Introduction
Le roman Im Kampf um Gott [Combat pour Dieu], édité par l’audacieux Wilhelm Friedrich, est la toute première publication de Lou Andreas-Salomé (1861-1937). Nous sommes au début de l’année 1885, Lou Andreas-Salomé a vingt-quatre ans. Elle n’a pas encore rencontré son futur mari, l’orientaliste Friedrich Carl Andreas (1846-1930), raison pour laquelle elle ne signe pas « Andreas-Salomé », comme elle le fera plus tard, mais choisit de recourir à un pseudonyme (« Henri Lou »). C’est sous ce même pseudonyme que sortira, en 1886, dans la maison d’édition Amstellodamoise Van Kampen & Zoon – plus traditionaliste que l’éditeur de la version originale – la version néerlandaise de Im Kampf um Gott (In den strijd om God), accompagnée de la mention : « vrij bewerkt naar het hoogduitsch van Henri Lou » (« traduit librement du haut-allemand par Henri Lou »).
En ces années 1885-1886, la jeune Lou Salomé dispose déjà d’un réseau tout à fait impressionnant : étudiante à Zurich au début des années 1880, elle est en contact avec d’importantes figures du protestantisme libéral (en particulier Emmanuel Biedermann), école de pensée à laquelle elle avait été formée par le pasteur Hendrik Gillot (1836-1916), avec qui elle avait d’ailleurs appris le néerlandais à l’époque où elle vivait encore à Saint-Pétersbourg, sa ville natale. Là-bas, conformément à son appartenance sociale, Lou Andreas-Salomé grandit dans plusieurs langues, le néerlandais ne venant qu’après l’allemand, le français, l’anglais et le russe de son enfance. À Rome, au début de l’année 1882, elle parvient à être introduite chez l’écrivain Malwida Meysenbug, qui y tenait l’un des plus brillants cercles intellectuels internationaux. C’est à Rome également, au printemps 1882, qu’a lieu sa rencontre avec Friedrich Nietzsche. Elle s’installe ensuite à Berlin, où elle se montre bien déterminée à se faire une place sur la scène littéraire.
La publication de Im Kampf um Gott pose une importante première pierre de la carrière d’écrivaine de Lou Salomé, avant son livre sur les personnages féminins chez Ibsen (Henrik Ibsens Frauengestalten, 1892) et celui consacré à Nietzsche (1894). Suivront une dizaine de romans et de nouvelles, tous en allemand. Im Kampf um Gott, l’un des premiers textes de la littérature allemande qui fait de la crise de la foi un motif romanesque, et qui assume résolument la peinture de conflits psychologiques, est très chaleureusement accueilli par les voix influentes du tournant du siècle qui, dans leur quête de nouvelles formes d’expression, y reconnaissent l’une des leurs. Lou Andreas-Salomé jouit du soutien de contemporains progressistes – notamment les frères Hart et Fritz Mauthner, dont elle deviendra bientôt une amie proche – et arracha ainsi à sa famille ce qu’elle avait cherché à obtenir avec obstination : l’autorisation de rester à Berlin et d’y poursuivre sa carrière grâce au statut officiel d’écrivain qui était désormais le sien. Un premier panorama de son œuvre, publié en 18981, révèle la notoriété de Lou Andreas-Salomé en Allemagne au tournant du siècle ; le rôle joué par l’autotraduction dans le cadre de cette consécration littéraire est pour ainsi dire nul, la critique germanophone contemporaine n’y prêtant strictement aucune attention. Du côté des pays néerlandophones, In den strijd om God n’a pas non plus assuré à l’autrice le même succès sur la scène littéraire des « modernes » que Im Kampf um Gott en Allemagne2.
La critique posthume, quelle qu’en soit la provenance, ne s’est pas davantage penchée sur le fait que Lou Andreas-Salomé s’est traduite elle-même. Le texte néerlandais n’a jamais donné lieu à aucune étude approfondie, ce qui peut en partie s’expliquer par l’attitude de l’autrice elle-même. Dans ses mémoires3, Lou Andreas-Salomé avait décidé de ne pas faire état de In den strijd om God. En outre, elle n’a apparemment jamais souhaité revenir sur son autotraduction – expérience qu’elle ne semble non plus avoir jamais réitérée, ni en néerlandais ni en aucune autre de ses langues.
Je commencerai par présenter le paratexte, ce qui me permettra ensuite d’en venir à deux explications d’ordre sociolinguistique et esthétique susceptibles d’éclairer ce silence que partagent Lou Andreas-Salomé et la critique. Je me concentrerai pour finir sur l’autrice et ses motivations afin d’aborder quelques-unes des nombreuses questions que soulève l’expérience autotraductive Im Kampf um Gott/In den strijd om God.
