Patrick Edelstein, un jeune informaticien millionnaire ayant inventé un site de réseaux sociaux, porte plainte contre un film qui fictionnalise sa vie. Telle, grosso modo, la trame d’un épisode de la série-télé américaine The Good Wife, qui rappelle à son tour certains aspects de la vie de Mark Zuckerberg et s’inspire aussi du film The Social Network, sorti sur les écrans en 2010. Voici quelques passages du dialogue entre l’avocat de Patrick Edelstein et le scénariste du film qui fait sa déposition :
Avocat : « Quels sont les documents que vous avez utilisés pour créer la scène de la rupture entre mon client et sa fiancée ? »
Scénariste : « Documents… ceci (Il indique sa tête) »
Avocat : « L’imagination ? »
Scénariste : « Oui… si ce n’est pas un gros mot. »
Avocat : « Donc vous avez inventé ? »
Scénariste : « Oui. J’ai fait ce que les écrivains font depuis Aristophane. J’ai inventé une scène dans laquelle M. Edelstein rompait avec sa fiancée parce que je pensais que cela résumait la vérité d’un personnage. »
Avocat : « La vérité d’un personnage ? »
Scénariste : « La vérité d’un personnage signifie quelque chose de plus que la simple vérité factuelle. […] »
[…]
Avocat : « Donc, ce qu’est le vrai personnage de M. Edelstein n’a pas vraiment d’importance ? »
Scénariste : « Il n’y a pas de mal à utiliser un personnage pour exprimer un thème. Le premier amendement me protège de votre question stupide. […] Je m’en fiche complètement des faits. Ce qui m’importe, c’est la vérité : la vérité de Shakespeare, la vérité de Tolstoi, et pas du tout ces trucs légaux. Ce ne sont que des graffitis sur un temple romain qui seront oublié dans un an. »1
Le problème n’est pas uniquement juridique. Quelques scènes avant celle dont on a reporté le dialogue, c’est le personnage Edelstein qui exprime de manière claire sa nature :
Edelstein : « […] dans le film il y a des amis qui me décrivent comme un salopard, mais ces amis sont une invention, et puis le film globalement me décrit comme un salopard, mais contrairement aux personnages publics, sur qui il y a d’autres sources, sur moi, il n’y a que ce film. Le public va penser que c’est vrai. »
Avocat de la production : « Mais ceci est un film ; il ne prétend pas être un documentaire. Il y a une reconstruction imaginaire des événements. »
Edelstein : « Alors, ils auraient dû inventer un nom ; ils n’auraient pas dû utiliser le mien. »2.
La cause sera gagnée par Edelstein : ses avocats réussiront à montrer que les bénéfices économiques du film sont dus aux liens qu’il entretient avec le « vrai » Edelstein. S’il s’était agi d’un personnage de pure fiction, l’intérêt – artistique et économique – du film aurait été moindre.
Cet exemple nous place au cœur des questions qui ont guidé pendant deux ans, de septembre 2010 à juin 2012, le séminaire « Le récit entre fiction et réalité. Confusion de genres », que nous avons organisé dans le cadre des activités scientifiques de nos deux laboratoires de recherche respectifs, le LARHRA et le GRAC3. Historienne pour l’une, littéraire pour l’autre, nous avions la curiosité d’enquêter ensemble sur les formes et les enjeux contemporains du rapport entre histoire et fiction. La sortie en 2006 du roman de Jonathan Littell, Les Bienveillantes4, avait inauguré une nouvelle saison littéraire marquée par une forte présence de l’histoire dans la littérature. Depuis la sortie presque contemporaine en 2009 des romans de Haenel, Binet et Mauvignier5, le débat français s’est élargi et a pris en compte ce nouveau tournant dans les relations entre l’histoire et la littérature. Les critiques et les commentateurs ont abondamment discuté de la signification actuelle de ce « flirt » entre la fiction et le passé historique. Ces romans, en effet, abordent des points douloureux de l’histoire récente, avec une volonté de « dire la vérité » – bien qu’ils utilisent chacun des dispositifs littéraires différents – mieux (ou du moins autant) que les historiens. Leur succès de public les met en outre dans une position centrale dans le processus de (re)construction de la vérité historique dans la conscience commune, que les historiens ne peuvent actuellement leur contester. Cinéma et télévision contribuent à leur tour à ce qui semble être un véritable engouement historique, et ils le font tout aussi bien à travers la fiction déclarée et la production de documentaires : des séries télévisées comme Rome, The Borgia, Downton Abbey ou Un Village français, aux films comme Lincoln, au documentaire Apocalypse, nombreux sont les produits visuels qui travaillent l’histoire et qui se destinent à un très large public de spectateurs.
