Le tarot à la carte : vidéos de cartomancie et design de la confiance

  • À la Carte Tarot: Voyance Videos and Trust Design

DOI : 10.35562/marge.1034

Résumés

La réalisation de vidéos présentant des séances de tirage de cartes divinatoires, telles que le tarot, est désormais largement répandue. Cette recherche repose sur une série d’entretiens avec quatorze enquêté·e·s, praticien·ne·s ou publics de ces vidéos en ligne. Elle met en lumière la manière dont le formatage des vidéos et des jeux de cartes varie en fonction des contextes sociotechniques, dans le but de maintenir une confiance interpersonnelle fondamentale à la base de la croyance en cette pratique ésotérique.

The production of videos featuring sessions of divinatory card readings, such as tarot, is now widespread. This study is based on a series of interviews with fourteen professionals and viewers of these videos online. It highlights how the formatting of the videos and card games varies depending on sociotechnical contexts, aiming to maintain interpersonal trust fundamental to believe in this esoteric practice.

Index

Mots-clés

tarot, cartes, vidéo, voyance, confiance

Keywords

tarot, cards, video, voyance, trust

Plan

Texte

Introduction

Ces dernières années, les jeux de cartes divinatoires tels que le tarot ont suscité un regain d’intérêt sur Internet, à l’instar de l’astrologie. À première vue, la séance traditionnelle de cartomancie est fidèlement transposée : une question est posée par un·e consultant·e, en réponse un tirage de cartes est réalisé par un·e cartomancien·ne, il·elle interprète le sens de la combinaison de cartes et enfin une réponse est formulée au·à la consultant·e. Sur Internet, un nombre croissant de vidéos présentant des professionnel·le·s interprétant des tirages de cartes circule, notamment sur des plates-formes comme YouTube et TikTok. Ces vidéos publiques représentent apparemment la partie gratuite et visible de la cartomancie. Nous avons entrepris de nous focaliser sur les séances de consultations privées ou destinées à des groupes restreints qui sont réalisées à distance sous forme de vidéos en ligne privées ou semi-publiques, donc moins visibles et le plus souvent payantes.

Plusieurs domaines d’étude abordés dans la littérature scientifique convergent avec le nôtre. Premièrement, les consultations privées en visioconférence1 centrées sur les relations de care2 (telles que les téléconsultations médicales, psychologiques et de développement personnel3, ainsi que les séances privées de vidéos pornographiques en ligne4). Deuxièmement, l’étude des pratiques divinatoires (telle que l’astrologie et le tarot5, ainsi que les diseurs de bonne aventure asiatiques6 et roms). Troisièmement, l’exploration des usages numériques au sein des communautés de croyance, notamment l’utilisation d’Internet par les religions séculières7 et par des mouvements plus récemment institutionnalisés en grande partie grâce à Internet8 (comme divers mouvements néopaïens, ou de sorcellerie wicca).

Dans le cadre de notre étude, nous cherchons à répondre à la question suivante : comment la confiance interpersonnelle entre client·e·s et cartomancien·ne·s se renforce grâce à l’articulation des formats des jeux de cartes divinatoires avec ceux des vidéos en ligne ? Nous montrons comment l’agencement sociotechnique étudié donne du crédit au·à la cartomancien·ne et favorise l’établissement d’une « confiance décidée9 ».

Notre enquête s’est déroulée en deux phases. Entre 2021 et 2022, dans le cadre d’un mémoire de master, huit entretiens ont été menés avec des amatrices et praticiennes d’astrologie et de cartomancie en ligne en abordant notamment les aspects commerciaux des pratiques divinatoires sur Internet. En 2023, nous avons poursuivi notre étude en réalisant six entretiens supplémentaires avec des cartomancien·ne·s professionnel·le·s et amateur·rice·s, tout·e·s ayant une expérience de consommation et parfois de production de vidéos de cartomancie en ligne.

La première section de l’article décrit les adaptations de la pratique de cartomancie classique à la production de vidéos en ligne, en examinant notamment deux modalités scénographiques de ces vidéos : la facecam, qui montre le visage du·de la cartomancien·ne, et le plan zénithal, qui offre une vue en surplomb du tirage de cartes. La deuxième section examine la manière de transposer en ligne une pratique énergétique préexistante. Comment, alors qu’elle est conçue pour la coprésence, peut-on la transformer en un usage à distance médié par vidéos interposées ? La troisième section décrit les modalités de la cartomancie en consultation privée sur Internet. L’analyse met l’accent sur les questions de réorganisations temporelles spécifiques à chaque modalité technique. Enfin, la dernière section est consacrée à la cartomancie diffusée lors de lives sur TikTok, une modalité singulière qui implique des audiences restreintes en compétition pour obtenir un tirage de cartes personnalisé. L’analyse revient sur l’importance du design pour organiser le maintien d'une confiance à même de garantir un débouché lucratif à l'interaction10. La dimension éthique de ces échanges est aussi soulevée, dans la mesure où la plate-forme attire des audiences de mineur·e·s.

L’ajustement des pratiques de cartomancie à la production de vidéos en ligne

Les professionnel·le·s de la cartomancie produisent des vidéos publiques susceptibles d’accroître leur visibilité. La conception et la production des vidéos sont abordées ici à travers plusieurs phases : l’amont avec le choix du setting, c'est-à-dire les thèmes abordés et la mise en scène. Ensuite, la production elle-même est abordée, mettant en avant l’importance du cadrage ; et enfin les contraintes spécifiques à la diffusion en ligne.

Cette section revient sur un élément qui est transversal à toutes les formes d’interaction vidéo : le choix d’intégrer des plans de visage, également appelés facecam11, ou alternativement, d’opter pour un plan zénithal filmé en plongée12, où seules les mains des cartomancien.ne.s sont visibles, manipulant les cartes, accompagnées par la voix off du·de la professionnel·le.

La mise en scène filmée du tirage de cartes

Indépendamment du mode de diffusion en ligne des vidéos, certains choix de réalisation revêtent une importance cruciale, notamment ceux liés à la mise en scène. Un premier aspect essentiel et assez chronophage concerne la fidélisation de la clientèle par le biais de la personnalisation des vidéos. Le second aspect concerne le choix de normes de production culturelles spécifiques à certains publics.

