Poésie, photographie et contre-histoires : identités en tension

Autour de Lisette Lombé, poétesse, artiste et performeuse

DOI : 10.35562/marge.424

Résumé

Autour du travail poétique, photographique et performé de Lisette Lombé (1978, Belgique), il s’agit d’analyser la politique du document photographique dans des œuvres personnelles, militantes et à dimension historique. Après un rappel sur des œuvres emblématiques et un état des lieux de la création contemporaine, l’article se concentre sur Black Words (L’Arbre à Paroles, 2018), recueil phototextuel en français de la poétesse belgo-congolaise dérivé d’une série de performances au cœur desquelles l’histoire coloniale et la prise de parole sont centrales. L’ouvrage est mis en perspective avec des productions phototextuelles anglophones, témoignant de l’Archival Turn dans l’art contemporain et d’une poétique visuelle engagée liée aux identités noires, qu’elles soient liées à la situation post-ségrégationniste états-unienne ou postcoloniale européenne.

Plan

Texte

L’un des ouvrages les plus célèbres en Europe sur les liens entre histoire, poésie et photographie est certainement Kriegsfibel de Bertolt Brecht (traduit en français en 1955 et intitulé ABC de la guerre), qui fut commenté par Georges Didi-Huberman dans sa série « L’Œil de l’histoire1 ». Les derniers ouvrages de Didi-Huberman associent d’ailleurs de plus en plus ouvertement un discours poétique à la lecture des images historiques, comme si les photographies, malgré toute leur épaisseur historique, ne prêtaient finalement qu’à une rêverie mélancolique sur le passé. On reconnaît une tendance similaire chez W.G. Sebald, qui utilise les images dans des processus de désidentification des clichés, présentés sans légende ni date et comme flottant dans un espace-temps propre à l’essai lui-même2 : les images signalent plus un processus de reconstruction imaginaire qu’elles ne convoquent le souvenir d’une réalité. Cet aspect des rapports entre photographie et poésie existe aussi dans une perspective historique personnelle : elle apparaît de façon récurrente dans les œuvres qui ont une vocation autobiographique, créant un rapport lyrique à l’histoire intime (comme dans les œuvres de Denis Roche, Jean-Loup Trassard, Gérard Macé ou Loránd Gáspár) ou au contraire un processus de mythologisation ou contre-mythologisation de l’histoire familiale et individuelle, au risque de la fictionnalisation (ce que l’on peut constater chez Christian Boltanski, Sophie Calle, Jean-Marie-Gustave Le Clézio, Marie NDiaye ou Pierre Guyotat entre autres). Entre les deux, l’histoire sociale et personnelle peut dialoguer autour d’images, dans la tradition documentaire, comme chez Raymond Depardon et Annie Ernaux, voire postcoloniale, comme chez Colette Fellous (Avenue de France, 2001) ou dans Paysages d’un retour de Malek Alloula et Pierre Clauss (Thierry Magnier, 2010) par exemple. On notera toutefois des tentatives de déplacement du biographique vers une approche plus englobante et historique dans le texte de Patrick Chamoiseau, Guyane : traces-mémoires du bagne, publié avec des photographies de Rodolphe Hammadi (1994). Si une dimension poétique est perceptible dans le traitement des images ou la co-implication entre image et texte, pour citer Bernard Vouilloux3, ces œuvres relèvent toutefois d’une narration développée. On peine à trouver des équivalents poétiques liant histoire et photographie dans les corpus classiquement constitués. Aussi, cette absence apparente appelle à une autre forme d’attention. Le corpus identifié en France invite à regarder, en marge de ces œuvres déjà étudiées, la construction de poétiques historiques alternatives. En effet, qu’en est-il des œuvres qui associent poésie et photographie et qui engagent non pas seulement la construction d’une histoire individuelle, mais aussi celle de minorités, d’histoires populaires ou d’histoires vues d’un autre point de vue, celui du perdant, de l’opprimé ou du colonisé ? En s’intéressant aux productions phototextuelles militantes ou liées à des luttes de visibilité et de reconnaissance identitaires, on découvre des modes de production utilisant des formes poétiques et visuelles qui échappent aux circuits de légitimité littéraire classiques, pour de multiples raisons.

Photographie, poésie et engagement

Le phototexte a joué un rôle médiatique important dans les processus de reconnaissance de l’histoire des minorités, notamment pour les peuples issus des anciennes colonies ou, aux États-Unis, dans le contexte de la lutte pour l’égalité des droits : affiches, tracts, pamphlets, revues et publications n’hésitaient pas à avoir recours à la poésie d’un côté, avec notoirement Gwendolyn Brooks ou Langston Hughes aux États-Unis, et à l’image photographique de l’autre dans leur stratégie revendicative, en particulier autour du SNCC (Student nonviolent coordinating committee4). Dans ce cas d’utilisation de la photographie comme « arme de classe », pour reprendre le titre d’une exposition au Centre Pompidou5, les phototextes engagés politiquement sont plus nombreux et bénéficient même de publications en album, en particulier aux États-Unis. Deux livres de témoignages ont fait date dans la lutte pour les droits à l’égalité : The Sweet Flypaper of Life, de Langston Hughes et Roy DeCarava, en 1955, puis Nothing Personal de Richard Avedon et James Baldwin. Dans leur sillage, les artistes contemporaines Carrie Mae Weems et Lorna Simpson déplacent cet engagement phototextuel du côté de la sphère artistique, alors qu’une culture visuelle afro-américaine se constitue grâce à des publications populaires, comme le magazine Ebony ou celui destiné à la jeunesse, Jet, offrant une image positive de la communauté noire américaine – l’exposition The Black Image Corporation, de l’artiste étatsunien Theaster Gates, réalisée à partir d’images de la communauté noire en a témoigné à la Fondation Prada de Milan en 2018. L’alliance phototextuelle et poétique est cependant plus difficilement identifiable, et ce, de façon générale, surtout quand elle n’est pas formalisée comme un élément constitutif d’une esthétique, comme chez les surréalistes, ou d’une stratégie de détournement, ce que l’on a pu rencontrer chez les situationnistes6.