Lou Andreas-Salomé autotraductrice : quelques observations sur le paratexte
L’autotraduction In den strijd om God n’est recensée que dans quelques rares bibliothèques. En Allemagne, je n’en ai trouvé trace qu’à Göttingen, ville où Lou Andreas-Salomé a vécu à partir de 1902. Dans les pays néerlandophones, seule la bibliothèque universitaire d’Amsterdam en possède deux exemplaires, sans doute parce que In den strijd om God avait été publié dans la capitale. Aucune autre grande ville universitaire néerlandophone (Utrecht, Rotterdam, Groningen, Leyde, Leuven, Gand, Bruxelles, pour ne citer que les plus connues) n’en a fait l’acquisition.
Depuis ma demande au Centre de numérisation de l’université de Göttingen (Göttinger Digitalisierungszentrum)4, le texte original est aujourd’hui en libre accès. On pourra donc facilement consulter les trois éléments du paratexte de cette première (et seule) édition que je vais évoquer, à savoir 1) la maison d’édition, 2) la mention de l’auteur/le traducteur, 3) l’avant-propos.
L’éditeur P.N. Van Kampen & Zoon5
La maison d’édition P.N. Van Kampen fut fondée en 1841 à Amsterdam par Pieter N. Van Kampen (1818-1888). Avec l’arrivée du fils N.G. Van Kampen (1849-1915) en 1873, elle change d’appellation et devient P.N. Van Kampen & Zoon. In den Strijd om God est l’un des trois ou quatre romans que Van Kampen père avait pour habitude de publier chaque année et qui ont fait de lui le plus grand éditeur de romans dans le monde néerlandophone durant la dernière décennie du xixe siècle (avec 154 publications). Van Kampen père fut un éditeur de renom dont la stratégie consistait à éviter autant que possible toute prise de risque. Aussi était-il connu – et respecté – pour le choix de romans respectueux de la bienséance. Ceci explique notamment sa prédilection pour la publication des autrices ainsi que son refus de publier des traductions d’auteurs français (!). Parmi les auteurs édités par P.N. Van Kampen qui ne sont pas tombés dans l’oubli, citons Anna Louisa Geertruida Bosboom-Toussaint, Elizabeth Gaskell, Nathaniel Hawthorne, Charles Dickens, Frederika Bremer et George Eliot. Son plus grand succès de librairie, Eline Vere (1889), l’incontournable roman du (grand) naturaliste Louis Couperus (1863-1923), doit être porté au crédit de son fils qui a dû insister, Van Kampen père ne voyant dans l’héroïne de Couperus rien d’autre qu’une « hystérique » – l’avant-garde n’était décidément pas sa tasse de thé !
Cette politique éditoriale, tout empreinte de sagesse, est à l’opposé de celle de la maison d’édition Wilhelm Friedrich où parut Im Kampf um Gott. L’éditeur Wilhelm Friedrich (1851-1925), plein d’entrain, recherchait la nouveauté, et c’est précisément cet enthousiasme pour la jeune génération d’auteurs révoltés qui va signer sa perte : Wilhelm Friedrich, ruiné par les procès autour de questions de censure, finit sa carrière d’éditeur de modernes criblé de dettes et se retira de la vie littéraire prématurément, en 1895, après quinze ans de travail acharné, le public n’ayant pas été prêt à le suivre et/ou les œuvres n’ayant pas toujours été à la hauteur de la révolution esthétique annoncée6. Si Wilhelm Friedrich rappelle davantage son confrère W. Versluys, l’éditeur attitré de l’avant-garde néerlandaise7, que le respectueux Van Kampen, ce dernier peut être rapproché de Cotta, chez qui Lou Andreas-Salomé publiera par la suite la majeure partie de ses romans. Selon la langue choisie, l’autotraduction saloméenne renvoie ainsi à deux publics cibles sensiblement différents, l’un plutôt conservateur côté néerlandais, l’autre plutôt progressiste côté allemand.
Vrij bewerkt naar het hoogduitsch van Henri Lou
Je n’évoquerai pas ici la première partie de la proposition, mais me concentrerai sur la question de pseudonymie. À ma connaissance, c’est seulement à l’occasion de ses toutes premières publications que Lou Andreas-Salomé a eu recours au pseudonyme « Henri Lou », la jeune autrice ayant également signé trois de ses poèmes du nom de « Henri Lou » ou encore de « Lou »8.