Dans le cas des cartomanciens, demeurer hors champ pendant l’enregistrement vidéo réduit considérablement le temps nécessaire à leur préparation préalable. Initialement, la plupart de nos enquêté·e·s se filmaient face à la caméra (en facecam), une pratique héritée des selfies sur smartphone. Souvent, les cartomancien·ne·s montrent une volonté de « s’assumer » et de ne pas « se cacher », tout en souhaitant présenter leurs pratiques de manière authentique, sans possibilité de réaliser des montages trompeurs.

Comme je veux intervenir dans l’énergétique13, comme je veux être présente en tant que thérapeute, pour moi, en tout cas il était naturel que, quelque part les gens sachent à qui ils ont affaire [...] Donc, je me suis jamais dit « Ah ben est-ce que je vais montrer mon visage ou pas ? » (Malaurie, 32 ans, thérapeute énergéticienne14)

À l’instar de Malaurie, d’autres enquêté·e·s trouvent qu’il est normal de montrer leur visage, impliquant un temps de préparation supplémentaire. Ensuite, nos enquêté·e·s font souvent évoluer leur scénographie vidéo pour généraliser une prise de vue zénithale qui dissimule leur visage et donne toute la place aux cartes et à leurs mains réalisant les tirages, tandis que leur voix commente. Les cartomancien·ne·s sont conscient·e·s que les éléments visuels peuvent influencer la réception de la vidéo, notamment la scénographie, le cadrage et le montage. Coralie l’explique en ces termes :

Je me suis dit que je peux me permettre de pas mettre ma tête maintenant, parce que, comme je l’ai mise au début et qu’il y a encore les vidéos qui sont disponibles […] si on veut voir ma tête, on peut […]. Et du coup, le côté qui me dérangeait, où il n’y avait pas de confiance, ben là, le fait que ma tête […] est présente, je pense que c’est bon, je suis pas obligée de la mettre tout le temps. […] [C]’est mon choix, je me dis [que] c’est bon […] la confiance, je pense que ça va ! (Coralie, 27 ans, tarologue)

Les cartomancien·ne·s sont ainsi amené·e·s à chercher des compromis en se montrant dans certaines vidéos seulement. C’est ainsi qu’ils·elles parviennent à concilier la création d’un lien de confiance avec leur audience, en apparaissant face à la caméra, en cherchant un gain de temps, en restant hors champ. Enfin, Guillaume avance une dernière explication spécifique aux pratiques ésotériques sur Internet :

On sait très bien que dans les arts divinatoires et dans la spiritualité, se montrer au naturel c’est montrer sa faiblesse parce qu’on peut nous attaquer. Avec de mauvais sorts, etc., mauvais œil… C’est pour ça que généralement on évite, ou bien on met des filtres. (Guillaume, 25 ans, tarologue)

La production de vidéos dissimulant l’identité ou la modifiant à l’aide de filtres visuels peut donc également s’expliquer chez certain·e·s par une volonté de se protéger du mauvais sort. Afin de maintenir leurs futur·e·s client·e·s sur des consultations privées, les professionnel·le·s doivent trouver un équilibre entre contraintes logistiques, capacité à inspirer un climat de confiance, voire permettre à celle-ci de s’identifier à eux.

Une pratique « énergétique » réadaptée aux modalités d’échange par écrans interposés

Les cartomancien·ne·s parlent souvent de leur capacité à faire appel à des prédispositions spéciales. Certain·e·s les attribuent à des caractères liés au « spirituel » (45 occurrences du mot dans les entretiens réalisés15), cela recouvre tout ce qui touche aux bénéfices qui seraient retirés de leur fidélité à une pratique cultuelle16. D’après eux·elles, ces liens avec des « aides invisibles » demandent de mobiliser des formes d’« énergie » repérables par des observations tangibles : notamment, la disposition des cartes qui favorise une prédiction juste, ou encore les fatigues physique et cognitive engendrées par une pratique considérée énergivore. Il y a donc une cohérence étroite entre le soin apporté au dispositif de consultation pour qu’il limite distractions et sources de fatigue non désirée et ces conceptions de l’activité de cartomancie en termes d’« énergie » (29 occurrences dans les entretiens réalisés).

Le choix des outils de médiations adaptés aux croyances énergétiques (cartes et médias de communication)

Yassine est un client de cartomancien·ne·s qui consulte aussi leurs vidéos préenregistrées pour apprendre la pratique. Comme il l’explique ci-dessous, il ne croit pas en la cartomancie en direct sur Internet :

La divination à travers un écran, si la base […] c’est de « diffuser », […] une énergie, j’ai du mal à croire qu’[il·]elle va la diffuser à travers l’écran. […] Enfin, c’est une des raisons pour lesquelles […] je ne « participe » pas […] au tirage de cartes en ligne ; […] j’ai pas cette vibe-là. (Yassine, 24 ans, recruteur de donateur·rice·s)

Pour Yassine l’écran semble nécessairement faire barrière aux énergies. Pour certain·e·s cartomancien·ne·s, être en coprésence avec une personne serait donc primordial. Pour la majorité de nos enquêté·e·s qui sont actif·ve·s sur Internet, il est pourtant possible de pratiquer à distance tant que des dispositions sont prises pour aménager les conditions du tirage.

Ils·elles font souvent coïncider le niveau de personnalisation de leurs outils de médiation : celui prévu par les règles du jeu de cartes divinatoire avec celui du canal de diffusion en ligne. La justification proposée par les enquêté·e·s relève de l’accent mis sur l’accès à leur intuition et à l’énergie du·de la client·e. Le choix d’agencement des outils de médiation se structure ainsi17 :

Tableau 1

Jeu d’oracles Jeu de tarot
Temporalité des évènements questionnés Continuité entre le passé et le présent Évènement futur sans lien évident avec le passé ou le présent
Type d’adresse proposée par le jeu de cartes Adresse générale, sans personnalisation Adresse spécifique, personnalisée
Type d’audience pour un tirage de cartes en ligne Streaming de vidéos asynchrones (YouTube, TikTok) Échanges privés :
- Échanges audio-vidéo asynchrones
- Visioconférence en direct
- Live TikTok

Agencement des formes d’audience en ligne et des jeux de cartes divinatoires

Les cartes d’Oracles sont réputées pour être accessibles : les phrases et mots clés indiqués sur les cartes permettent une compréhension rapide, comme illustré ci-dessous.

