Alla Golovina, poétesse de la jeune génération de l’émigration russe, et ses rapports avec Marina Tsvetaeva au prisme de son œuvre et de ses marginalia

  • Alla Golovina, a Poet of the Young Generation of Russian Emigration, and her Relationship with Marina Tsvetaeva Through the Prism of Her Work and Her Marginalia

DOI : 10.35562/marge.1334

Résumés

Alla Golovina née baronne de Steiger (15(28)/07/1909-02/06/1987) est certes une poétesse émigrée russe peu connue du lecteur français, mais qui peut représenter par une sorte de métonymie toute cette effervescence artistique en exil dans la période de l’entre-deux-guerres. Après la mort de la poétesse, une partie de sa bibliothèque a été transmise au Fonds Saint-Georges de Meudon. À partir de 2002, ces documents sont conservés aux fonds slaves des Jésuites de la bibliothèque Diderot de Lyon. La poétesse a laissé les traces de sa vie et de ses lectures dans ses livres sous la forme de notes, d’inscriptions, de dédicaces et de photographies. Dernièrement, en mars 2023, ces matériaux ont été complétés par un carton d’archives légué à la bibliothèque Diderot de Lyon par la fondation Gillès de la ville de Bruxelles. Le présent article a pour but d’explorer ce fonds des notes manuscrites d’Alla Golovina, en le mettant en parallèle avec sa création en vers et en prose, dans laquelle on retrouvera des réfractions mineures et vivantes de l’émigration russe, notamment à travers les évocations de l’une de ses figures fondamentales – Marina Tsvetaeva.

Alla Golovina, born Baroness de Steiger (15(28)/07/1909-02/06/1987) is a Russian émigré poet who is certainly little known among the French readers, but who can represent, through a kind of metonymy, all this artistic effervescence in exile in the interwar period. After the poet’s death, part of her library was transferred to the Fonds Saint-Georges in Meudon. Since 2002, these documents have been kept in the Slavic funds of the Jesuits of the Diderot library in Lyon. The poet left traces of her life and her readings in her books in the form of notes, inscriptions, dedications and photographs. Recently, in March 2023, these materials were supplemented by a box of archives bequeathed to the Diderot library in Lyon by the Gillès Foundation of Brussels. The aim of this article is to explore this collection of Alla Golovina’s handwritten notes, by comparing it with her work in verse and prose, in which we find minor and lively refractions of Russian emigration, notably through the mentions of one of its fundamental figures – Marina Tsvetaeva.

Plan

Texte

Dans une perspective purement littéraire, la corrélation poétique entre Marina Tsvetaeva et Alla Golovina est sans aucun doute incomparablement asymétrique et, dans l’optique de l’évolution des processus historico-littéraires, pourrait être résumée comme un rapport de force entre un poète russe d’envergure et une poétesse d’expression mineure de la première vague de l’émigration1. À partir de ce schéma ou formule approximative découle l’objectif de notre étude ― analyser l’image de l’un des plus grands poètes russes du xxe siècle du point de vue des œuvres d’Alla Golovina et de ses marginalia dans les livres de sa propre bibliothèque, conservés actuellement aux archives des fonds slaves des Jésuites de la bibliothèque Diderot de Lyon (anciennement préservées à bibliothèque de Meudon).

La vie et l’œuvre d’Alla Golovina

Avant de procéder à une analyse thématique, évoquons sommairement la vie et le cheminement poétique de cette poétesse, Alla Golovina née baronne de Steiger (15(28)/07/1909-02/06/1987), certes peu connue du lecteur français, mais qui peut représenter par métonymie toute cette effervescence artistique en exil dans la période de l’entre-deux-guerres. La lignée généalogique des barons Steiger dite noire2 remonte au xviie siècle, au moment où Christoph von Steiger (23/11/1651-15/08/1731, né et mort à Berne), son ancêtre suisse assez illustre, théologien, juriste, linguiste et homme d’État (membre des conseils du canton et maire de Berne), sera élevé, en 1714, au rang de baron héréditaire par le roi de Prusse Friedrich Wilhelm I puisqu’il aurait défendu les intérêts de ce dernier dans le conflit de succession du comté de Neuchâtel3. L’arrière-grand-père de la poétesse, Friedrich Rudolph von Steiger (1787-1864), après avoir immigré dans l’Empire russe au début du xixe siècle, vers 1815, avait obtenu un poste de haut fonctionnaire. L’un de ses fils, grand-père de notre poétesse, August Eduard von Steiger (1819-1879) a dirigé pendant de nombreuses années une compagnie de transport maritime sur la mer Noire. Marié à une Française, il a eu quatre fils et une fille. L’un d’eux, Serge von Steiger (1868-1937), le père de la poétesse, est né en Suisse, mais a passé son enfance et sa jeunesse sur le sol de l’Empire russe, où il a reçu tout d’abord une instruction secondaire et supérieure, puis a fait une carrière militaire au terme de laquelle il a quitté l’armée impériale avec le rang de colonel. Coulant une retraite paisible, il s’est investi dans les activités du zemstvo de sa province, où il a été élu juge honoraire et maréchal de la noblesse du département de Kaniv de la province de Kiev. Notre poétesse est justement née pendant cette période, en 1909, dans le manoir familial de Nikolaevka, qui se trouve dans le même département de Kaniv. De son second mariage avec A. P. Mikhaïlova, Serge von Steiger a eu quatre enfants : Anatole (07 (20)/07/1907-24/10/1944), qui sera le plus connu de tous, en raison notamment de sa participation à la « note de Paris4 », Alla, Elizaveta et Sergueï. Ils avaient aussi un demi-frère aîné, Boris Steiger, beaucoup plus âgé et qui ne faisait que de rares apparitions dans la famille. Il était né le 11 février 1892 à Odessa et est mort le 25 août 1937. Boris est resté en Russie soviétique pendant les années révolutionnaires et est devenu un baron rouge : dans les années 1920 et 1930, il a travaillé au commissariat du peuple à l’instruction publique. C’est justement lui qui est considéré comme le principal prototype du personnage du baron von Meigel dans le roman Le Maître et Marguerite5.

En 1912, la famille déménage à Pétersbourg et l’année suivante Serge von Steiger est élu député de la province de Kiev à la quatrième Douma. Pendant l’année révolutionnaire de 1917, la famille revient à Nikolaevka. Deux années après, en 1919, ils partent pour Odessa où ils embarquent sur le bateau « Carcavado » à destination de Constantinople. Alla passera, avec ses frères et sœur, près d’une année dans l’école-internat « Le phare », gérée par les Américains. Mais à l’appel du général Dénikine, Serge von Steiger revient, accompagné de ses proches, dans son pays natal pour apporter son soutien aux Blancs. Mais la situation se retourne rapidement et la famille Steiger est de nouveau obligée de partir, cette fois-ci à titre définitif, le 28 février 1920, au moment où la ville d’Odessa est prise par les Rouges. Ils prennent le bateau « Bakou » qui se dirige de nouveau vers Constantinople. Là, après les péripéties de la guerre civile, Alla et sa fratrie passeront trois ans dans un internat mennoniste pour les enfants russes. En février 1923, le père fait venir ses enfants en Tchécoslovaquie où Alla fera ses études, avec son frère Anatole (qui va devenir plus tard, rappelons-le, un poète représentatif de la « note de Paris »), au lycée-internat russe à Moravská Třebová. Ces années d’étude seront décrites dans sa prose autobiographique publiée à titre posthume.

Tout comme Anatole, Alla commence à s’intéresser à la poésie et à écrire des vers. À cette époque, à Moravská Třebová, Ariadna, la fille aînée de Marina Tsvetaeva, y poursuit ses études et Tsvetaeva y fera quelques apparitions pour lui rendre visite. Elle sera remarquée et observée à ce moment-là par les jeunes poètes en herbe du lycée. Après ces études secondaires, Alla entre à l’Université Charles de Prague et y fait ses études de philologie à la faculté de la philosophie entre 1928 et 1931. En même temps, elle participe au cercle de poètes pragois « Skit » [« L’Ermitage »] sous l’égide du professeur-philologue de renom Alfred Bem. Comme nous le savons, Prague à cette époque est un centre culturel et scientifique très important de l’émigration russe6, et M. Tsvetaeva y résidera entre 1922 et 1925. Voici comment Golovina apparaît, d’ailleurs, à cette époque dans la correspondance de Vladimir Nabokov destinée à sa chère épouse Véra :

Nous étions hier à l’Ermitage. Un étroit escalier de pierre, l’atelier de Golovine. Sculptures douteuses le long des murs, pénombre, gens assis sur des espèces de caisses basses, thé, et, à une petite table, le petit Bem qui ressemble à un tsadik. Un certain Markovitch, un jeune homme au teint rouge, a lu une nouvelle prétentieuse et nulle. Exemple : « Elle le filtra à travers ses cils », « Le serveur, qui semblait avoir avalé un mètre » et des titres de chapitres comme, par exemple, « Une blonde sur une longue vague » ou « Le vent de la romance bleue ». Le pauvre a été mis en pièces. Ensuite un poète du nom de Mansvétov, blême, aux cheveux longs et au regard voilé, a lu des poèmes confus pleins de petites expressions à la Pasternak comme « tout à trac », « à l’aveuglette », « sous le boisseau », « ovations » et ainsi de suite. Après cela, la poétesse Alla Golovina a lu d’une voix fluette des poèmes gracieux qui ressemblaient à des jouets. Et ce fut tout. Khokhlov était présent. Il va cet été en Russie. La poétesse Rathaus, la fille de notre meilleur poète lyrique, qui du reste a eu une attaque (il a 64 ans), m’a demandé avec un sourire extasié ce que je pensais de Vicki Baum. Je suis rentré seul à la maison, car Kirill est allé raccompagner son ami Génia Hessen7.