Les historiens, de leur côté, ne sont pas restés étrangers à ce débat. Ils ont abondamment réfléchi aux liens – anciens et nouveaux – entre histoire et littérature (ou plus généralement entre histoire et production fictionnelle, y compris cinématographique), comme en témoigne la parution de livres et de numéros monographiques de revues consacrés à ce thème6. Certains d’entre eux ont également joué le jeu des écrivains et élaboré des essais « hybrides », s’inspirant des techniques littéraires7.
Lorsque nous avons commencé notre séminaire, l’état de la discussion sur ces sujets était déjà bien avancé : nous pouvions tirer de celle-ci plusieurs pistes de réflexion intéressantes, et nous l’avons fait8. Mais nous avons aussi décidé de nous pencher sur un aspect qui nous paraissait un peu marginal dans le débat en cours : celui concernant le phénomène de brouillage des frontières entre histoire et fiction. Les produits « hybrides » nous confrontent en effet avec un problème cognitif intéressant, à savoir la manière dont la culture métabolise la réalité, soit-elle historique ou simplement factuelle9. Le sondage que nous avions mis en exergue du texte de présentation du séminaire montrait qu’un pourcentage important de britanniques pense que Churchill est un personnage de fiction et que Sherlock Holmes a réellement existé10. La National Oceanic and Atmospheric Administration du département du commerce nord-américain a de son côté dû publier une petite note sur son site web pour informer le public que les sirènes n’existent pas : un « documentaire » transmis par le Disney Channel avait décidé plusieurs milliers de personnes, désormais dans le doute, à poser la question11.
La fiction a toujours servi et servira toujours à « raconter » la réalité, à nous guider dans la connaissance du monde, dans l’agencement de nos actions. Et l’histoire aura sans doute sa place comme outil de compréhension du monde passé et du présent même dans le monde de demain. Cependant, la confusion souvent entretenue entre ce qui est vrai et ce qui est de l’ordre de l’imagination – dont le statut de réalité est différent de celui de l’histoire : Sherlock Holmes et Churchill ne sont pas réels de la même manière – pose un certain nombre de problèmes et de défis intellectuels. Nous ne sommes pas les premières à nous poser la question, bien évidemment. Sans remonter à Aristote et à sa distinction entre l’histoire et la poétique, la première concernant le particulier, la seconde, l’universel, mais se référant toutes les deux à l’ensemble de notre monde, on peut juste remonter au XIXe siècle et au débat autour du roman historique, genre hybride par excellence. Alessandro Manzoni, l’auteur des Fiancés, le roman historique qui a fait naître la langue italienne au début du XIXe siècle, a par exemple rédigé, quelques années après avoir produit son récit, un essai très polémique à l’égard de l’hybridité constitutive du roman historique. L’auteur y plaide finalement pour un genre historique dénué de toute fiction. Le caractère hybride du roman historique est pour lui perturbant, et présente l’inconvénient de ne répondre ni aux exigences de la fiction ni à celles de l’historiographie12.