C’est ainsi que Malaurie utilise des cartes d’oracle dans un contexte spécifique :

Les [cartes] oracles pourquoi ? Parce que pour moi c’est un message général. [...] Donc comme quand on fait des vidéos sur YouTube ou TikTok, etc. : dans ces cas on touche un large nombre de personnes. […] Les oracles, ça ouvre plus de champs […] de possibilités de pouvoir parler à plusieurs personnes. (Malaurie, 32 ans, thérapeute holistique)

Le tirage de cartes d’oracle livre des messages plus généraux, adaptés à des tirages diffusés sur YouTube et TikTok destinés à des publics nombreux. Ici l’accent est donc mis sur le·la client·e qui se pose des questions générales et stables dans le temps18. Les formulations des cartes d’oracle et les formats de communication publics à distance comme YouTube ou TikTok s’agencent mieux pour répondre à ces demandes. Le tirage du tarot en ligne serait quant à lui utilisé différemment :

Tandis que le tarot, pour moi, ça restreint vraiment un champ à une personne. […] J’attache de l’importance à utiliser le tarot en guidance privée pour que ça reste vraiment divinatoire. Et que ça soit vraiment mon intuition et les énergies de la personne qui parlent… (Malaurie, 32 ans, thérapeute holistique)

Le format relationnel de la « guidance privée » engage davantage les parties prenantes et construit de ce fait sur une personnalisation de la prédiction. Une pratique interactionnelle qui s’affine grâce à des années d’expérience suivant des trajectoires mêlant rôles de praticien·ne·s et de consultant·e·s. Cela justifie l’exercice du tarot divinatoire en ligne lors de séances privées et payantes. L’interaction est ainsi conservée dans un format proche de la pratique commerciale en coprésence. L’agencement est donc différent pour des prédictions personnalisées et moins prévisibles dans le temps. Le tirage du tarot y tient une place de choix. Pour certains, il suffit d’une question envoyée par mail. Pour d’autres, l’échange est oral (téléphonique ou via des messages asynchrones) ou passe par un échange audiovisuel par visioconférence.

Dans tous les cas de figure, pour les cartomancien·ne·s interrogé·e·s, le distanciel nécessite surtout une adaptation matérielle de la pratique, permettant de percevoir à distance les informations nécessaires à la divination. Chaque modalité divinatoire a donc son agencement discursif et matériel en propre. Les relations qui engagent le plus tentent de se rapprocher de la consultation privée traditionnelle. Celles-ci sont souvent étiquetées comme plus expertes par les praticien·ne·s, nécessitant le recours à son intuition et à une perception des énergies du·de la client·e.

Les rituels de protection adaptés à la cartomancie en ligne

Le moment qui précède le tirage de cartes est significatif pour analyser les différences de rituels entre un tirage mobilisant des outils numériques et un autre ne le faisant pas.

[J]’ai toujours une petite préparation avant chaque guidance. Même une guidance TikTok. Parce que je prends ça quand même très au sérieux ! C’est pas juste j’allume mon téléphone et je fais une guidance […] Enfin, c’est quelque chose […] qui me tient quand même à cœur. Donc je vais […] faire une préparation avant, où je prends le temps de m’ancrer, de me connecter et de demander à mes guides d’être présents et de transmettre un message qui pourra parler au plus grand nombre, ou même à deux personnes qui vont tomber sur la vidéo à ce moment-là. (Malaurie, 32 ans, thérapeute holistique)

Certain·e·s cartomancien·ne·s mobiliseront les mêmes rituels de préparation pour « s’ancrer » ou « se protéger », quelles que soient les spécificités du tirage, hors ligne ou en ligne. D’autres supprimeront ces rituels préalables dans les cas de production de vidéos courtes ou de consultations rapides (vidéos TikTok, consultations sur un format « une question/une réponse »).

L’établissement d’une relation basée sur une forme de matérialité et de personnalisation de l’échange est généralement considéré comme d’importance. Cela n’est pas spécifique au travail énergétique en coprésence. Dès que des consultations téléphoniques sont apparues, utiliser un objet appartenant à la personne, ou répondre à une question concernant une situation très personnelle est devenu un moyen de suppléer aux changements des outils de médiation qui vont avec la consultation à distance. La scénographie et l’utilisation de matériels typiques sont essentielles pour entretenir, à distance, confiance et croyance envers les prédictions des cartomancien·ne·s.

Les consultations privées par écrans interposés

Visionner depuis plusieurs mois les vidéos d’un·e cartomancien·ne traduit souvent le renforcement d’une relation au long cours qui va de pair avec une confiance envers ses prédictions19. Contacter le·la cartomancien·ne pour une consultation privée est alors une suite logique20. Cette partie revient sur ces deux étapes essentielles dans le parcours d’un·e client·e : d’une part, le visionnage de vidéos gratuites de cartomancie sur des plates-formes en ligne, d’autre part la consultation privée en ligne.

La cartomancie sur les plates-formes de vidéos en ligne comme « produit d’appel »

Alexandre considère que la vidéo de cartomancie est le moyen le plus direct de rencontrer un·e professionnel·le et d’évaluer sa manière de travailler.

À une certaine époque, il fallait aller voir le médium du village, ça m’est déjà arrivé […] de faire des kilomètres pour aller voir des personnes isolées [...] [Avec la consultation de vidéos en ligne] il y a vraiment le côté pratique, accessible. Ça, c’est un facteur très important […] c’est un format différent, mais qui a un côté qui va peut-être toucher plus de monde, ou en tout cas qui est plus accessible. (Alexandre, 37 ans, médium)

Il mentionne le rôle de « médium du village » dont la réputation s’étend par bouche-à-oreille dans les campagnes, une modalité de diffusion de cette expertise déjà documentée dans la littérature21. Désormais, les internautes évaluent aussi les cartomancien·ne·s en visionnant leurs vidéos publiques. Cela occasionne moins de déconvenues en consultation privée et favorise la consultation en visioconférence comme prolongement simple et logique.

