Chrétiens et Sociétés XVIe–XXIe siècles, Le Calvinisme et les arts du XVIe siècle à nos jours

Numéro spécial n° I, LARHRA UMR 5190, Équipe RESEA (Religions, Sociétés Et Acculturation), 2011, 227 p., http://chretienssocietes. revues.org/2596.

p. 240-242

Référence(s) :

Chrétiens et Sociétés XVIe–XXIe siècles, Le Calvinisme et les arts du XVIe siècle à nos jours, Numéro spécial n° I, LARHRA UMR 5190, Équipe RESEA (Religions, Sociétés Et Acculturation), 2011, 227 p., http://chretienssocietes. revues.org/2596.

Texte

Le thème de cette publication est récurrent, mais c’est surtout dans des publications concernant le monde réformé dans son ensemble qu’il a fait l’objet d’enquêtes générales (les titres concernés figurent ici dans les notes p. 15 et 42). La présente publication se concentre sur le monde français, ce qui garantit une certaine cohérence. L’avant-propos d’Yves Krumenacker formule clairement les paramètres du thème : existe-t-il un art réformé, et si oui, quelles en sont les éventuelles caractéristiques ? La pensée et l’influence de Calvin semblent limiter de manière stricte les manifestations possibles d’un art chrétien (chanter la gloire de Dieu ; l’image signe et non représentation du divin ; les représentations profanes conduisant au Dieu invisible sans glorifier l’homme ; prédominance de la culture biblique, sobriété des moyens). Il reste aussi, sur le plan historique, à déterminer ce qu’est un artiste « protestant ». Beaucoup d’artistes réformés français ont travaillé dans des contextes catholiques (comme architectes, peintres, graveurs, etc. Le lien entre l’appartenance confessionnelle et les caractères de l’œuvre n’ont rien de nécessaire. Les études ici rassemblées recouvrent des aspects divers sur le plan chronologique, thématique et méthodologique, sans que soit perdue l’unité qui sous-tend la réflexion de l’ensemble. La pensée de Calvin est à l’honneur avec la contribution de Jérôme Cottin (« Métaphores du beau et signes visuels dans la pensée de Calvin »), qui expose l’importance des signes visuels dans la théologie du réformateur (y compris les sacrements). Vanessa Selbach traite de manière précise de « La carrière de Pierre Eskrich, brodeur, peintre et graveur dans les milieux humanistes de Lyon et Genève (ca 1550-1580) ». Cet artisan-artiste participe à de nombreuses entreprises qui ne sont que rarement protestantes d’inspiration, même quand la Bible est concernée ; il illustre la Sepmaine du poète réformé Du Bartas (mais ce poème biblique n’est pas confessionnel), et sa fréquentation intense de son milieu religieux n’a rien d’exclusif. Il semble que l’esprit de la Réforme ait favorisé chez lui un intérêt pour l’observation des phénomènes physiques et un style qui annonce un certain naturalisme. Jean-Michel Noailly présente une synthèse très informée sur le devenir éditorial du « Psautier des Eglises réformées au XVIe siècle » en débordant sur les siècles suivants et en soulignant le rôle des mélodies (et donc des structures strophiques des poèmes de Marot et de Bèze) dans la permanence de ce psautier. La reproduction de certains documents inédits (V. Conrart) enrichit ce dossier. Yves Moreau traite de « Jacob Spon et les arts : un savant dans la République des Lettres ». Le Lyonnais Spon (1647-1685) est l’inventeur de la notion moderne d’archéologie, il réfléchit sur le rôle des arts et applique son érudition à de nombreux domaines (médailles, sculptures, etc.) en s’intéressant aux realia et aux œuvres comme sources de connaissance historique. Seule sa position en matière d’iconographie religieuse semble déterminée par son appartenance confessionnelle. Julien Goeury (« Poésie religieuse des protestants français à l’Âge classique, entre évidence et dissimulation ») s’attaque à la question du statut de la « poésie protestante » en fonction des marqueurs confessionnels qui ne se limitent pas à des idées ou à