Nous pouvons voir dans cette citation que le « grand » Nabokov, le romancier le plus talentueux et prometteur de la jeune génération émigrée à cette époque, donne un avis « positif » et « gracieux » sur les poèmes d’Alla Golovina.

En 1928, Alla Golovina a commencé à publier ses vers dans le journal Vozrojdénie [Renaissance]. À partir de cette année, sa production en vers paraît dans les périodiques émigrés Vozrojdénie, Rossia i Slavianstvo [Russie et le Monde slave], Roul [Le Gouvernail], Novosti [Nouvelles, Prague], Molva [Les Dires], Metch [Le Glaive], Volia Rossii [Volonté de la Russie], Sovremennye zapiski [Annales contemporaines], Tchisla [Les Nombres], Rousskiïe zapiski [Annales russes], Opyty [Essais], Novyj journal [Nouveau Journal], Grani [Facettes]. Ses publications sont aussi parues dans les anthologies poétiques Ancre [Якорь], Cercle [Круг], La Muse de la diaspora [Муза Диаспоры], À l’Occident [На Западе], ainsi que dans les recueils littéraires Le Neuf [Новь] et Arche [Ковчег].

En 1929, elle épouse le sculpteur et peintre Alexandre Golovine8. Au mois de juillet 1935, après avoir déménagé de Prague à Paris, le couple Golovine trouve un logement sur le boulevard Montevideo dans le seizième arrondissement de Paris. C’est Anatole Steiger qui les introduira dans les milieux littéraire et artistique du Paris russe, et Alla fait connaissance avec les poètes fréquentant le café littéraire La Rotonde9 : Mikhaïl Lounine, Vladislav Khodassévitch, Gueorgui Ivanov, Irina Odoevtseva, Gueorgui Adamovitch, Boris Poplavski, Dimitri Merejkovski, Zinaïda Guippius, Vladimir Nabokov, Roman Gul’, etc. Sur la carte postale qu’elle a envoyée à Alfred Bem pour présenter justement à ce dernier l’accueil qui lui a été fait par le Montparnasse russe, plusieurs auteurs émigrés ont laissé un message poétique parmi lesquels V. Khodassévitch, G. Adamovitch, G. Ivanov, You. Térapiano, G. Raïevski, V. Smolenski, A. Ladinski, S. Charchoune, P. Stavrov et d’autres, avec un post-scriptum de Y. Felzen : « Que l’on aimerait que la dispute littéraire entre Paris et Prague se termine par une conversation amicale à Moscou10 ». L’allitération phonique à l’intérieur des noms des capitales littéraires du siècle d’argent (Pétersbourg et Paris) est substituée chez Felzen par une confrontation dans la littérature d’émigrés russes (Paris/Prague), ainsi que par son souhait de voir la fusion des différentes tendances de la littérature russe en un seul flux créatif, qui symboliserait le locus poétique qui se (re)créera à Moscou, au retour réel ou imaginé des auteurs émigrés.

Au début de la Seconde Guerre mondiale, en 1939, Golovina rentre avec son frère en Suisse, puisqu’ils ont gardé, par leurs origines, la nationalité de ce pays. Anatole et Alla, parlant les trois langues – russe, français et allemand – vont trouver un travail dans la censure militaire.

De son premier mariage, Alla avait eu un fils, Serge Golovine (1930-2006), qui sera élevé par ses grands-parents en Suisse dans les années trente, lorsqu’Alla réside à Paris et vient régulièrement rendre visite à sa famille. Puis, il devient un collectionneur de folklore assez connu, un écrivain et traducteur suisse11. En 1951, Alla épousera en secondes noces le baron belge Philippe Gillès de Pélichy, partira pour Bruxelles (où habitait déjà l’ancien membre du Skit, Kirill Nabokov12) en 1955 et y restera jusqu’à la fin de sa vie. De cette union ils auront un enfant, Jean, né le 15 décembre 1951 à Paris13. Cette période belge de sa création sera surtout propice à sa prose.

Sœur et gardienne des archives (dont la correspondance assez abondante avec M. Tsvetaeva) du premier poète de la « note de Paris », elle était assez proche de cette grande poétesse russe ainsi que de V. Khodassévitch, de B. Poplavski, de Galina Kouznetsova et d’autres poètes et écrivains émigrés. De 1935 à 1939, Alla participe activement à la vie littéraire du Paris russe. Membre actif du groupe pragois « Skit » et élève préférée d’Alfred Bem14 (voir son article « La poésie d’Alla Golovina » [« Поэзия Аллы Головиной »] dans Molva, le 17 décembre 193315), au cours de sa vie elle a uniquement publié son seul recueil de vers Le Carrousel des cygnes [Лебединая карусель16]. Ce livre, édité en 1935 aux éditions berlinoises Petropolis avec l’aide de Bem et Abram Kagan17, a été recensé par G. Adamovitch et V. Khodassevitch dans Poslednie novosti [Dernières nouvelles18] et Vozrojdenie 19. Mikhaïl Tsetline, dans l’article « Au sujet de la poésie émigrée contemporaine » [« О современной эмигрантской поэзии »] paru dans les Annales contemporaines, insiste sur le bien-fondé des débats poétiques entre les deux grands critiques émigrés, G. Adamovitch et V. Khodassévitch, et fait le panorama des volumes poétiques de la jeune génération de poètes se trouvant sous leurs influences : Approximations [Приближения] de Lydia Tchervinskaïa, Le Silence [Тишина] de Raïssa Blokh, Conversation avec la mémoire [Разговор с памятью] de Sofia Pregel, Mémoire [Память] d’Ilya Golenichtchev-Koutouzov, La Troisième Heure [Третий час] de Youri Mandelstam, Pierres… Ombres… [Камни… Тени…] de Solomon Bart, La Solitude [Одиночество] d’Ekaterina Tauber et Le Carrousel des cygnes20. En 1936, Ekaterina Tauber, dans la revue bimensuelle Russkoe delo [Mission russe], périodique de l’Union des Jeunes Russes à Belgrade, analyse les nouvelles parutions de l’écriture féminine et présente au lecteur quatre recueils poétiques : Conversation avec la mémoire de Sofia Pregel, Approximations de Lydia Tchervinskaïa, Le Carrousel des cygnes et Vers sur soi-même [Стихи о себе] d’Irina Knorring21. Certains de ces recueils se trouvent bien évidemment dans la bibliothèque d’Alla Golovina et portent des inscriptions marginales. Notamment, nous trouvons le recueil d’Approximations de Lydia Tchervinskaïa (1907-1988) avec sa dédicace à Golovina : « À Alla Golovina, dans l’espoir de mieux se connaître à Paris et à Prague. Amicalement, L. Tchervinskaïa Paris 1935 » (« Алле Сергеевне Головиной, с надеждой на более близкое знакомство ― в Париже ― и Праге. Дружески Л. Червинская Париж 1935 »). Le recueil suivant Aubes [Рассветы, 1937] de Tchervinskaïa est aussi dans sa bibliothèque, avec une dédicace : « À Alla Golovina… Je suis coupable par l’amour / C’est l’amour qui me donne une justification avec une grande confiance Lida Tchervinskaïa Paris mai 1937 » (« Алле Головиной… И только в любви виновата / И только в любви права с большим доверием Лида Червинская Париж май 1937 »). La citation vient de son poème « Je n’ai rien à te dire » [« Мне нечем с тобой поделиться »] publié dans le même recueil. Et le dernier volume de Tchervinskaïa Les Douze mois [Двенадцать месяцев, 1956] comporte une note : « À Alla Golovina pour le souvenir Lida Tchervinskaïa 30 mai 1986 Paris » (« Алле Головиной на память Лида Червинская 30 мая 1986 Париж »).

Deux recueils de ses poèmes Un Ange citadin [« Городской ангел », Bruxelles, 1989] et Les Oiseaux nocturnes [Ночные птицы, Bruxelles, 1990], ainsi que le recueil de nouvelles et de poèmes Villa « Espoir » [Вилла «Надежда», Moscou, 1992] ont été publiés à titre posthume. Efim Etkind caractérise sa poésie dans la préface au recueil Un ange citadin : « Le voyage à l’intérieur de soi-même c’est une singularité propre à la poésie des émigrés russes22 »; « La poésie d’Alla Golovina était indispensable à l’époque, où elle créait ses œuvres avec une intensité toute particulière – dans les années trente23 » ; « Des anges de ce genre, sur des pattes grêles et un air obséquieux comme des corbeaux, il n’y en avait encore jamais eu dans l’histoire de la poésie. C’est à Alla Golovina qu’ils doivent leur existence24 ». Selon E. Etkind, sa poésie se distingue par « son caractère imagé limpide, transparent » et « sa haute spiritualité, associée à une retenue pleine de bon sens25 »).

