Sous les traits du saint prince

Représentations hagiographiques et discours du pouvoir dans les États de Savoie au xviie siècle

Plan

Texte

« Amé, duc de Savoye, la perle de pureté et vray mirroir de saincteté […] »1, c’est en ces termes que vers 1640 le missionnaire capucin Charles de Genève évoque un prince dont la figure était demeurée jusque là presque insignifiante dans l’histoire du duché. Une évocation qui est plutôt une invocation en cette période de reconquête catholique, renvoyant directement à l’idée de portrait spirituel du bienheureux dynaste2. On se propose donc d’aborder dans les pages suivantes la reconstruction de la mémoire hagiographique du bienheureux Amédée IX de Savoie (1435-1472), archétype du jeune seigneur doux et affable, à des fins de propagande dynastique3. La promotion de son culte par le biais d’icônes votives et sa béatification équipollente, c’est-à-dire rétroactive, le 3 mars 1677, sous le pontificat d’Innocent XI, ont donné lieu à une importante production documentaire aujourd’hui conservée aux Archives d’État de Turin et aux Archives Secrètes Vaticanes4. Pour des raisons de brièveté, nous laissons de côté la figure de la sainte princesse, veuve pieuse, parfois régente, et le plus souvent fondatrice de monastère, pour nous concentrer uniquement sur son pendant masculin5. Dès la première lecture des pièces du procès, le lecteur se voit confronté à un manque de documents contemporains au bienheureux duc. Ce défaut de sources originales lève le voile sur ce que l’hagiographie s’était pendant longtemps contentée de dissimuler, à savoir la grande fragilité des assises du pouvoir politique détenu par la maison de Savoie. La teneur du récit était celle d’une « biographique sainte » et n’avait jamais été soumise à la critique érudite jusqu’à la parution en 1660 de l’Histoire généalogique de la royale maison de Savoie par Samuel Guichenon6. Peu nombreuses, les informations sur le règne d’Amédée IX se résument aux événements survenus lors de son couronnement, à son infirmité (il était atteint d’épilepsie) et à la régence de son épouse, l’énergique Yolande de France, fille de Louis XI7. Cette absence de documentation passe sous silence les difficultés auxquelles durent faire face les États de Savoie, telles que les invasions bourguignonnes et bernoises ou l’ingérence du roi de France dans les affaires du duché. Le discours hagiographique vient donc combler cette zone d’ombre de l’histoire savoyarde en la transformant en un nouvel âge d’or. Dès les années 1550, lors de la période de reprise en main du duché par le duc Emmanuel-Philibert, plusieurs commandes sont passées auprès des historiographes de la cour. Ces premières vitae du bienheureux empruntent le ton de l’anecdote, brossant le tableau d’une sainteté pleine de pittoresque et haute en couleur8, bâtie autour du lieu hagiographique du prince charitable « Père des pauvres ». Le duc Charles-Emmanuel Ier n’hésite pas à s’honorer de cette épithète qu’il reprend à son profit en soulignant par là même son rôle de protecteur naturel des sujets de ses États, et cela à plus forte raison en temps de guerres et de pestes9. Finalement, c’est aux alentours des années 1610 que Charles-Emmanuel Ier se décide à abandonner son emblème antiquisant, un centaure10, ainsi que sa devise « opportune », symbolisant un esprit de virtuosité politique, pour adopter l’image du saint prince, protecteur dynastique11. Le modèle du saint prince médiéval vient compléter le paradigme représentatif de l’Hercule chrétien plutôt que le remplacer.

Sainteté princière et enjeux dynastiques

Les récents travaux consacrés à ce sujet montrent que la sainteté couronnée a bénéficié d’une très forte promotion entre le xiiie et le xve siècles, principalement grâce aux efforts des ordres mendiants et, plus particulièrement, de leurs Tiers-ordres12. Il est certain que la présence des tertiaires de mouvances dominicaine et franciscaine au sein de la cour de Savoie et parmi les membres et les confesseurs de la dynastie, modifie le climat spirituel ambiant par le jeu des influences réciproques entre le prince et ses familiers. D’une manière générale, le contexte religieux des États de Savoie au cours du premier xviie siècle est intimement lié à sa situation géographique. À la fois bastion avancé de la catholicité face à la Genève réformée et entité politique soumise à « l’influence » romaine qui, sans être prépondérante, demeure très présente, le duché connaît alors une certaine effervescence religieuse autour de personnalités de premier ordre telles que l’Oratorien et évêque de Saluces, Juvénal Ancina (1545-1604), et l’évêque de Genève-Annecy, François de Sales (1567-1622). L’implantation de nouvelles congrégations monastiques et religieuses, ainsi que le renouveau de celles déjà existantes, à l’origine d’une intense activité d’apostolat, constituent un excellent indice de cette « régénération tridentine ». Ce sont surtout les Jésuites, les Barnabites, les Capucins, les Oratoriens et, dans une moindre mesure, les Théatins qui sont les artisans de la reconquête spirituelle et du maintien de la vivacité de la foi dans les États de Savoie13. Parallèlement aux missions intérieures menées dans les régions du Genevois et du Chablais mais également dans les vallées vaudoises (Val Chisone, Val Pellice, Valle Germanasca), on assiste au développement d’une spiritualité tournée vers les dévotions mariales et celle de l’Incarnation qui conduisent à l’érection de nouveaux lieux de cultes tels que les sanctuaires de la Vierge d’Oropa et des « Sacri Monti » de Belmonte, Crea et Varallo14. Ce changement vient appuyer un autre phénomène, celui de la renommée grandissante qu’acquièrent à la veille de la Réforme les prédicateurs et prophétesses intégrant l’entourage du prince. Ces derniers sont le plus souvent porteurs d’un message eschatologique à valeur politique, et cela de manière particulièrement manifeste outre-Alpes15. Ainsi, à l’aube du xvie siècle, les élites patriciennes des cités situées au nord-ouest de la péninsule italienne ont intégré la conception d’une sainteté militante publique patronnant la communauté morale. Cette thématique de la sainteté civique, qui leur est déjà familière, est reprise et amplifiée, à la suite du concile de Trente, tout au long de la première décennie du xviie siècle, et principalement par les Jésuites.