De leur côté, les cartomancien·ne·s font un lien entre leurs consultations privées et leur visibilité publique sur des plates-formes de vidéos. Coralie nous l’indique :

Je fais vraiment pas de pub [rire] ! Du coup, YouTube ben c’est ma manière de me faire connaître et jusqu’à présent j’ai l’impression que ça a fonctionné […] je pense que quatre-vingt-quinze pour cent de mes clients viennent de YouTube, ont vu mes vidéos, ont apprécié, ont compris comment je faisais les choses, sont intrigués et me contactent. (Coralie, 27 ans, tarologue)

À l’instar de Coralie, les cartomancien·ne·s interrogé·e·s qui postent des vidéos publiques remarquent la hausse de la visibilité de leurs consultations privées payantes. Alexandre affirme par exemple qu’après 3 mois de moindre activité sur des plates-formes spécialisées dans la voyance, c’est la création de sa chaîne YouTube qui lui permet enfin de se rendre visible et d’acquérir une clientèle qui lui permette de dégager une rentabilité satisfaisante.

Au fil du temps, le visionnage de vidéos publiques développe un sentiment de confiance envers un·e voyant·e donné·e et débouche auprès de lui·elle sur des demandes de consultations privées. L’esthétique, la présentation de soi ou encore le cadrage de la vidéo jouant un rôle déterminant dans la sélection d’une vidéo et d’un·e professionnel·le à consulter.

Les formes de consultation en ligne

Les cartomancien·ne·s de notre corpus proposent une gamme variée de prestations payantes. Certain·e·s mettent également en avant une offre ne s’articulant pas toujours autour du tirage de cartes, se rapportant davantage à des formations désignées comme holistiques, où le tirage de cartes est un élément central mis en cohérence avec des pratiques de soins. Nous nous concentrons dans cette partie sur l’offre de consultations privées à distance centrées sur la cartomancie.

Le premier type de prestations concerne les échanges synchrones, soit par téléphone soit en visioconférence. En moyenne, la rémunération est de 90 euros de l’heure. Le second type de prestations relève d’échanges asynchrones. Il peut s’agir de tirages de cartes enregistrés en vidéo (35 à 80 euros) ou en audio pour répondre à des questions transmises par mail (10 à 20 euros). Ces enregistrements audio sont envoyés individuellement aux client·e·s sur WhatsApp ou YouTube (lien vers la vidéo postée en privée). Ils peuvent être organisés selon des séquences de questions et réponses, suivies d’approfondissements, centrés à chaque étape sur un tirage de cartes.

Les consultations les plus fréquentes sont celles qui se déroulent en visioconférence et qui tendent à remplacer progressivement les consultations traditionnelles par téléphone. Ces consultations se déroulent de manière synchrone pour les cartomancien·ne·s et leur clientèle. Les client·e·s choisissent la durée des séances (de 30 à 60 minutes) et transmettent à l’avance les sujets ou questions qu’ils·elles veulent aborder. Coralie en décrit le déroulement typique :

[O]n va dire en visio ou téléphone, il n’y a pas de préparation avant, juste, on s’appelle, la personne explique son histoire, etc., je tire une carte et après, on discute.

En dehors de la prise de rendez-vous, le dispositif organisationnel est relativement léger pour les professionnel·le·s. Le matériel utilisé est également moins complexe et moins coûteux que pour produire des vidéos YouTube. Il est nécessaire qu’il soit très polyvalent pour permettre d’être réactif·ve en cas de déplacement du rendez-vous ou de problème technique. Ils·elles utilisent donc majoritairement un téléphone portable professionnel doté de 4G pour contacter leurs client·e·s et se filmer ; l’ordinateur relié à la fibre optique peut servir ponctuellement de dépannage en cas de souci de connexion ; enfin, des systèmes de messagerie grand public, bien maîtrisés par les client·e·s sont privilégiés : Skype, Zoom, Messenger, ou encore WhatsApp. Alternativement, on note que des plates-formes de téléconsultations sont aussi utilisées fréquemment. Les cartomancien·ne·s et praticien·ne·s de médecine douce français ont tendance à se regrouper sur resalib.fr, une plate-forme équivalente à doctolib.com, mais qui est ouverte aux professions non règlementées.

Les guidances privées par envoi vidéo comportent le même déroulé que la guidance en visioconférence ou appel téléphonique. Cependant, la prestation est transmise en différé à l’aide d’un enregistrement. Les client·e·s ne sont pas nécessairement connecté·e·s au moment de l’envoi de la vidéo. Les praticien·ne·s restent disponibles après l’envoi de la vidéo, pour répondre plus tard à de potentielles questions.

Dans certains cas, nous pouvons observer une démultiplication des médias utilisés simultanément, comme l’utilisation par le·la voyant·e de sa tablette numérique récapitulant les informations du·de la client·e (photo, date de naissance, questions, etc.) lors d’un rendez-vous au téléphone.

L’organisation du temps d’échange : entre rationalisation et personnalisation

Un grand nombre de cartomancien·ne·s valorisent la dimension expérimentale de leur pratique, comme l’explique Coralie :

En fait, il faut aussi savoir que mes offres […] sont tout le temps en train d’évoluer. Je suis tout le temps en train de me remettre en question ! Je suis toujours en train de changer, parce que […] je teste des choses et je vois [ce] qui marche, ce qui fonctionne pas. Et quand je dis « ce qui marche », je dis même par rapport à moi : à l’énergie que ça me prend, si ça me met à l’aise.