Ce recueil Un ange citadin, illustré d’une photographie de la poétesse réalisée par Vladimir Subbotine en 1936, est également accompagné d’une courte note autobiographique rédigée pendant la période bruxelloise :

Je suis née en Ukraine, dans le village de Nikolaevka. J’ai émigré en 1920 et ai fait mes études en Tchécoslovaquie dans un lycée russe, au fin fond de la campagne, en Moravie, où j’ai passé six ans.
J’ai commencé à publier, me semble-t-il, en 1931, dans la revue La Volonté de la Russie (Prague). Je n’ai édité qu’un seul recueil de vers, Le carrousel des cygnes, aux éditions « Pétropolis ». Mon deuxième volume de vers, dont la publication a été annoncée aux éditions « Poètes russes », à Paris, n’a pas pu paraître à cause de la guerre.
J’ai été publiée dans Les Annales contemporaines, dans les journaux Le Gouvernail, Renaissance, La Russie et le monde slave, etc. À présent, j’écris sans être publiée. Les contacts littéraires me manquent terriblement, mais mon intérêt envers tout ce qui concerne la littérature russe et les destins russes est immense et indestructible26.

Après la mort de la poétesse, son époux en secondes noces, le baron belge Philippe Gillès de Pélichy, transmet une partie de sa bibliothèque, qui comptait, selon les témoignages, à peu près 7 000 volumes, au musée slave des saints Cyrille et Méthode à Meudon. À partir de 2002, ces fonds documentaires sont conservés aux fonds slaves des Jésuites de la bibliothèque Diderot de Lyon (France). La poétesse a laissé les traces de sa vie et de ses lectures dans ses livres sous la forme de notes, d’inscriptions, de dédicaces et de photographies. Rappelons aussi que la ville de Meudon a joué un rôle indéniable dans l’itinéraire de vie de M.  Tsvetaeva elle-même : elle y a vécu pendant six ans environ, à partir du mois d’octobre 1926 et jusqu’au printemps 1932.

Notons également que l’étude des rapports entre A. Golovina et M.  Tsvetaeva avait déjà été initiée dans les recherches de Irina Bakanova fondées sur les archives de la poétesse, déposées par Philippe Gillès de Pélichy à la conservation à l’Université d’État des sciences humaines de Russie. Deux articles d’Irina Bakanova en particulier représentent un intérêt certain pour le sujet : « “Nous ne sommes pas ici pour vous juger, chère Marina…” : au sujet des archives d’Alla Golovina » [« “Вам, Марина, мы тут не судьи…”: Об архиве Аллы Головиной »] et « Marina Tsvetaeva et Alla Golovina : histoire de leurs relations dans le contexte de la création littéraire » [« Марина Цветаева и Алла Головина: история взаимоотношений в контексте литературного творчества »]. Ils sont issus de ses interventions au septième et au quinzième colloque international, colloques consacrés à M.  Tsvetaeva dans sa Maison-musée à Moscou27.

Plusieurs chercheurs se sont intéressés à la figure d’Alla Golovina : une note biographique est rédigée par Larisa G. Baranova-Gontchenko dans le cadre d’un dictionnaire littéraire en trois volumes, la biographie de Golovina est donnée par Lubov N. Belochevskaïa et Viatcheslav P. Netchaev dans l’anthologie consacrée au groupement de poètes Skit, Efim Etkind précède d’une préface son recueil de vers Un ange citadin, nous pouvons également citer des articles scientifiques sur l’univers poétique de cet auteur publiés par Temira Pachmuss, Ljudmila Sproge, Irina Bakanova et Iwona Ndiaye28.

Les notes manuscrites consacrées à M. Tsvetaeva faites par A. Golovina sur les pages des livres de sa bibliothèque

Dans son livre fondamental pour la compréhension des processus historico-littéraires La littérature russe en exil [Русская литература в изгнании] Gleb Struve souligne :

[I]l est probable que les différentes formes documentaires : critique, essai, prose philosophique, soient reconnues comme une contribution très importante des écrivains étrangers au patrimoine de la culture russe29.

Suivant l’hypothèse évoquée dans la citation ci-dessus, nous allons essayer de reconstruire, dans la mesure du possible, la potentialité de la critique littéraire d’A. Golovina à travers ses notes sur les pages des livres de sa bibliothèque. Une partie de ses livres, dont les premières pages contiennent un ex-libris Alla Gillès de Pélichy, ainsi que d’autres signes personnels, est conservée, comme nous l’avons déjà indiqué, aux archives jésuites de la ville de Lyon. Les notes qu’elle a laissées sur les pages des livres de sa propre bibliothèque relèvent de l’écriture intime et réflexive, du genre de brouillon, des pensées fugitives, qui, en aucun cas, n’étaient destinées à leur verbalisation/publication ; tout ceci leur confère un caractère de cryptogramme dans la culture émigrée russe, qui permettrait de pressentir, de façon nouvelle, l’atmosphère qui régnait et se diffusait dans ses milieux culturels.

L’étude de différentes sources nous montre également que les représentants de l’émigration utilisaient assez souvent le procédé de la fixation de leurs pensées dans les marges de leurs livres, ce qu’on peut par exemple trouver par le biais des idées de G. Adamovitch dans sa préface aux Vers de P. Bobrinskoï :

En écrivant ces lignes, je me prends à me demander si par hasard je n’essaye pas, sans le remarquer, de rédiger des « commentaires » aux vers du comte Bobrinski, contre la volonté de leur auteur ? Non, je fais ces remarques en marge du livre, sans rien y expliquer30.

De façon un peu plus métaphorique au sujet des traces manuscrites sur les écrits, nous pouvons aussi citer quelques vers de Golovina tirés de son poème « Dans un tir de foire » [« В ярмарочном тире », 1929] : « Des visages étrangers rayonnent dans la foule et sur les arbres il y a des marques dorées31 ».

Le deuxième livre de l’exemplaire Blagonamerennyj [Le Bien intentionné] qui se trouve dans le fonds documentaire de Meudon appartenait à A. Golovina. Ici on peut trouver un principe double de ces inscriptions marginales sur les pages du « Parterre » [« Цветник »] de M. Tsvetaeva. Ce texte, précédé de son essai « Le poète au sujet du critique » [« Поэт о критике »], contient des extraits des « Conversations littéraires » [« Литературные беседы »] de G. Adamovitch, publiés dans Zveno [Le Chaînon] en 192532. Golovina, connaissant assez bien ces deux auteurs, continue le dialogue sur les marges de son exemplaire. Notamment, la citation de G. Adamovitch « Avant aussi, on écrivait parfois mal : Marlinski, Zagoskine, Bénédictov, si semblables à certains de nos contemporains33 » est accompagnée d’une interrogation assez laconique qui figure en note de bas de page tsvétaïevienne : « À qui, par exemple ? » (« Кого, например? »), et Golovina répond : « probablement, en parlant de Marlinski, A. pense à Rémizov » (« вероятно, говоря о Марлинском, А. имеет в виду Ремизова34 »). Puis, en parlant des qualités artistiques des œuvres de Piotr Krasnov, le premier critique de l’émigration conclut :

Bien sûr, Krasnov imite tout le temps Guerre et paix, mais, premièrement, il n’y a rien de mal à cela, et deuxièmement, Krasnov est trop malhabile pour copier ou styliser, il ne fait que reprendre la manière de Tolstoï35.

Tsvetaeva fait ici un commentaire en français : « Bref, fait du Tolstoï sans le savoir » (« Словом, “fait du Tolstoï s[a]ns le savoir” »). Golovina met un point d’exclamation à côté de « просто перенимает толстовскую манеру », en ajoutant de façon laconique : « Et c’est si simple ? » (« И это просто?36 »).

D’autres exemples de notes marginales peuvent être trouvés dans le livre d’Ivan Bounine sur Anton Tchékhov, édité à titre posthume. Dans la deuxième note de bas de page de la préface rédigée par Mark Aldanov, nous pouvons lire :

Huippius dans son essai sur N. Tchaïkovski dit : « Il ne faut pas revenir vers les vieux. Il ne faut pas s’engager sur leur voie. Mais il faut prendre ce qu’ils ont à donner, puis aller de l’avant ». – Ivan Bounine a souligné le dernier mot et a écrit en marge : « Où donc, Madame ?37 ». Et plus loin : « M. Kourdioumov dans son livre Un cœur ardent relate le contenu d’un des récits lugubres de Tchékhov. » Ivan Bounine note en marge : « [o]ui, partout [souligné par I.B. – M.A.] chez lui c’est l’horreur et l’abject ». Peut-être qu’il a ressenti lui-même l’injustice de sa remarque (ce n’est pas partout, bien sûr) : en lisant dans le même livre qu’il y aurait une « voie sans issue » chez Tchékhov, Bounine a écrit : « Quelle horrible exagération ! » Toute sa vie il détestait les choses exagérées. Comme si l’auteur d’Une banale histoire était torturé par le sort de l’humanité. I. B. souligne nerveusement le mot « torturé » et ajoute sur la même page « [a]imait les petits-déjeuners, les déjeuners, les dîners, le saucisson Bélov38 ». D’ailleurs, cela aurait pu être écrit par Tchékhov lui-même ; il aurait certainement apprécié cette remarque.