Même si le contexte est favorable, aux États-Unis, car associé à des mouvements de lutte contre une ségrégation institutionnelle, en France, les médias autant que les éditeurs restent éloignés de ces questions fortement liées à une histoire coloniale et, lorsqu’ils les abordent, reconduisent le spectacle de la souffrance des peuples opprimés7. Le cas de l’histoire postcoloniale et des minorités afrodescendantes, notamment aux États-Unis, est emblématique d’une tentative de déplacer dans des espaces alternatifs à l’histoire dominante, un discours longtemps resté inaudible dans ses fonctions communicationnelle et informationnelle. Au-delà des réseaux sociaux où une grande part des visibilités revendicatives se jouent, poésie, photographie et œuvre plastique participent d’une reconfiguration des pôles d’attention et du façonnage des imaginaires. Contre le principe de « silenciation » ou de « minorisation » des discours8, la poésie et l’image sont des moyens pour rendre visible ce qui reste, par de nombreux processus sociohistoriques, dans l’ombre de l’histoire.

Archival Turn et poétique visuelle postcoloniale

À la faveur de recherches liées à aux productions phototextuelles engagées, j’ai tenté d’observer les pratiques en ligne, faciles d’accès, diffusées parfois à grande échelle et partageables dans l’optique de fédérer des communautés militantes ou de sensibilité, pour reprendre le concept de Jacques Rancière9. Après deux ans de veille tant numérique qu’éditoriale, je me suis ainsi attachée à recontextualiser Black Words10, livre de Lisette Lombé, poétesse belgo-congolaise, paru en 2018 et dont une partie avait été précédemment publiée en ligne. Il s’agit donc d’une œuvre qui fait l’objet d’une remédiation au sens médiatique de Jay D. Bolter et David Grusin11, la faisant passer d’un régime de publication à un autre et déplaçant ainsi son statut et sa réception.

En interrogeant la poétique de l’archive photographique, il s’agit non seulement d’analyser le rapport direct entre photographie et textes poétiques, mais aussi la politique de l’histoire qui intègre l’image photographique comme document. L’œuvre de la poétesse Lisette Lombé, née en 1978 en Belgique, d’une mère belge et d’un père de la République démocratique du Congo, cristallise cette tension historique dans un livre qui resynthétise des performances slamées, moments de danse sur fond de musiques électroniques et projections photographiques. L’hybridité de l’œuvre amène à considérer également à l’arrière-plan les liens existant avec un corpus identifié dans l’art contemporain, et globalisé, comme chez Carrie Mae Weems, Lorna Simpson ou Kapwani Kiwanga par exemple.

Lisette Lombé, née à l’époque où Mobutu Sese Seko régnait pleinement sur le pays qu’il avait rebaptisé Zaïre, fait partie, comme Joëlle Sambi, In Koli Jean Bofane et Alain Mabanckou, des auteurs et autrices évoluant entre deux cultures. Qu’ils soient nés en métropole de parents originaires des colonies, nés parfois eux-mêmes dans les colonies pendant les périodes impériales, ou vivant encore aujourd’hui dans ces « anciennes » colonies renommées en départements d’outre-mer, ils partagent une histoire coloniale et migratoire. Cette double culture, ou plutôt cette « double conscience » énoncée par le théoricien et activiste américain afrodescendant W.E.B. Du Bois12 en 1903, est au centre de la question poétique telle qu’elle se pose pour Lombé. Cette dernière répond directement à l’histoire coloniale en la mêlant à son histoire personnelle : les poèmes évoquent sa mère, blanche, son père, congolais et noir, son propre corps de femme métis et sa relation à sa grand-mère paternelle restée à Kinshasa. Outre les thèmes traversant ses poèmes, la genèse même de l’acte poétique est liée aux conséquences de la colonisation, du spectre colonial qui persiste dans la métropole belge, des migrations qui l’ont accompagné et des tensions racistes qui continuent de structurer l’espace social du xxie siècle. Cependant, Lisette Lombé est aussi une poétesse contemporaine, dont le parcours poétique hybridant performance, photographie et écriture a été révélé à l’occasion d’une altercation qui l’a fait littéralement sortir d’elle-même et embrasser la forme poétique comme espace d’expression.

