L’irruption du dialecte à l’académie

Giovan Paolo Lomazzo et l’Accademia della Valle di Blenio

DOI : 10.35562/celec.203

Plan

Texte

Une académie littéraire de faquins présidée par un peintre aveugle. Voilà la formule qui présenterait le mieux, dans toute sa bizarrerie maniériste, l’Accademia dra Vall d’Bregn, créée en 1560 avec à sa tête, à partir de 1568, Giovan Paolo Lomazzo. En parallèle d’une carrière de peintre portraitiste à succès et, avec plus d’intensité encore, après un accident lui faisant perdre la vue, il produit avec passion et prolixité des ouvrages en italien (aussi bien des rimes que des traités de peintures) et en 1589 publie ses Rabisch à Milan, dont la seule édition moderne de 1993 par Dante Isella fournit de précieuses informations lexicales et philologiques1. Le titre est une déformation dialectale, et l’on verra de quel dialecte il s’agit précisément, du mot « Arabeschi », terme technique de la peinture faisant référence à des guirlandes tressés de branches portant fleurs, fruits ou animaux. Le recueil fait écho aux Grotteschi du même Lomazzo publié en italien deux ans plus tôt2 et se place dès son titre dans le domaine pictural, visuel, de la bizarrerie enchevêtrée des bas-reliefs. Cette fois-ci cependant, Lomazzo n’est pas le seul auteur du texte, avec lui viennent les Facchini dell’Academia, c’est-à-dire ses membres : en effet, le recueil est écrit à plusieurs mains, et même dans différentes langues. Divisé en deux parties éditoriales, mais en réalité en trois, il se compose d’une masse imposante de sonnets en l’honneur de Lomazzo, appelé aussi Zavargna son nom d’académicien, et abate (« nabad »), c’est-à-dire président de l’académie, puis suivent en prose les descriptions des statuts de l’académie, des modalités d’entrée et de ses éléments symboliques, et enfin les textes des Rabisch à proprement parler : des poésies de circonstance aux descriptions d’aventures quotidiennes, des éloges littéraires aux emportements colériques face aux censeurs, les compositions de cette partie s’enchaînent presque exclusivement en lingua facchinesca.

Humilité, universalité linguistique et philosophie bachique

Pour comprendre l’origine supposée de cette langue il faut remonter à l’histoire des migrations de population en Lombardie. Dans la Milan du XVIe siècle, les serviteurs des familles bourgeoises et nobles proviennent, comme souvent, des campagnes, et plus particulièrement des vallées environnant Milan, au nord de la Lombardie principalement. Ainsi on trouve dans les descriptions de l’époque des traces de serviteurs venant de la Valtellina, de la Valtravaglia, de Bellinzona, etc.3 et parmi elles la vallée de Blenio. Les serviteurs arrivés à Milan se rassemblent par lieu de provenance et créent ainsi des foyers dialectaux, de langues lombardes, certes, mais toutes différentes du milanais citadin. Dans la deuxième moitié du XVIe siècle des peintres, des sculpteurs, graveurs, architectes, ingénieurs et même un homme d’arme choisissent de quitter, le temps des réunions d’une académie, leur nom et leur statut social pour devenir tous des facchini, les portefaix que l’on traduira par faquin par imitation, parlant la langue de Blenio. Le choix est explicité dans la présentation en prose de l’académie par Lomazzo / Zavargna :

Gh’è dra scient ch’o ’s pensa foss, per avè mudad i sû nòm magnifich per intrà in dra vall de Bregn in nòm bass e da facchign, che ra soa profisiglion e ra soa influenza siglia vil a facchinesca com’ anch pr nòm. Ma costor no sagn quòl che se scianscian perchè cost o r’è stà facc accigliochè sòtt or segn dra umiltà pòssegn demostrà ar mond ra grandezza dor sò insciegn4.

Les académiciens font donc le choix volontaire de l’humilité, non pas comme valeur en soi, mais comme moyen de prouver leur qualité, hors du statut social de leur naissance. De plus, l’académie, caractéristique topique de ce type d’assemblée, se pose en faux, s’oppose, écrit contre. L’auteur continue : « a confusiglion de cogl’ ch’o pensan ch’o siglien bogn se non da fà gneregad e bagliad sempigl, e ra ignoranza mader di minciogn e sorella di bigl’ in banch fa spess vûlt sbarbottà ra canaglia5. » Premier chapelet d’insultes contre leurs détracteurs cette affirmation montre que l’humilité est en réalité une arme d’opposition. Et avant de définir qui sont ces « minchioni », cette « canaglia », qui, on le verra, est polymorphe, il faut s’arrêter sur les caractéristiques linguistiques du dialecte de Blenio.

Il est inutile de préciser que cette langue n’est pas la retranscription exacte et authentique de la langue des serviteurs originaires de la Vallée, tout simplement parce qu’aucun des membres n’en est originaire, tout au plus en est-elle l’imitation outrée. Un appendice au texte des Rabisch donne des informations sur sa formation : tout d’abord elle dérive du toscan, et non directement du latin ou du milanais (« di questa lingua, la quale dipende, ma rozzamente dalla lingua Toscana6 ») et ses caractéristiques morphologiques les plus évidentes, pour n’en citer que quelques-unes, sont le passage du double n en gn, retranscription de la palatalisation, ainsi que de celle du i en igli avec des mots donc comme « siglia » pour « sia », dans la citation précédente, ou ailleurs « introduçiglion » ou bien encore Giuliano qui devient « Sluriglian ». De nombreux traits sont communs avec le milanais, comme le remplacement en finale de t par c, « tutto » devenant « tucc » (mais souvent « tutt’ »), mais attention aux erreurs : « bisogna avvertire che nel c, che entra in loco del t, di non fare errore, perché in vece di parlar di Bregno si parlaria Bergamasco, o da Villano7 ». Le mépris est explicite et, première des nombreuses contradictions de l’académie, si les Facchini de Blenio sont au bas de l’échelle sociale, ils trouvent tout de même qui leur est inférieur en la personne des Villani de Bergame ! La langue elle-même apparaît donc à la fois comme un jeu linguistique (en faire dériver la morphologie du toscan et non des langues anciennes montrent qu’il s’agit plus d’un code que d’une nouvelle langue) et comme un moyen d’exclusion d’autres groupes linguistiques. Pourtant, et c’est le paradoxe, l’utilisation de cette langue a un but précis, nous dit le même appendice : « questa lingua, con la quale tu potrai dire tutto quello che ti verrà in pensiero8. » En bons hommes de lettres du XVIe siècle, les faquins de la Vallée se posent la question non pas de tant de l’universalité de langue mais de la capacité de la langue à dire l’universel. Et ce n’est pas sans une référence biblique implicite aux actes des apôtres que se termine la leçon de langue, avec la volonté de parler, en toutes les langues et dans le monde entier, de la langue de la Vallée, la volonté en somme d’une renommée universelle d’une langue réservée à un petit groupe : « mì e di sù fidil soghitt, ò sper prest de da fura gran quantitad di sversagl’ de divers lenguag à honò de costa grandissima Vallada de Bregn9. »