Mais comment expliquer que le choix se soit porté sur le bienheureux Amédée IX, prince qui brille par son absence dans les affaires du duché, médiocre chef politique, physiquement diminué, faisant bien triste figure comparé à son voisin, le pugnace saint Louis ? Ce choix est d’autant plus surprenant que la dynastie humbertienne avait accumulé au fil des siècles un important patrimoine de sainteté que le duc Charles-Emmanuel Ier avait lui-même largement contribué à accroître. Ainsi avait été orchestré en 1591 le retour triomphal d’une partie des reliques de saint Maurice, protecteur des États de Savoie, depuis le monastère d’Agaune en Suisse. Les reliques d’autres saints de la légion thébaine avaient été exhumées ou avaient fait l’objet de nouvelles translations solennelles en vue de réactiver leur culte en le plaçant sous la protection de la dynastie16. Ce sont les ambitions politiques du duc – que nourrit un fort appétit de gloire – qui expliquent un tel acharnement dans sa quête pour l’obtention d’une couronne royale17. Pour pouvoir y prétendre, l’accroissement de ses États s’avérait primordial. Le décès du duc François IV de Mantoue survenu le 22 septembre 1612, offrit l’occasion à Charles-Emmanuel Ier de faire valoir ses droits à la succession sur le Montferrat au nom de sa fille et épouse du défunt gendre, la duchesse Marguerite (1585-1655). Dans un souci constant de servir son ambitieuse entreprise de prestige dynastique et avec la volonté permanente d’intégrer la société des princes souverains, le monarque s’appuie sur une politique de promotion sacrale qui fait du Saint Suaire le centre d’un important dispositif de propagande auquel est associé le bienheureux Amédée IX18. Le duc lui-même tient sa venue au monde pour miraculeuse, sans manquer de l’attribuer avantageusement à l’intercession du bienheureux19. La gloire passée soutenant les prétentions à venir, la maison de Savoie s’illustre en instaurant une galerie de héros et de saints que véhiculent une littérature encomiastique et des gravures dont les commandes passées sont à la mesure de la concurrence entretenue avec la monarchie médicéenne. Dans ce panthéon héroïque, se distinguent tout particulièrement le légendaire Bérold, prince saxon tenu pour fondateur de la dynastie et archétype du pieux guerrier, et Amédée VIII qui, après avoir obtenu la couronne ducale en 1412, ceint la tiare papale sous le nom de Félix V (1439-1449), puis meurt en 1451 en grande réputation de sainteté20. La superposition de ces figures du prince issues d’un seul et même lignage suggère une transmission héréditaire des vertus et inscrit le monarque dans une logique de perfectionnement progressif qui prend tout son sens dans une perspective rédemptrice tenue pour prochaine. Cette culture dynastique de la beata stirps vient donc renforcer la légitimité politique de la maison de Savoie, qui demeure tout au long de l’Ancien Régime confrontée au double problème de l’acquisition d’une sacralité institutionnelle et de l’établissement d’une historiographie marquant l’identité de ses États21. Un tel constat souligne indiscutablement l’intérêt, pour la dynastie, d’une stratégie visant simultanément à élargir et à généraliser la reconnaissance d’une mythologie hagiographique qui proclame son « élection sacrée »22.

Une reconnaissance de la sainteté par les images

Les enjeux qui sous-tendent la reconnaissance de sainteté d’Amédée IX poussent le duc Charles-Emmanuel Ier à tenter l’ouverture d’un procès de béatification. Une première demande semble avoir été formulée aux alentours des années 1610-1615, comme en témoignent diverses correspondances échangées avec Rome et la publication d’une hagiographie officielle destinée à être présentée au pape Paul V23. La cause est ardemment soutenue dans la Ville Éternelle par le cardinal et prince Maurice de Savoie (1593-1657), à qui revient la charge de promoteur officiel, et par sa sœur l’Infante Catherine-Françoise (1595-1640), membre du Tiers-ordre de saint François. Sans avoir été un échec total, cette tentative n’aboutit pas24. Elle est vraisemblablement suspendue faute de moyens financiers après l’ouverture des hostilités entre les duchés de Savoie et de Mantoue en 1628, suivie de l’occupation du Montferrat et de la guerre civile qui éclate durant les années 1639-1642. C’est seulement sous le règne du duc Charles-Emmanuel II (1648-1675), que le procès est rouvert. Deux enquêtes sont menées : la première sous la direction de l’évêque de Verceil, Mgr Gerolamo Della Rovere, du 10 au 20 mars 1661 ; la seconde, du 30 avril 1669 au 12 mars 1670, diligentée par l’archevêque de Turin, Mgr Michele Beggiamo. La relance tardive du procès, près de deux siècles après la mort du bienheureux, soulève un certain nombre de difficultés dont la principale est celle de l’établissement de la continuité du culte, qui ne doit avoir connu aucune interruption depuis son commencement. Les témoignages ne peuvent certes pas être de première main mais sont rapportés le plus souvent de auditu, remontant à l’aïeul, voire au bisaïeul.