Elle raconte en effet, comme un événement poétique séminal13, que sa prise de parole a été déterminée par une insulte proférée à son encontre à la fin d’une manifestation : « Je dois remercier un homme », raconte-t-elle à Antoine Wauters, auteur et également éditeur de la collection « iF ». « Un inconnu qui, en novembre 2014, au retour d’une manifestation, m’a traitée de sale négresse qui devrait apprendre à écrire », poursuit-elle. Elle explique avoir alors performé sa réponse dans la rage engendrée par l’insulte raciste : « c’est comme si le fait de me lever, ce jour-là, de ma banquette, pour couper court à cette logorrhée haineuse, m’avait reconnectée à une révolte adolescente, émoussée au fil d’un parcours d’intégration sans faille ». À l’époque, Lombé avait déjà une activité collagiste, mêlant photographies de femmes noires et motifs abstraits aux couleurs vives, comme dans la série « Sœurs mosaïques » datant de 2013 ou sa série « Sans titre » débutée en 2012, mêlant images d’archives et coupures de titres de journaux formant des phrases incomplètes, non-verbales, comme des exclamations saisies au vol.

 

 

Source : Lisette Lombé, Sans titre, papiers collés transférés numériquement, 2012. Reproduit avec l’aimable autorisation de l’artiste.

 

 

Source : Lisette Lombé, série « Sœurs mosaïques », papiers collés transférés numériquement, 2013-… (série en cours). Reproduit avec l’aimable autorisation de l’artiste.

Transmission identitaire et familiale : recomposer son histoire

À l’occasion d’une invitation à présenter ces collages, qui déjà évoquaient ces tensions raciales et historiques, elle écrit ce qu’elle appelle un « poème-colère », raconte l’avoir appris par cœur et avoir découvert par la suite que, sans en avoir d’abord conscience, elle a ainsi commencé le slam. Le premier recueil poétique publié par Lombé, Black Words, compile donc des textes initialement conçus pour être déclamés sur scène, aux côtés de ces collages qui ont toujours accompagné son activité créatrice : scannés et adaptés pour le livre, ils sont, selon ses mots, un acte de transmission pour ses enfants, qui, métisses ou plus précisément « quarterons » comme elle le rappelle, ne portent pas sur leur corps la trace de leur histoire. Aussi, le livre est un témoignage, un acte de transmission et une archive familiale et historique. Par ailleurs, Lombé a été enseignante de français après des études en philologie romane, ce qu’elle appelle son parcours « linéaire d’intégration », expression paradoxale pour un sujet citoyen qui est né et a grandi en Belgique. Parallèlement, elle a développé des ateliers de développement personnel autour de la pratique du slam, de la prise de parole et de ce que l’on appelle aujourd’hui l’empowerment dans un cadre féministe. Elle va ainsi à la rencontre de femmes, en Inde, au Sénégal, avec son association L-Slam, pour aider les femmes à prendre la parole : sans micro, sans papier, il s’agit de raconter une histoire, se raconter, ou tout simplement s’exprimer. Ces activités éclairent la genèse de sa pratique poétique et la façon dont elle est performée tant sur scène que dans le champ littéraire. Son précédent ouvrage, apparemment loin de la poésie, s’intitule La Magie du burn-out14. Il s’agit d’un récit de vie et de renaissance, publié chez un éditeur spécialisé dans les trajectoires de vie et les récits de réalisation individuelle. Si le livre revient sur une expérience de travailleuse, que l’autrice élargit à des questions de société, il est lui-même un objet hybride : l’ouvrage est composé de lettres s’adressant à une personne fictive victime d’épuisement professionnel et Lombé mêle à cette adresse des poèmes, des collages et le récit de sa reconstruction, dans une optique de développement personnel. Cette dernière perspective est liée formellement au phénomène de « mythologie individuelle15 » qui a forgé la représentation de soi au xxe siècle, jusque dans les années 1980, et qui, au cours des années 1970, a commencé à émerger et à fournir un vade-mecum éthique sur la manière de vivre de façon satisfaisante. Une version hors livre de La Magie du burn-out existe également, sous la forme d’une performance slamée, « gesticulée » et participative en plusieurs actes, pendant lesquels se mélangent chorégraphies, images et textes. Le livre renvoie donc à un écosystème créatif qui n’est pas entièrement contenu dans la version imprimée : il peut être partiellement performé et fonctionne comme une archive ou une partie d’un ensemble qui le compléterait ou l’animerait au gré des occasions. En outre, c’est aussi un livre ancré dans une expérience sociale, celle du travail qui amène à l’épuisement et à la perte de soi : il faut aussi considérer l’écriture du livre comme la prise de possession de l’espace scénique et de la parole poétique, comme une reconquête personnelle liée à un contexte social.