Aujourd’hui, si le roman historique est reconnu comme un genre décidément appartenant à la fiction et lu dans ce contexte, d’autres genres posent des problèmes semblables à ceux que jadis posait celui-ci. Un exemple pour tous : celui du « roman-réalité » (non fiction novel), inauguré par Truman Capote en 196613. L’un des exemples sur lesquels revient Lisa Roscioni dans le texte que nous publions ici est celui du roman de Roberto Saviano, Gomorra. Dans l’empire de la camorra14. Le succès international du roman, le rôle dans les médias de son auteur dans la bataille contre la camorra, le succès également du film qui en a été tiré15, ont fait peut-être oublier qu’il s’agit bien d’un roman, dans lequel l’auteur a aussi inventé des personnages et des situations, bien que les uns et les autres soient un reflet « réaliste » de la camorra actuelle et permettent de soulever des questions politiques et historiques majeures. D’un point de vue général, il faut bien admettre que nous connaissons tous la camorra mieux par les paroles du roman et les images du film : la concurrence avec l’histoire et son efficacité à transmettre le savoir sur le passé et le présent est, dans ce cas, bien forte.
Les textes que nous publions ici ne sont qu’une partie de ceux qui ont fait l’objet de nos discussions dans le cadre du séminaire. Nous espérons qu’ils pourront, dans leur diversité, rendre compte de la diversité des approches que nous avons tentées16.
Lisa Roscioni propose une mise en perspective de la question, en allant voir aussi du côté du monde anglo-saxon, où la distinction entre narrative non fiction et historical fiction a été élaborée, distinction qui influence le marché éditorial et la production historiographique. Son analyse permet de préciser le cadre de notre problématique commune.
Les autres textes relèvent plus de l’étude de cas problématisé que de la généralisation, mais ils soulèvent autant de questions centrales pour le débat. Spécialiste de l’histoire de la noblesse allemande du XIXe siècle, Thierry Jacob propose une lecture stratifiée du Guépard. Il s’interroge tant sur le roman de Tomasi di Lampedusa comme source pour la reconstitution de l’histoire italienne de la deuxième moitié du XIXe siècle – et sur le rôle d’historien que se donne l’auteur – que sur le rôle du roman dans la construction d’un imaginaire spécifique sur cette période et, plus généralement, dans la mise au jour d’une sorte d’« italianité » stéréotypée, d’ailleurs aujourd’hui toujours d’actualité. Ce deuxième aspect est intéressant car il met en jeu également le rôle du cinéma dans la construction de l’imaginaire historique et, accessoirement, dans le succès du roman, affecté par le succès obtenu par le film de Visconti du même nom.
Mais réfléchir au rôle de la littérature dans la production d’interprétations du passé ne suffit pas. Il faut engager dans la discussion des partenaires invisibles, mais bien présents, de la production narrative et scientifique : les éditeurs eux-mêmes et, par leur intermédiaire, le marché du livre. Il y a là, à notre avis, un enjeu majeur car les romanciers et les historiens, lorsqu’ils publient chez des éditeurs qui ne s’adressent pas seulement à un public universitaire, répondent en partie à des demandes formulées, de manière plus ou moins explicite, par les éditeurs eux-mêmes. La politique éditoriale se manifeste en particulier à travers la mise en forme matérielle du livre – du titre à la couverture –, à la définition du genre, à la quatrième de couverture ; le paratexte nous positionne, en tant que lecteurs, vis-à-vis du livre. Ce sont les spécificités formelles que Bertrand Ferrier repère en discutant d’un cas particulier mais de grande signification générale : celui des œuvres publiées pour la jeunesse. Ce spécialiste de l’édition, lui-même romancier et traducteur, montre quelques exemples d’utilisation – de « fabrication », écrit-il de manière significative – de l’histoire dans de courts récits traitant du naufrage du Titanic. Retravaillée par la mise en récit et par la mise en pages, « l’Histoire est si bien esthétisée, si bien investie par la fiction, qu’elle devient une fiction comme les autres ».