Puis, dans l’introduction, Véra Mouromtseva-Bounina souligne que la seconde partie du livre comprend des notes faites en marge de différents ouvrages sur Tchékhov39.

Dans l’optique de nos recherches, c’est l’exemplaire du livre Le Camp des cygnes : poèmes, 1917–1921 [Лебединый стан. Стихи 1917−1921 гг., 1957], qui représente pour nous un intérêt certain. On y trouve les annotations très intéressantes d’Alla Golovina à la préface de G. Struve. À titre d’exemple, nous pouvons citer ces notes contenues dans la partie finale de cette introduction éditoriale à ce recueil : « Le devoir des émigrés est de rassembler et de publier les poèmes éparpillés dans les magazines et les journaux étrangers, ainsi que le poème “Pérékop40” ». Golovina apporte un bref éclaircissement : « et le poème de la famille royale » (« и поэму о царской семье »). Suivant l’introduction, l’article de Youri Ivask « La noble Tsvetaeva » [« Благородная Цветаева »] est parsemé de notes et de remarques précieuses de Golovina. Au début du texte, le critique présente aux lecteurs l’image du poète en s’appuyant sur l’exemple de sa vie et de sa créativité. Il cite les personnalités commémorées par Tsvetaeva dans ses œuvres artistiques, et Golovina ajoute à la main dans cette liste le Faux Dimitri et B. Pasternak41. La liste des célèbres amants qui se trouve dans l’œuvre poétique de Tsvetaeva est accompagnée d’une note : « Onéguine et Tatiana (ensemble) » [« Онегин и Татьяна (вместе42) »]. Puis, Ivask choisit deux catégories de gens évoqués par M. Tsvetaeva : les talentueux et les opprimés. Golovina en ajoute une troisième : celles qui se distinguent par leur beauté. Les propos du critique « Par la suite, elle a été appréciée par ses ennemis, y compris par Adamovitch43 » sont suivis d’une question laconique écrite à la main : « Quand ? ». Pour répondre au commentaire d’Ivask qui suit : « Sur le plan philosophique, le russe est une langue très peu expressive44 », Golovina lui réplique de façon assez directe : « Et Rozanov ? Et Chestov ? » (« А тот же Розанов? А Шестов?45 »).

La phrase « Du jour au lendemain l’amitié avec l’un des plus doués représentants de cette génération, Anatole Steiger, a rapidement pris fin »46 est soulignée et accompagnée d’un point d’interrogation.

Quant aux propos d’Ivask affirmant dans son texte que « d’une façon ou d’une autre elle a influencé les poètes-membres du groupe « L’Ermitage des poètes47 », la poétesse exprime une protestation assez prononcée, en toute connaissance de cause, puisqu’elle a été membre active de ce cercle poétique : « Il n’y a eu aucune influence » (« Влияния не было »). À la déclaration « Un poète provincial d’un quelconque Homiel ou Moguilev devient David dans sa poésie » (« Захолустный поэт из какого-нибудь Гомеля или Могилева стал Давидом в ее поэзии48 ») A. Golovina rétorque « qu’il s’agissait probablement tout de même de Pavel Antokolski » (« кажется, это был Павел Антокольский, все-же49 »). Elle souligne également un certain nombre de phrases et d’expressions dans l’essai d’Ivask. Voici un exemple de ses relevés graphiques :

Nous n’avons pas pu protéger Tsvetaeva de son vivant ni en Russie en exil, ni en Russie soviétique. C’est la Russie libre qui aurait pu lui apporter la gloire, mais il est peu probable qu’elle y ait trouvé son bonheur, si elle avait vécu jusque-là. Et ce n’est pas certain qu’elle aurait approuvé le culte de sa propre personnalité dans un futur lointain50.

Dans le post-scriptum à l’article « La noble Tsvetaeva », Youri Ivask évoque ses souvenirs sur ce poète hors norme :

L’année 1938. Les rues de Paris avant Noël sont sous la neige. La tempête fait rage dans le quartier de Montparnasse. Marina Ivanovna marche sur le trottoir enneigé, habillée d’un vieux manteau avec un col montant en laine à la mode des années vingt. Sa taille est serrée par une large ceinture en cuir, à la manière des hommes. Installée dans un café à une table blanche, elle a le visage pâle et le nez crochu. Elle produit des mouvements étranges rappelant ceux des oiseaux – tout est à angle droit. En tapotant la table en rythme, elle prononce distinctement : Je n’ai jamais tenu à rien ni à personne, excepté à la poésie. Oui, c’était ainsi, mais c’était son fils Mour, un garçon potelé âgé de treize ans, qu’elle aimait par-dessus tout, elle l’adorait.
Cette rencontre a duré cinq heures, le temps est passé vite. Elle transformait les anecdotes les plus drôles et fabuleuses en mythes et légendes. Ceci dit, les personnages de ces anecdotes étant encore vivants, mieux vaut ne pas les raconter.
La neige tombe, Tsvetaeva s’en va51.

Après le verbe « обожала » (« adorait »), Golovina ajoute ceci : « Il y avait toujours d’autres “bien que” » (« Были постоянно и другие „хотя” »). Avec l’image de Tsvetaeva qui s’en va, Ivask sous-entend la tempête de neige, des éléments de la nature, qui n’est pas d’ailleurs propre aux conditions climatiques de la capitale française. Les souvenirs de cette rencontre dans un café parisien y sont perçus comme un symbole du dernier adieu avec le poète. Dans le poème de Golovina « Protège l’amour, ne pardonne pas l’amour... » [« Береги любовь, не прощай любви… »], le tragique psychologique montré à travers l’image poétique de la tempête (« La tempête de neige noire naît derrière la fenêtre » / « За окном встает черная метель52 ») se traduit par l’expressivité de l’oxymore utilisé. Voici un autre extrait de sa nouvelle « Un tableau effrayant » [« Страшная картина »] où apparaît deux fois la même scène et où la neige et la mort sont sémantiquement liées :

Des sourires malicieux, espiègles, se lisaient sur leurs visages. La faucheuse se tenait derrière, la faux posée de côté bien en évidence, appuyée sur l’épaule d’une fille, copiée de l’original. [...] L’atmosphère était bruyante, festive, et personne ne croyait ni en la neige, ni en la mort53.

Cette image renvoie aussi à une intertextualité blokienne (le cycle « Masque de neige » [« Снежная маска »].

Nous pouvons également mentionner les notes faites par Golovina sur les marges du septième numéro de la revue Novaïa russkaïa kniga [Новая русская книга], notamment à la fin de l’essai « Le vieux et le neuf. Les notes sur le Pétersbourg littéraire » [« Старое и новое. Заметки о литературном Петербурге »] de E. Gollerbach, notes qui présentent bien évidemment un intérêt certain. On voit ici, par exemple, une corrélation entre les deux grands poètes de l’émigration V. Khodassévitch et M. Tsvetaeva :

Bien entendu, il aurait fallu dire quelque chose de sérieux sur le poète Khodassévitch. Probablement, pour vous il n’est qu’un formaliste, mais, dans ce cas-là, comment pouvez-vous prétendre aimer la poésie ou vous y intéresser ? Khodassévitch était apprécié par Biély, pour votre gouverne. Comment est-ce possible que vous n’avez pas fait attention à ce qui se passait sous vos yeux ? Au demeurant, l’article présente un intérêt dans l’ensemble et reste actuel de nos jours.
1957 Al. G.
En outre, il aurait fallu mentionner aussi tout particulièrement Tsvetaeva, et garder plus de respect pour Khlebnikov et Maïakovski54.

Dans cette note d’Alla Golovina, nous pouvons voir qu’elle met ici l’accent sur deux choses : tout d’abord sur l’incontournable figure de son maître V. Khodassévitch55 et puis sur l’importance du phénomène avant-gardiste, futuriste de la poésie russe au xxe siècle, en dressant la liste des grands poètes : M.  Tsvetaeva, V. Khlebnikov, Vl. Maïakovski.

Rappelons que dans sa lettre à A. L. Bem datée du 17 novembre 1939 Golovina écrit :

Au milieu de l’été, j’ai été durement éprouvée par la perte de Khodassévitch et le départ de Tsvetaeva, qui équivalait à sa mort pour moi. D’une façon ou d’une autre, ces deux-là avaient toujours été mes amis proches56.

Voici comment V. F. Khodassévitch décrit ses relations littéraires avec Tsvetaeva dans son essai autobiographique Petite enfance [« Младенчество »] :

Moi et Tsvetaeva, pourtant plus jeune que moi, en quittant le symbolisme, ne nous sommes joints à personne et à rien, restant par la suite seuls et “sauvages”. Les classificateurs littéraires et les rédacteurs d’anthologies ne savent pas où nous caser57.