Les dépositions des témoins consignées dans les deux enquêtes diocésaines sont complétées par des avis rendus par une équipe de peintres, désignés comme experts par l’évêque, en charge d’identifier, de localiser et de dater toutes les représentations du bienheureux Amédée IX. Les différents procès-verbaux ne nous ont laissé que très peu de renseignements au sujet de ces individus, à l’exception de leur nom et de leur condition. Ceux de l’enquête vercelloise se dénomment Federico Guazzio et Giovanni Battista Lanino. Nous savons que le second est le représentant d’une lignée de peintres locaux installés depuis plusieurs générations, puisqu’il affirme reconnaître un portrait du bienheureux réalisé par un membre de sa famille, Girolamo Lanino, qui officiait dans la cité vers 1600. Le nom du premier figure parmi la liste des notables qui ont témoigné lors de l’enquête ; il affirmait être âgé de 46 ans au moment de sa déposition. Un autre peintre, Paul Didaco, dit « le Londonien », âgé de 52 ans et d’origine bruxelloise, est également cité comme témoin en sa qualité d’expert, mais nous n’avons retrouvé aucune trace de ses déclarations dans le procès-verbal. Les peintres en charge de l’enquête turinoise sont les Maîtres Luc Desmaret et Bartolomeo Caravoglio, accompagnés dans leur pérégrination par l’abbé Cavoretto, promoteur de la cause. L’enquête procède par étapes successives selon la « logique juridictionnelle des lieux », démarche d’authentification qui a également valeur de reconnaissance des prérogatives attachées à la possession d’une image du bienheureux par une église, un couvent, un chapitre canonial ou un simple particulier25. C’est pourquoi les divers individus interrogés affirment reconnaître sans hésitation le saint prince en rapportant toutefois la présence de l’inscription d’ordinaire disposée en dessous de l’œuvre, « Beatus Amadeus Dux Sabaudiæ tertius ». Cette formule générique que l’on retrouve fréquemment abrégée par les initiales « B.A.D.S. » – dont aucun des témoins interrogés ne semble ignorer la signification –, est suivie de la date d’exécution, à la manière d’une estampille, garantie du dépôt mystique de l’œuvre. À Verceil, on recense une trentaine de représentations du bienheureux, principalement réparties dans une dizaine d’églises et de chapelles, chez les particuliers et à l’intérieur de l’hôtel-Dieu. Les peintres apportent au témoignage des religieux et des autres élites citadines un commentaire technique sur la qualité de la peinture, en se prononçant sur le style afin d’en établir l’ancienneté. Leur expérience leur permet de mettre à jour certaines disparités entre les types de techniques employées « à sec » et « a fresco » et révèle la multiplication des peintures à l’huile dans les églises et couvents de la région. Toutefois, il est souhaitable de demeurer prudent quant à la précision avec laquelle nos deux maîtres peintres nous renseignent. Nous retiendrons qu’en rattachant les peintures à des traditions figuratives précises et en les resituant dans leur lieu de culte, les experts attestent d’une extension de la réputation de sainteté du prince. Derrière ces témoignages se dessine tout un tissu de réseaux familiaux et conventuels qui, invoquant la reconnaissance du culte, en revendique « le patronage »26. Du point de vue de l’histoire politique du duché, ce matériel documentaire rend compte de l’adhésion des clientèles urbaines locales au pouvoir ducal et de leur participation au jeu politique de la dynastie. Nous citons à titre d’exemple la famille patricienne vercelloise des Ranzo. Elle revendique la possession d’une fresque réalisée sur l’une des parois de leur palais urbain représentant le bienheureux, en compagnie du bienheureux Candide Ranzo et coiffé d’une couronne royale. Au vu de l’ouvrage, les experts se prononcent en faveur d’une réalisation récente qui ne saurait être antérieure à 1630. Il est très probable que ce soit l’un des membres de cette maison, le chanoine Giovanni Francesco Ranzo, qui ait été à l’instigation de l’ouverture du procès dans le diocèse, dirigeant en sous-main la première enquête de béatification après avoir proposé ses services au cardinal Maurice de Savoie27. Un cas similaire nous est donné pour l’évêché d’Annecy avec le témoignage déposé en date du 7 septembre 1609 par le Père Claude Dequoex, religieux bénédictin assurant la fonction de prieur claustral à l’abbaye de Talloires. Il rapporte que son oncle paternel, le Père Amédée Dequoex, déclarait de son vivant se rappeler avoir toujours vu une représentation du bienheureux disposée dans l’embrasure de l’un des vitraux du chœur et avoir entendu une messe chantée en son honneur28.

L’enregistrement des dépositions successives permet de retracer une filiation des pratiques rituelles témoignant de la connaissance du bienheureux, identifié par son portrait. Évoquant la fresque du bienheureux Amédée IX exposée dans la chapelle conservant ses reliques, établie dans un prolongement du transept droit de la cathédrale de Verceil, un témoin déclare :

[…] concernant l’image du bienheureux Amédée duc de Savoie, elle est tenue pour telle, ainsi je sais qu’avant la peste, qui survint dans les années 1630, on tenait [allumée] en l’honneur de cette image de la Bienheureuse Vierge et du bienheureux Amédée une lampe, et il était rendu au bienheureux Amédée grande dévotion et vénération.

Et ainsi répond Andrea de’Magistratis :

J’ai environ cinquante ans et je me rappelle avoir toujours vu ladite image révérée comme étant celle du bienheureux Amédée duc de Savoie, et j’ai vu de nombreuses personnes s’agenouiller devant elle pour faire une prière du fait qu’elle était tenue par tout le peuple en grande vénération29.

