Photo de la ville de Lyon, photographie Matthieu Bouchet
L’histoire urbaine a été un axe structurant des travaux du LARHRA durant sa première décennie, autour de trois courants :
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l’histoire urbaine et sociale lyonnaise, inspirée par les travaux fondateurs de M. Garden et Y. Lequin, poursuivie par J.-L. Pinol puis N. Coquery,
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l’histoire urbaine grenobloise, lancée par R. Favier, continuée par C. Coulomb et A. Béroujon,
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le centre d’histoire urbaine de l’ENS (à Fontenay Saint-Cloud puis Lyon).
Il était donc normal qu’émerge un axe « Villes » à la fondation du LARHRA. Cet axe a prolongé et modifié ses travaux dans plusieurs directions. La première fut un élargissement vers l’histoire politique, marquée par des changements de dénominations : « Villes, pouvoirs et sociétés » d’abord. Si le fait urbain demeurait alors toujours un objet de recherche à part entière, il fut décidé de faire évoluer les problématiques et d’ouvrir plus largement les perspectives de recherche sur la question des « pouvoirs » pour envisager une approche qui traiterait moins de la politique que du politique, donnant toute sa place à une histoire sociale du politique et du culturel. La thématique ville connut aussi un rapprochement avec la thématique religieuse, marqué par le colloque « Villes et religion » ainsi que par les travaux de B. Dumons et H. Multon sur les milieux contre-révolutionnaires et les cultures politiques blanches.
L’arrivée de chercheurs spécialisés dans les questions d’action publique (protection sociale et environnement), la création du Labex « Intelligences des Mondes Urbains » (IMU), les liens complémentaires avec l’UMR Triangle expliquent la mise en place en 2016-2020 d'un axe nouvellement dénommé « Action publique et mondes urbains », ouvert aux collègues et doctorants qui travaillent sur les questions de gouvernance et de régulations en milieu urbain. L’interface avec la question du politique et des pouvoirs s’est développée ensuite grâce au rapprochement avec la thématique de l’action publique (séminaire « Action publique et mondes urbains » organisé par C. Capuano et I. Moullier de 2016 à 2019). On entend par action publique l’ensemble des actions relevant de la sphère publique, qu’elles émanent d’institutions et d’acteurs publics (État, collectivités locales, etc.) ou privés (associations, entreprises, etc.) et ce, à différentes échelles d’intervention, du local à l’international. Dans cette optique sont étudiées les modalités d’institutionnalisation et de régulation des activités urbaines, tant sur le plan social, économique que culturel. Les travaux ont été structurés par quelques thèmes majeurs dont le point commun est l’appréhension de la politique et de l'action publique dans un cadre urbain ou prenant la ville pour objet : environnement, santé, protection sociale ; échanges, marchés, régulations ; écrire la ville : normes, pouvoirs, discours, pratiques.
Si l’histoire urbaine en tant que telle a donné lieu à une production importante de mémoires de master (sous la direction, notamment, de S. Chassagne, N. Coquery ou O. Faure) et de thèses (Sylvain Truc sur Grenoble, S. Frioux sur les défis édilitaires de l’hygiène urbaine), elle a perdu au sein du LARHRA son caractère central pour prendre une dimension plus transversale suite à une série de processus de circulations et d’hybridations qui témoignent des forces du LARHRA en tant que laboratoire d’histoire généraliste : permettre le décloisonnement des objets. L’histoire urbaine s’est ainsi réorientée autour de plusieurs axes, notamment l’axe « Régulations » regroupant les travaux sur l’économie urbaine, les marchés mais aussi les questions migratoires, d’autre part l’axe « Savoirs » regroupant à la fois les travaux sur l’éducation, les collèges urbains (B. Noguès pour l’époque moderne, thèse de S. Huitric pour l’époque contemporaine) et les travaux sur la ville comme lieu de savoirs, et enfin l’axe « Territoire Environnement Santé ».
Le séminaire « Villes et savoirs » organisé par C. Coulomb et I. Moullier avait ainsi interrogé dans les années 2010 le rôle des villes dans la production de savoirs à l’époque moderne et en retour les effets de ces savoirs sur la ville et l’espace urbain, notamment par la production de nouveaux types de publics et d’espaces publics. En abordant le rôle des différents types de savoir dans la construction et la définition d’un espace public urbain, il a fait dialoguer les perspectives et les méthodes de l’histoire urbaine, de l’histoire des savoirs et de l’histoire politique.
La thématique des savoirs de gouvernement a largement été explorée par les sciences politiques. Il est possible d’y apporter un regard plus spécifiquement historien, marqué d'une part par l'attention portée aux sources et à la diffusion de ces savoirs, d'autre part par l'inscription dans les pratiques sociales, l'appropriation des savoirs par les élites et par les groupes en charge des fonctions administratives. Cette spécificité historienne peut être revendiquée dans l'étude des normes : l'idée n'est pas de saisir leur ordonnancement comme le fait le droit, par exemple, mais de comprendre leur lien avec la pratique des acteurs, et ce dans le temps.
La période moderne est le creuset de nouvelles formes de savoirs sur les villes : histoires de villes, topographies urbaines, police. L'étude de l'évolution de ces formes jusqu'à la période contemporaine permet d'apprécier les conditions d'apparition de l'expertise urbaine. La ville est ainsi étudiée dans sa relation dialogique aux savoirs : lieu d'accueil et de pratique des savoirs, elle favorise aussi, par la mise en contact des praticiens, l'émergence de nouveaux savoirs et de nouvelles relations au savoir.
Enfin les questions environnementales (v. notice Environnement) et territoriales ont été abordées autour du lien entre environnement urbain et santé (v. notice Santé) depuis le 19e siècle. La pollution de l'air a été étudiée à travers l'investissement des professionnels de santé et la façon dont s'est construite une régulation publique en concertation avec les industriels et les grands intérêts économiques. Une autre piste a été celle des relations entre habitat et enjeux environnementaux : en amont, l'impact environnemental de la construction des grands ensembles ; en aval, les interactions entre leur réhabilitation sociale et leur réhabilitation environnementale. Le choix de la construction et du logement permet de démontrer que les enjeux sociaux et urbains doivent être placés au cœur de l’histoire environnementale, comme le montrent les travaux de Gwenaëlle Le Goullon. Ces chantiers thématiques ont été menés en complément d’une enquête sur la place tenue par les problèmes urbains dans la naissance des politiques publiques de l'environnement (années 1960-années 1980), à travers l’étude d’une action publique au sens large prenant en compte les actions portées par des associations ou des institutions parapubliques et en utilisant le jeu des échelles locales et nationales (programme ANR Transenvir coordonné par Stéphane Frioux).