Pour atteindre cette renommée, les faquins de Blenio utilisent une structure traditionnelle des académies à l’image des autres académies milanaises (les Trasformati, créés en 1548 et les Fenici en 1552) et des académies dont ils croisent les membres (comme le célèbre Panza de Pegora, comico dans l’académie des Gelosi), mais une structure inspirée de son lieu de création. À sa tête un abbé (et le mot n’est pas désémantisé : ils vouent un véritable culte littéraire au dieu Bacchus, « Baccogn »), autour de lui les Sept Sages (souvent membres fondateurs ou membres anciens), puis un Conseil, « Consigl Sapiglient », où chacun a sa fonction (gonfalonier, huissier, général, peintre, sculpteur, astrologue…), le groupe des Douze Défenseurs de l’abbé Zavargna et de la Vallée et enfin une liste de membres (une centaine environ), tous identifiés dans le volume sous leur nom d’académicien et non d’état civil. On remarque que l’organisation est très hiérarchisée avec un mélange de termes religieux, militaires et artistiques et elle rappelle l’organisation politico-sociale de la Milan de l’époque : sous le Gouverneur (abate ici), la noblesse au sein de laquelle se distingue, par son ancienneté, le patriciat (le conseil des Sept Sages rappelle les sept Vicari Generali), au Conseil Savant correspondrait les Sessanta Decurioni où chaque juge à sa propre fonction, et enfin, les Douze Défenseurs de la Vallée sont à mettre en parallèle avec I Dodici di Provisione milanais, défenseurs de l’organisation, en particulier financière, de la ville. La hiérarchie des faquins de la Vallée semble donc le miroir brouillé, en arabesques et à travers la réduction pseudo-populaire, de l’organisation civile milanaise.

Les symboles ne sont pas absents du déroulement des séances et nous permettent d’en savoir plus sur l’identité supposée des faquins. Ces symboles, dont certains sont présents sur l’autoportrait de Lomazzo en abbé conservé à la Pinacoteca de Brera, sont expliqués dans les statuts de la Vallée : l’abbé doit porter un habit en peau de chevreau, symbolisant son humilité ; sur son dos, un sac de toile, vide au début de son mandat et se remplissant des cas qu’il devra prendre sur ses épaules ; une corde pour lier fagots de sarment de vigne, une bouteille transparente remplie de vin rouge (le symbole est le suivant : l’abbé ne doit rien cacher au conseil de même que le vin, bon ou mauvais, n’est pas caché dans la bouteille). Les éléments vinicoles s’enchaînent et s’accumulent : tresse de vigne et laurier, sceau de Blenio montrant une outre permettant de boire le vin au bout d’un tube, une hotte pour le raisin, etc. De même, lorsque les statuts citent les questions que doit poser l’abbé à un nouvel arrivant, celles-ci ne sont pas du tout d’ordre littéraire, artistique ou même moral : on lui demande comment on lie le foin, de quel type de corde on doit user, comment doit être faite la hotte, comment on doit y protéger le raisin, quelles sont les conditions d’un bon vin rouge, d’un bon vin blanc, puis comment on doit aiguiser ses couteaux pour dépecer les chevreaux, comment on les dépèce et comment on en prend la peau. Des réalités bien lointaines des aspirants académiciens, tous milanais ou du moins citadins. Les faquins qu’ils incarnent sont donc des ouvriers agricoles et des bergers et cela permet aux membres de souligner l’importance fondamentale, dans une académie bachique, de la bonne chère et du vin, thèmes récurrents des compositions poétiques. Cette importance des sens, et en particulier du goût est soulignée dans les conditions d’accès à l’académie :

Ch’o ’s mostra tutt col ch’o’s sa fà con ra penna in magn da col ch’o vûl intrà in dra vall. Ch’o no s’ascieta onzugn s’or no n’è virtuglios in qualcòsa, e principalmente in degl’ art liberal. Che gl’interogaçiglion o’s fagan pos ra gneregada ch’o farà corù a tucc i savigl de Bregn cor Nabad10.

Bien entendu ce sont les qualités artistiques qui priment, mais on voit l’importance de la convivialité de Bacchus. On retrouve le mot « gneregada » qui figure dans le lexique final publié par Lomazzo, mot forgé par l’académie et dérivé du verbe gneregà : bere bene. Outre le plaisir de l’ébriété, le vin a une vertu majeure au sein des académiciens : in vino veritas, il permet d’accéder à la vérité en vertu d’un jeu de mot autour d’esprit. « per i frasch de vid o’s vegn a savè ch’o r’ha da spervegnì in tucc i còss per mezz dor furò dor vign e dor spirt dra sustentaçiglion tutt sgurad e begn ciaer e nett11 » Le spiritueux permet à l’esprit de mieux voir, mais il doit toujours être accompagné de « la resogn e ra giustiçiglia12 », nous dit la liste des symboles de l’Abbé. Par le vin, on acquiert, la connaissance, en somme, et les faquins sont tous « verament amadò de tucc i sigliençigl e ch’in tutti i còss, con tutt i sò rasogn probabigl e manifest, o gl’ign scienta da respond a tucc13 » Par le vin, la connaissance de la vérité (« ra Vall de Bregn […] dra veritad ra vera mader14 »), et par la connaissance, la sagesse et la cohésion du groupe.