Le portrait miraculeux dont il est fait mention ici s’inscrit dans un rituel de vénération rendu à l’image du bienheureux prince, une pratique qui aurait vu le jour, peu de temps après sa mort, dans l’église du couvent des Dominicains de Turin. À l’intérieur du cloître était conservée la plus ancienne représentation d’Amédée IX, en tant que beato. Il s’agit d’une fresque attribuée à l’artiste bourguignon Antoine de Lonhy (1446-vers 1490) qui l’a très probablement exécutée aux alentours de 1477 (ill. 1)30. Le duc y est représenté en pied, sous les traits plutôt réalistes d’un jeune homme imberbe aux cheveux mi-longs, la tête radiée et le regard orienté en direction du ciel. Il porte sur sa poitrine le collier de l’Ordre31, est vêtu d’un habit de cour en velours rouge et vert et tient à sa main gauche un bâton de commandement. Sur le conseil du Père Giovanni Battista Ferreri, religieux de ce couvent et confesseur du duc, est effectuée en 1620 la translation du pilier sur lequel est représenté le bienheureux, qui est ensuite déposé sur l’autel qui lui est consacré. Le bon état de conservation des coloris de la peinture est considéré comme un signe de la permanence d’une présence surnaturelle habitant l’image. La chapelle est richement dotée et reçoit des parements liturgiques précieux, commandes des Infantes Catherine et Marie de Savoie32. Le cardinal Maurice fait présent d’une statuette d’argent représentant le bienheureux derrière laquelle pend une tenture richement brodée recouvrant la peinture. Ce voile est retiré à l’occasion de la fête annuelle du bienheureux qui se tient le 30 mars33. À cette occasion, la cour, les magistrats et le corps de ville se rendent en cortège dans l’église où est prononcé un panégyrique composé pour l’occasion, suivi d’une messe basse. Un cas analogue se présente dans l’église Saint-Victor des Feuillants de Verceil, où l’on procède au prélèvement d’un pilier à l’intérieur de la nef sur lequel est représentée une image du bienheureux. Elle est pareillement tenue pour miraculeuse et « vénérée à la satisfaction du peuple » (« si venera alla sodisfattione del popolo »)34.

Ill. 1 : Antoine de Lonhy († 1490), Portrait en pied du bienheureux Amédée IX de Savoie, détail, vers 1474, fresque, Turin, église Saint Dominique, autel du bienheureux Amédée IX de Savoie, Cliché Lauro Mattalucci

Ill. 1 : Antoine de Lonhy († 1490), Portrait en pied du bienheureux Amédée IX de Savoie, détail, vers 1474, fresque, Turin, église Saint Dominique, autel du bienheureux Amédée IX de Savoie, Cliché Lauro Mattalucci

L’œuvre est attribuée à Gaudenzio Ferrari (vers 1475-1546), fameux peintre d’origine lombarde auquel Giorgio Vasari consacre une notice dans ses Vies des plus excellents peintres, sculpteurs et architectes. Il est surtout connu pour avoir réalisé entre 1532 et 1534 un important ensemble de fresques dans l’église Saint-Christophe-de-Verceil, dont celles de la chapelle de la Madeleine et la Vierge aux oranges. Toujours dans la même cité, les religieuses du monastère de Sant’Agata conservent dans leur cloître une peinture du prince qu’elles tiennent en grande estime et portent en procession le jour de la célébration de son dies natalis. Les procès informatifs indiquent qu’un certain nombre de portraits votifs du même genre sont conservés dans la plupart des cités et quasi-cités du duché telles qu’Avigliana, Annecy, Aoste, Chieri, Chambéry, Conflans et Ivrée35. Leur localisation révèle qu’elles sont concentrées dans les espaces limitrophes situés aux confins du duché entre le Piémont et le Milanais et en direction de la Ligurie, notamment vers Mondovì. Cette cité entretient un conflit permanent avec le pouvoir ducal pour défendre ses privilèges fiscaux, ce qui explique que la promotion du culte a été encouragée par la commande de panégyriques36.

Pouvoir de la sainteté, sainteté du pouvoir

Ces nombreux portraits votifs du prince savoyard tenus pour miraculeux sont réalisés entre la première moitié du xvie siècle et le début du xviie siècle à partir du « prototype » turinois. Cet ensemble d’images constitue une véritable généalogie iconique basée sur la reproduction du visage du bienheureux et des attributs ayant trait à sa fonction (glaive, aumônière, bréviaire, sceptre, collier). On s’aperçoit que très tôt, après une période de tâtonnements d’environ une quinzaine d’années, son mode de représentation se fixe pour ne presque plus évoluer durant les deux siècles suivants. L’image du prince apparaît comme sédimentée à l’intérieur de son cadre et devient alors une relique immatérielle conservant une présence surnaturelle de nature spirituelle. On exige d’elle qu’elle dispense des grâces miraculeuses dont l’efficacité se vérifie pour la guérison d’infirmités et de maladies de toutes espèces37. Sa renommée de thaumaturge est relayée par la diffusion d’hagiographies qui font mention de ses prodiges en fin d’ouvrage38. En 1619, le duc Charles-Emmanuel donne une nouvelle fois l’exemple de sa dévotion à l’occasion de la restitution de Verceil à la Savoie par les troupes espagnoles. Afin de commémorer l’événement, il fait réaliser une châsse en argent sur laquelle est représenté son saint aïeul ; il la dépose en grande pompe et de ses propres mains sur l’autel de la chapelle consacrée au bienheureux à l’intérieur de la cathédrale. Le trésor du dôme conserve un autre ex-voto d’or offert en action de grâce par le duc après l’obtention en 1616 d’une guérison. On y voit Charles-Emmanuel, tête nue et allongé sur sa couche, en position d’oraison face au bienheureux apparaissant au milieu d’une nuée39.

La réactivation de la cause de béatification au cours des années 1610 va de pair avec une reprise de la propagande ducale. Dans le procès informatif turinois, le peintre Lucas Desmaret observe que les maisons et lieux publics de la ville se sont couverts en peu d’années d’une multitude de peintures du bienheureux côtoyant l’assemblée des saints ou en adoration devant le Saint Suaire40. Un avis que confirme le témoignage de son confrère Caravoglio :

Je connais toutes ces peintures faites de la main des frères Fea, peintres de Chieri, parce que je les ai vus peindre peu d’années auparavant ; elles représentent les morales et saintes vertus du Serviteur de Dieu Amédée troisième duc de Savoie, duquel nous avons vu également de nombreux tableaux dans les palais et les maisons de la ville, comme dans les nombreux recoins de celle-ci, et sur ses portes, comme par exemple la statue abritée par une niche à côté de la Porte Neuve de la ville, et en particulier les images qui sont peintes du Saint Suaire dans de nombreux endroits. Bien qu’elles ne soient pas très anciennes, elles sont toutefois très anciennes pour cette province […]41.