Il peut paraître surprenant de qualifier si positivement la flexibilité et l’adaptabilité des prestations payantes dans le cas de pratiques de cartomancies pourtant fortement ritualisées et qui valorisent traditionnellement la prise de temps de réflexion et le « pas de côté ». Il ne faut pas oublier que cette profession reste dévalorisée, l’appellation d’ésotérisme la renvoyant à des formes de sous-cultures déviantes22. Ce paradoxe traduit donc une forme de réappropriation positive d’un discours libéral qui peut malheureusement masquer des conditions de travail précarisées par l’accentuation de la concurrence sur Internet, émergeant avec l'ouverture à des consultations de praticien·ne·s depuis l’autre bout du pays. La numérisation de la pratique accentue l’importance pour les praticien·ne·s de montrer en ligne des vidéos en adéquation avec les attendus des demandeur·euse·s.

Les différents formats des consultations privées sont donc construits autour de l’affirmation par les profesionnel·le·s de deux principes : d’une part, l’individualisation et la personnalisation de la consultation, d’autre part, une simplification de l’organisation de la pratique.

Pour ce qui est de l’individualisation de la consultation, les cartomancien·ne·s font sans cesse évoluer leur offre, pour se rapprocher aux mieux des attentes de leurs publics. L’avantage le plus évident pour les publics est l’obtention d’un tirage personnalisé en seul·e à seul·e avec le·la voyant·e. Les cartomancien·ne·s veillent toujours à proposer une entrée de gamme : le prix de la séance suit les gradations de qualité des prestations. Par exemple, le nombre de questions posées, la durée, mais également les types de services supplémentaires rendus au cours d’une seule et même séance : tirage de cartes, utilisation d’un pendule, conseils en lithothérapie, etc. Les cartomancien·ne·s ont tendance à s’adapter aux modes :

Je suis flexible et je m’adapte […]. Donc à distance, YouTube, en visio aussi, par Skype ou par Zoom, Messenger, par WhatsApp. J’ai déjà fait tout tous ces formats. Il n’y a pas, pas de souci. […] Aujourd’hui, j’aimerais dire que c’est un voyage, une expérience, une découverte. Pourquoi ? Parce qu’en fait je n’ai pas de plan maintenant préétabli et j’ai beaucoup évolué aussi par rapport à mon approche et ma pratique. Et […] aujourd’hui, en tout cas, ce qui me plaît là maintenant, c’est vraiment d’être dans une forme juste d’accueil, de simplicité et de se laisser guider par tout ce qui vient au moment présent. Et donc ça fait que chaque consultation va être vraiment différente. (Alexandre, op. cit.)

Comme Alexandre, les autres cartomancien·ne·s proposent plusieurs moyens de mise en contact, ou composent avec leurs client·e·s la meilleure manière de communiquer : adoption possible de plusieurs plates-formes de visioconférence, ou de messageries, parfois même déplacement du client·e au domicile du·de la voyant·e, ou inversement.

Le deuxième axe de formatage d’une consultation privée est la flexibilité de l’organisation temporelle des cartomancien·ne·s. Malaurie s’en fait l’écho :

Souvent, quand on fait une guidance, y’a beaucoup d’informations et des fois on a tendance à oublier. Donc l’envoi en vidéo, c’est sûr qu’on peut pas vraiment interagir instantanément avec la personne, mais on peut revenir sur la vidéo, la revisionner, si on a besoin de confirmation, si on a certaines choses qu’on a oubliées.

La consultation par l’envoi du tirage par vidéo via une messagerie permet aux cartomancien·ne·s différentes organisations de leur temps. Ils·elles produisent la vidéo, l’envoient et la révisent à leur propre rythme. Les réponses aux réactions des client·e·s peuvent aussi être temporisées. De leur côté, les client·e·s trouvent avantage à cette temporalité, investissant l’attente de réflexions introspectives et de nouveaux visionnages des prédictions.

Ces changements de temporalités permettent aux cartomancien·ne·s de trouver un nouvel équilibre plutôt que de revoir à la baisse le temps de l’échange et les modalités organisationnelles. Ils·elles expriment presque toujours un réel besoin d’échange et d’exercice de leur empathie, en résonnance avec les besoins de leurs client·e·s. À l’instar de travailleur·euse·s indépendant·e·s focalisé·e·s sur le télétravail, les cartomancien·ne·s pratiquent souvent seul·e·s depuis chez eux·elles. La relation qu’ils·elles entretiennent à distance avec leurs client·e·s est donc ressentie de leur part comme un besoin majeur.

Notons que les principes fondamentaux du catalogue de consultations privées sont les mêmes que ceux de la production d’une vidéo de cartomancie, soit l’accessibilité de la consultation vidéo, sa personnalisation et la recherche de confort pour les praticien·ne·s, et enfin, l’importance d'un dialogue approfondi.

La vidéo de cartomancie en ligne peut donc être considérée comme « un produit d’appel » pour la consultation privée. Cette dernière se distingue par sa personnalisation plus poussée, notamment parce qu’elle permet de se retrouver seul·e lors d’échanges synchrones avec le·la voyant·e. Cette valeur ajoutée est justifiée par un prix dépendant des modalités relationnelles, notamment des temporalités et du degré de personnalisation des prédictions.

Le live de cartomancie et ses publics restreints : la mise en scène d’une « course » à la consultation privée

Les lives peuvent permettre d’associer le format de la vidéo de cartomancie et certaines spécificités de la consultation privée, l'interaction en direct et l’apport financier notamment. Certain·e·s cartomancien·ne·s multiplient les lives pour augmenter leur nombre d’abonné·e·s et de vues.

Le principe d’un live de cartomancie est le suivant : le·la cartomancien·ne parle en direct avec son audience qui peut s’exprimer en retour via une messagerie instantanée (chat) affichée à côté de la vidéo.

Les lives se répartissent en deux catégories : d’une part, des tirages autour d’un thème général (nouvelle lune, changement de saison, etc.) sans échange préalable avec le·la voyant·e. D’autre part, des tirages en réponse à des questions écrites dans le chat par des membres de l’audience.

Quand le premier cas ressemble aux vidéos YouTube classiques, dans le second, les publics de la vidéo live interpellent en permanence l’animateur·rice via le chat, pour obtenir réponse à leurs questions personnelles qui défilent donc les unes après les autres, par exemple, dans une messagerie instantanée sur TikTok, nous pouvons trouver « Thibaut, 32 ans, et Laurence, 30 ans, en couple depuis 3 ans : “Allons-nous nous marier prochainement ?” Sophie, 46 ans : “Mon mari va-t-il se sortir de l’alcool ?” ». Le·la voyant·e peut alors décider de faire un rapide tirage pour répondre à certaines de ces questions.