Dans l’exemplaire Le Recueil des vers [Собрание стихов] de V. Khodassévitch de la bibliothèque d’A. Golovina, nous trouvons aussi des annotations très caractéristiques de la poétesse, notamment, après le poème très connu « Devant le miroir » [« Перед зеркалом », 1924] elle écrit :

1934
je récite ces vers en allant faire sa connaissance. Janvier 1934.
(j’ai vingt-trois ans, lui a quarante-huit)58

Nous voudrions également évoquer deux documents assez singuliers qui se trouvent dans les fonds slaves des Jésuites de la bibliothèque Diderot. Dans le dossier de Ghislaine Ivanoff Limant (1942-2012), enseignante de russe à Lyon, qui a publié une partie de la correspondance des années 1938-1939 entre M.  Tsvetaeva et N. Toukalevskaïa59, se trouve une feuille imprimée avec un poème sous le titre « Chansonnette » [« Песенка »] signé par les initiales de la poétesse. Une note marginale est faite de main de la poétesse elle-même : « Je n’ai jamais écrit ces vers. M. Ts. » (« Никогда этих стихов не писала. МЦ »), en marge figure une note rédigée par N. Toukalevskaïa : « N.B. Ce sont les vers de Khodassévitch » (« N.B. Это стихи Ходасевича »). Il se trouve que les deux femmes se trompent sur le nom de l’auteur. Il paraît évident que ce texte n’appartient aucunement à l’œuvre de V. Khodassévitch, puisqu’il est publié dans les recueils de vers d’I. Odoevtseva sous le titre « Ballade sur la place Villette » [« Баллада о площади Виллет », 1923] et adressé à Roman Goul. Il est intéressant de noter que Tsvetaeva nie le fait d’être le véritable auteur de ce texte, en le renvoyant à Khodassévitch qui leur est totalement étranger. Ce fait littéraire démontre la complexité de l’atmosphère de la vie émigrée et peut servir de fil conducteur dans l’étude des réseaux artistiques émigrés.

Le deuxième document se présente sous la forme d’une enveloppe contenant les notes de Marina Tsvetaeva. Il s’agit là d’une grande enveloppe ordinaire sans timbre ni autre signe distinctif. Les inscriptions laissées sur l’enveloppe portent sur la relecture de différents écrits. Sont mentionnés « Un veau rouge », « Le poème de l’air », « Octobre dans un wagon », « Ta mort », « Le charmeur de rats » et d’autres œuvres datées. Étant donné qu’y apparaît une mention sur Vl. Maïakovski, on peut dater ces notes des années trente. Mais comme ce document se trouve dans les papiers de N.N. Toukalevskaïa, il serait pertinent d’avancer l’hypothèse selon laquelle ce document date, très probablement, du printemps 1939, puisque Marina Tsvetaeva préparait la publication d’un recueil de poèmes, qui, en URSS, ne passera pas le stade de la censure60.

Le cinquantième numéro de Sovremennye zapiski [Les Annales contemporaines] de 1932, conservé aux fonds slaves des Jésuites, contient aussi un ex-libris Alla Gillès de Pélichy. Il comporte l’essai de M. Tsvetaeva « L’art à la lumière de la conscience » [« Искусство при свете совести »]. Dans cet exemplaire, le mot « искусство » (« l’art ») a été barré et remplacé par « только о поэзии61 » (« que de la poésie »). Ici même, dans les marges, Golovina écrit : « Tsvét. devrait écrire sur son état de possédée plutôt que sur des explications logiques. La “conscience” chez Tsvetaeva est la personnalité du poète (comme essence organique62) ».

Dans « La noble Tsvetaeva », Ivask mentionne également ce célèbre essai philosophique « L’art à la lumière de la conscience », où il affirme que « l’art c’est un élément, qui, comme la nature, n’est du côté ni du bien ni du mal. L’artiste, possédé par les éléments de la nature, les matérialise et même continue leur existence par le biais de ses œuvres. Мais un artiste n’est pas seulement un artiste, c’est aussi une personne qui est passible d’un jugement moral entrainant inévitablement sa condamnation pour son art qui est étranger au bien comme au mal. En reprenant le chemin de la morale, l’artiste renonce nécessairement à sa créativité comme Gogol ou Tolstoï63 ».

Il sera également assez intéressant d’étudier le rôle des termes soulignés par Golovina dans les textes tsvétaïeviens publiés dans les périodiques émigrés, notamment dans Volia Rossii : les soulignements dans « Le preneur de rats » [« Крысолов », no IV, 1926] ou bien dans « Extraits du livre Marques de ce monde » [« Отрывки из книги “Земные приметы” »] qui sont précédés par la remarque de Golovina : « Je souligne ce que j’ai entendu de M. et ce que je considère indubitablement comme traits particuliers64 »).

L’anthologie L’Ancre [Якорь], éditée par G. Adamovitch et M. Kantor en 1936, requiert également une attention toute particulière en sa qualité d’exemple de la poésie émigrée depuis le début des années 1920. À la fin du volume, ce livre contient un index des poètes, annoté dans l’exemplaire appartenant à Golovina. Notamment, devant l’index on découvre la note suivante :

Notes de 1961
+ mort (-e)
• je les ai connus personnellement65.

Puis suit la liste des poètes avec lesquels Golovina a indiqué avoir eu des rapports personnels : G. Adamovitch, V. Andréev, E. Bakounina, N. Berbérova, R. Bloch, I. Bounine, A.  Ginger, Z. Guippius, M. Gorline, B. Zakovitch, V. Zlobin, G. Ivanov, Y. Ivask, L. Kelberine, D. Knout, G. Kouznetsova, E. Kouzmina-Karavaïeva, A. Ladinski, V. Lébédev, V. Mamtchenko, Y. Mandelstam, V. Mansvetov, D. Mérejkovski, I. Odoevtseva, B. Poplavski, S. Préguel, A. Prismanova, G. Raïevski, T. Rathaus, V. Sirine, V. Smolenski, Y. Sofiev, P. Stavrov, M. Struve, You. Térapiano, N. Teffi, V. Khodassévitch, M. Tsvetaeva, E. Tchegrintseva, L. Tchervinskaïa, Z. Chakhovskaïa, A. Steiger, A. Eisner. À la page 242 de cet index, après le nom de M. Tsvetaeva, Golovina ajoute : « elle s’est suicidée à Ielabouga en automne 1941 ». Tsvetaeva, comme nous le savons, décède le 31 août 1941. Pourquoi Golovina, dernière muse de la poétesse, a-t-elle noté, vingt ans plus tard, dans l’anthologie de la poésie émigrée, à laquelle toutes les deux ont participé, qu’elle avait quitté ce monde en automne ? On peut éventuellement supposer que l’automne signifiait quelque chose de singulier dans les relations personnelles de ces deux poétesses.

L’image de Marina Tsvetaeva dans l’œuvre littéraire d’Alla Golovina est assez contradictoire : la description de la poétesse dans la prose et les mémoires autobiographiques vise à recréer une mémoire positive de son héritage poétique. Sur le plan émotionnel subjectif, cela s’explique également par une certaine proximité personnelle et émotionnelle d’A. Golovina et de M. Tsvetaeva qui a débuté en 1935 et a duré jusqu’à son départ fatidique en URSS à la mi-juin 1939. Avec d’autres poètes de la jeune génération (comme A. Steiger ou N. Gronsky), Alla Golovina se trouvait dans l’entourage poétique et intime direct de Marina Tsvetaeva, et sa créativité était par conséquent inévitablement attirée vers la source artistico-littéraire prodigieusement puissante du génie tsvétaïevien.

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Tsetline Mikhaïl, « О современной эмигрантской поэзии » [« Des poèmes d’émigrés contemporains »], Sovremennye zapiski, 1935, no 58, p. 452-461.

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Tsvetaeva Marina, Письма Анатолию Штейгеру [Lettres à Anatole Steiger], Kaliningrad, Muzej M. I. Cvetaevoj v Bolševo, 1994.

Volja Rossii, no 1, 1924.