La place San Carlo, dont les travaux débutent sur ordre du duc Charles-Emmanuel Ier durant la seconde moitié de son règne et qui est destinée à servir de somptueuse scénographie aux cérémonies urbaines, conserve à ses quatre angles des fresques représentant le Saint Suaire en ostension. Quant à la Porte Neuve, détruite au cours du xixe siècle, une gravure l’immortalise dans le Theatrum Sabaudiæ, sur laquelle on distingue très nettement les statues de saint Louis et du bienheureux Amédée IX flanquant de part et d’autre l’arche centrale42. Le monument commémore le rapprochement franco-savoyard que consacre le mariage célébré le 10 février 1619 entre le prince de Piémont Victor-Amédée et la princesse Christine de Bourbon, fille d’Henri IV, dont le premier-né est dénommé de manière significative Louis-Amédée43.

Cette multiplication des représentations du bienheureux est tout autant manifeste à Verceil. Dans la chapelle du rosaire de l’église Saint-Paul des Dominicains se dresse sur le grand autel un retable de larges dimensions commémorant la bataille de Lépante, œuvre d’un dénommé François Barbier44. Dans le registre supérieur du tableau, on relève une nouvelle fois la présence de saint Louis en compagnie du bienheureux Amédée, couronné et tenant dans la main droite un sceptre d’or et dans la main gauche sa devise.

Ill. 2 : Giulo Maino (1570-1652), Portrait en pied du bienheureux Amédée IX de Savoie, vers 1615, huile sur toile, Turin, cathédrale Saint-Jean-Baptiste, Cliché auteur

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L’expert conclut, au regard de sa facture, que la peinture a été réalisée vingt à trente années auparavant. On remarque une certaine évolution dans le choix de la mise en scène du bienheureux : d’une simple légitimation politico-religieuse s’opère insensiblement un glissement vers une image confessionnelle plus complexe. Les modifications apportées au portrait du bienheureux, même infimes, n’en sont pas moins dépourvues de sens dans la mesure où elles sont l’indice d’une évolution vers un portrait du prince en majesté souveraine, reflet de la royauté céleste. Le bienheureux adopte dorénavant un maintien tout royal, tel qu’on peut l’admirer sur une toile d’un autel latéral de la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Turin peinte vers 1619 (ill. 2)45. Le prince y est couvert d’un manteau pourpre doublé d’un large rabat d’hermine et tient un glaive de justice d’une longueur démesurée, assurant la visibilité de son ministère. L’identité sacrale du prince se voit redoublée par une multiplication de blasons ducaux que surmontent les emblèmes dynastiques46. Ces commandes passées par le duc ont pour effet d’opérer un réajustement du modèle princier à hauteur de ses ambitions royales.

Conclusion

Par sa présence répétée, le portrait du bienheureux fait revivre inlassablement la fable princière derrière laquelle se tisse un véritable discours de sainteté dynastique. Autour de ce portrait s’instaure un dialogue avec les acteurs du rituel, assurant pour les fidèles une certaine forme de proximité avec le pouvoir ducal et une présence réconfortante encourageant les demandes d’intercessions en écho aux doléances adressées au prince. Cette présence rend surtout manifeste le rapport hiérarchique entre Dieu, le prince et les croyants. Dans ces conditions, le lien entre le souverain et ses sujets se présente comme scellé dans la communion des saints. Le duc Charles-Emmanuel Ier, par l’usage votif de l’icône princière, s’applique indirectement à renforcer son autorité morale en la personnifiant sous les traits de la sainteté. Néanmoins, il demeure assez difficile de mesurer le degré d’adhésion à une telle entreprise de légitimation dont on ne peut évaluer que très imparfaitement le succès auprès de l’ensemble des populations, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du duché.

Notes

1 Charles de Genève, Les Trophées sacrés ou missions des capucins en Savoie, dans l’Ain, la Suisse romande et la vallée d’Aoste à la fin du xvie et au début du xviiie siècle, publié par Félix Tisserand, vol. i, Lausanne, Société d’histoire de la Suisse romande, 1976, p. 66. Retour au texte

2 Voir le cas français exposé par Manfred Tietz, « Saint Louis roi chrétien : un mythe de la mission intérieure du xviie siècle », dans Louise Godard de Donville (éd.), La Conversion au xviie siècle, actes du colloque [Marseille, janvier 1982], Marseille, Archives Municipales, 1983, p. 59-69. Retour au texte

3 Marc Bloch, dans Les Rois thaumaturges. Étude sur le caractère surnaturel attribué à la puissance royale particulièrement en France et en Angleterre, [1924], Paris, Gallimard, 1983, p. 153-154, nous donne un autre exemple du même type en faisant mention du culte naissant autour de la tombe de Don Carlos de Viane, héritier de la couronne d’Aragon mort en 1461. Ce modèle de sainteté rencontre un succès grandissant auprès du public à partir de la fin du xve siècle, comme en témoigne également la popularité de figures princières tels Casimir de Pologne (1458-1484) ou le prince burgonde Herdicie, dont Guillaume Paradin évoque la légende dans ses Mémoires de l’histoire de Lyon, [Lyon, Antoine Gryphe, 1573], Lyon, Dioscor, 1985, p. 68. Concernant le bienheureux duc, Prospero Lambertini résume sa vie de la manière suivante : « Entre autres choses, le bienheureux Amédée, troisième duc de Savoie, excella en charité et donna un remarquable exemple de bonté » (« B. Amadeus III Sabaudiæ dux inter alia præclare gesta illud caritatis, et mansuetudinis insignes exemplum edidit ») : Doctrina de servorum Dei beatificatione et beatorum canonizatione, Rome, Typis Salomoni Bibliopolæ, 1757, p. 268. Retour au texte