Des historiens eux-mêmes prennent inversement le chemin du récit dans leurs productions. Plutôt que d’aborder cet aspect par un biais général, en appréciant par exemple les positions défendues par les partisans du linguistic turn, on peut tâcher de procéder à une double lecture, historienne et littéraire, d’un texte historique à forte coloration littéraire. Ainsi, l’analyse de Bernard Hours et de Pascale Mounier sur « La Saint-Barthélemy chez Michelet » permet-elle d’entrer dans les dispositifs d’écriture de l’auteur et, partant, de saisir la philosophie de l’histoire qui anime le travail de celui-ci. Michelet rapporte les événements sanglants de 1572 en outrepassant les bornes de l’appréhension distanciée, quand il donne à connaître par exemple les pensées des individus, mais il ne renonce nulle part à l’analyse. Il interroge et juge donc le passé tout en le donnant à voir.
La double lecture peut aussi porter, non sur un texte, mais sur un sujet historique. Nous avons fait dialoguer une historienne, Francesca Medioli, et une romancière, Simonetta Agnello Hornby, qui ont travaillé toutes deux antérieurement sur une même question et sur une même source : la vocation religieuse forcée de certaines femmes aux XVIIe et au XIXe siècles. La première a consacré plusieurs études aux écrits d’une jeune femme, Arcangela Tarabotti, obligée par sa famille à entrer au couvent, et la seconde a produit un roman, La Monaca17, inspiré de l’autobiographie d’une autre femme contrainte au couvent. Le dialogue – dont nous ne pouvons reproduire ici que la voix historienne, qui parle toutefois de l’intérieur de cet échange – a mis en lumière les attitudes particulières du roman et de l’historiographie dans la construction d’une image véridique du passé.
Mais qu’est-ce qui fait alors un livre d’histoire, si tout le monde peut parler du passé et enquêter à son sujet ? Bien que le rapport des historiens au passé ne s’épuise pas dans la question des sources, ces dernières sont d’abord centrales pour la production du savoir historique, d’autant plus pour les périodes et les contextes pour lesquels les archives sont rares, voire inexistantes. Virginie Hollard, historienne spécialiste du monde romain, prend cette question à bras le corps : elle s’interroge sur le processus qui amène « de la fabrique du réel à la recherche du vrai » en examinant, à partir de trois aspects du fonctionnement du Principat, la façon dont ce qu’elle appelle la « littérature historique antique » apporte à la connaissance du rôle politique du populus Romanus sous l’empereur Auguste et à la lecture de l’Énéide à celle du mythe de l’origo de Rome. L’analyse débouche sur une réflexion stimulante sur l’utilisation des sources littéraires anciennes dans les romans contemporains à fondement historique.
La « fictisation » du passé – pour reprendre le terme utilisé par Bertrand Ferrier – met en revanche dans une position autrement passive de réception du récit, bien que cela mobilise des connaissances déjà en place. La connaissance historique devient ici celle des faits et des ambiances, non pas des problèmes et des questionnements, et mobilise les affects du lecteur ou du spectateur. C’est ce que souligne Laetitia Bourgeois : « le récit de fiction assume l’empathie avec le sujet que le récit historique met à distance ». Il y a toutefois un prix que la production fictionnelle paie pour ce type de procédures. En effet, l’empathie entre les personnages du passé et les hommes et les femmes du présent, implique souvent une renonciation à des traits du passé qui ne sont plus conformes avec les sensibilités du moment : « puis-je montrer le personnage principal s’installer à table avec ses fils et les invités, pendant que son épouse s’installe par terre devant le feu avec ses filles et les plus petits, comme le font les paysans de Montaillou ? », s’interroge Laetitia Bourgeois. L’historienne-romancière répond de manière nette : « un roman écrit actuellement est, et se veut, un objet de son temps, une œuvre tissant des ponts entre les époques. Mais en aucun cas s’extrayant de son temps. Une œuvre reprenant intégralement les préoccupations médiévales n’aurait […] rien à dire aux lecteurs de notre époque ». C’est le même procédé qu’utilise à notre sens, entre autre, Spielberg dans son film Amistad : l’une des raisons de la mutinerie des esclaves du navire Amistad dont le film retrace les circonstances étant la peur d’être mangé par les blancs – peur qui se rattache à des mythes et à des fausses informations qui circulaient dans les zones de déportations des esclaves –, le réalisateur a décidé de supprimer cette partie de l’histoire car il la jugeait trop peu compréhensible par des spectateurs du XXe siècle ou susceptible d’engendrer des réactions totalement inverses à celles que souhaitait la production18.