Notes

1 Certaines thèses et sujets développés dans cet article ont déjà trouvé leur expression dans notre publication antérieure en russe : Svetlana Garziano, « Образ Марины Цветаевой в призме творчества Аллы Головиной на примере документального фонда Медонской славянской библиотеки » [« L'image de Marina Tsvetaeva dans le prisme des œuvres d’Alla Golovina, sur l’exemple du fonds documentaire de la bibliothèque slave de Meudon »], dans Фараонова пшеница. Наследие Марины Цветаевой в xxi веке : XX международная научно-тематическая конференция [Le blé du pharaon. L’héritage de Marina Tsvétaïeva au xxie siècle : XXe colloque scientifique et thématique international], Moscou, Dom-Muzei Mariny Cvetaevoj, 2020, p. 140-158. Retour au texte

2 Margarita Dalton, « Vive ut vivas – о швейцарских и русских Штейгерах » [« Vive ut vivas – au sujet de la famille Steiger en Russie et en Suisse »], Novyj žurnal, no 156, 1984, p. 286-291. Retour au texte

3 F. A. Brokgaus, I. A. Efron, Энциклопедический словарь [Abécédaire encyclopédique], t. 39a, Saint-Pétersbourg, Tipografija akc. Obšč. Brokgaus-Efron, 1908, p. 884. Retour au texte

4 Ses trois recueils poétiques seront édités à Paris : Ce jour-ci [Этот день, 1928], Cette vie [Эта жизнь, 1931], L’Ingratitude [Неблагодарность, 1936]. Puis le livre posthume 2x2=4, publié en 1955, sera préfacé par sa sœur cadette Alla Golovina. Sa poésie, s’apparentant à un « document humain », exprimait le mieux les postulats esthétiques de l’école poétique fondée par les élèves acméistes de Nicolas Goumilev, Georges Adamovitch et Georges Ivanov, au milieu des années trente à Paris et connue sous le nom de la note parisienne (парижская нота). Oleg Korostelev, « “Парижская нота” русского Монпарнаса » [« “La note parisienne” du Montparnasse russe »], dans Modèle de gouvernement, Lyon, ENS LSH, 2011, URL : http://institut-est-ouest.ens-lyon.fr/spip.php?article302 [consulté le 28 mars 2025]. Meilleur élève d’Adamovitch, Anatole Steiger sera aussi proche de Marina Tsvetaeva, ayant eu avec elle une seule rencontre emblématique, puis une correspondance abondante, dont ne sont restées que les lettres de Marina (Marina Tsvetaeva, Письма Анатолию Штейгеру [Lettres à Anatole Steiger], Kaliningrad, 1994). La publication de cette correspondance a été commencée dans Opyty entre 1955-1957, puis interdite par Alla Golovina elle-même. Retour au texte

5 Boris Steiger travaille étroitement avec les ambassades et les étrangers, il se rend notamment aux réceptions extravagantes données par l’ambassadeur William Bullitten en 1934-1936. Mikhaïl Boulgakov assiste à l’une de ces réceptions le 23 avril 1935 et rentre en voiture d’ambassade, en compagnie de Boris. Cette visite va l’inspirer pour la scène du grand bal chez Satan dans Le Maître et Marguerite. Pendant l’année difficile des grandes purges, le frère d’Alla est arrêté et condamné à mort. Retour au texte

6 Т. Г. Масарик и « Русская акция » Чехословацкого правительства: к 150 летю со дня рождения Т. Г. Масарика. По материалам международной научной конференции [T. G. Masarik et l’« Action russe » du gouvernement tchécoslovaque au 150e anniversaire de la naissance de T. G. Masarik. D’après des matériaux de la conférence scientifique internationale], Moscou, Russkij put’, no 5, 2005. А. Л. Бем и гуманитарные проекты русского зарубежья. Международная научная конференция 120 летю со дня рожденя [A. L. Bem, et les projets humanitaires russes à l’étranger. Conférence internationale scientifique pour le 120e anniversaire de la naissance de l’auteur], Moscou, no 9, 2008. Retour au texte

7 Vladimir Nabokov, Lettres à Véra, Troubetzkoy (trad.), Paris, 2017, p. 335-336. Retour au texte

8 Irina V. Bakanova, « К реконструкции биографии художника А. С. Головина: новые архивные материалы » [« À la reconstruction de la biographie du peintre A. S. Golovine : nouvelles archives »], Vestnik rossijskogo gosudarstvennogo gumanitarnogo universiteta, no 7, vol. 108, 2013, p. 140–149. Retour au texte

9 Ce café artistico-littéraire se situant en plein cœur de Montparnasse et symbolisant un locus poeticus émigré par excellence trouve ses réfractions dans de nombreux ouvrages émigrés : dans le roman, fondamental pour ce thème, d’Ilya Sourgoutchev La Rotonde, dans le roman Apollon Bezobrazov de Boris Poplavski, dans les mémoires Une génération passée inaperçue de Vassili Varchavski ou dans le livre assez récent Diana Nikiforoff. De la Russie en révolution à la Cité interdite rédigé par Hélène Menegaldo, pour n’en citer que quelques exemples. Retour au texte

10 Cité d’après : « Скит » Прага. 1922-1940. Антология. Биографии. Документы [« L’Ermitage », Prague, 1922-1940, Anthologie. Biographies. Documents] Moscou, 2006, p. 75. « Как хотелось бы литературный спор между Парижем и Прагой закончить дружеским общением в Москве ». Nous traduisons. Retour au texte

11 Voir son ouvrage très connu sur le lexique des symboles : Wolfgang Bauer, Irmtraud Dümotz, Sergius Golowin, Lexikon der Symbole : Mythen, Symbole und Zeichen in Kultur, Religion, Kunst und Alltag, Munich, Wilhelm Heyne Vlg., 1987. Retour au texte

12 Marina Ledkovskaja, « Забытый поэт Кирилл Владимирович Набоков » [« Le poète oublié Kirill Vladimirovitch Nabokov »], Novyj žurnal, no 209, 1997, p. 277-288. « Скит » Прага. 1922-1940. Антология. Биографии. Документы [« L’Ermitage », Prague, 1922-1940, Anthologie. Biographies. Documents] , op. cit., p. 553-556. Ksenia Egorova, « Пражский поэт Кирилл Набоков » [« Le poète pragois Kirill Nabokov »], Nabokov Online Journal, 2011, no 5, p. 1-41. Retour au texte

13 Jean-Paul-Antoine-Joseph Gillès (15/12/1951-08/07/2022) a fait des études pour devenir traducteur français-russe, il était fonctionnaire auprès de l’État belge, cofondateur et vice-président de la fondation Gillès. Il a effectué la traduction d’un recueil de récits de Vsevolod Garchine, y a écrit une préface, accompagnée d’une postface de Michel Niqueux (Vsevolod Garchine, La Fleur rouge, J. Gillès (trad.), Arles, Actes Sud, 1990). La même année il a édité le recueil de sa mère Les Oiseaux nocturnes. Après sa mort, la fondation Gillès a légué, en mars 2023, au fonds patrimoine de la bibliothèque Diderot de Lyon quelques archives personnelles sur la poétesse. Retour au texte

14 Stéphanie Cirac, « Alfred Bem (1886-1945) ou la géographie intime d’un exil », Slavica Occitania, no 37, 2013, p. 266, URL : https://interfas.univ-tlse2.fr/slavicaoccitania/1596 [consulté le 22 juin 2025]. Stéphanie Cirac, Al’fred Ljudvigovič Bem. De Saint-Pétersbourg à Prague : parcours d’un philologue russe en exil (1908-1945), thèse, sous la direction de X. Galmiche et C. Depretto, Paris, Sorbonne Université, 2021, p. 555-565. Retour au texte

15 Alfred Bem, « Поэзия Аллы Головиной » [« La poésie d’Alla Golovina »], Molva, no 289, 17 décembre 1933, p. 3 ; dans Письма о литературе [Lettres de littérature], Prague, Slovanský ústav, Euroslavica, 1996, p. 150-156. Retour au texte

16 Alla Golovina, Лебединая карусель. Стихи 1929-1934 [Le Carrousel des cygnes. Vers 1929-1934], Berlin, Petropolis, 1935. Nous trouvons l’image du manège assez détaillée chez M. Tsvetaeva dans « Extraits du livre Marques de ce monde » [« Отрывки из книги “Земные приметы” », Volja Rossii, no 1, 1924, p. 99] qui a pu d’ailleurs influencer le titre du recueil d’A. Golovina. Retour au texte

17 Abram Kagan était le propriétaire de la maison d’édition berlinoise Petropolis. Retour au texte

18 Georgij Adamovitch, « “Новь”. Сборник седьмой. “Тишина” Раисы Блох. “Лебединая карусель” Аллы Головиной – Сонет о России » [« Le Neuf, tome 7. Silence de Raïssa Blokh. Le Caroussel des cygnes d’Alla Golovina – un sonnet de la Russie »], Poslednie novosti, 24 janvier 1935, no 5054, p. 2 ; « Poslednie novosti ». 1934-1935, O. A. Korostelev (éd.), Saint-Pétersbourg, 2015, p. 247-253. Retour au texte

19 Vladisav Khodassévitch, « Книги и люди. Новые стихи » [« Livres et personnes. Nouveaux vers »], Vozrojdénie, 28 mars 1935, no 3585, p. 3-4. Retour au texte

20 Mikhaïl Tsetline, « О современной эмигрантской поэзии » [« Des poèmes d’émigrés contemporains »], Sovremennye zapiski, no 58, 1935, p. 460. Retour au texte

21 Ekaterina Tauber, Russkoe delo, no 8, 1936, p. 5. Retour au texte

22 Efim Grigorievitch Etkind, « О поэзии Аллы Головиной » [« Des poèmes d’Alla Golovina »], dans Alla S. Golovina, Городской ангел. Избраные стихи [Un ange citadin. Poèmes choisis], Bruxelles, 1989, p. V. « Уход вовнутрь ― характерная черта русской поэзии, создавшейся в изгнании ». Nous traduisons. Retour au texte