Du point de vue de l’histoire littéraire du xixe siècle, le fait de prendre un pseudonyme au début de sa carrière relève d’une pratique courante, conforme aux exigences de la bienséance, celles-ci valant pour les deux sexes. En partant de l’étude qu’Erica Van Boven a consacrée au pseudonyme stratégique des femmes auteurs pour la période 1850-19009, on peut dire que le choix d’« Henri Lou » ne correspond pas à la typologie majoritaire des pseudonymes, composés d’un simple prénom. Van Boven rappelle combien ce choix – qui n’est donc pas celui de Lou Andreas-Salomé – est à mettre en relation avec les attentes du monde littéraire foncièrement misogyne de la fin du siècle : si l’on accepte alors qu’une femme puisse écrire, c’est à la condition qu’elle n’outrepasse pas ce qui est dit « féminin », et qu’elle n’ait pas la prétention d’entrer dans la sphère véritablement artistique réservée aux hommes (on retrouve cette approche genrée dans la politique éditoriale d’un Van Kampen). Dans ce cadre, le pseudonyme composé d’un simple prénom contribue à soutenir l’image de la femme humble qui ne cherche pas à briller et qui ne constitue donc pas un danger pour l’homme10. Or « Henri Lou » ne semble pas s’inscrire dans cette modestie exigée : à ranger, selon la classification retenue par Van Boven, entre un certain « exotisme » et le « pseudonyme masculin », ce nom de plume renvoie bien davantage à un geste offensif dans la mesure où ce choix suggère que la jeune Lou Salomé refusait de se plier aux convenances. Mais, comme Van Boven le rappelle également, le recours au pseudonyme par les néophytes de la scène littéraire se fait plus rare à partir de 1885, la pratique tombant alors en désuétude. Ici, la jeune Lou Salomé, toute stratège qu’elle est déjà sans doute à ce moment de sa vie, choisit sur ce point une tactique plutôt vieux jeu – tout à fait à l’image de son éditeur Van Kampen (et des représentants du protestantisme libéral, comme on le verra plus loin), mais moins à l’image de Wilhelm Friedrich dont il était question à l’instant.
Les mémoires de Lou Andreas-Salomé abordent la dimension biographique – voire psychologique – du pseudonyme. « Henri Lou » renvoie, comme on peut le lire, au prédicateur Hendrik Gillot. La référence à ce dernier s’y trouve doublement justifiée, la mémorialiste rappelant qu’elle avait choisi non seulement le prénom de son ami néerlandais [Hendrik/Henri] mais également le surnom qu’il lui avait donné, préférant l’appeler Lou plutôt qu’employer la forme russe Lolja, son prénom de baptême11. La symbolique est forte, comme si Lou Andreas-Salomé avait pleinement assumé, pour ses premières publications, une absolue fidélité à celui à qui elle avait consacré le deuxième chapitre de ses mémoires intitulé « Liebeserleben » (« Expérience de l’amour »), comme si elle s’était soumise à son autorité après s’être pliée à celle de sa famille qui lui avait, selon les convenances décrites ci-dessus, interdit de signer son premier roman de son nom civil. On peut toutefois présumer que cette attitude en apparence fidèle et soumise relève non moins de ce qu’il convient de qualifier de stratégie : une stratégie d’adaptation qui portera ses fruits, Lou Andreas-Salomé réussissant à vivre la vie extraordinairement libre que l’on connaît.
Lou Andreas-Salomé avait rencontré Gillot à l’âge de dix-sept ans, en 1878, et pris auprès de lui des cours privés extrêmement efficaces. Hendrik Gillot, de vingt-cinq ans son aîné, est né en 1836 à Groningen, où il a fait également ses études de théologie, et où il a exercé pendant quelques années avant d’être appelé, en 1873, à Saint-Pétersbourg et de devenir l’un des prédicateurs néerlandais les plus en vue dans l’histoire du protestantisme en Russie. Plusieurs sources convergent pour souligner son charisme et son talent d’orateur hors du commun. Appartenant à la branche résolument moderne de l’Église protestante réformée, cet homme de grande culture a pour thèmes de prédilection la tolérance religieuse, l’égalité des hommes et le respect de l’individu. Le fait qu’il prêche alternativement en néerlandais et en allemand élargit encore son auditoire. Gillot est donc un vrai polyglotte (néerlandais, allemand, russe), sa vaste correspondance est tenue dans ces trois langues. Gillot est par ailleurs auteur de deux traductions de l’allemand vers le néerlandais12.
Le pseudonyme lie de façon si évidente le théologien à sa jeune disciple que l’hypothèse selon laquelle l’ami néerlandais aurait prêté main-forte dans le cadre de la traduction et la publication de In den strijd om God paraît probable. Un fait plaide dans ce sens : lorsque Lou Andreas-Salomé rédige Im Kampf um Gott, à l’été 1884, elle est à Méran, puis en Bavière où se trouve également Gillot, en compagnie de sa famille. Le prédicateur et son ancienne élève se voient alors régulièrement : le projet de la traduction serait-il né à ce moment-là ? Lou Andreas-Salomé ayant détruit la majeure partie de sa correspondance avec Gillot, il est difficile de quitter le niveau des conjectures.
