Nous disposons de peu d’études scientifiques portant sur les populations réfugiées, surtout hors du contexte de la situation d’urgence humanitaire. Une originalité de la thèse de M. Boutène est d’avoir voulu étudier le déroulement de la vie des réfugiés, à travers les différentes étapes de leur parcours de vie et en dehors du contexte d’urgence : leur situation avant la migration de refuge, le déroulement de la migration, l’arrivée à Bangui, puis le suivi de la vie dans cette ville. Pour cela, M. Boutène s’est livré à une étude longitudinale, de type biographique, en recueillant des données auprès d’un échantillon représentatif des réfugiés.
La thèse est structurée en trois parties.
Dans la première partie, M. Boutène discute le concept de réfugié et son évolution au cours des dernières décennies. Il rappelle ainsi les principaux mouvements migratoires contraints observés en Afrique centrale au cours du XXe siècle, et en particulier depuis les Indépendances (notamment Congo, Rwanda, Soudan, Tchad). M. Boutène présente ensuite rapidement la situation géographique, économique, démographique et politique des trois pays sur lesquels porte principalement l’étude : la République Centrafricaine, la République Démocratique du Congo et le Tchad. Concernant le République Centrafricaine, il passe en revue les programmes successifs concernant l’accueil et/ou le rapatriement des réfugiés, et il décrit la mise en place d’organismes nationaux (dont la Coordination Nationale pour la Protection des Réfugiés - CNPR) ou internationaux (dont le Haut Comité aux Réfugiés - HCR).
Dans la seconde partie, M. Boutène dresse une importante revue de la littérature concernant le marché du travail, et l’accueil des réfugiés dans les pays d’Afrique Centrale. Il développe notamment l’étude de la migration et du marché du travail dans plusieurs villes d’Afrique subsaharienne, principalement au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Cameroun et au Bénin.
Le cœur de la thèse réside dans la troisième partie, puisque c’est là que M. Boutène expose son travail de recherche personnel d’enquête dans le cadre de la ville de Bangui.
Dans le chapitre 6, il présente la ville de Bangui, notamment à travers ses quartiers et quelques caractéristiques de la population : ethnie, religion, langue. Il livre également une première analyse globale des réfugiés présents à Bangui en 2010, date de réalisation de l’enquête. Il explique par exemple leur distribution par pays d’origine, leur structure par âge et par sexe, leur répartition dans l’espace urbain au sein des différents quartiers.
Dans le chapitre 7, M. Boutène présente son enquête et sa méthodologie : base de sondage, échantillonnage, questionnaire. Pour mener à bien cette enquête originale et très difficile à mettre en place dans le contexte de Bangui, M. Boutène a su s’assurer le soutien de l’office national de statistiques et a pu accéder aux données du dernier recensement de la ville.
Dans les trois chapitres suivants, M. Boutène revient sur les principaux résultats de son enquête, restituant les résultats et les analyses selon la méthode longitudinale qui a guidé son étude. Il analyse ainsi dans le chapitre 8 la vie des futurs réfugiés, alors qu’ils sont encore dans leur pays d’origine. Il s’intéresse notamment à leur statut social, familial et professionnel, à travers des questions sur leur instruction, leur logement et le déroulement des dernières années de vie avant le départ. Dans le chapitre suivant, M. Boutène étudie la migration de refuge en elle-même : la date de départ, le motif, l’existence éventuelle de liens avec la République Centrafricaine, les préparatifs du voyage. Il observe ensuite comment cette migration de refuge s’est déroulée : voyage en groupe ou individuel, pays de transit éventuel, durée de la migration.
Dans le chapitre suivant, M. Boutène étudie la situation des réfugiés lors de leur arrivée à Bangui, sachant que réfugiés congolais et tchadiens sont en général arrivés à des dates différentes, sous la pression des événements politiques qui ont frappé leurs pays. Il s’intéresse notamment à leur mode d’hébergement, au quartier dans lequel ils se sont implantés, à la manière dont leur prise en charge s’est organisée (rôle de la famille et/ou des organismes d’aide aux réfugiés).
Enfin, M. Boutène analyse la situation des réfugiés en 2010, prenant en compte notamment la durée de leur présence à Bangui. Il peut ainsi décrire l’évolution de leur statut administratif, professionnel, matrimonial, familial, montrant que les réseaux familiaux et ethniques jouent un rôle bien plus important que les organismes nationaux et internationaux dans l’insertion sociale des réfugiés.
Thèse soutenue à l’Université Lumière - Lyon 2, le 10 décembre 2013.
Jury : Christophe Bergouignan (Université Bordeaux 4), Guy Brunet (Université Lyon 2, directeur de la thèse), Michel Oris (Université de Genève), Claude Prudhomme (Université Lyon 2).