23 « Стихи Аллы Головиной нужны были в ту пору, когда она творила с особой интенсивностью: в тридцатые годы. » Ibid., p. V. Nous traduisons. Retour au texte

24 « Таких ангелов ― на хилых ногах, угодливых, подобных воронью ― еще в поэзии не бывало. Их создала Алла Головина ». Ibid., p. VII. Nous traduisons. Retour au texte

25 « прозрачная, чистая образность », « высокая духовность, соединенная с рассудительной сдержанностью ». Ibid., p. V. Nous traduisons. Retour au texte

26 Alla S. Golovina, Городской ангел [Un ange citadin], op. cit., sans indication de page. « Родилась на Украине, в деревне Николаевка. Попала за границу в 1920 г. Училась в Чехословакии в русской гимназии, в глуши, в Моравии, где пробыла шесть лет.
Стала печататься, кажется, с 1931 г. в журнале «Воля России» (Прага). Издала лишь один сборник стихов – «Лебединая карусель» (издательство «Петрополис»). Второй мой сборник стихов, о выходе которого в издательстве «Русские поэты» в Париже было объявлено в печати, так и не вышел в свет из-за военных событий.
Печаталась в Современных записках, в газетах Руль, Возрождение, Россия и Славянство и др. В настоящее время, писания не бросив, почти не печатаюсь. Не хватает, как воздуха, литературных контактов, но мой интерес ко всему, что касается русской литературы и русских судеб, велик и неистребим ». Nous traduisons. Retour au texte

27 Irina V. Bakanova, « Вам Марина, мы тут не судьи » [« Nous ne sommes pas ici pour vous juger, chère Marina »], dans А. С. Пушкин – М. И. Цветаева. Седьмая цветаевская междунар. науч. темат. конф. (9-10 октября 1999) Сборник докладов [A. S. Pouchkine – M. I. Tsvétaïeva. Compte rendu de la septième conférence internationale scientifique (9-10 octobre 1999)], Moscou, Dom-muzej Mariny Cvetaevoj, 2000, p. 349-358. Irina V. Bakanova, « Марина Цветаева и Алла Головина: история взаимоотношений в контексте литературного творчества » [« Marina Tsvétaeva et Alla Golovina : histoire des relations dans le contexte de l’œuvre littéraire »], dans Семья Цветаевых в истории и культуре России. Междунар. науч. темат. конф. (8-10 октября 2007) [La Famille de Tsvétaïeva dans l’histoire et la culture de la Russie. Conférence internationale scientifique (8-10 octobre 2007)], Moscou, Dom-muzej Mariny Cvetaevoj, 2008, p. 356-379. Retour au texte

28 Larisa G. Baranova-Gontchenko, « Алла Головина » [« Alla Golovina »], dans Русская литература xx века. Прозаики, поэты, драматурги. Биографический словар в 3 томах [La littérature russe du xxe siècle. Romanciers, poètes, dramaturges. Abécédaire biographique en 3 tomes], Moscou, 2005, t. 1, p. 514-516. « Skit ». Praga. 1922–1940, op. cit., p. 438-442. Temira Pachmuss, « Двойственное видение мира в поэзии А. Головиной » [« Double vision de l'univers dans la poésie d’A. Golovina »], Записки русской академической группы в США [Annales des équipes académiques russes aux USA], 1991, t. 26, p. 163-175. Ludmila Sproge, « Алла Головина – “Письмо наизусть не пропеть”: хронотоп послания » [« Alla Golovina – “Il n’est pas possible de retenir les paroles d’une lettre par cœur”: chronotope de messages], Rossica, no 1, 1998, p. 69-75. Iwona Ndiaye, « “Emigracyjna karuzela”, w życiu i twórczości Ałły Gołoviny (1909-1987) » [« “Le carroussel des émigrés” dans la vie et l’oeuvre d’Alla Golovina »], dans Pisarki rosyjskiej zagranicy w literaturze, kulturze i korespondencji [Écrits d’émigrés russes : littérature, culture et corréspondances], Olsztyn, 2016, p. 109-121. I. V. Bakanova, « Стреноженная мечта. Тема культурной памяти в поэзии Аллы Головиной » [« Le rêve entravé. Le thème de la mémoire culturelle dans la poésie d’Alla Golovina »], dans Искусство как сфера культурно-исторической памяти [L’art dans la sphère de la mémoire culturelle et historique], Moscou, 2008, p. 160-178. Retour au texte

29 Gleb Struve, Русская литература в изгнании [La littérature russe en exil], Paris, YMCA-press, 1984, p. 371. « Едва ли не самым ценным вкладом зарубежных писателей в общую сокровищницу русской культуры должны будут быть признаны разные формы нехудожественной литературы ― критика, эссеистика, философская проза, высокая публицистика и мемуарная литература ». Nous traduisons. Retour au texte

30 Gueorgui Adamovitch, « Предисловие » [« Préface »], dans A. P. Bobrinskoj, Стихи [Vers], Paris, Imprimerie Beresniak, 1969, p. 10. « Пишу эти строки и ловлю себя на мысли: а не пытаюсь ли я, сам того не замечая, дать “комментарий” к стихам гр. Бобринского, вопреки воле автора? Нет, эти замечания я делаю на полях книги, ничего в ней не объясняя ». Nous traduisons. Retour au texte

31 Alla Golovina, Лебединая карусель [Le Carrousel des cygnes], op. cit., p. 20. « В толпе лучи на лицах незнакомых / И на деревьях золотые метки ». Nous traduisons. Retour au texte

32 M. I. Tsvetaeva, « Цветник » [« Parterre »], Blagonamerennyj, no 2, 1926, p. 126-136. Sur cet exemplaire, Golovina écrit : « Acheté chez [le coup de tampon est barré] Korniloff-Chaperon no 96, 13, rue de Roumaine Bruxelles » (« Куплено у [зачеркнута печать] Korniloff-Chaperon no 96, 13, rue de Roumaine Bruxelles »). Sur le numéro 1 de la revue Blagonamerennyj nous trouvons l’annotation « A. Gillès ». Plus loin dans le texte de l’article, nous donnons la cote des livres de la bibliothèque d’Alla Golovina se trouvant aux fonds slaves des Jésuites (FSJ) et au fonds patrimoine de la bibliothèque Diderot de Lyon (BDL). Retour au texte

33 « Ведь и раньше порой писали плохо: Марлинский, Загоскин, Бенедиктов, столь похожие на некоторых наших современников ». Ibid., p. 134. Nous traduisons. Retour au texte

34 Ibid., p. 134. Retour au texte

35 « Конечно, Краснов все время подражает “Войне и Миру”, но, во-первых, в этом нет ничего плохого, а во-вторых, Краснов ― далеко не такой умелый человек, чтобы копировать или стилизовать ― он просто перенимает толстовскую манеру». Nous traduisons. Retour au texte

36 Ibid., p. 129. Retour au texte

37 Mark A. Aldanov, « Предисловие » [« Préface »], dans Ivan A. Bounine, О Чехове [À propos de Tchékhov], New York, Izdatel’stvo im. Čexova, 1955, p. 9. « Гиппиус в статье о Н. Чайковском в “Живых лицах” говорит: “Не надо возвращаться к старикам. Не надо повторять их путь. Но ‘от них взять’ ― надо; взять и идти дальше, вперед”. ― Иван Алексеевич подчеркнул последнее слово и написал на полях: “Куда это, сударыня?”». Nous traduisons. Retour au texte

38 Ibid., p. 13. « М. Курдюмов в своей книге “Сердце смятенное” излагает содержание одного мрачного рассказа Чехова. Иван Алексеевич на полях пишет: “Да, в е з д е [подчеркнуто им. ― М. А.] у него мерзость и ужас”. Быть может, сам почувствовал несправедливость своей записи [ведь не “везде”, конечно]: читая в той же книге о “предельном тупике” у Чехова, Бунин написал: “Преувеличение ужасное!” ― Не любил всю жизнь преувеличений. Автора “Скучной истории” будто бы м у ч и л а участь человека ― И. А. раздраженно подчеркивает слово “мучила” и на той же странице приписывает: “Любил завтраки, обеды, ужины, колбасу Белова”. Это кстати мог бы написать и сам Чехов; ему замечание верно понравилось бы». Nous traduisons. Retour au texte

39 Véra Mouromtseva Bounina, « Вступление » [« Introduction »], dans Ivan A. Bounine, op. cit., p. 30. Retour au texte

40 G. P. Struve, « От редактора » [« Éditorial »], dans Marina I. Tsvetaeva, Лебединый стан. Стихи [Le Camp des cygnes. Poèmes], Munich, 1957, p. 6. « долг эмиграции ― собрать и издать разбросанные по зарубежным журналам и газетам стихи, а также поэму “Перекоп” ». Nous traduisons. Retour au texte

41 Youri P. Ivask, « Благородная Цветаева » [« La noble Tsvetaeva »], dans Marina I. Tsvetaeva, Лебедный стан. Стихи [Le Camp des cygnes. Poèmes], op. cit., p. 7. Retour au texte