4 A.S.T. (Archivio di Stato di Torino), Storia della Real Casa, Storie particolare, Cat. III, liasses 4 à 9 ; A.S.T., Biblioteca antica, A stampa, Canonizzazione del Beato Amedeo III Duca di Savoia, s. l., 1676 ; A.S.V. (Archivio Segreto Vaticano), Congr. Riti, Processus, Amedei IX 3ducis Sabaudiæ, processus apostolicus Vercellensis super cultu immemor., 2815 ; ibid., proc. apost. Taurinensis super cultu immemor., 2814. Retour au texte

5 Pour avoir un point de vue complet sur ce sujet, voir Lucetta Scaraffia, Gabriella Zarri (dir.), Donne e fede, Bari, Laterza, 1994. Nous citons toutefois une figure incontournable de la sainteté dynastique savoyarde qu’est la bienheureuse Marguerite de Savoie-Achaïe dont le culte rendu dans le diocèse d’Alba a été employé à des fins de propagande en vue de légitimer l’acquisition du Montferrat par le duc Charles-Emmanuel Ier ; voir Silvia Mostaccio, « La riscoperta sabauda di Margherita di Savoia-Acaia », dans Mariarosa Masoero, Sergio Mamino, Claudio Rosso (dir.), Politica e cultura nell’età di Carlo Emanuele I, Torino, Parigi, Madrid, actes du colloque [Turin, 21-24 février 1995], Florence, Olschki, 1999, p. 461-506. Retour au texte

6 Samuel Guichenon, Histoire généalogique de la Royale Maison de Savoie, Lyon, Guillaume Barbier, 1660, p. 547-562. Retour au texte

7 À l’exception des traités et cartulaires édités par l’historiographe de cour Samuel Guichenon pour l’édition de son Histoire généalogique, seuls quelques manuscrits des comptes de l’hôtel ducal ont été partiellement transcrits au xixsiècle. L’essentiel des archives des Notaires-secrétaires ducaux entreposées aux Archives d’État de Turin demeurent inédites pour la période concernée. Voir Lino Marini, Savoiardi e piemontesi nello Stato sabaudo (1416-1601), vol. i, Rome, Instituto storico italiano per l’età moderna e contemporanea, 1962 ; et Alessandro Barbero, Il ducato di Savoia. Corte e amministrazione di uno Sato franco-italiano (1416-1536), Rome, Bari, Laterza, 2002. Retour au texte

8 Un récit légendaire que développent des auteurs tels que Domenico della Bella, dit Macchanée, Epitomæ historicæ novem ducum Sabaudorum, vers 1515, dans Domenico Promis (éd.), Monumenta Historiæ Patriæ, Turin, Regio Typographeo, 1840, t. iii, p. 782-786 ; et Guillaume Paradin, Chronique de Savoie, Lyon, Jean de Tournes, édition de 1602, p. 332-339. Retour au texte

9 Dans son testament daté du 5 mai 1598, Charles-Emmanuel Ier s’adresse en ces termes à son fils aîné le prince Philippe-Emmanuel : « Soyez père des pauvres et soutenez-les largement dans leurs besoins et, en agissant de la sorte, vous pourrez obtenir la miséricorde du Seigneur pour vos fautes, et suivez la puissante coutume de cette maison et pareillement soyez soit pieux, miséricordieux, religieux et observateur de votre parole » (« Sia padre dei poveri et gli sovenga nelli loro bisogni largemente perché facendo così potrà ottenere misericordia dal Signore de’suoi falli et seguiterà il podevole costume di questa casa et similmente sia pio, misericordio, religioso et osservatore di sua parola »), A.S.T., Materie per rapporto all’interno, Testamenti, liasse IV, fasc. 9.1, fol. 1 ro. Pour approfondir le sujet, voir Priscille Aladjidi, Le Roi père des pauvres, France xiiie-xve siècle, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2009. Retour au texte

10 Stéphane Gall, Charles-Emmanuel de Savoie. La politique du précipice, Paris, Payot, 2012. Retour au texte

11 En 1601, le ministre français Sully avait fait frapper des médailles représentant le roi Henri IV sous les traits d’Hercule terrassant le centaure Charles-Emmanuel Ier. Voir Josèphe Jacquiot, « L’allégorie aux revers de médailles et de jetons du xve au xviie siècle », Cahiers de l’Association internationale des études françaises, 1976, vol. 28, p. 51-63. Quelques années plus tard, vers 1619, le duc de Savoie fit battre des monnaies de 9 florins représentant sur le revers le bienheureux Amédée IX. Certaines d’entres elles furent vraisemblablement employées comme médailles miraculeuses, attestant de la diffusion du culte, notamment dans le Chablais, sur instance de l’évêque François de Sales (A.S.T., Storia della Real Casa, Storie particolare, liasse n° 3, fasc. n° 5 : « Memoriale presentati a S. Santità ed alla Sacra Congr. de’Riti per la beatificazione di Amedeo III di Savoia », fol. 67 vo). Retour au texte

12 Voir Gábor Klaniczay, Holy Rulers and Blessed Princesses: Dynastic Cults in Medieval Central Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, chap. v : « Saintly Princesses and their Heavenly Courts », p. 195-394. Retour au texte

13 Voir Bernard Dompnier, Enquête au pays des frères des anges : les Capucins de la province de Lyon aux xviie et xviiie siècles, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 1993 ; et Achille Erba, La Chiesa sabauda tra Cinque e Seicento : ortodossia tridentina, gallicanesimo savoiardo e assolutismo ducale (1580-1630), Rome, Herder, 1979. Retour au texte

