Politique (histoire)

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micro-histoire, Annales, Pierre Bourdieu

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micro-history, Annales, Pierre Bourdieu

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Discours d'Édouard Herriot à l'inauguration du monument Jaurès, Castres, 15 mars 1925

Discours d'Édouard Herriot à l'inauguration du monument Jaurès, Castres, 15 mars 1925

Agence Rol, BnF

Politique (n. f.) : Une des trois idoles de la tribu des historiens.

Depuis plus d’un siècle, le mot « politique » renvoie à l’une des principales pommes de discorde entre les historiens. Comme substantif, masculin ou féminin, c’est un objet controversé : hégémonique avant la naissance des Annales, proscrit pendant des décennies, réhabilité, puis enfin normalisé, banalisé. Comme adjectif, il désigne à la fois une manière de faire de l’histoire, et une caractéristique de toute recherche historique. Au LARHRA, bastion d’une histoire économique et sociale, il n’apparaît nulle part nommément, mais il n’est pas absent pour autant.

La politique, le politique, les politiques : des objets d’histoire

Le terme « politique » est polysémique. Il désigne d’abord et avant tout des objets d’étude. Le politique, c’est tout ce qui concerne l’administration et le gouvernement de la cité. La politique, la concurrence pour la conquête, la conservation et l’exercice du pouvoir au sein d’un État, la rivalité pour les positions de pouvoir dans le champ politique, au sens de Bourdieu. Les politiques, ce sont les hommes qui s’adonnent aux deux activités précédentes, qu’on appelle aussi politiciens, mais également les actions qu’ils mettent en œuvre une fois en responsabilité.

Chacune des significations de ce mot correspond à un objet d’étude pour les historiens. Le politique est un domaine extrêmement vaste qui recouvre des modes variés de gouvernement et d’administration, à des échelles différentes. Il s’agit d’analyser les formes institutionnalisées d’organisation des sociétés humaines, ce qui peut mobiliser des approches transversales par l’histoire sociale ou culturelle, par exemple. Il en va de même pour la politique au sens de lutte pour le pouvoir : elle ne peut se concevoir sans interroger ses déterminants sociaux, économiques, culturels. Les politiques, en tant qu’acteurs, sont objets de biographies : c’est sans doute là que le reproche d’une histoire trop déconnectée des grands mouvements socio-économiques porte le plus. Mais c’est aussi une porte d’entrée dans l’étude de ce microcosme autonome — mais pas indépendant — à l’intérieur du macrocosme social qu’est le champ politique : à la manière de la microstoria, l’approche biographique éclaire alors la périphérie de son objet initial. L’étude des hommes et des partis est la clé qui permet la compréhension des dynamiques du champ politique. Les politiques mises en œuvre par ceux qui exercent le pouvoir sont pour leur part des objets d’étude dans les multiples domaines où elles se déploient.

Dans ces différentes acceptions, le mot « politique » désigne ainsi d’abord et avant tout un objet, un champ extrêmement vaste, qui se prête à des perspectives et des analyses variées, sans lequel l’analyse des sociétés humaines ne saurait être complète, et qui, à condition de ne pas le considérer comme le seul sujet digne d’intérêt, l’unique déterminant d’un grand récit de la nation ou de l’humanité, ne doit pas susciter de réticence particulière.

Une histoire politique en mutation

C’est pour contourner cet écueil d’une hégémonie aveuglante que l’histoire politique, au contact de ses contempteurs, s’est réformée et transformée. Loin de ces travers, du reste souvent exagérés, la tribu des historiens du politique, au XXIe siècle, ne construit aucune d’idole et ne se prosterne devant aucune image : elle se caractérise par un usage dual de la politique, à la fois champ et angle d’approche.

L’histoire du politique envisage le politique, la politique et les politiques en mobilisant les différentes approches de la recherche en histoire, et dans une perspective volontiers transdisciplinaire. Qu’elle soit une histoire sociale de la politique, culturelle du politique, ou encore des cultures et idéologies politiques, elle décortique le pouvoir, sa conquête, son exercice, ses acteurs, leurs actions et leurs motivations pour constituer, collectivement et par addition, une histoire totale du fait politique.

L’histoire politique aborde par l’angle du politique les champs qui subdivisent les sociétés. Elle s’intéresse aux rôles joués par le pouvoir politique, à ce qui influence et est influencé par la lutte pour la conquête et la conservation de ce pouvoir. À l’histoire culturelle du politique peut ainsi répondre une histoire politique de la culture, qui interroge la manière dont les luttes de pouvoir au sein du champ politique déterminent la production culturelle, les politiques culturelles et les cultures populaires.

L’histoire politique recouvre donc une grande variété de champs et d’approches, en complémentarité et en interconnexion avec les autres écoles historiques. Celles-ci sont du reste aux prises au jour le jour avec les luttes de pouvoir au sein du champ politique, qui déterminent en grande partie la pratique de la recherche en histoire. En effet, s’il est un poncif par trop usé d’affirmer que toute histoire est politique, le contexte de contraction continue des budgets de la recherche en sciences humaines au XXIe siècle nous conduit à interroger le sens de nos pratiques. Une recherche en histoire conduite aujourd’hui dans des conditions de plus en plus difficiles, par des chercheuses et chercheurs dont une partie non négligeable est précaire ou bénévole, n’est-elle pas, en elle-même, un acte politique ?

Illustrations

References

Electronic reference

Yann Sambuis, « Politique (histoire) », Les Carnets du LARHRA [Online], 1 | 2023, Online since 18 décembre 2023, connection on 19 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/larhra/index.php?id=877

Author

Yann Sambuis

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