra civil aún no ha llegado », Espéculo. Revista de Estudios Literarios, no 22, 2002. http://www.ucm.es/info/especulo/numero22/dchacon.html, consulté le 9 décembre 2012 Retour au texte

17 Ricœur Paul, Temps et récits, op. cit., p. 278. Retour au texte

18 Id. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

María del Carmen Ayala Flores-Del Vecchio, « La transgression comme outil de dénonciation ou d’hommage dans La voz dormida de Dulce Chacón et dans Trece rosas rojas de Carlos Fonseca », Cahiers du Celec [En ligne], 13 | 2018, mis en ligne le 01 juin 2023, consulté le 06 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/celec/index.php?id=416

Auteur

María del Carmen Ayala Flores-Del Vecchio

PRAG Espagnol — CELEC (EA 3069), Université Jean Monnet Saint-Étienne

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