La prise de parole poétique, ses circonstances et la forme qu’elle revêt ne peuvent être dissociées de l’origine historique de ces propos, ni même de son actualisation, dans l’image – et en particulier l’image recomposée par le collage –, d’une part, et la présence scénique, d’autre part. Tout dans l’œuvre de Lisette Lombé tend à une affirmation de l’être poète comme être social, être de couleur, racisé, fruit de l’histoire coloniale et en perpétuelle négociation avec le déni historique général des pays impérialistes. La présence de l’histoire congolaise – entendue comme histoire européenne et francophone, car il n’y a pas d’histoire du Congo, de sa décolonisation, sans l’Europe – est donc récurrente. L’un des premiers collages du livre présente un portrait de Patrice Lumumba, agent majeur de l’indépendance, Premier ministre éphémère de la République démocratique du Congo (du 24 juin au 14 septembre 1960) et figure mythique des indépendances africaines, au même titre que Thomas Sankara ou Jomo Kenyatta. Le type de collage est caractéristique du style choisi par Lombé : des mots et expressions, tirés de coupures de journaux, forment un arrière-plan verbal sur lequel se surimpose une photographie découpée, trouvée dans des magazines, journaux ou glanée aux puces – notamment la première de son ouvrage, trouvée dans une boîte de photographie d’une personne décédée et dont les affaires sont vendues dans les brocantes (notamment à Bruxelles au Marché aux herbes). Dans la veine des photomontages politiques de Martha Rosler, le personnage est détouré : il apparaît hors contexte, nimbé de cette nuée de mots. Les termes désignent tantôt le personnage, sa situation politique avec la Belgique ou sa destitution tragique (« Éminence noire », « lune de fiel », « virez le président », « les survivants »), tandis que les termes « indépendance », « indépendants » et « libres » rappellent son œuvre politique et sa radicalité, qui lui coûta la vie.

Ce sont les phrases mêmes de Lumumba que Lombé reprend dans son poème « Qui oubliera ? » : « Qui oubliera qu’à un noir on disait tu, non certes comme à un ami, mais parce que le vous honorable était réservé aux seuls Blancs ? ». Cette dernière phrase fut prononcée par Lumumba lors du discours d’indépendance du 30 juin 1960 devant le roi des Belges, Baudouin 1er, littéralement estomaqué par l’irrévérence de sa charge anticolonialiste. Moment de bascule du discours, qui montre que la critique de la phrase précédente n’était pas accidentelle, elle résonne pour les Congolais comme un moment de vérité, de danger, mais aussi d’une insubordination inédite. En 2015, Lisette Lombé performe – on constate qu’alors sa pratique n’est pas encore parfaitement maîtrisée – en présence de Jean Bofane et d’un auditoire qui lui répond d’une seule voix, engageant une véritable interaction poétique et sociale entre poète et public. Il s’agit de sa première performance sur scène : elle souhaitait que l’adresse ne reste pas sans réponse. Dans une vidéo qui garde trace de la première intervention de Lombé en tant que slameuse, on la voit performer, somme toute encore maladroitement, avec un public qui répond à l’unisson « pas nous » à cette question en apparence anodine : « Qui oubliera16 ? ». Cette adresse, devenue dialogue dans la performance, renvoie à l’historique discours d’indépendance de Patrice Lumumba le 30 juin 1960 à Léopoldville (Kinshasa). Ce discours, crime de lèse-majesté par excellence, jouera un rôle déterminant dans l’élimination du Premier ministre six mois plus tard par les troupes de Moïse Tshombé à proximité d’Élisabethville (Lubumbashi), dans la province du Katanga. Dans la version publiée, le discours est redistribué en vers et remédiatisé poétiquement :

Qui oubliera ?
Qu’à un Noir, on disait tu
Non certes, comme à un ami
Mais parce que le vous, honorable, était réservé aux seuls Blancs
Qui oubliera17 ?

Le texte, issu d’une double performance – celle de Lumumba puis celle de Lombé –, opère des allers-retours entre expérience du présent et du passé récent :

Ils m’ont dit
Tu es une bamboula ! Une grosse guenon ! un cancrelat
Ils m’ont dit
Tu es sale ! sale bougnoule !
Ta mère a couché avec un Nègre ! Tu es une bâtarde !
Ils m’ont dit
Tu devrais retourner dans ton pays ! Dans ta brousse !
Dans ta hutte !

Le chapelet d’insulte, insoutenable, continue durant tout le texte. Le poème, ponctué de « Qui oubliera, qu’à un noir on disait tu », comme un refrain, poursuit le dialogue impossible entre ceux qui, d’un côté, refusent les appartements, les emplois, et, de l’autre, l’énonciatrice qui se défend : « Je suis belge ! Je suis qualifiée ! Je suis diplômée ! ». La tension entre cette dispute identitaire et le souvenir du discours d’indépendance, ressenti alors comme une insulte à l’encontre du colonisateur, se renverse dans le poème par des insultes quotidiennes envers la femme belgo-congolaise.

Aux images d’archives publiques – portraits de Patrice Lumumba, mais aussi d’Angela Davis –, Lisette Lombé mélange des photographies personnelles. Trois photomontages se suivent dans le livre. Un portrait de son père en famille au Congo, puis un de sa mère, jeune, sont imprimés et redécoupés, avant d’être posés sur les textes. Le visage de la mère est associé à deux courtes phrases qui se répètent à l’infini : « Tu forniqueras avec un Nègre. De cette union naîtra une bâtarde qui portera le nom de Lisette. ». Le portrait suivant est celui d’une femme, qui pourrait être une grand-mère avec sa petite fille dans les bras, sur des coupures de journaux, qui donnent, en dehors de toute syntaxe, des indices d’interprétation de l’image : « grands-mères, souvenirs, en voyage, moment tout doux, plein cœur, Congo, de sang, coming home, du pareil au même, terre ». S’il s’agit bien de Lisette Lombé enfant, dans les bras de sa grand-mère à Kinshasa, aucun indice ne permet l’identification des personnes, si ce n’est par association de proximité.