On peut provisoirement dire que l’une des différences entre les historiens et les auteurs de fiction se situe précisément sur ce créneau. À l’historien revient la tâche d’éclaircir les textes et les contextes qui peuvent nous rendre compréhensible, aujourd’hui, la crainte du cannibalisme éprouvée par les esclaves de l’Amistad, ainsi que le positionnement des femmes et des enfants par terre, autour du feu, pendant que les hommes mangent à table. Si l’œuvre historique est aussi un pont entre le passé et le présent, elle est construite de matériaux différents que le récit de fiction. Parfois, les auteurs de fiction et les historiens, en suivant des voies diamétralement opposées, tendent à l’oublier et à confondre leur travail : les romanciers se font historiens lorsqu’ils renoncent à « inventer » – des personnages, des contextes… des histoires ! – ; les historiens flirtent avec la littérature arrivant, parfois, à inventer des documents.
Ce n’est pas uniquement un problème de vérité ni de différence entre la vérité historique et la vérité de Shakespeare, ou de Tolstoi19. Il s’agit aussi de la manière dont nous recevons, élaborons et utilisons les connaissances mises en forme par les historiens et celles qu’offrent les « poètes », cette catégorie incluant, aujourd’hui, également les auteurs de fictions audiovisuelles. La possibilité de manipuler non seulement les textes, mais aussi les images, est à ce propos une nouveauté importante, qui bouleverse notre sens de ce qui est réel et ce qui ne l’est pas d’une manière radicale20. Nous regrettons de ne pas avoir pu donner une forme écrite à l’intervention de Jacques Gerstenkorn qui nous a montré, dans une séance à caractère expérimental, les effets de montage – et donc de construction du réel – qui se cachent derrière le cinéma documentaire, ainsi que la manière dont notre vision tend à occulter la réalité et à prendre les images comme des reproductions directes de celle-ci21.
D’où l’importance de scruter encore et toujours les moments où les frontières entre la fiction et la réalité se brouillent, que les producteurs se plaisent ou non à épaissir le brouillard qui les confond. L’enquête est nécessaire d’un point de vue ontologique autant que scientifique. Comment parvenons-nous à distinguer ce qui est vrai dans un monde extra-textuel de ce qui a été construit par un auteur, qui se réalise dans une œuvre et qui propose un type spécifique, particulier, de savoir du monde ? Sommes-nous en mesure de les distinguer de façon claire, alors que souvent tout est fait pour entretenir l’ambiguïté ? C’est bien dans notre activité cognitive, dans nos mécanismes psychologiques ou encore dans notre expérience politique qu’il nous semble nécessaire de maintenir un partage entre le vrai de l’histoire et le vrai de la fiction.
Les textes que nous proposons ici ne se veulent nullement définitifs. La discussion n’est pas close puisque les interventions publiées ouvrent de nombreuses pistes. C’est ainsi que nous avons conçu le séminaire, et c’est ainsi que nous voulons en rendre compte : comme d’un travail in progress, qui préoccupe des spécialistes de disciplines différentes qui ont tout à gagner à dialoguer et à se dépayser. Le contexte actuel de virtualité dominante ne cesse de nous interroger. Nous vivons en effet une époque curieuse : d’une part, la fiction est souveraine, non seulement dans son propre domaine, mais aussi dans la construction partagée de notre perception du monde, présent et passé ; d’autre part, elle est réputée d’autant plus légitime, intéressante et efficace que ses relations avec le réel peuvent être avérées22. Ainsi de nombreuses séries télévisées contribuent à forger notre imaginaire tout en nous donnant des éléments de connaissance du réel, passé ou présent. Il est bien possible que dans les années à venir nous utilisions plus le film récent Lincoln pour saisir la figure du seizième président des États-Unis et l’abolition de l’esclavage que les études historiques concernant l’homme et la période. Cela ne doit pas rester anodin.