14 Paolo Cozzo, Santuari del Principe : i santuari subalpini d’età moderna nel progetto politico sabaudo, Bologne, Il Mulino, 2002. Retour au texte

15 Gabriella Zarri, Le sante vive. Profezie di corte e devozione femminile tra ‘400 e ‘500, Turin, Rosenberg et Sellier, 1990. Retour au texte

16 Andrea Merlotti, « Protettori celesti : da san Maurizio al beato Amedeo », dans Walter Barberis (dir.), I Savoia. I secoli d’oro di una dinastia, Turin, Einaudi, 2007, p. 103-114. Retour au texte

17 Robert Oresko, « The House of Savoye in Search for a Royal Crown in the Seventeenth Century », dans Graham Gibbs, Robert Oresko (dir.), Royal and Republican Sovereignty in Early Modern Europe, Cambridge, Hamish Scott Ed., 1997, p. 272-350. Retour au texte

18 Paolo Cozzo, La geografia celeste dei duchi di Savoia : politica e religione nel Piemonte sabaudo fra Cinquecento e Seicento, Bologne, Il Mulino, 2006, « San Maurizio e la Sindone, i due gran propugnacoli », p. 62-74. Retour au texte

19 S. Guichenon, Histoire généalogique, op. cit., p. 708 : « Mais ce qui est encore plus remarquable en la naissance glorieuse de ce prince, c’est qu’à mesme temps que Marguerite de France fut au bout de son terme, Sœur Leone religieuse de l’Annonciade de Vercel, qui avoit fait de grandes prières et un vœu solemnel au bien-heureux Amé de Savoye pour la fécondité et pour l’heureux accouchement de la princesse, ressentit seule le travail de l’enfantement, et la duchesse accoucha sans douleur ». Un propos qui est rapporté de l’hagiographie composée par le Père Pietro-Francesco Malet, Historia del Beato Amedeo terzo duca di Savoia, Turin, G.-A. Seghino, 1613, p. 101-102. Retour au texte

20 Pierre Monod, Amadeus Pacificus seu de Eugenii IV et Amedei Sabaudiæ ducis in sua obedientia Felicis Papæ V nuncupati, Paris, Sébastien Cramoisy, 1626. Retour au texte

21 Patrizia Delpiano, « Identità sabauda tra Cinquecento e Settecento », dans Marco Bellabarba et Reinhard Stauber (dir.), Identità territoriali e cultura politica nella prima età moderna, actes du colloque [Istituto storico italo-germanico di Trento, 10-12 avril 1997], Bologne, Il Mulino, 1998, p. 93-108. Retour au texte

22 La maison de Savoie compte à ce jour cinq bienheureux dont les figures principales sont le duc Amédée IX et la princesse Marguerite de Savoie-Achaïe (1390-1464), béatifiée en 1669 par bref du pape Clément IX. D’autres princes et princesses dont la sainteté était de moindre renommée bénéficièrent d’une reconnaissance plus tardive : Humbert III (1136-1188), Boniface archevêque de Cantorbéry (1207-1270), et Louise (1462-1503), fille d’Amédée IX et religieuse clarisse, ont fait l’objet d’une béatification commune en 1838 par bref de Grégoire XVI. Deux autres procès ont été ouverts à l’époque moderne concernant les Infantes Marie (1594-1656) et Catherine (1595-1640), filles de Charles-Emmanuel Ier, déclarées vénérables suite à la translation de leurs corps effectuée en 1662. Enfin, il convient de mentionner un certain nombre de candidats controversés tels le duc Amédée VIII (1383-1451), antipape sous le nom de Félix V (1440-1449), et la princesse de Lamballe Marie-Thérèse de Savoie (1749-1792) qui se vit décerner en 1929 l’auréole des martyres par décision du pape Pie XI. Retour au texte

23 P.-F. Malet, Historia del Beato Amedeo, op. cit. ; voir l’épître dédicatoire adressée au pape Paul V, p. 2. Retour au texte

24 Le prince Maurice et l’Infante Catherine avaient obtenu l’autorisation de consacrer une chapelle au bienheureux Amédée IX dans l’église nationale du Saint Suaire à Rome. Voir Matthias Oberli, Magnificentia Principis. Das Mäzenatentum des Prinzen und Kardinals Maurizio von Savoyen (1593-1657), Weimar, VDG, 1999, xi-1 : « Die heiligen-und historischenbilder », p. 189-191. Retour au texte

25 Angelo Torre, « Atti per i santi, discorsi di santità : la beatificazione di Amedeo IX di Savoia », Quaderni storici, 1999, n° 102, p. 705-731. Retour au texte

26 Voir Albrecht Burkardt, Les Clients des saints : maladie et quête du miracle à travers les procès de canonisation de la première moitié du xviie siècle en France, Rome, École française de Rome, 2004, chap. ii : « Les témoins : un public de “gens de biens” », p. 99-168. Retour au texte

27 Le chanoine Giovanni Francesco Ranzo est notamment l’auteur d’un Compendio della vita e miracoli, e gratie più notabili del beato Amedeo terzo, duca di Savoia, Modona, Verdi, 1612. On retrouve dans l’exemplaire vercellois des A.S.T les traces d’une correspondance avec le cardinal Maurice l’entretenant à ce sujet. Retour au texte

28 A.S.T., Memoriale..., op. cit., fol. 66 ro. Retour au texte

29 A.S.T., Canonizzazione…, op. cit., p. 45 : « […] per l’imagine del beato Amedeo duca di Savoia, è per tale tenuta da tutti, anzi sò, che avanti il contaggio, che seguì del 1630 se teneva ad honore della Beata Vergine e del beato Amedeo a quest’imagine accesa una lampada, e vi è detto beato Amedeo gran devotione e veneratione, dictus vero Andreas de Magistris respondit. Io sono d’età d’anni cinquanta ancora circa, e di mio raccordo hò veduto sempre la sudetta imagine riverita per il beato Amedeo duca di Savoia, et hò visto molti ad inginochiarsegli avvanti a far oratione per essere a tutto il popolo di grande veneratione ». Retour au texte