Les poèmes peuvent aussi faire résonner le lingala, langue de l’indépendance : « J’ai vu le Congo ! Dans un éclair noir ! Na mona Kongo / na kati ya kake ! », écrit-elle après avoir rencontré le docteur Denis Mukwege – « l’homme qui répare les femmes » victimes de violences sexuelles (dont l’excision). Lombé rappelle aussi l’histoire plus récente du Congo : vingt ans de guerre civile ininterrompue, directement issue du génocide rwandais, dans le Kivu, théâtre récurrent de massacres et de viols. Le collage, recouvrant de mots le visage d’un enfant, évoque ces massacres hors du temps, hors de l’histoire : « Ils ont frappé avec des gourdins. Nous nous évanouissions et les enfants nous achevaient à la machette ». La figure de l’enfant, qui semble innocent, avec une tenue d’écolier, peut se renverser en enfant-soldat, une figure présente dans la littérature congolaise, chez les écrivains Emmanuel Dongala ou Serge Amisi par exemple, mais aussi les arts, comme chez le peintre Chéri Samba ou le photographe Georges Senga. Le récit, qui tient en une ligne et trois phrases, est répété quinze fois une ligne après l’autre, comme une litanie sans fin, puis encore une fois, sur le visage de l’enfant, mais en pêle-mêle.

Dans ce décor qui oscille entre horreur et innocence, la relation à l’enfant revient régulièrement. Dans ce cas, la figure réversible de l’enfant, entre enfant de chœur et enfant-soldat, reste ambiguë. Ces êtres doubles peuvent être les observateurs d’une promesse d’avenir, teintée d’inquiétude. Trois garçons, que l’on devine jeunes Américains, observent quelque chose en hors-champ, un texte striant derrière eux tel des barreaux le message « il dit qu’un jour viendra un président de la même couleur que nous et que ce président changera le monde », allusion par un arc temporel à la promesse de Martin Luther King et à l’élection de Barack Obama – dont le bilan, en particulier sur le plan de l’égalité et de la situation des noirs américains peut sembler en dessous des espérances, voire négatif, si l’on en croit l’émergence du suprémacisme blanc à la fin de son mandat en 2016. Les enfants peuvent aussi être pris dans la violence historique : le poème Asma, qui prend la voix d’une mère éplorée qui a vu sa fille partir pour le jihad, évoque directement la question de la transmission – comment transmettre l’identité – et la culpabilité parentale. La demande de pardon finale trahit l’échec et l’incompréhension entre les générations, ainsi que l’impossibilité de l’héritage, dont la poésie souligne l’aporie.

Le corps historique de la femme noire

Les poèmes et les photographies évoquent aussi de façon directe la réalité coloniale et postcoloniale du corps féminin, que la philosophe et sociologue Elsa Dorlin a décrit dans son ouvrage de référence La Matrice de la race comme une véritable politique18. Avant elle, tout au début des années 1980, l’écrivain algérien Malek Alloula avait présenté cette économie libidinale impérialiste à partir de cartes postales de l’Algérie colonisée, dans son ouvrage étrangement laissé dans l’oubli en France, Le Harem colonial, sous-titré « images d’un sous-érotisme19 ». Si l’histoire nous apprend que la colonie était aussi un grand terrain de chasse sexuelle, le présent ou l’histoire récente nous rappellent que le viol fait toujours partie des armes, non seulement de guerre, mais aussi de soumission du corps féminin.

Un poème, ironiquement intitulé « Coopération au développement personnel », se situe à Kigali, ancienne colonie sous domination belge et théâtre de génocide ethnique dans les années 1990, dont les effets se poursuivent dans la région voisine congolaise du Kivu. Une suite de mots asyntactique, mots-phrases et mots-vers, font se replier le texte sur lui-même :

Kigali
Souricière
Vase clos

Faces écrasées par l’exiguïté de notre microcosme.
Sexpatriés.
Boyesses arc-culbutées.
Valise diplomatique.
Kigali
Souricière