« Minchioni », « canaglia », « scannalettere »…

Si l’on continue en effet l’extrait précédent on lit : « ar despett de quant scanna letter e sguarta dottrina15. » Minchioni, canaglie, scannalettere, sguarta dottrina, et ailleurs « poglita magher e sciarlonera16 » ou encore :

Sto gòff ingnoranton nassù in dra fanga,
E figlû dor ligliam in digl’ albiû,
Ch’o vagan, i gavasc da mangiò ganga,
A disputà in di stall con tutt i bû17 !

De véritables chapelets d’insultes, à caractère fortement scatologique, parcourent tout le volume et en particulier les vers de Lomazzo. Si l’abbé est si violent envers ses détracteurs c’est qu’il est animé d’une rage littéraire qu’il appelle à plusieurs reprises « furò poetich » (d’abord sur le frontispice même des Rabisch où il annonce que si le portait qui y figure représente son visage poétique, c’est dans l’œuvre qu’on trouvera sa fureur : « Guarda chi or viser, me furò ch’in drupra18 », ensuite lors de l’explication des symboles académiques, liée à la gourde de vin, le Galeone, « s’ha in magn driccia on Galigliogn col sò sporetta ch’o spòrsc par memòriglia agl’òmen dor furò poetich19 »). Bien entendu il est difficile de donner une explication à l’origine de cette fureur mais surtout elle est alliée à une grande méfiance de toute personne extérieure à l’académie. Dans une longue composition où il fait parler l’ours empaillé de l’Osteria dans laquelle l’académie se réunissait, il dresse un portrait désabusé de l’humanité et surtout enseigne à ses oursons : « Ma te vugl’ dà quòst avis a tì Orsign / Buttet rabios intant te sé pisnign20 », la rage est un attribut de la jeunesse dont il faut savoir tirer parti, quitte à se démarquer de la morale : « Robba s’te pò e scappa sciù in di legn, / Sgrafigna e mord e fusc, spacca i remò / Diventa sassign21 ». Bien entendu, il s’agit là d’un enseignement métaphorique d’un ours à ses petits mais la raison en est explicitée plus loin, quand il explique qu’il faut faire du mal avant qu’on ne vous en fasse :

Regordet anch, Orsign, s’or te acadess
che quaglgherugn te gness a fà carezz,
da stà fort fign ch’a t’hign begn begn appress […]
E com’ t’ é begn sagòll […]
dagh ona dentada de tal sort
Ch’ol resta senza nas ò viv ò mort22.

L’ours empaillé, désenchanté, demande à ses petits de se méfier de la cruauté humaine, et il faut bien noter que dans l’ensemble des Rabisch, Lomazzo et ses académiciens de déchaînent contre leurs ennemis avec une force bestiale.

Ces ennemis qui sont-ils ? Bien qu’ils ne soient pas explicitement cités, leur portrait est dressé en négatif à travers les insultes. Ils sont, on l’a dit, des « scanna lettere », ce sont donc des hommes de lettres avec une tendance à jouer avec les mots, à les décortiquer, à « sguarciare la dottrina » à théoriser sur la littérature, et plus précisément ce sont les poètes parnassiens. En effet lors d’un dialogue en italien et en langue faquinesque entre Zavargna et un aspirant académicien, celui-ci explicite les insultes de l’abbée : « fantaccin di Parnaso » « Pedanti / Che non san tre vocaboli tegnosi23 ». L’autorité des auteurs parnassiens est remise en cause, autant que leurs véritables connaissances linguistiques. Et le jeune Napiogn continue en s’en prenant aux mauvais poètes :

Miser è quel che senza sale
In zucca a’ dotti in versi vuol far guerre,
[…] facendo conto aver per lingua spada
E per penna coltel che scriver rada24.

Leur langue est pauvre, leurs écrits vides bien que volumineux (« E ’s vûn fà impì, tirad ch’abben i pé / Di sò forfantarigl’ più ’d scent palpé25 »). La parodie de poésie parnassienne est l’arme la plus efficace et lorsqu’ils narrent un fait divers (le comte Pirro Visconti sauvant trois nobles dames de la noyade), les académiciens usent de la répétition du même mot « grâce » à la fin de chaque vers pour montrer le caractère ampoulé d’une telle poésie :

Magldè, on alt’ diss pû, gl’hign i trè Graçigl
Ch’hin droccà sciò per ess tucc in desgraçigl
De Gliòv, patrogn di graçigl,
Ch’o gh’ha dacc sta desgraçiglia
Par no possè avè graçiglia
D’on pochin dra soa graçiglia,
Ma’l gran Pirr gl’ha tracc fò da sta desgraçiglia
Par acuistà par lù la sova graçiglia26.

Tous les dérivés des trois grâces apparaissent dans cette description, et à cette extase poétique face à l’héroïsme de Visconti, qui par ailleurs est le mécène de certains d’entre eux27, l’académicien faquin répond par un pragmatisme moqueur, entre deux éclats de rire face au ridicule précieux :

Parchè o’n posseva mò più dor sghignà
Par sti bagl’, digh pû : gl’hign tucc canzogn,
Par dilla com’ ra stà
Con ra vera rasogn,
Gl’hign lor trè femen bell
E lusent come stell,
E’l Cont gh’è nà a iutagl’ scì bonament,
Con’ s’a gl’ ghe fuss sorell, ò alter parent28.

L’épisode est raconté ici dans toute sa simplicité (on notera que le pseudo-faquin se permet tout de même l’usage de la comparaison, certes topique mais présente tout de même), et sa version figure en fin de composition, empêchant ainsi toute réplique du pédant.