Malaurie a décidé de mettre un terme au format live sur sa chaîne TikTok, son explication décrit les spécificités du format live :

Des gens revenaient constamment dans mes lives. Et c’est même des gens qui m’envoyaient des messages en privé, un peu en détresse et je pouvais pas... Et parfois, c’est des gens qui ne sont pas majeurs, donc pour moi ça sortait un peu de mon cadre et je voulais pas, donc j’ai un peu stoppé sur les lives, donc je referai des lives certainement, mais sur un sujet spirituel donné, pas des réponses précises… Parce que les gens veulent des réponses maintenant. Et en plus, je pense que, là c’est que mon avis, ce sont des gens qui regardent plusieurs lives, de plusieurs cartomanciennes. Donc… en tout cas moi, je voulais pas faire partie de ça […] La personne […] est déjà peut-être pas bien, elle est déjà dans un état où elle a envie de savoir quelque chose tout de suite. Et en fait […] le problème, enfin… c’est pas vraiment un problème, mais […] ces personnes ont tendance à prendre pour vérité ce que je vais dire et y a certaines personnes qui ne réalisent pas forcément l’impact de nos vidéos, des mots qu’on peut employer, des affirmations que l’on peut faire, que ça puisse avoir sur l’autre personne en face. (Malaurie, 32 ans, thérapeute holistique)

Lors de ses vidéos live, Malaurie s’est rendu compte qu’une partie des publics sur TikTok adoptent des comportements bien plus consuméristes qu’ailleurs, traduisant une fidélité et une fréquente présence à ses lives. Cela fait paraître comme insistantes les demandes de tirages personnalisés gratuites sur le live. Ce phénomène va de pair avec des modalités d’expression plus directes pour parler de ses problèmes, une caractéristique des publics de TikTok composés d’une majorité de personnes jeunes, à l’inclusion de nombreux mineur·e·s. Si bien que des cartomancien·ne·s se sentent déstabilisé·e·s et confronté·e·s à des dilemmes éthiques relatifs à l’exercice de leur activité auprès de nouvelles audiences très jeunes qu’ils·elles découvrent sur TikTok.

Malaurie incrimine également la stratégie économique de la plate-forme TikTok qui laisse la possibilité pour les audiences de faire un « cadeau » aux cartomancien·ne·s lorsqu’un live est apprécié.

Avant d’être offerts sur un live, ces cadeaux sont d’abord achetés à des prix variables : le cadeau « rose » représenté par une image de la fleur valant une « pièce » virtuelle quand le « bélier » en vaut 9 999. Dans le même esprit que des jetons de casino, ces « pièces » doivent être achetées au préalable en quantité déterminée à des prix unitaires dégressifs : par exemple, cinquante centimes d’euros contre 36 « pièces ».

Ces cadeaux servent dans le cadre d’une compétition entre membres du public pour que le·la cartomancien·ne réponde. Envoyer un cadeau pendant un live est doncle moyen d’attirer l’attention du·de la voyant·e. Le cadeau apparaît directement sur l’écran de tous·tes.

Bien qu’il·elle soit le·la seul·e à tirer les cartes, il·elle est souvent accompagné·e d’un·e modérateur·rice de commentaires qui a un rôle clé dans l’organisation des questions posées par les audiences. Le·la modérateur·rice est généralement la personne annonçant les règles du live auxquelles les participants·tes doivent se conformer pour que leur question soit retenue, puis transmise au·à la cartomancien·ne. Les spectateurs·rices n’ont pas connaissance des échanges entre les deux organisateurs·rices du live, mais remarquent la présence du·de la modérateur·rice dans le chat ou lorsque le·a cartomancien·ne les mentionne à l’oral.

Bien que les voyants·es décrivent souvent leur live comme « voyance gratuite », offrir un « cadeau » lors du live est en fait un moyen d’assurer sa place dans la liste du·de la modérateur·rice et de passer devant les personnes n’ayant pas offert de cadeau.

La transaction argent-prédiction n’est pas toujours explicite. Même s’ils ont une valeur monétaire réelle, les cadeaux sont avant tout considérés comme un moyen de remercier le·la voyant·e. Ce·tte dernier·ère ne dit pas explicitement que lui offrir un cadeau permet un traitement prioritaire de la question.

Les vidéos de cartomancie sont une porte d’entrée gratuite pour se diriger vers une consultation payante et privée. Même si les cartomancien·ne·s dirigent leur audience vers leurs prestations payantes, aborder le sujet de la rémunération est très peu courant dans une vidéo. Ils·elles préfèrent indiquer le lien de leur site Internet présentant les informations de la prestation payante : tarif, déroulé de la séance privée et horaires. Communiquer sur sa volonté d’obtenir de l’argent peut être perçu comme négatif pour les publics qui recherchent en priorité des informations sur les compétences et la fiabilité des voyant·e·s.

Les fonctionnalités de rémunération TikTok permettent donc la création d’un nouvel apport financier pour les créateur·rice·s de contenu, mais aussi un accès bien plus direct à des réponses personnalisées pour des publics jeunes et peu fortunés. Cela favorise ainsi la prise en charge personnalisée de publics qui n’ont pas besoin de se sentir autant en confiance que pour les autres modalités de consultation à distance en seul·e à seul·e. Cet abaissement sensible de la barrière d’accès aux vidéos privées de cartomancie profite à de très jeunes publics, à l’inclusion de mineur·e·s.

Sur le plan éthique, à l’instar des plates-formes de jeux en ligne destinées aux jeunes23, on notera sur TikTok une absence criante de modération des contenus monétisés, ici par l’entremise l’achat de « cadeaux » offerts ensuite pour capter l’attention des cartomancien·ne·s. L’absence d’accord parental préalable à ces transactions marchandes fait reposer le développement de modalités de consultation respectueuses de ces publics sur les seules épaules des cartomancien·ne·s.