Deux mots-valises désignent les violences commises dans la « souricière » : les « sexpatriés » au masculin pluriel précèdent les « boyesses arc-culbutées », féminin de « boy », serviteur à la fois arc-bouté et culbuté. Autour de l’iconographie du corps féminin colonisé, et en particulier à travers le rôle de la carte postale dans cette érotisation des corps exotiques, Alloula, Dorlin et les éditeurs de Sexe, race et colonies soulignent à quel point le corps était mis à disposition du regard, mais aussi du colonisateur, comme un tribut. Malgré tout, le viol, évoqué par Lombé, « viol thérapeutique et tu vas filer droit ! », fait pendant à la « femme postcoloniale », qui s’exclame : « je suis une Bettie Page postcoloniale / Une Vénus nègre aux lignes extravagantes ayant fait exploser sa ceinture de bananes à la face de ses anciens maîtres ». La prise de parole poétique et le choix des images reviennent à déjouer cet acharnement à asservir les corps. Si le corps est sexualisé, il est « libre » et c’est l’énonciatrice contemporaine qui, finalement, « culbute tes réflexes de missionnaire ». Lorsqu’elle évoque Billie Holiday, elle se met à désirer les danseuses en tant que spectatrice, non pas avec un regard dominateur masculin, mais pour monter sur scène avec elles. Un autoportrait, veste échancrée laissant apparaître un corps à demi nu dans un lavomatic, clôture le livre. Le cliché est reproduit plusieurs fois, disposé en pêle-mêle : Lisette Lombé s’exhibe en série, dans un espace public, où, avec humour, on comprend qu’il est destiné à « laver plus blanc ». Cette mise en scène du corps est aussi un autre aspect de la pratique artistique et poétique de Lombé, montant sur scène, se prenant en photo, n’hésitant pas à faire cabaret dans un élan d’extravagance amplifié. Ainsi, les corps de femmes dans ses collages évoquent les œuvres d’autres artistes, qui relèvent, comme Lisette Lombé, du Black feminism, comme l’explique Véronique Clette-Gakuba dans son article panorama sur la « mise en œuvre de la question postcoloniale en Belgique20 ».

Ce renversement du regard et du processus n’est pas considéré comme une reconduction des canons et des clichés libidinaux masculins et dominateurs : en prenant possession de sa propre image, le corps anciennement soumis reprend une partie du contrôle qui lui échappe, ce que l’historienne de l’art Anne Lafont met en lumière dans son travail sur les modèles noirs dans la peinture française21, dont elle nuance la soumission à des regards posés sur eux, comme s’ils n’étaient qu’objets et non aussi sujets de leurs propres représentations. Cela transparaît également aux États-Unis, dans des œuvres d’art contemporaines qui jettent un éclairage distancié sur l’héritage de ces images et la façon de les retourner en argument poétique, historique et engagé à la fois. Carrie Mae Weems met en scène la femme noire aux prises avec les canons de la beauté européenne et ses figures mythiques, comme dans Mirror, Mirror (1987) de la série « Ain’t Jokin » (1987-1988) par exemple : à la question bien connue, « miroir, miroir… », ce dernier répond à la jeune femme noire qu’elle ferait bien de se rappeler que c’est Blanche-Neige la plus belle, en l’insultant au passage : « you black bitch, and don’t you forget it! ». Un autre montage phototextuel issu de la même série va à l’encontre de la jeune fille modèle : une jeune noire, là encore un enfant, interpelle la jeune blanche de White patty you don’t shine (1987-1988) avec une petite comptine inquiétante : « White patty / you don’t shine / Meet you around the corner / and beat your behind ». Là encore, l’enfant qui porte un pull-over orné de petits cœurs serait un charmant symbole de l’innocence, si elle n’avait les mains ornées d’énormes gants de boxe, dont un brandi devant l’objectif en guise de menace.

Cette évocation de l’histoire coloniale – ou de l’esclavage – par l’archive photographique et le jeu phototextuel témoigne d’une voie privilégiée pour la double reconquête d’une identité poétique hybride, faite de texte et d’image, mais aussi d’une identité historique multiple, identité aux prises avec des tensions sociales et raciales qu’il ne s’agit pas de masquer, mais au contraire de mettre en scène avec les moyens médiatiques et langagiers contemporains. Aussi Lisette Lombé offre-t-elle une synthèse très actuelle d’enjeux historiques, identitaires et postcoloniaux qui ont traversé la poésie, la photographie, la scène et même le slam depuis plusieurs décennies. En refusant de cloisonner ses pratiques pour les faire vivre ensemble, elle propose une réponse à la « double conscience » en privilégiant l’identité multiple, pour reprendre les mots de W.E.B. Du Bois : « dans cette fusion, [l’homme noir] ne voudrait perdre aucun de ses anciens moi » et simplement arriver à « ce qu’il soit possible à un homme d’être à la fois un Noir et un Américain, sans être maudit par ses semblables, sans qu’ils lui crachent dessus, sans que les portes de l’Opportunité se ferment brutalement sur lui22 ». On comprend aussi, à l’aune de sa pratique poétique mêlant image, scène et texte, le rôle que joue la performance dans cette fabrique poétique et visuelle et plus particulièrement dans le rap, l’une des dernières expériences de Lombé. Elle s’y essaie avec le collectif Congo Eza, composé de la poétesse belgo-congolaise Joëlle Sambi Nzeba et du rappeur Badi. Au-delà de la photographie et de la poésie, son œuvre se déploie dans les médiums photographie, livre, corps, scène ou encore musique, ce qui témoigne d’un refus de la forme fixe, autant que du récit univoque et de l’identité figée.

Bibliographie

Alloula Malek, Le Harem colonial. Images d’un sous-érotisme, Paris, Garance, 1981.

Amao Damarice, Ebner Florian et Joschke Christian (dir.), Photographie, arme de classe. La photographie sociale et documentaire en France, 1928-1936, Centre Pompidou, 7 novembre 2018-4 février 2019, Paris, éditions Textuel, 2018.