C’est dans une composition en latin macaronique que Barba Tognazzo, un des douze défenseurs de l’académie, s’en prend le plus explicitement à la littérature parnassienne. Les muses macaroniques y saluent la muse de Blenio et la félicitent de son choix de les rejoindre :

Tu quoque Parnasi cunctam sprezzando Canaiam
Plenaque lusinghis dulcia verba malis,
Virgiljque phrases et tales minchionarias,
Nostro more canis quae tibi cunque parent29.

L’association parnassiens / minchioni ne fait ici plus aucun doute et un programme littéraire se profile : s’éloigner de la douceur poétique et linguistique. Quelques vers plus loin l’objet de la critique expose les risques encourus par de tels poètes sont exposés :

Vidimus alcunos, nimium cercando polidam
Parlandi foggiam (carega gnuca nimis
Illos ingenio) mattos venisse catenae.
Haec sunt stantandi premia digna sui30.

Il n’est pas bon à tout le monde de chercher la langue parfaite. Les réflexions linguistiques peuvent mener à la folie et ne rapportent rien. Les faquins de Blenio s’insèrent donc dans les débats linguistiques qui leur sont contemporains et s’opposent à une autorité qui voudrait réguler la langue avec de nouvelles formes artificielles. La poésie amoureuse est elle aussi parodiée, mêlant éloge amoureux et références grivoises, à la douceur de l’amour répond la violence de la frustration sexuelle : dans une « Mattinad à la Rosetta », Zavargna loue les beautés de Rosetta mais veut surtout qu’elle s’occupe de ses « braga31 ». Outre les poètes parnassiens, le groupe des « minchioni » parle aussi la langue des courtisans qu’il faut fuir absolument :

Fuscim donca da Miragn
E tornem a stà sciò in Bregn
Che i fachign e i cortesan
Magl’ insema no stagn begn32.

L’intolérance face aux courtisans et à la vie citadine est telle que souvent les académiciens menacent de fuir Milan, ville qui est pourtant la leur pour la plupart : « A Miragn magl’ pù m’intrigh / Con sta scient fastidigliosa / Più ca ’gl mosch al temp di figh33. »

Courtisans, poètes parnassiens et surtout prescripteurs de la langue sont donc les ennemis principaux des faquins de Blenio. Si aucune académie ni théoriciens ne sont décriés explicitement les références ne laissent pas de doute sur leur rapport à l’autorité linguistique et leur place dans les débats de l’époque. Et s’ils sont si virulents c’est qu’ils proposent, quant à eux, une nouvelle langue s’adressant aux sains d’esprits (« sanos viros » nous dit le poème macaronique)34.

Le programme linguistique de Zavargna est exprimé dans un sonnet caudato qui lui-même est un jeu poétique. Le « Paregiament dor Compà Vinasc » est entièrement fondé sur les rimes en -agg, -egg, -igg, -ûgg, à l’exception du dernier distique. L’accumulation crée un effet sonore rugueux qui est revendiqué dans la chute du sonnet :

I vugl’ begn mì, sti tà poglita vigg,
Casciagl’ sciò par i stall a mazzò e strigg,
Che spess come i lantigg,
O vugl’ ch’o vegnen fûra i versigl mé
Ch’o faran stupì or mond tutt quant ch’o r’è35.

Une langue et une poésie qui râpent et brossent le crin, une langue qui crée des vers épais comme des lentilles, une langue surprenante enfin. Zavargna ne peut être plus clair qu’en utilisant ses rimes dures de doubles c e doubles g, et des métaphores chevalines et alimentaires. Il faut que la bizarrerie règne sur la poésie (lors d’un éloge à un compagnon il écrit, à la chute du sonnet « Parchè ch’o s’ ved in tì quòl che fass pò / Con ra discreçiglion e interigençiglia, / Ch’o ’t dà la fam segond toa bizzariglia36 »). Une telle poétique peut utiliser à son avantage l’argot des vagabonds, comme en témoigne le « Sonetto in lingua gerga », dont on comprend l’hermétisme dès le premier quatrain, en toscan :

Se questa Serpentina è Zoannesca
Per non esser Simone da Piasenza
Sappi che’l Gobbo incalza in bruna lenza,
Marchesco un zappa in verbosa furbesca37.

Les règles de la bienséance ne viennent pas déranger la fureur poétique des académiciens, bien au contraire, la licence sexuelle use d’images bien peu codées pour définir l’inspiration poétique. Dans un sonnet à la muse de l’académie, nommée Bettòra, Zavargna lui demande de lui envoyer l’inspiration :

Deh, abbem piglietà, vût che m’appicca ?
Bettòra dolza pù ca’r marzapagn.
Ar corp ch’o ’in digh d’on cagn,
S’ o ’t squitt adòss o ’t fasc fà crigliatur
Ch’in mezz’ora faran trenta portur38.

C’est bien en éjaculant sur sa Muse que celle-ci lui donnera de nombreux petits poètes-faquins. L’académie descend directement de Jupiter par le biais de Bacchus, et c’est alors aux faquins d’en maintenir la pérennité, par la fureur fertile de leur création poétique et de leur langue. Celle-ci naît d’une antithèse qui exprime sa nature, dès la toute première composition du recueil :

Ho scricc tucc quant […] in rengua
Ed Bregn pù dolza ca ra merda d’avigl,
Dolza no in bocca scià nè in su ra lengua,
Ma’d drent dol còrp sì begn è dolza ed sòrt
Che per dolzezza or cûr par ch’o’m deslengua39.

Une nouvelle fois ce parler faquinesque fait mal à la langue et à la bouche tant il est rugueux, mais il est doux comme le miel, cet excrément des abeilles, et tient au corps avec une douceur à faire fondre le cœur. Un telle définition oxymorique de la langue correspond au goût de la bizarrerie visuelle de Zavargna mais souligne également son efficacité, voire sa supériorité par rapport aux autres langues. Il y a en effet chez les faquins de Blenio un nationalisme lombard revendiqué. Zavargna s’étonne même que l’on puisse à Milan parler une autre langue :

Ho intes […] che sciert Signò
Ch’o ’s tegnen di più nòbel de Mirang,
Vûn studiglià sora al parlà Toscagn
E renegò ra patriglia ond ign nassù40.