Cela soulève un certain nombre de questionnements éthiques et légaux, dès lors qu’on réalise que de l’argent peut être échangé par des mineurs sur TikTok sans modération active, sous couvert d’une interdiction de la pratique déclarée dans les conditions d’utilisation de la plate-forme.

À l’instar des blogs « pro-ana24 », la cartomancie personnalisée pour des mineur·e·s permet aussi à des jeunes en difficulté d’accéder anonymement à un espace de care inédit. La modération des cadeaux achetés sans accord parental est donc sans doute ce qui pose le plus problème. La question de l’accès des jeunes à des services en ligne de professionnel·le·s de la cartomancie amené·e·s à se former à l’écoute de ces nouveaux publics doit sans doute être appréhendé avec plus de nuances.

En définitive, la croyance et l’efficacité de la pratique de cartomancie filmée en ligne semblent donc relever avant tout d’une affaire d’agencement sociotechnique entre dispositifs de médiation, ceux-ci se traduisant ensuite en termes de qualités relationnelles et de ressentis subjectifs.

Conclusion

Les formats de vidéos en ligne sont donc constamment adaptés aux spécificités des jeux de cartes divinatoires, sous formes de règles et de normes sociales inédites. L’enjeu est de favoriser une relation interpersonnelle empreinte de confiance, à même de maintenir la croyance dans la prédiction qui est proposée au·à la client·e. Cela passe la plupart du temps par une recherche de personnalisation de la relation. Paradoxalement, cette personnalisation relationnelle est ménagée par le recours à des agencements non-humains : la scénographie du rituel, le cadrage de la vidéo, ou encore une gestion inventive de la temporalité des échanges et des modes de communication en ligne.

Bibliographie

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Notes

1 La littérature sur les formes d’apprentissage par vidéos privées est écartée en raison de la trop grande distance avec la notion de care, nous n’évoquons donc pas les MOOC, le coaching sportif et les jeux vidéo filmés sur Twitch. Retour au texte

2 Joan Tronto et Hervé Mau, Un monde vulnérable. Pour une politique du care, Paris, La Découverte, coll. « Textes à l'appui », 2009. Retour au texte

3 Seye Abimbola et al., « The medium, the message and the measure: a theory-driven review on the value of telehealth as a patient-facing digital health innovation », Health Economics Review, vol. 9, no 1, 2019, DOI : 10.1186/s13561-019-0239-5 ; Autumn Backhaus et al., « Videoconferencing psychotherapy: a systematic review », Psychological services, vol. 9, no 2, 2012, p. 111-131, DOI : 10.1037/a0027924 ; Nigel R. Armfield, Madeleine Bradford, Natalie K. Bradford, « The clinical use of Skype—For which patients, with which problems and in which settings? A snapshot review of the literature », International Journal of Medical Informatics, vol. 84, no 10, 2015, p. 737‑742. Retour au texte

4 Lin Song, « Desire for Sale: Live-Streaming and Commercial DIY Porn among Chinese Gay Microcelebrities », Convergence: The International Journal of Research into New Media Technologies, vol. 27, no 6, 2021, p. 1753‑1769, DOI : 10.1177/13548565211047341 ; Runze Ding et Lin Song, « Queer Cultures in Digital Asia |  Digital Sexual Publics: Understanding Do-It-Yourself Gay Porn and Lived Experiences of Sexuality in China », International Journal of Communication, no 7, 2023, p. 2463-2478, URL : https://ijoc.org/index.php/ijoc/article/view/19800/4121 [consulté le 16/01/2025]. Retour au texte

5 Jeanne Favret-Saada, Les Mots, la mort, les sorts, Paris, Gallimard, coll. « Folio. Essais », 1985 ; Jeanne Favret-Saada, Désorceler, Penser/Rêver, Paris, Éditions de l’olivier, coll. « Penser/Rêver », 2009 ; Fatima Regina Gomes Tavares, « Devenir tarologue. Perception “rationnelle” vs. perception “intuitive” entre débutants au tarot à Rio de Janeiro », Cahiers du Brésil contemporain, no 35‑36, 1998, p. 255‑277 ; Arnaud Esquerre, Prédire. L’astrologie en France au xxie siècle, Paris, Fayard, coll. « Histoire de la pensée », 2013 ; Jørgen Sørensen, « Sortes virtuales: a comparative approach to digital divination », Scripta Instituti Donneriani Aboensis, vol. 25, 2013, p. 181‑88, DOI : 10.30674/scripta.67439. Retour au texte

6 Paichi Pat Shein, Yuh-Yuh Li, et Tai-Chu Huang, « Relationship between Scientific Knowledge and Fortune-Telling », Public Understanding of Science, vol. 23, no 7, 2014, p. 780‑796, DOI : 10.1177/0963662514522169 ; Changwook Kim et Wooyeol Shin, « Unbound journalism: interloper media and the emergence of fortune-telling journalism », International Journal of Communication, vol.  15, 2021, p. 3519-3536. Retour au texte

7 Rosalind I.  J. Hackett, « Religion et Internet », Diogène, vol. 3, no 211, no 3, 2005, p. 86‑99, DOI : 10.3917/dio.211.0086 ; Isabelle Jonveaux, « L’Internet au monastère : de nouvelles sociabilités pour les ascètes extramondains », Transversalités, vol. 4, no 116, 2010, p. 63-77, DOI : 10.3917/trans.116.0063 ; Jean-François Mayer, « Croire en ligne : usages religieux d’Internet et catholicisme contemporain », Transversalités, vol. 4, no 116, 2010, p. 45-62, DOI : 10.3917/trans.116.0045 ; David Douyère, « De la mobilisation de la communication numérique par les religions », Tic & société, vol. 9, no 1-2, 2015, DOI : 10.4000/ticetsociete.1822. Retour au texte