En revanche, ce qui est avéré, c’est la présence – voire l’omniprésence – du réseau de son ami néerlandais. En témoigne l’avant-propos de In den strijd om God dans lequel se trouve cité P[etrus] H[ermannus] Hugenholtz Jr. (1834-1911), célèbre Amstellodamois, fondateur de la Vrije Gemeente (« Communauté libre »). Hendrik Gillot était sans doute en contact avec ce protestant par l’intermédiaire du demi-frère de celui-ci, Frederik W[illem] N[icolaas] Hugenholtz (1839-1900). Frederik Hugenholtz et Gillot sont des amis très proches qui se connaissent depuis leurs études. Exerçant dans le village de Santpoort, non loin d’Amsterdam, Frederik Hugenholtz avait prêté son église à Gillot à l’occasion de la confirmation de Lou Andreas-Salomé, le 22 mai 1880. Sept ans plus tard, elle avait tenu à célébrer son mariage au même endroit13. Il est possible que Frederik Hugenholtz ait alors été appelé à jouer l’intermédiaire une nouvelle fois14. Ces faveurs faites à son ami autorisent à penser que Gillot a pu se servir de ce lien pour trouver un nouveau lieu de publication pour son ancienne élève : Herman, le demi-frère de Frederik, aussi contesté qu’il ait pu être, était sans doute suffisamment influent pour venir en aide dans la recherche d’un éditeur. Dès la sortie de Im Kampf um Gott, Herman Hugenholtz avait publié un compte rendu conséquent du roman dans sa revue Stemmen uit de Vrije Gemeente. On ne sait pas par quel canal Herman Hugenholtz avait eu connaissance de la publication de Im Kampf um Gott. Ce qui est certain, c’est que l’avant-propos de In den strijd im God illustre bien la force manipulatrice que peut receler le paratexte quant à l’orientation de la lecture d’un texte donné15.
Voorbericht (« Avant-propos »)
L’avant-propos occupe une seule page. Inséré entre la page de titre et le début du roman, il se présente en deux parties : une phrase d’introduction d’abord, suivie par une citation tirée du compte rendu que Herman Hugenholtz avait consacré à Im Kampf um Gott quelques mois plus tôt16. Selon l’usage, l’absence de signature permet de mettre ce court texte au compte de la maison d’édition. La phrase d’introduction se présente comme suit :
De Hollandsche vertaling van dit werk werd ondernomen naar aanleiding van de aanbeveling van Dr. P.H. Hugenholtz Jr in de Stemmen uit de vrije gemeente, die aldus aanvangt : […] | La traduction hollandaise du présent ouvrage a été effectuée suite à la recommandation faite par Dr P.H. Hugenholtz Jr. dans [la revue] « Stemmen uit de vrije gemeente/Voix de la communauté libre » ; elle débute ainsi : […] |
La formulation passive est remarquable : elle a pour effet la disparation de l’autrice – assurant à Lou Andreas-Salomé une cachette supplémentaire après celle du pseudonyme. Autre conséquence, la place du sujet est occupée par la « Hollandsche vertaling » (« traduction hollandaise ») dont, par ailleurs, le lecteur apprend qu’on doit la réalisation à la recommandation du fameux pasteur. En d’autres termes, à suivre la logique de cette phrase d’ouverture, le rôle principal reviendrait à Herman Hugenholtz et à ce qu’il avait écrit dans sa revue Stemmen uit de Vrije Gemeente :
Midden in een van de groote vragen die onzen tijd beroeren werpt ons de roman waarvan ik den titel hierboven afschreef. De jeugdige schrijfster, die zich achter een geheimzinnig pseudonym verbergt, heeft, er is geen twijfel aan, den strijd, dien zij hier teekent, zelve tot op zekere hoogte gestreden. Over de godsdienstvraag heeft zij diep en ernstig nagedacht, en wat zij zelve innerlijk doorleefde, heeft ze in een kunstwerk buiten zich willen plaatsen. Van binnen uit is, als ik ‘t zoo mag uitdrukken, haar boek geschreven. Geen waarneming van de werkelijkheid daarbuiten in de eerste plaats, maar persoonlijke ervaring heeft hare pen bestuurd. Vandaar de warmte en innigheid van haar confessie, maar vandaar ook aan den anderen kant de eigenaardige fouten en zwakheden waarin de Tendenzroman zoo lichtelijk vervalt. | C’est dans une des grandes questions qui touchent notre époque que nous transporte le roman dont j’ai recopié le titre ci-dessus. La jeune autrice qui se cache derrière un mystérieux pseudonyme s’est trouvée sans aucun doute elle-même confrontée au combat qu’elle retrace ici. Elle a réfléchi à la question religieuse avec profondeur et sérieux, et elle a voulu exprimer ce qu’elle connut elle-même en son for intérieur, dans une œuvre d’art. Son livre est écrit de l’intérieur, si je puis m’exprimer ainsi. Ce n’est pas en premier lieu l’observation de la réalité extérieure, mais l’expérience personnelle qui a motivé sa plume. D’où le caractère chaleureux et intime de sa confession, mais d’où aussi, d’un autre côté, ces erreurs et faiblesses bizarres dont est si facilement victime le Tendenzroman. |
On peut constater les points communs avec la stratégie de Van Kampen pour qui, après cette entrée en matière, Im Kampf um Gott/In den strijd om God ne peut que satisfaire la ligne éditoriale défendue. Car Herman Hugenholtz fabrique ici une autrice qui, à tous les égards, répond aux exigences de la bienséance : il met en avant, de façon stéréotypée, les qualités de cœur, la subjectivité et l’écriture circonscrite à une sphère féminine, vouée au témoignage intime (mais jamais à l’art). Remarquons que rien dans cette préface n’indique qu’il s’agit d’une autotraduction, omission qui concorde avec l’attitude usurpatrice d’Herman Hugenholtz et de l’éditeur Van Kampen.