La langue naturelle est donc bien le lombard, et le toscan devient la langue livresque, comme la définit Isella dans son commentaire, mais leur langue est avant tout une langue politique, permettant de s’opposer (une nouvelle fois) à l’attaquant voire à l’occupant. Zavargna prend ainsi pour exemple le Marquis de Marignan, surnommé Medeghino, qui a réussi à s’opposer à Francesco Sforza en parlant le dialecte : « Or Medeghign Marchis, / Che anand a dré ar parlà dra soa natura, / Miss ar sò Duca e a tutt or mond pagura41 ». Les minchioni ont perdu leur force à cause de leur langue, de même que Marignan reste féroce et intimidant par la pureté naturelle de son parler. L’opposition politique passe par la langue, revendiquée comme authentique et populaire. Et bien entendu au sein des langues locales, le faquinesque reste la plus efficace :

O poveri Toscani attanagliati
Sfrosator de’ latin, rozzi pedanti,
O Bergamaschi tondi rapezzati
Che vi pasete sol de’ propri vanti […]
Non stancate più penne, non volgete
Più fogli, perchè degni non essete42.

Langue supérieure aux autres, le faquinesque n’exclut cependant pas le plurilinguisme. Dès les statuts : « Che tucc pòssen scrivv in che lengua ghe pias » mais « Che in Conseigl no ’s parla se nò dra lengua de Bregn43 » et pour vérifier que l’on parle bien les bonnes langues, il y a aussi un membre du Consiglio Sapiente, nommé « squaitò dor dì mal », découvreur de médisances et de mauvaises langues, dans tous les sens du terme. Le plurilinguisme est valorisé car il contient une dimension comique intrinsèque. Ainsi Zavargna loue son ami Bernardo Rainoldi, académicien influent, et en particulier sa connaissance des langues :

Sto varent òm ar me lesciè scià on bòtt
Sciert sognit stravagant c’heva compòst
De migligl lengu ar Ducca di Toscagn :
Or sòrt che ’d rid o’m vûss fà chigò sòtt44.

Les Rabisch sont donc un espace bizarre, un espace qui se présente dès le début du recueil comme un espace de liberté : « Liber te sé in tutt quòl che qui ’s pò dì / In nòsta lengua45 ». Avec l’équivoque « libero » / « libro » du dialectal « liber » la revendication est explicite : la Vallée se pose contre les contraintes linguistiques et poétiques, tout à la fois défendant sa nature originelle et la modernité (« veteri non pedonando modo46 ») et étant le gage, par le refus de son statut social et l’entrée dans l’art des faquins, d’égalité entre les hommes :

Persciò t’avis che tu te guard begn
Da n’ess trata anch tì par ogn minciogn,
Perchè o ’n ’s pòrta respett, cogl’ gliust in magn,
Più ar Prinçep ch’ar fachign o l’artesagn47.

La Vallée de Blenio à l’ombre de Borromée

Il est facile d’imaginer qu’un tel discours n’ait pas été du goût de l’autorité religieuse et morale d’un Charles Borromée qui, précisément pendant ces années, renforce ses actions et cherche à appliquer avec toujours plus de rigueur les directives tridentines. La menace du censeur est présente et tangible tout au long du texte, bien qu’il ne soit, bien entendu, jamais nommé. On comprend l’intensité de la menace à la lecture des statuts où il faut noter l’importance du secret dans le fonctionnement de l’académie. Les interdits sont nombreux et trouvent tous leur origine dans la crainte pragmatique d’une censure, voire des arrestations. N’oublions pas qu’à Milan l’Église est munie de son tribunal ainsi que de prisons appartenant à l’archevêché et tout le siècle est parcouru de débats sur son corps de police. Ainsi, il est interdit de se présenter à une réunion de l’académie sans avoir été interrogé par l’abbé (« Che onzugn no’s pòssa ascietò in dra Vall se no r’è admiss dar Nabad e interogad dar gran Scancieré48 »), il est interdit de publier une œuvre sans qu’elle ait été relue par le Conseil (« Che onzugn daga fû composiçiglion senza che ra siglia lesciuda in consegl’49 », et l’on notera que plus encore que « publier », le dialect utilise « daga fû », c’est-à-dire « fasse sortir », accentuant ainsi l’aura de secret), il est interdit de faire entrer aux séances quiconque ne serait pas de l’académie (« Che onzugn mena scient in consegl’ né in gneragada che non siglia de Bregn50 »), et inversement une fois exclu, il n’est plus possible d’y entrer (« Che tucc color che saragn spersciurò no pòssem magl’ più intrò in dra Vall51 » ). Par ailleurs l’anonymat hors de l’académie doit être respecté puisqu’aucun des noms d’académicien ne doit être prononcé hors des séances (« Che onzugn fûra dor Consegl’ po’s menziona cor nòm dra Vall52 »). Bien entendu certaines de ces règles existent dans d’autres académies mais leur insistance et leur récurrence montrent l’importance de la menace judiciaire sur les faquins de Blenio. Cette menace est bien réelle, comme en témoigne, mais toujours à mi-voix Compà Borgnign, à la ville Ambrogio Brambilla. Dans de longues stances (« stanzigl ») il raconte :

Sò begn che no ’r ’accad ch’o butta viglia
Gné inciòster gnè palpé gnè fiad né bricca
Par escusamm e dì che ra moriglia
N’abbia ingurà a Bregn sciugand a cricca,
Ma pòssiglia renegò par man de striglia
Ra fed de no mangià magl’ pagn de micca53.