8 Chris Klassen, « Cybercoven: Being a witch online », Studies in religion/Sciences religieuses, vol. 31, no 1, 2002, p. 51‑62, DOI : 10.1177/000842980203100104 ; Lorne L Dawson et Douglas E Cowan (dir.), Religion online: Finding faith on the Internet, New York, Londres, Routledge, 2004 ; Douglas E. Cowan, Cyberhenge: Modern Pagans on the Internet, New York, Londres, Routledge, 2005 ; Tamlyn Ryan, Virtual Spirituality: The Negotiation and (re)-presentation of Psychic-spiritual Identity on the Internet, thèse de doctorat en philosophie, sous la direction de R. Wooffitt, University of York, 2012 ; Lionel Obadia, « When Virtuality Shapes Social Reality. Fake Cults and the Church of the Flying Spaghetti Monster », Online-Heidelberg Journal of Religions on the Internet, vol. 8, 2015, DOI : 10.11588/rel.2015.0.20327 ; Siri Sofie Premfors, Wicca and Witchcraft on Instagram: a study of femininity and empowerment within the wicca and witchcraft movements as portrayed on Instagram, thèse de doctorat en sciences des religions, sous la direction de M. Broberg, Uppsala University, 2022, URL : https://www.diva-portal.org/smash/record.jsf?pid=diva2%3A1670910&dswid=-6089 [consulté le 16/01/2025] ; Chris Miller, « How Modern Witches Enchant TikTok: Intersections of Digital, Consumer, and Material Culture(s) on #WitchTok », Religions, vol. 13, no  2, 2022, p. 118, DOI : 10.3390/rel13020118. Retour au texte

9 Niklas Luhmann, La Confiance : un mécanisme de réduction de la complexité sociale, trad. S. Bouchard, Paris, Economica, 2006. Retour au texte

10 Athapol Ruangkanjanases et al., « The effect of self-disclosure on mass trust through TikTok: An empirical study of short video streaming application users », Frontiers in Psychology, vol. 13, 2022, DOI : 10.3389/fpsyg.2022.968558. Retour au texte

11 Un exemple de facecam peut être observé dans la vidéo d’Anne Bisson Clément à partir de 01:03. URL : https://www.youtube.com/watch?v=DaBs9PoyHOY [consulté le 16/01/2025]. Retour au texte

12 Une telle construction de plan peut être observée dans la vidéo d’Alexis Phoenix à partir de 09:41. URL : https://youtu.be/wupiQnDd86M?si=xRYkoZjL9TjaVE8B [consulté le 16/01/2025]. Retour au texte

13 Pour nos enquêté·e·s la cartomancie est souvent liée à l’énergétique. Ils·elles prétendent être sensibles à une force guidant leur intuition lorsqu’ils·elles tirent les cartes, ce qui influence leur choix et l’interprétation de ces dernières. Retour au texte

14 Tout au long de ce texte, la caractérisation des expertises indiquées correspond à celle qui est donnée par les enquêté·e·s. Retour au texte

15 D’autres mobilisent des explications rattachées aux sciences cognitives, ou à la psychologie, ils·elles sont minoritaires sur notre terrain. Pratiquement tout·e·s nos enquêté·e·s parlent de l’acuité de leur « intuition » (15 occurrences). Cette notion polysémique a l’avantage de pouvoir se rattacher à des explications, tantôt scientifiques, tantôt spirituelles, suivant des régimes de croyance adaptables aux contextes, déjà décrits par  Jeanne Favret-Saada, Désorceler, Penser/Rêver, op.cit. Nous n’évoquerons donc pas dans cette section la minorité qui distingue précisément l’origine de ces termes et veille à ne jamais les juxtaposer. Retour au texte

16 On peut citer une proximité ou « connexion » ressentie avec des « défunts », des « esprits », des « entités », « des dieux mythologiques », des « archanges », des « démons », des « animaux totems », des « astres », Bouddha, etc. Retour au texte

17 Les deux premières lignes décrivent la structure pour chaque type de jeux de cartes. La troisième se rapporte à l’usage médiatique qu’en font nos enquêté·e·s. Retour au texte

18 Ce résultat d’analyse issu de notre terrain recoupe celui d’une enquête sur les consultations payantes d’astrologie réalisées en coprésence : Arnaud Esquerre, op. cit. Retour au texte

19 Chez nos enquêté·e·s visionner plusieurs vidéos d’un·e même cartomancien·ne leur sert à comparer les résultats des tirages avec leurs attentes. La confiance s’installe dès lors qu’ils·elles considèrent que les prédictions correspondent à leur vécu. Retour au texte

20 Guillaume illustre la moyenne haute de notre échantillon en publiant 10 vidéos et 2 lives par semaine. En moyenne, chacune de ses vidéos atteint 15 000 vues. En parallèle, il effectue une moyenne de 37 consultations privées à distance par semaine (12 en visioconférence, 25 par envoi de fichiers asynchrones – 10 vidéos et 15 audios). Retour au texte

21 Favret-Saada, Les Mots, la mort, les sorts, op. cit. Retour au texte

22 Howard S. Becker, Outsiders, Études de sociologie de la déviance, Paris, Éditions Métailié, coll. « Leçons de choses », DOI : 10.3917/meta.becke.1985.01. Retour au texte

23 Bruno Vétel, Activités économiques et réagencements marchands dans le jeu en ligne Dofus, thèse de doctorat en sociologie, sous la direction de Nicolas Auray, Télécom ParisTech, 2016 ; Bruno Vétel, « Les travailleurs pauvres du jeu vidéo », Réseaux, vol. 2, no 208-209, 2018, p. 195-228, DOI : 10.3917/res.208.0195. Retour au texte

24 Antonio A. Casilli, Paola Tubaro, Le Phénomène « pro ana ». Troubles alimentaires et réseaux sociaux, Paris, Presses des Mines, 2016, URL : https://dumas.ccsd.cnrs.fr/ENST/hal-01404890 [consulté le 16/01/2025]. Retour au texte

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Citer cet article

Référence électronique

Bruno Vétel et Charlène Gomez, « Le tarot à la carte : vidéos de cartomancie et design de la confiance », Nouveaux cahiers de Marge [En ligne], 9 | 2025, mis en ligne le 14 février 2025, consulté le 01 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/marge/index.php?id=1034

Auteurs

Bruno Vétel

Centre de Recherche en sciences de Gestion (Cerege) ; Université de Poitiers (IAE)
 

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