La suite du compte rendu va également dans ce sens annexionniste – qui n’est pas reproduit dans ce voorbericht. On peut voir à quel point le livre de Lou Andreas-Salomé a fait écho aux convictions de Herman Hugenholtz, voire au propre strijd de ce protestant ; le compte rendu en livre une belle illustration du fait de l’enchevêtrement de deux postures de lecture présentes ici, « experte » et « subjective » – cette dernière occupant clairement le dessus lorsque Herman Hugenholtz frise l’identification totale avec le personnage principal du roman, identification à travers laquelle il veut lire une évolution positive. Or l’une des clés du roman réside justement dans le fait qu’il ne propose pas de réponses, mais seulement la mise en dialogue de différents points de vue sur des questions religieuses et philosophiques17. Le malentendu est complet lorsque Herman Hugenholtz en vient à conclure que l’autrice, dont il affirme que la foi serait encore en devenir, finira par vivre celle-ci avec plus de clarté et d’évidence (entendons : à l’instar de lui-même).
Dans le cadre de la publication de In den strijd om God, Lou Andreas-Salomé a dû donc « composer avec l’instance tierce de l’éditeur18 » et avec des figures du protestantisme (Hugenholtz). Compte tenu de ce qui précède, on peut voir précisément dans ce réseau de relations de possibles explications du silence entourant cette traduction à la fois de la part de l’autrice et de la critique.
Possibles raisons sociolinguistiques et esthétiques de l’omerta qui entoure In den strijd im God
Le point de vue sociolinguistique
Dans une perspective sociolinguistique ou, si l’on préfère, dans la « galaxie des langues », le néerlandais ne fait pas partie de la douzaine des langues-planètes, mais joue plutôt dans la catégorie des langues satellites19.
Si les représentations allemandes du néerlandais sont parfois dévalorisantes, elles ne font appel à aucune forme d’exotisme (ce qui peut advenir du point de vue français), mais puisent leur particularité dans la proximité entre les deux langues. Aussi c’est autour de cette proximité que, depuis son institutionnalisation au début du xixe siècle, s’est enraciné au sein de la germanistique le préjugé selon lequel, en son expression la plus sévère, l’existence d’un monde néerlandophone propre se trouve niée, suivant une logique d’incorporation pure et simple20.
Venons-en au germaniste Ernst Pfeiffer (1893-1986), le plus proche ami de Lou Andreas-Salomé à la fin de sa vie. C’est à lui que l’autrice allait confier la tâche d’exécuteur testamentaire. Et c’est à ce titre qu’Ernst Pfeiffer allait prendre en charge le rôle d’éditeur principal de l’œuvre saloméenne dans l’Allemagne des années Adenauer, en assurant notamment la publication posthume des mémoires déjà cités, ainsi que des textes en lien avec ses rencontres les plus prestigieuses (Nietzsche, Rilke, Freud).
S’il revient ainsi à Ernst Pfeiffer d’avoir sauvé son idole d’un oubli certain, son mérite étant incontestable de ce point de vue, le choix éditorial qu’opère le jeune germaniste témoigne de la difficulté, à ce moment-là, d’accepter dans une pleine autonomie la création des femmes, voire les femmes en tant que sujets à part entière. En parfait fils de son temps, Ernst Pfeiffer n’allait de même accorder aucune importance au néerlandais ni s’intéresser beaucoup plus aux autres langues présentes dans la vie de Lou Andreas-Salomé. Ce faisant, il s’inscrit dans une germanistique traditionnelle, dont la priorité a longtemps consisté à consolider une langue et une littérature nationales (allemandes). Ernst Pfeiffer, dans cet esprit, a ainsi pris soin de présenter Lou Andreas-Salomé comme une autrice de langue maternelle allemande, ne pouvant la penser que de cette façon monolingue, condition sine qua non à ses yeux et à ceux de ses contemporains, pour envisager son entrée dans le canon de l’histoire littéraire allemande. Lier les concepts de canonisation et de plurilinguisme n’est pas à l’ordre du jour du vivant de cet ami des dernières années de Lou Andreas-Salomé.