Une fois décodée la langue et les métaphores argotiques, on comprend que son absence était due à son emprisonnement (« sciugan a cricca », équivalent de « planter des choux »), maudissant l’académie qui était la cause de ses déboires (« ingurà moriglia ») mais que jamais il n’a renié ses vœux envers elle (le pain blanc représentant bien entendu la qualité seigneuriale : en refusant d’en manger il symbolise son appartenance aux faquins). Voilà donc bien une victime des ennemis de la Vallée. Le récit continue, où il lutte contre les tentations de renier l’académie et de manger du rôti, une nouvelle fois symbole d’un rang social qui n’est plus sien. Brambilla, peintre de son état, enrichi par le commerce à Rome avec les huguenots, a bien dû manger au sens propre du rôti, mais la fiction académicienne d’une égalité des hommes devenus faquins prend, à travers son arrestation, un caractère bien réel et montre que la fureur poétique est également liée à une détermination idéologique. En effet, ses oppresseurs semblent l’avoir torturé (même si la torture peut être verbale uniquement, restons prudent) : « Inscì begn m’hagn frustad i tonegnon, / I Procurò cogl’ sbir fagand bravada54 ». Tout le système judiciaire s’en prend à lui en deux vers : les juges et leur grande toge, les procurateurs, les sbirri. On l’interroge, on lui demande de renier son appartenance aux faquins, et jusqu’au dernier moment il maudit la Valle mais ne la renie pas. Sa conclusion est qu’il faut se méfier de tout le monde, hors de l’académie, et il répète la règle « no faghé gnieregh con nessugn / Se prima no gl’hign begn interogad55 ». En somme le cas est réel, grave et la menace pèse sur l’académie. Cependant on ne trouve aucune trace précise de l’identité de ces juges : juges civils ou religieux ? D’où viennent ces grandes toges, du Duché, représenté à Milan par le Sénat ou de l’Archevêché sous l’ombre de Borromée ?

C’est une autre anecdote, racontée par l’ours empaillé de l’Osteria, qui, sous la plume de Zavargna, nous met sur la piste de la deuxième hypothèse. L’ours raconte tout ce qu’il a vu et entendu à l’Osteria, et en particulier, révèle l’identité de son premier maître : « Slurigl Clar », ou plutôt Aurelio Claro, « sì dòtt che fu / Rescient dor Re Filipp sora a quòst Stad / Col qual fign da pisnign son pû cressù56 ». C’est avec tendresse que l’ours nous parle de sa jeunesse avec Claro, et il continue sons récit sans ne citer plus personne. La fiche biographique publiée par Isella dans l’édition moderne nous éclaire sur ses actions. Rappelons que Milan au XVIe et durant tout le XVIIe siècle est divisé entre d’une part le Sénat, représentant la ville et la couronne d’Espagne et d’autre part la hiérarchie religieuse qui lutte pour faire entrer sous sa juridiction de nombreux procès et causes judiciaires, dans le but, bien entendu, d’assoir avec force son pouvoir57. Au sein de ces débats juridictionnels, Claro, sénateur et surtout Reggente del Consiglio d’Italia (c’est-à-dire représentant de la ville auprès de Philippe II) prend parti violemment contre Charles Borromée dans le débat sur la légitimité d’un corps de police archiépiscopal. Voilà donc que l’académie cite Claro, au moment même où elle est menacée et alors qu’un de ses membres est arrêté. Les grandes toges sont donc bien celles des religieux de Charles qui interrogent le faquin sur ses convictions, des convictions bien éloignées de la Contre-Réforme.

La confrontation avec Charles se fait, indirectement et implicitement, à travers la composition « Remò scià stà in Milan per la Prematica ». Il s’agit d’une longue liste de tous les petits métiers de l’art et de l’artisanat au sens le plus large (des orfèvres aux commerçantes du plaisir) qui souffriront de la Prammatica. C’est une loi somptuaire, promulguée en 1584 qui vise à réguler et à réduire les dépenses du luxe. Milan connaît plusieurs de ces lois somptuaires au XVIe et XVIIe siècle qui sont souvent, et c’est le cas de celle-ci, défendues voire provoquées par l’Église. Charles Borromée, dans les dernières années de sa vie, fait pression sur le gouvernement civil pour émettre une telle loi, alors que le Sénat y est réticent pour protéger les industries du luxe qui font la richesse de la région. Les faquins de Blenio (et en particulier Girolamo Maderno, auteur de ce texte), dans ces 338 vers tantôt pathétiques, tantôt ironiques, dénoncent la pauvreté qu’engendrera une telle loi, et, prenant position dans la querelle du luxe, s’attaquent ainsi indirectement à l’autorité religieuse, faisant fi des risques encourus.

Une dernière question se pose alors : pourquoi publier un tel ouvrage, un « livrasc » comme Zavargna l’appelle alors que l’académie doit rester secrète et que ses membres sont menacés ? Zavargna est abbé en 1568, les Rabisch sont publiés en 1589, alors que certaines compositions sont contemporaines de l’élection de Lomazzo. Les hésitations sont exprimées à nouveau par Borgign, celui-là même qui se fait arrêter : « E fû’d sta scient or Lucca / Imperem on librasc di nòst scriciur / Ch’o faran stà i minciogn ascos ar scur58. » Il faut donc attendre qu’un certain Lucca meure avant de publier ce livre, qui aura un grand impact littéraire. Isella assimile sans l’ombre d’un doute Lucca à Charles Borromée, sans cependant en expliquer le surnom – mais qu’il s’agisse de lui ou non, on comprend que l’ombre du censeur pèse sur les Rabisch et il se trouve que Charles meurt en 1584. Est-ce qu’en 1589 suffisamment de temps à passer pour permettre aux faquins de publier leurs œuvres ? Est-ce Gaspare Visconti qui lui succède avant l’arrivée de Federico est moins virulent ?