30 Massimiliano Caldera, « Antoine de Lonhy », dans Enrica Pagella, Elena Rossetti Brezzi, Enrico Castelnuovo (dir.), Corti e città. Arte del Quattrocento nelle Alpi occidentali, catalogue d’exposition [Turin, Palazzina della Promotrice delle Belle Arti, 7 février-14 mai 2006], Milan, Skira, 2006, p. 333-354. Retour au texte

31 Il s’agit de l’ordre de chevalerie créé en 1364 par le comte Amédée VI, que refonde en 1518 le duc Charles III sous le nom d’Ordre de l’Annonciade. Retour au texte

32 A.S.T., Canonizzazione..., op. cit., p. 113. Retour au texte

33 Initialement, l’indult papal de béatification du duc Amédée IX ne concède l’autorisation de célébrer sa fête qu’aux seules cités et diocèses de Turin et Verceil, à la ville de Thonon (lieu de naissance du bienheureux) et à la chapelle qui lui est consacrée dans l’église nationale du Saint-Suaire-des-Piémontais de Rome. Retour au texte

34 A.S.T., Canonizzazione…, op. cit., p. 53. Retour au texte

35 Le terme de quasi-cités désigne les villes importantes du duché qui n’abritent pas de siège épiscopal. Retour au texte

36 Parmi les plus anciens panégyriques qui ont été conservés figurent celui de Girolamo Cordieri, chanoine et pénitentiel méconnu originaire de Mondovì, dont le titre est à lui seul très évocateur : Ragionamento del Regno interiore et regali ornamenti dell’anima, Turin, Giovanni Antonio Seghino, 1612. Retour au texte

37 Concernant le rôle que tient le miracle dans le culte des saints, voir Jean-Michel Sallmann, Naples et ses saints à l’âge baroque (1570-1750), Paris, Presses Universitaires de France, 1994, chap. v : « L’efficacité symbolique », p. 331-367. Retour au texte

38 L’abbé feuillant Morozzo en donne une minutieuse description dans sa Vita e virtù del Beato Amedeo, terzo duca di Savoia, Turin, Giovanni Zappata, 1686, chap. XXXIV : « Di alcune miracolose immagini di Amedeo, e particolarmente di quella, che si venera in San Domenico di Torino », p. 225-230. Retour au texte

39 Sur ce reliquaire voir Anna-Maria Bava, « La collezione di oggetti preziosi », dans Giovanni Romano (dir.), Le collezioni di Carlo Emanuele I di Savoia, Turin, Fondazione CRT, 1995, p. 265-332. Retour au texte

40 Une situation qui n’est pas sans rappeler le cas de la « népomucénisation » de la ville Prague au cours du xviiie siècle évoquée par Olivier Chaline, « La canonisation de Jean Népomucène et le paysage urbain à Prague au xviiie siècle », dans Marc Agostino, François Cadilhon, Philippe Loupès, Fastes et cérémonies : l’expression de la vie religieuse, xvie-xxsiècles, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 2003, p. 35-46. Retour au texte

41 A.S.V., Proc. apost. Taurinensis super cultu..., op. cit., fol. 80 ro : « Io conosco tutte queste pitture fatte di mano dei fratelli Fea, pittori di Chieri, perché le havemo viste dipinger prima pocchi anni ; sono, e rapresentano le morali e sante virtù del Servo di Dio Amedeo terzo duca di Savoia, del quale havemo veduti anche moltissimi quadri per li palazzi, e case della città, come anche sopra molti cantoni d’essa, e sovra porte, come pur una statua in un nicio a canto la porta nuova della città, specialmente nelle imagini che sono dipinte della Santissima Sindone in molti luoghi, se ben non sono di molta antichità, sono però molte antichissima per questa provincia […] ». Retour au texte

42 Voir Rosanna Roccia (éd.), Theatrum Sabaudiæ, Teatro degli Stati del Duca di Savoia, nouvelle édition, Turin, Archivio Storico della città di Torino, 2000, t. ii, pl. n° 23. Retour au texte

43 Andrea Merlotti, « Politique dynastique et alliances matrimoniales de la Maison de Savoie au xviie siècle », Dix-septième siècle, 2009, n° 243, p. 239-255. Retour au texte

44 A.S.T., Storia della Real Casa, Storie particolare, liasse 4 : « Processo formato da Monsignore Gerolamo Della Rovere, vescovo di Vercelli, e da monsignore Michel Angelo Broglia di lui successore, delegati apostolici, sovra il culto immemorabile del beato Amedeo IX duca di Savoia, 1661 », fol. 53 vo. Retour au texte

45 Ce portrait, disposé face à celui de saint Maurice, fait partie de la chapelle placée sous le vocable de Saint-Charles-Borromée. Caravoglio atteste que cette toile est de la main de Giulio Maÿna, peintre actif à la cour de Savoie au cours des deux premières décennies du xviie siècle (A.S.V., Proc. apost. Taurinensis..., op. cit., fol. 72 vo). Retour au texte

46 Voir l’exemple saxon étudié par Naïma Ghermani, « Le blason dans le portrait : d’une pratique dynastique à une pratique confessionnelle », dans Denise Turrel, Martin Aurelle, Christine Manigand, Jérôme Grévy, Laurent Hablot, Catalina Girbea (dir.), Signes et couleurs des identités politiques du Moyen Âge à nos jours, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2008, p. 345-364. Retour au texte

Illustrations

Citer cet article

Référence électronique

Michel Merle, « Sous les traits du saint prince », Les Carnets du LARHRA [En ligne], 2 | 2012, mis en ligne le 24 septembre 2024, consulté le 18 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/larhra/index.php?id=1123

Auteur

Michel Merle

LARHRA, UMR 5190

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