Deux des rares occurrences du néerlandais se trouvent dans les notes que Ernst Pfeiffer rédige pour l’édition des mémoires. Elles illustrent d’une certaine façon le vieux préjugé (allemand) par rapport au néerlandais qui peut surgir, comme ici, sans la moindre volonté extrémiste, ni même volonté de blesser. Il est d’une part fait mention du fait que Lou Andreas-Salomé aurait lu Kant en traduction néerlandaise, dans une édition appartenant à son tuteur Hendrik Gillot21. Évoqué telle une simple curiosité anecdotique, comment ne pas y voir le tenace poncif selon lequel le néerlandais ne mériterait pas qu’on s’y attarde22 ?
La deuxième mention concerne la présentation qu’Ernst Pfeiffer consacre à Hendrik Gillot :
Hendrik Gillot, 1836-1916, Prediger der holländischen Gesandtschaft in St. Petersburg. Gillot (der Name wird wie ein deutscher Name ausgesprochen) war damals der bedeutendste protestantisch-unorthodoxe Kanzelredner der Stadt […] / Hendrik Gillot (1836-1916), prédicateur à la légation hollandaise de Saint-Pétersbourg. Gillot (on prononce ce nom à l’allemande) était alors le prédicateur le plus en vue de l’église protestante non orthodoxe de la ville23.
Je m’intéresse à la parenthèse « der Name [Gillot] wird wie ein deutscher Name ausgesprochen » (« on prononce ce nom [Gillot] à l’allemande »). Renvoyant aux représentations du néerlandais en tant que langue restreinte (dans le sens où l’on en ignore tout) et/ou proche de l’allemand, l’affirmation, abrupte et erronée, nie en ultime instance l’existence du néerlandais selon le préjugé évoqué à l’instant. Au fond, il est possible de la rapprocher du propos, souvent cité, du germaniste Robert Prutz (1816-1872) écrivant au sujet de la littérature néerlandaise :
[…] elle est à la fois trop traversée d’éléments allemands pour avoir une évolution propre, et pas assez allemande pour pouvoir participer à l’ensemble de notre évolution avec la même vivacité24.
C’est une double peine qui est actée ici : d’une part, l’idée selon laquelle le néerlandais n’aurait pas d’existence propre, parce que trop proche de l’allemand – c’est cette logique qui amène Pfeiffer à préciser que le nom Gillot se prononcerait de la même façon qu’en allemand – ; l’autre consiste à dire que sa spécificité – ce qui fait qu’elle n’est pas identique à l’allemand – serait justement ce qui condamne la langue et la littérature néerlandaises à l’infériorité.
C’est d’une façon quasi caricaturale que ces vues stéréotypées et péjoratives pourraient avoir fondé l’absence de prise en compte de In den strijd om God, voire plus généralement du rôle que le néerlandais a de fait joué dans la vie de Lou Andreas-Salomé. Selon la logique de Prutz, pourquoi s’intéresser au texte néerlandais alors qu’il ne différerait guère du texte allemand – et que là où il y aurait différence, le texte serait dépourvu de Lebendigkeit (« vivacité ») ? L’absence totale d’intérêt porté au texte néerlandais de Lou Andreas-Salomé au sein de la réception posthume paraît ainsi être un miroir fidèle – et brutal – du fait qu’il existe « une hiérarchie et un déséquilibre entre les langues du monde25 ». Il est par conséquent grand temps de rendre justice à In den strijd om God.
Le point de vue esthétique
Il faut revenir ici à Herman Hugenholtz, le théologien qui fait connaître In den strijd om God au public néerlandais26. Hugenholtz appartient à la branche « moderne » des protestants qui, à l’opposé des orthodoxes, luttent pour inscrire l’office dans les nouvelles données scientifiques de son temps. Pour ce protestant éclairé, il s’agit de libérer la foi de toute charge dogmatique, telle que la création en six jours et la résurrection du Christ après sa mort, par exemple. Certains ouvrages de ce darwinien convaincu font scandale, et ce dans le cercle même modéré des théologiens. Initiateur, avec son frère Reinhard, de la Vrije Gemeente (« Communauté libre »), il avait quitté l’Église en 1877. Compte tenu de l’époque à laquelle il vit, qui voit la sphère théologique en perte de vitesse, Herman Hugenholtz est sans aucun doute un homme d’audace. Les nombreux conférenciers invités à parler dans le monumental bâtiment que la Vrije Gemeente avait su s’offrir dès 1880 attirent plusieurs décennies durant des centaines d’auditeurs, ce qui contribue à faire de Hugenholtz un Amstellodamien en vue.