Malgré tout cela, malgré leur caractère polémique, leur opposition, sans faille et avec fureur, aux autorités littéraires et religieuses, et peut-être grâce à la protection du mécène Pirro Visconti Borromeo, les Rabisch sont publiés con licenza de’ superiori. Après eux se perd la trace de l’Académie des Facchini della Valle di Blenio…

Notes

1 Pour l’édition originale : Rabisch dra Academiglia dor Compà Zavargna, nabad dra Vall’ d’Bregn, Milan, Paolo Gottardo Pontio, [1589]. Pour l’édition moderne, de référence : Lomazzo G. P., Rabisch, a cura di Dante Isella, Torino, Einaudi, 1993. On citera cette édition sous l’abréviation Rabisch. Toutes les traductions sont les nôtres. Retour au texte

2 Lomazzo G. P., Grotteschi, Milan, Paolo Gottardo Pontio, 1587. Retour au texte

3 Pour la liste des vallées, voire l’introduction à l’édition moderne. Voir également Storia di Milano, vol. X, Milan, Treccani, 1996 (1957). Retour au texte

4 Rabisch, op. cit., p. 55. [Il y en a qui pensent peut-être que, parce qu’ils ont changé leurs noms magnifiques en bas noms de faquins, leur profession et leur influence sont viles et faquinesques comme leur nom. Mais ils ne savent pas ce qu’ils racontent parce que cela a été fait pour que, sous le signe de l’humilité, ils puissent démontrer au monde la grandeur de leur esprit.] Retour au texte

5 Ibid., p. 55 [n’en déplaise à ceux qui pensent qu’ils ne sont bons qu’à se souler et à brailler comme des idiots ; l’ignorance, mère des couillons et sœur des empotés, fait bien souvent jacasser la canaille.] Retour au texte

6 Ibid., p. 317 [de cette langue, qui dérive mais grossièrement de la langue Toscane.] Retour au texte

7 Ibid., p. 317 [mais il faut prendre garde à ne pas faire d’erreur dans ce c qui vient à la place du t, car au lieu de parler la langue de Blenio on parlerait le Bergamasque, la langue des paysans.] Retour au texte

8 Ibid., p. 316 [cette langue avec laquelle tu pourras dire tout ce qui te vient à l’esprit.] Retour au texte

9 Ibid., p. 317 [Ses sujets et moi, nous espérons écrire bientôt une grande quantité de vers dans des langues différentes en l’honneur de cette très grande Vallée de Blenio.] Retour au texte

10 Ibid., p. 67 [Que celui qui veut entrer dans la Vallée montre tout ce qu’il sait faire avec une plume à la main. Que l’on n’accepte personne qui n’ait de vertu en quelle que chose que ce soit, et surtout en les arts libéraux. Que les interrogations se fassent après une soûlerie que celui-ci offrira à tous les Sages de Blenio et à l’Abbé.] Retour au texte

11 Ibid., p. 63 [par les branches de vigne on comprend qu’en toute chose, grâce à la fureur du vin et à l’esprit de la sustentation, il doit arriver à voir tout limpide, clair et net.] Retour au texte

12 Ibid., p. 62 [la raison et la justice] Retour au texte

13 Ibid., p. 56 [Véritables amateurs de toutes les sciences et de toutes choses, et de leurs raisons probables et manifestes, ils sont capables de répondre à tout…] Retour au texte

14 Ibid., p. 109 [La Vallée de Blenio, véritable mère de la vérité] Retour au texte

15 Ibid., p. 56 […n’en déplaise à tous les égorgeurs de mots et déchireurs de doctrines.] Retour au texte

16 Ibid., p. 55 [des poètes maigres et menteurs] Retour au texte

17 Ibid., p. 186 [Ces gros imbéciles maladroits, nés dans la boue, / Engendrés dans la paille des fosses à purin, / Qu’ils aillent, avec leurs gueules à boire les eaux merdeuses / Se mesurer dans l’étable avec les bœufs !] Retour au texte

18 Ibid., p. 1 [Vois ici mon visage, et dans cet œuvre ma fureur.] Retour au texte

19 Ibid., p. 65 [Il a dans la main droite le Galeone, avec son bec tendu, pour rappeler aux hommes sa fureur poétique.] Retour au texte

20 Ibid., p. 214 [Mais, petit Ourson, je veux te donner ce conseil : / Sois en colère tant que tu es jeune.] Retour au texte

21 Ibid., p. 214 [Vole si tu peux, et enfuis-toi ensuite dans le bois, / Griffe, mords, et fuis, évite les plaintes, deviens un assassin.] Retour au texte

22 Ibid., p. 215 [Petit Ourson, s’il t’arrivait que quelqu’un vienne te faire des caresses, souviens-toi aussi de tenir bon jusqu’à ce qu’il soit près de toi, et quand tu seras bien rassasié, donne-lui un coup de dents tel que, mort ou vif, il en perdra le nez.] Retour au texte

23 Ibid., p. 187 [Fantassins du Parnasse] et [Ces pédants qui ne savent pas trois mots galeux] Retour au texte

24 Ibid., p. 188 [Malheureux est celui qui, sans plomb dans la cervelle, veut se mesurer aux savants à coup de vers, ayant comme épée une langue et comme couteau une plume qui écrivent mal] Retour au texte

25 Ibid., p. 189 [et une fois passée l’arme à gauche, ils font remplir cent volumes de leurs âneries.] Retour au texte

26 Ibid., p. 241-242 [C’est vrai, dit un autre ensuite, que voilà trois Grâces / Qui sont descendues ici, en pleine disgrâce / Par Jupiter, maître de la grâce, / Qui leur a donné cette disgrâce, / Et qui aurait pu leur faire grâce / D’un petit peu de sa grâce, / Mais si le grand Pyrrhos les a sorties de cette disgrâce / Il en a acquis quant à lui sa grâce.] Retour au texte

27 Voir pour cela l’ouvrage sur sa villégiature et l’emploi qu’il offrait à certains académiciens : Morandotti A., Milano profana nell’età dei Borromeo, Milano, Electa, 2005. Retour au texte

28 Rabisch, op. cit., p. 242 [Je n’en pouvais tellement plus de rire / De ces idioties que je dis : ce ne sont que des sornettes ! / Je vais vous dire comment vraiment ça s’est passé : / Il y avait trois belles femmes, / Rayonnantes comme le soleil, / Et le Comte les a aidées aussi bien / Que si elles avaient été ses sœurs ou d’autres parentes.] Retour au texte

29 Ibid., p. 17 [Toi aussi, méprisant toute la canaille du Parnasse et leurs doux mots pleins de flatteries mensongères, de phrases de Virgile et d’autres couillonnades, tu chantes ce que tu veux à notre manière.] Retour au texte