Bolter Jay David et Grusin Richard, Remediation: Undestanding New Media, Cambridge et Londres, The MIT Press, 2000.

Clette-Gakuba Véronique, « Mise en œuvre de la question postcoloniale en Belgique. Les artistes Joëlle Sambi, Pitcho Womba Konga, Mufuki Mukuna et Lisette Lombé », in Sarah Demart et Gia Abrassart (dir.), Créer en postcolonie. 2010-2015, voix et dissidences belgo-congolaises, Bruxelles, Bozar, Africalia, 2016, p. 250-259.

Didi-Huberman Georges, Quand les images prennent position, Paris, éditions de Minuit, coll. « Paradoxe. L’Œil de l’histoire », 2009.

Dorlin Elsa, La Matrice de la race. Généalogie sexuelle et coloniale de la nation française, Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui. Genre et sexualité », 2006.

Du Bois W.E.B., Les Âmes du peuple noir, éd. et trad. M. Bessone, Paris, La Découverte, coll. « La Découverte poche. Sciences humaines et sociales », 2007.

Foucher Zarmanian Charlotte, Nachtergael Magali (dir.), Le Phototexte engagé. Du militantisme aux luttes de visibilité, Dijon, Presses du réel, 2021.

Lombé Lisette, Black Words, Amay, L’Arbre à paroles, coll. « If », 2018, non paginé.

Lombé Lisette, La Magie du burn-out, Bastogne, Image publique éditions, 2018.

Nachtergael Magali, Les Mythologies individuelles. Récit de soi et photographie au 20e siècle, Amsterdam et New York, Rodopi, coll. « Faux titre », 2012.

Pic Muriel, W.G. Sebald, L’Image-papillon, suivi de L’Art de voler, trad. P. Charbonneau et M. Pic, Dijon, Presses du réel, coll. « L’Espace littéraire », 2009.

Rancière Jacques, Le Partage du sensible. Esthétique et politique, Paris, La Fabrique, 2000.

Vouilloux Bernard, « Lire, voir. La co-implication du verbal et du visuel », Textimage, varia 3, 2013, p. 15. URL : http://www.revue-textimage.com/07_varia_3/vouilloux1.html [consulté le 22/07/2022]

Notes

1 Georges Didi-Huberman, Quand les images prennent position, Paris, éditions de Minuit, coll. « Paradoxe. L’Œil de l’histoire », 2009. Retour au texte

2 C’est ainsi que les considère et les décrit Muriel Pic, dans W.G. Sebald, L’Image-papillon, suivi de L’Art de voler, Dijon, Presses du réel, coll. « L’Espace littéraire », 2009. Retour au texte

3 Bernard Vouilloux, « Lire, voir. La co-implication du verbal et du visuel », Textimage, varia 3, 2013, p. 15. URL : http://www.revue-textimage.com/07_varia_3/vouilloux1.html Retour au texte

4 Voir Thomas Bertail, « The Movement, un photobook au service du mouvement de lutte pour les droits civiques », in Charlotte Foucher Zarmanian et Magali Nachtergael (dir.), Le Phototexte engagé. Une culture visuelle du militantisme au xxe siècle, Dijon, Presses du réel, p. 115-132. Retour au texte

5 Voir Damarice Amao, Florian Ebner et Christian Joschke (dir.), Photographie, arme de classe. La photographie sociale et documentaire en France, 1928-1936, Centre Pompidou, 7 novembre 2018-4 février 2019, Paris, éditions Textuel, 2018. Retour au texte

6 Lors de mon travail de thèse sur les mythologies individuelles et le récit de soi au xxe siècle, j’ai été confrontée dans la constitution du corpus à l’absence de nomenclature éditoriale pour désigner ces pratiques alliant photographie et texte, les illustrations photographiques n’étant pas systématiquement mentionnées dans les descriptions bibliographiques. Retour au texte

7 Je pense ici au livre spectaculairement ambigu Sexe, race et colonies. Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Gilles Boëtsch, Dominic Thomas et Christelle Taraud (dir.), Sexe, race et colonies. La domination des corps du xve siècle à nos jours, préface J.-A. Mbembe et J. Martial, Paris, La Découverte, 2018. Retour au texte

8 Il s’agit d’un vocabulaire utilisé dans le contexte militant, mais aussi repris dans la théorie du discours : minorisation et silenciation participent à la désignation de l’espace de réception symbolique et social dans le champ artistique, qui implique aussi des constructions de forces ; il désigne donc une situation dans un temps et un espace donné, eux-mêmes en évolution. Retour au texte

9 Jacques Rancière, Le Partage du sensible. Esthétique et politique, Paris, La Fabrique, 2000. Retour au texte

10 Lisette Lombé, Black Words, Amay, L’Arbre à paroles, coll. « If », 2018, non paginé. Retour au texte

11 Jay David Bolter et Richard Grusin, Remediation: undestanding new media, Cambridge et Londres, The MIT Press, 2000. Retour au texte