Or, le courage et la liberté de pensée dont fait preuve Hugenholtz en tant que théologien ne font pas de lui une autorité dans le monde des lettres, tant s’en faut. C’est que ses nombreux comptes rendus, comme celui qu’il propose de In den strijd om God, font clairement état de ses priorités (avancées de façon péremptoire) qui passent (très) mal en dehors du cercle restreint de ses compères protestants : dans sa quête d’une nouvelle forme de religiosité, Hugenholtz en vient, en fait, à réduire les lettres à la seule fonction édifiante, voulant trouver en elles cette morale capable d’inventer un nouveau rapport à la foi. Il avait déjà défendu cette finalité pieuse de l’art dans un article daté de 1870, Hugenholtz restant fidèle à ses idées tout au long de sa vie. Intitulé « Godsdienst en letterkunde » (« Culte et critique littéraire »), l’article était paru dans la très révérencieuse revue Vaderlandsche Letteroefeningen pour laquelle Hugenholtz avait régulièrement livré des contributions jusqu’à ce que la revue cesse de paraître en 1876, définitivement devancée par une presse comparativement plus progressiste, telle De Gids27.
Recherche de livres vertueux et aversion pour les choses du corps vont de pair chez Hugenholtz, qui a en horreur la sexualité, ce qui l’empêche définitivement d’entrer dans l’esthétique de ses contemporains, centrée de façon renouvelée sur la force du monde des affects. Hugenholtz ne veut pas concevoir De stille kracht28 et, en conséquence, rejette aussi avec véhémence– comme Van Kampen père – des livres venant de France (La Dame aux camélias, les pièces de théâtre d’un Feydeau ou encore Madame Bovary, tous sont coupables d’indécence et d’impudeur à ses yeux).
Point important, si le monde intellectuel n’allait accorder aucun crédit aux ingérences littéraires de Herman Hugenholtz, il n’était pas pour autant ignoré, mais était au contraire la cible d’amères moqueries, le pasteur devenant aux yeux d’auteurs – canonisés depuis en tant que bâtisseurs de la modernité littéraire néerlandophone – l’incarnation même de l’hypocrisie et de la bêtise. Willem Kloos (1859-1938), co-fondateur de De Nieuwe Gids (1885), consacre dans cette même revue quelques pages féroces à Hugenholtz où il le traite successivement d’onnoozel (« idiot »), buitensporig arrogant (« excessivement arrogant »), puis le proclame vulgarisator van outbakken opinies (« vulgarisateur d’opinions dépassées ») et enfin le dit d’un onuitstaanbaar waanwijs (« délire insoutenable »)29. Personnage pathétique, Herman Hugenholtz l’est tout autant aux yeux d’Albert Verwey (1865-1937) qui ironise, en 1888, sur le pasteur et l’un de ses livres, qu’il qualifie de zotten boek (« livre sot »), n’hésitant pas à lui conseiller – ultime coup de grâce – de « cesser d’écrire ce qui serait faire une bonne œuvre » (« En schrijf niet meer, dat zou een goede daad van u zijn »)30. Lodewijk Van Deyssel (1864-1952), compagnon de route et de Kloos et de Verwey, s’était attaqué dans son illustre essai programmatique de 1886 Over literatuur (À propos de la littérature) de façon « hilarante »31 au critique et écrivain naturaliste Frans Netscher. L’époque n’est décidément pas tendre. C’est dans son roman Een liefde (Un amour, 1887), qui provoque un immense scandale notamment pour son 13e chapitre où est décrite une scène de masturbation, que Van Deyssel cite Herman Hugenholtz32, apportant ainsi sans doute une nouvelle preuve de sa notoriété, mais aussi du très mauvais rôle qu’il jouait notamment aux yeux de la jeune génération. Car on peut également citer Conrad Busken Huet (1826-1886) qui publie, en 1884, un compte rendu consacré à trois ouvrages sur la question religieuse, dont l’un des auteurs est Herman Hugenholtz. Intéressant ici, David Friedrich Strauss y figure avec son livre Der alte und der neue Glaube, publication que Nietzsche, dans ses Considérations inactuelles, avait soumise à une virulente critique. Autant l’influent critique néerlandais sait se montrer plus nuancé envers Strauss que jadis le jeune Nietzsche, autant il est sans pitié pour Herman Hugenholtz.
On peut mesurer, à partir de ces jugements, le gouffre qui sépare le monde de Hugenholtz des sphères intellectuelles dans lesquelles se distinguera Lou Andreas-Salomé. L’association Herman Hugenholtz/Lou Andreas-Salomé paraît invraisemblabe, tellement leurs univers semblent s’opposer. Elle questionne en revanche les possibles motivations de Lou Andreas-Salomé.