30 Ibid., p. 18 [Nous en avons vu certains qui, à force de trop chercher une manière distinguée de parler (poids trop lourd pour leur esprit) sont devenus fous à lier. Voilà ce qu’on récolte à s’y essayer.] Retour au texte

31 Ibid., p. 170. Retour au texte

32 Ibid., p. 179 [Fuyons donc Milan et retournons habiter à Blenio, car les faquins et les courtisans ne vont jamais bien ensemble.] Retour au texte

33 Ibid., p. 180 [À Milan, je ne me mêlerai plus jamais à ces gens plus désagréables que les mouches à la saison des figues.] Retour au texte

34 Le texte n’est pourtant pas dépourvu de jeux formels et de préciosités littéraires (voir les sonnets fidenziani, p. 43, p. 89, p. 103, etc.). Retour au texte

35 Ibid., p. 104 [Je veux les envoyer, ces vieux poètes, chercher des puces dans les étables ; et je veux les décortiquer avec plus que des râpes et des brosses, parce que je veux que mes vers sortent, épais comme des lentilles : des vers qui étonneront le monde entier.] Retour au texte

36 Ibid., p. 108 [Parce qu’on voit en toi ce qu’on peut faire avec la discrétion, l’intelligence, qui font ta renommée, avec ta bizarrerie.] Retour au texte

37 Ibid., p. 24 Il est difficile de donner une traduction de cet argot. On reconnaît certaines expressions telles que « Serpentina » qui fait référence à la langue, car « lingua serpentina ». Pour une version en italien « décodé » cf. l’édition moderne. Retour au texte

38 Ibid., p. 106 [De grâce, aies pitié de moi, tu veux que je me pende, ma Bettora, plus douce que la pâte d’amandes. Tu as un corps (qu’est-ce que je dis ?) de chien ! Si je te gicle dessus, je te ferai une ribambelle de gamins qui, en une demi-heure, porteront sur leurs épaules trente paquets.] Retour au texte

39 Ibid., p. 4 [J’ai tout écrit dans la langue de Blenio, plus douce que la merde des abeilles, douce non pas dans la bouche ou sur la langue, mais si bonne, si douce et si forte dans tout le corps qu’elle fait fondre le cœur de douceur.] Retour au texte

40 Ibid., p. 126 [J’ai entendu dire que certains Seigneurs, qui se considèrent plus dignes que Milan elle-même, veulent étudier la langue Toscane et renier la patrie où ils sont nés.] Retour au texte

41 Ibid., p. 127 [Mais le Marquis Medeghin, qui a toujours parlé selon sa nature, a fait peur ainsi à son Duc et au monde entier.] Retour au texte

42 Ibid., p. 187 [Ô pauvres Toscans receleurs acharnés du latin, grossiers pédants, Ô Bergamasques ronds et rafistolés, qui ne vous nourrissez que de vos seules vantardises […] N’épuisez plus vos plumes, ne tournez plus de pages car vous n’en êtes pas dignes.] On notera même dans une composition en langue italienne l’accumulation de formes régionales. Retour au texte

43 Ibid., p. 69 et 70 [Tous peuvent écrire dans la langue qui leur plaît] et [Au conseil on ne parle pas d’autre langue que celle de Blenio] Retour au texte

44 Ibid., p. 141 [Cet homme de valeur m’a lu un jour certains des sonnets qu’il avait composés en un millier de langues différentes pour le Duc de Toscane. J’ai tellement ri que j’ai failli faire sous moi.] Retour au texte

45 Ibid., p. 6 [Tu es le livre de tout ce qu’on peut dire dans notre langue / Tu es libre de tout ce qu’on dit dans notre langue.] Retour au texte

46 Ibid., p. 18 [ne marchant pas du pas des anciens] Retour au texte

47 Ibid., p. 183 [C’est pourquoi je te conseille, fais bien attention, faute de passer toi aussi pour un couillon : en présence des bonnes personnes, on ne traite pas avec plus de respect un Prince qu’un faquin ou un artisan.] Retour au texte

48 Ibid., p. 67 [Que personne ne puisse être accepté dans la Vallée s’il n’a pas été admis par l’Abbé ou interrogé par le Grand Chancelier.] Retour au texte

49 Ibid., p. 69 [Que personne ne donne à publier une composition qui n’ait été auparavant lue par le conseil.] Retour au texte

50 Ibid., p. 69 [Que personne n’entre au conseil ou lors des soûleries qui ne soit pas de Blenio.] Retour au texte

51 Ibid., p. 70 [Que tous ceux qui seront exclus ne puissent plus jamais entrer dans la Vallée.] Retour au texte

52 Ibid., p. 69 [Qu’en dehors du conseil on n’appelle personne par son nom de faquin.] Retour au texte

53 Ibid., p. 228 [Je sais bien que je ne dois pas gaspiller de l’encre ou du papier, ni même mon souffle ou rien d’autre pour vous demander de m’excuser d’avoir souhaité la mort de Blenio quand j’ai planté des choux. Mais même une sorcière ne me ferait pas revenir sur ma décision de ne pas manger de pain blanc.] Retour au texte

54 Ibid., p. 229 [Les grandes toges m’ont si bien fouetté qu’ils ont fait un affront aux procurateurs et aux gardes.] Retour au texte

55 Ibid., p. 229 [Ne vous soûlez avec personne que vous n’ayez auparavant bien interrogé.] Retour au texte

56 Ibid., p. 220 [Il était si savant qu’il fut Régent du Roi Philippe dans notre état, c’est avec lui que j’ai passé toute mon enfance.] Retour au texte

57 Voir à ce sujet Storia di Milano, vol. X, p. 200 et suivantes. Retour au texte

58 Rabisch, op. cit., p. 235 [Et quand Lucca ne sera plus de ce monde ; / On remplira un gros livre de nos écrits / Qui, à coup sûr, feront se cacher tous les couillons.] Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Stéphane Miglierina, « L’irruption du dialecte à l’académie », Cahiers du Celec [En ligne], 6 | 2013, mis en ligne le 01 juin 2023, consulté le 20 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/celec/index.php?id=203

Auteur

Stéphane Miglierina

Université Paris IV

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