12 « C’est une sensation bizarre, cette conscience dédoublée, ce sentiment de constamment se regarder par les yeux d’un autre, de se mesurer l’âme à l’aune d’un monde qui vous considère comme un spectacle, avec un amusement teinté de pitié méprisante ». William E.B. Du Bois, Les Âmes du peuple noir, Paris, La Découverte, coll. « La Découverte poche. Sciences humaines et sociales », 2007, p. 13. Retour au texte

13 Lisette Lombé, « Lisette Lombé, un parcours. Entretien avec Antoine Wauters », in Black Words, op. cit., non paginé. Retour au texte

14 Lisette Lombé, La Magie du burn-out, Bastogne, Image publique éditions, 2018. Retour au texte

15 Je me permets de renvoyer à mon ouvrage : Magali Nachtergael, Les Mythologies individuelles. Récit de soi et photographie au 20e siècle, Amsterdam et New York, Rodopi, coll. « Faux titre », 2012. Retour au texte

16 Lisette Lombé, « Qui oubliera ? », in Litanies for Survival [en ligne], Bozar, Bruxelles, 17 janvier 2015. URL : https://www.youtube.com/watch?v=Wo4ZcF3cvcc [consulté le 15 juin 2019] Retour au texte

17 Lisette Lombé, « Qui oubliera ? », in Black Words, op. cit., non paginé. Toutes les citations de poèmes proviennent de cet ouvrage. Retour au texte

18 Elsa Dorlin, La Matrice de la race. Généalogie sexuelle et coloniale de la nation française, Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui. Genre et sexualité », 2006. L’imaginaire de la nation française (il faut savoir toutefois que la Belgique francophone entend ce récit de la même façon) est pour Dorlin fortement influencé par l’imaginaire de la nation « mère nourricière », mais mère unique, qui devient « instrument majeur de la génotechnie » et qui incarne la « matrice de la race » (p. 209). Dorlin explique ensuite la façon dont les Noirs et métis ont été « pathologisés », puis « racialisés », pour être distingués des Blancs. En conclusion, Dorlin évoque la réponse des « Caraïbes noirs » d’une « histoire pour défier les généalogies racistes » par le détournement d’un signe physionomique : cette réécriture s’appuie sur « un processus historique et politique de fabrication subversive des corps, de fabrication de soi, qui dévoie et renverse les techniques dominantes, qui défait la race », p. 282. Le corps et sa mise en scène ont aussi pour enjeu de déjouer les assignations racialisantes. Retour au texte

19 Malek Alloula, Le Harem colonial. Images d’un sous-érotisme, Paris, Garance, 1981. Le livre a été sévèrement critiqué par Gilles Boëtsch et Jean-Noël Ferrié, dans l’article à charge : Gilles Boëtsch et Jean-Noël Ferrié, « Contre Alloula : le “harem colonial” revisité », Annuaire de l’Afrique du Nord, vol. 32, 1993, p. 299-304. L’ironie veut que Boëtsch ait participé à l’ouvrage Sexe, race et colonies trente ans plus tard, dans le but de démontrer précisément ce qu’Alloula avait entrepris de faire en 1981. Retour au texte

20 Véronique Clette-Gakuba, « Mise en œuvre de la question postcoloniale en Belgique », Sarah Demart et Gia Abrassart (dir.), Créer en postcolonie, 2010-2015. Voix et dissidences belgo-congolaises, Bruxelles, Africalia-Bozar, 2016, p. 250-259. Retour au texte

21 Anne Lafont, « De Madeleine à Josephine Baker, ou des modèles de l’Empire aux performeuses de l’entre-deux-guerres », in Genre et histoire de l’art, EHESS, 15 mars 2019, inédit. Retour au texte

22 W.E.B. Du Bois, Les Âmes du peuple noir, op. cit., p. 13. Retour au texte

Illustrations

  •  

     

    Source : Lisette Lombé, Sans titre, papiers collés transférés numériquement, 2012. Reproduit avec l’aimable autorisation de l’artiste.

  •  

     

    Source : Lisette Lombé, série « Sœurs mosaïques », papiers collés transférés numériquement, 2013-… (série en cours). Reproduit avec l’aimable autorisation de l’artiste.

Citer cet article

Référence électronique

Magali Nachtergael, « Poésie, photographie et contre-histoires : identités en tension », Nouveaux cahiers de Marge [En ligne], 5 | 2022, mis en ligne le 13 octobre 2022, consulté le 18 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/marge/index.php?id=424

Auteur

Magali Nachtergael

Professeure en études françaises, Plurielles, université Bordeaux Montaigne ; Maison de la recherche, esplanade des Antilles 33607 Pessac ; ORCID 0000-0001-7084-4442.
Magali Nachtergael est professeure en études françaises à l’université Bordeaux Montaigne. Spécialiste des liens entre culture visuelle et littérature, elle a publié Les Mythologies individuelles, récit de soi et photographie au 20e siècle (Rodopi, 2012), Roland Barthes contemporain (Max Milo, 2015) et co-édité avec Charlotte Foucher-Zarmanian Le Phototexte engagé. Une culture visuelle du militantisme au xxe siècle (Presses du réel, 2021). Avec Anne Reverseau, elles ont coordonné récemment un numéro de la revue Image [&] Narrative, Perspectives post-coloniales et intermédiales sur la carte postale (vol. 23, no 1, janvier 2022).

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