En guise de conclusion ouverte : Lou Andreas-Salomé face à In den strijd om God
Ce qui se dessine ici, c’est un décalage. Tandis que, du côté allemand Im Kampf um Gott aide Lou Andreas-Salomé à se faire connaître auprès de la nouvelle génération de la scène littéraire, son autotraduction se trouve accompagnée d’un discours protestant moralisateur et suranné, qui ne peut que la disqualifier. Si, avec la triade Nietzsche-Rilke-Freud, mise en avant par l’autrice elle-même, puis par Ernst Pfeiffer, la postérité s’est habituée aux personnalités brillantes dont elle savait s’entourer (tout en en payant les frais, sa propre œuvre étant longtemps restée dans l’ombre), la publication du texte néerlandais s’apparente à une erreur de jeunesse, sinon de casting : ce n’est décidément pas le théologien Herman Hugenholtz qui allait permettre à la jeune Lou Salomé de se lancer sur la scène littéraire des Pays-Bas ! Choisir Herman Hugenholtz, c’était donc miser sur un mauvais cheval ; sa recommandation était selon toute vraisemblance contre-productive. C’est pourquoi l’on peut supposer que Lou Andreas-Salomé, la stratège, a préféré taire l’existence de son autotraduction. Mais pourquoi l’a-t-elle néanmoins réalisée ?
« Un auteur bilingue, surtout à ses débuts, publiera là où l’occasion se présentera33 » : l’opportunisme a-t-il joué dans le cas de cette autotraduction ? Le succès de Im Kampf um Gott surprend probablement la jeune autrice : rappelons que Lou Salomé ne connaît pas encore personnellement les auteurs des critiques enthousiastes – à l’exception de Nietzsche, avec qui elle a rompu entre-temps. Rappelons aussi que sa véritable percée ne viendra que quelques années plus tard, vers 1889, quand elle entre dans le cercle d’intellectuels qui se rassemble autour de la Freie Bühne34. Aussi pouvons-nous peut-être la prendre au pied de la lettre, voire extrapoler, lorsqu’elle écrit dans ses mémoires qu’elle était, au moment de la publication de Im Kampf um Gott, « ungebildet » (« inculte ») en ce qui concerne le monde littéraire35 : aurait-elle été tout simplement ignorante aussi du discrédit qu’une préface (et quelle préface !) venant de Herman Hugenholtz allait jeter sur son livre ? Avait-elle omis de prendre le temps de se renseigner sur son préfacier ? N’avait-elle pas lu le compte rendu que Herman Hugenholtz avait consacré à son roman et ignorait-elle du coup l’étendue du contresens ?
En effet, l’original et la traduction se suivent à quelques mois près. De toute évidence, les choses se sont faites dans la précipitation. Lou Andreas-Salomé a une grande capacité de travail, cela lui correspond bien de faire aboutir la version néerlandaise en quelques semaines de travail intense. Y aurait-il eu alors une répartition des tâches, Lou Andreas-Salomé préférant concentrer son énergie sur l’écriture de son texte ? Aurait-elle laissé la partie communicationnelle et administrative que génère toute publication aux mains de Hendrik Gillot36 ? Gillot a été son pilier à son entrée dans l’âge adulte, elle l’affirme dans ses mémoires à la fin de sa vie, mais elle en était tout autant consciente au début de sa carrière, toute jeune donc37. Serait-ce le témoignage de son inexpérience que d’avoir fait trop aveuglément confiance au prédicateur Gillot – lui-même piégé dans son propre réseau –, dans le sens où l’amitié pour le demi-frère de Hugenholtz aurait pris le dessus ? Il se peut que Lou Salomé ait laissé faire Gillot par manque de temps, choisissant de se consacrer au remaniement du nouveau texte néerlandais avec l’exigence littéraire qui la caractérise. Cette hypothèse suppose un lien privilégié avec le néerlandais qu’elle aurait ainsi choisi pour faire œuvre littéraire.
On peut aborder la question différemment : et si c’était en toute connaissance de cause qu’elle aurait laissé le sort de son autotraduction aux mains de son ancien professeur, indifférente autant à Herman Hugenholtz qu’au monde des lettres néerlandophones en général ? Autrement dit, comment Lou Andreas-Salomé se situe-t-elle par rapport aux hiérarchisations décrites plus haut : se traduit-elle de l’allemand vers le néerlandais en étant consciente des enjeux hégémoniques dans les relations germano-néerlandaises ? Aurait-elle été consciente du fait que, dans le dessein de se faire une place au sein de la littérature allemande et donc d’entrer dans le canon national, une deuxième langue dessert a priori ? À quel point Lou Andreas-Salomé, la cosmopolite, était-elle libre de préjugés à l’égard du néerlandais ? In den strijd om God, publié dans une autre édition néerlandaise, aurait pu lui permettre une entrée sur la scène néerlandaise. Imaginons un peu : Lou Andreas-Salomé assurant un rôle d’intermédiaire entre Berlin et Amsterdam… mais l’aurait-elle souhaité ? Ne serait-elle pas plutôt dans la lignée de son ami Ernst Pfeiffer, œuvrant pour qu’elle entre dans le canon de la littérature nationale allemande comme amie des fondateurs de la modernité ? Mais à quel degré cela est-il valable ? Et n’y aurait-il pas des évolutions à observer de son vivant ? Le chapitre sur le rapport de Lou Andreas-Salomé au Néerlandais est loin d’être clos.