une esthétique particulière : identification sociale de l’auteur, du libraire-imprimeur, péritexte du livre concerné, etc. Entre la conscience prophétique d’Aubigné ou de Labadie, et la dissimulation de l’appartenance ecclésiale, il y a bien tout un éventail de degrés de l’insertion plus ou moins prononcée dans la culture commune (censée catholique). Yves Krumenacker traite des « Temples protestants XVIe –XVIIe siècles » en en rappelant la morphologie, adaptée aux pratiques et aux rites réformés (plan simple, centré sur la chaire, facilitant l’écoute de la parole et le caractère communautaire du culte, et diffusant largement la lumière naturelle). On relève une symbolique biblique implicite, et un souci esthétique en accord avec les tendances tout à fait contemporaines de l’art. Parler d’austérité ne suffit donc pas à rendre compte de cette architecture fonctionnelle, au caractère identitaire affirmé. Hélène Guicharnaud s’intéresse au regard du pasteur libéral Athanase Coquerel fils (1820-1875) sur la Transfiguration de Raphaël, en rappelant la fortune extraordinaire de ce tableau, qui a pu passer pour le chef-d’œuvre du maître avant d’être violemment critiqué. Coquerel promeut un regard protestant positif sur l’art, en réhabilitant la dimension évangélique du tableau, quitte à se méprendre sur certains de ses éléments iconographiques. Cécile Souchon explore « Les avis des membres du Conseil des bâtiments civils relatifs aux constructions de temples protestants et à leur esthétique (XIXe siècle) », à une époque où le protestantisme français redevient visible dans le paysage. Une certaine médiocrité architecturale et esthétique de ces temples s’explique par la modestie des ressources financières et des compétences locales disponibles, mais aussi par le sens pratique et le conformisme du goût des membres du Conseil. Malgré leur spécificité, les temples s’alignent sur le modèle fonctionnel et d’inspiration néo-classique dominant à l’époque dans les autres bâtiments. Bernard Reymond clôt ce volume avec une étude sur « Les temples protestants réformés aux XIXe et XXe siècles ». Il souligne la rupture de la mémoire due, en France, à la Révocation de l’édit de Nantes, et présente un parcours chronologique qui va du goût néo-classique (cf. supra Cécile Souchon) aux expérimentations nouvelles à partir du second Empire : style romano-byzantin, etc., recherche d’un pittoresque nouveau (inspiration helvétique), modernisme d’un temple-auditoire conçu pour des conférences (Paris, Foyer de l’âme), et relatif retour aux images figuratives après 1918. L’étude des cas est précise ; il y a une confusion dans la localisation d’un exemple, entre le Temple de Passy et celui d’Auteuil (p. 214-215). Comme les contributions précédentes, on note au sujet de ces temples une économie de moyens systématique, nécessaire la plupart du temps, parfois plus volontaire, qui prend alors un sens symbolique et qui met en valeur le volume et la lumière pour servir les besoins propres au culte réformé. De nombreuses illustrations rendent parlants les propos rassemblés dans ce volume, qui, dans sa diversité historique et disciplinaire et son unité thématique (question d’une esthétique propre à une confession minoritaire), constitue une référence majeure sur le sujet.

Citer cet article

Référence papier

Olivier Millet, « Chrétiens et Sociétés XVIe–XXIe siècles, Le Calvinisme et les arts du XVIe siècle à nos jours », Les Carnets du LARHRA, 1 | 2013, 240-242.

Référence électronique

Olivier Millet, « Chrétiens et Sociétés XVIe–XXIe siècles, Le Calvinisme et les arts du XVIe siècle à nos jours », Les Carnets du LARHRA [En ligne], 1 | 2013, mis en ligne le 07 février 2025, consulté le 21 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/larhra/index.php?id=1188

Auteur

Olivier Millet

Université Paris-Sorbonne

Autres ressources du même auteur

  • IDREF
  • ISNI
  • BNF