42 Ibid., p. 7. Retour au texte

43 Ibid., p. 11. «Позднее и враги, тот же Адамович, воздавали ей должное». Nous traduisons. Retour au texte

44 « Русский философский язык вообще маловыразителен ». Ibid., p. 11. Nous traduisons. Retour au texte

45 Remarquons que dans l’essai introductif aux Œuvres choisies [Избранное] de Vassili Rozanov, Youri Ivask décrit ainsi les rapports amicaux et spirituels entre Rozanov et Guippius : « Z. N. Guippius avait des rapports d’amitié avec Rozanov et peut-être le comprenait-elle mieux que bien d’autres. Elle possédait un magnifique don de compréhension. Elle ne prenait pas au sérieux la religion de Rozanov, mais avait deviné et apprécié son esprit pensif et solitaire, son sentiment d’étrangeté au monde, à la vie » / « З. Н. Гиппиус с Розановым дружила и, может быть, лучше многих других его понимала. Дар понимания был у нее удивительный. Религию Розанова она всерьез не принимала, но угадала и оценила его уединенную задумчивость, его отчужденность от мира, от жизни » (Youri P. Ivask, « Вступительная статья » [« Introduction »], dans Vassili V. Rozanov, Izbrannoe [Избранное], New York, 1956, p. 28.). Golovina complète cette affirmation au sujet de Zinaïda Guippius : « Il ne s’agit pas de la compréhension, mais de l’infiltration de l’autre et même de l’étranger : “En quoi crois-tu” ? » / « Не понимания, а проникновения в чужое или даже чуждое: “Како веруеши?” » (Ibid., p. 28). Dans l’autobiographie C’est moi qui souligne [Курсив мой] Nina Berberova écrit : « Si Zinaïda Nikolaevna et Dmitry Serguéevitch, lors de la première rencontre, faisaient passer à leur interlocuteur une sorte d’examen (“en quoi croyez-vous ?”), alors Bounine le faisait d’une manière complètement différente : non pas “en quoi croyez-vous”, mais quelle impression te fais-je ? » / « Если Зинаида Николаевна и Дмитрий Сергеевич при первом знакомстве учиняли собеседнику некий экзамен (“како веруеши?”), то Бунин делал это совсем по-другому: не “како веруеши”, а какое я на тебя произвожу впечатление? » (Nina N. Berberoba, Курсив мой [C’est moi qui souligne], t. 1, New York, 1983, p. 289). Retour au texte

46 Tous les soulignements dans les citations correspondent aux marques personnelles d’A. Golovina sur les pages de ses livres. « Дружба с одним из самых даровитых представителей этого поколения, Анатолием Штейгером, быстро оборвалась ». Nous traduisons. Retour au texte

47 Youri P. Ivask, « Благородная Цветаева » [« La noble Tsvétaïeva »], op. cit., p. 13. « Может быть, некоторое влияние она оказала также на поэтов-участников пражского “Скита поэтов” ». Nous traduisons. Retour au texte

48 Ibid., p. 15. Retour au texte

49 Au sujet de Pavel Antokolski, poète, élève du studio Vakhtangov, dans les écrits de M. Tsvetaeva : dans l’essai « Смерть Стаховича (27 февраля 1919 г.) » (« La mort de Stakhovitch (27 février 1919 ») : « Nous sommes avec Alia chez Antokolski. […] Antokolski me lit ses vers “Prologue de ma vie” que je nommerais “Justification de tout” » (« Мы с Алей у Антокольского. […] Антокольский читает мне стихи ― “Пролог к моей жизни”, которые бы я назвала “Оправданием всего” »), Marina Tsvetaeva, Одна – здесь – жизнь [Ici – il n'y a qu’une – vie], Moscou, Astrel’, 2012, p. 133. Une conversation nocturne avec Antokolski est décrite dans les notes « Au sujet de l’amour (extraits du journal intime) » (« О любви (из дневника) ») (Ibid., p. 172-174). Le personnage de P. Antokolski apparaît aussi dans « Le roman de Sonetchka » (« Повесть о Сонечке ») (Ibid., p. 525-696). Retour au texte

50 Youri P. Ivask, « Благородная Цветаева  » [« La noble Tsvétaïeva »], op. cit., p. 14. « Но живую Цветаеву не уберегли ни в России зарубежной, ни в России советской. Ее могла бы возвеличить свободная Россия, но едва ли бы она обрела в ней счастье, если бы дожила; и едва ли одобрила “культ” своей личности в каком-нибудь отдаленном будущем ». Nous traduisons. Retour au texte

51 Ibid., p. 14–15. « 1938 год. Предрождественский Париж весь в сугробах. Разыгралась метель на бульваре Монпарнас. Марина Ивановна идет по запорошенному тротуару. На ней старенькое пальто с высоким шерстяным воротником (по моде 20-х годов). Она по-мужски подпоясана широким кожаным ремнем. Какое-то кафе. Белый столик. Ее бледное лицо. Горбатый нос. Странные птичьи движения ― все под прямым углом. Отстукивая пальцем ритм, она отчеканивает: Мне ни-когда, ни до чего не было дела, кроме стихов. Да, это так и было, хотя своего упитанного тринадцатилетнего сына, Мура, она кажется любила больше стихов, ― обожала.
Часов пять длилась беседа. Время пролетело быстро. Даже анекдоты ― и очень забавные, прекрасно рассказанные ― претворяла она в мифы, легенды. Но герои этих анекдотов еще живы, и лучше их не рассказывать.
Падает снег. Цветаева уходит ». Nous traduisons. Retour au texte

52 Alla S. Golovina, « Береги любовь, не прощай любви» [« Protège l’amour, ne pardonne pas l’amour »], Вилла «Надежда»: Стихи. Рассказы [Villa « Espoir » : Poèmes et récits], Мoscou, Sovremennik, 1992, p. 137. Retour au texte

53 Alla S. Golovina, « Страшная картина » [« Un tableau effrayant »], Вилла «Надежда»: Стихи. Рассказы [Villa « Espoir » : Poèmes et récits], op. cit., p. 191–192. « На их лицах блуждали ухарские усмешки. Смерть стояла сзади, отставив в сторону косу, чтобы ее хорошо было видно, и опираясь о плечо девочки, срисованной с оригинала. […] Было шумно и празднично. В снег и смерть никто не верил ». Nous traduisons. Retour au texte

54 Notes d’A. Golovina sur les marges de l’essai d’Erikh F. Gollerbach, « Старое и новое. Заметки о литературном Петербурге » [« Le vieux et le neuf. Notes sur le Pétersbourg littéraire »], Novaja russkaja kniga, no 7, 1922, p. 6. « Надо было, разумеется, что-нибудь упомянуть (и серьезно) о поэте В. Ходасевиче. Возможно, что для Вас он только формалист, но тогда, как можете претендовать Вы на любовь (или интерес) к поэзии. Ходасевича любил, например, Белый, а? Как же Вы не обратили внимания, это происходило у Вас под носом.
Впрочем, статья интересна в целом и еще сегодня почти совсем актуальна.
1957 Ал. Г.
И о Цветаевой надо было упомянуть, как следует. И не говорить свысока о Хлебникове и Маяковском ». Nous traduisons. Retour au texte

55 Au sujet de l’image de V. Khodassévitch chez A. Golovina : Svetlana Garziano, « Образ Вл. Ходавеча в преломлениях творчества Аллы Головиной » [« L’image de V. Khodassévitch dans les réfractions de l’œuvre d’Alla Golovina »], dans Iwona Ndiaye, Svetlana Garziano (dir.), (E)migracja tożsamość kulturowa – pamięć kulturowa [La (é)migration et l'identité culturelle – la mémoire culturelle], t. 2, Wydawnictwo Uniwersytetu Warmińsko-Mazurskiego w Olsztynie, 2024, p. 159-180. Retour au texte

56 Cité d’après : «Skit». Praga. 1922–1940, op. cit., p. 441.« В середине лета я перенесла очень тяжело незаменимую потерю Ходасевича и отъезд Цветаевой, тождественный ее смерти. Эти двое так или иначе были постоянными друзьями ». Nous traduisons. Retour au texte

57 Vladislav F. Khodassévitch, « Младенчество » [« Petite enfance »], Колеблемый треножник. Избранное [Un chevalet d'artiste sur pied oscillant. Œuvres choisies], Мoscou, Sovetskij pisatel’, 1991, p. 255. « Мы же с Цветаевой, которая, впрочем, моложе меня, выйдя из символизма, ни к чему и ни к кому не пристали, остались навек одинокими, “дикими”. Литературные классификаторы и составители антологий не знают, куда нас приткнуть ». Nous traduisons. Retour au texte

58 Vladislav F. Khodassévitch, Собрание стихов [Recueil de vers], Paris, Vozroždenie, 1927, p. 158.
« – 34
вспоминаю
эти стихи идя с ним знакомиться. Январь 1934 г.
(мне 23 г. ― ему 48) ». Nous traduisons. Retour au texte

59 Gilen Limont, « Три письма Марины Цветаевой к Н. Н. Тукалевской (июнь 1939) » [« Trois lettres de Marina Tsvétaïeva à N. N. Toukalevskaïa], Vestnik russkogo xristianskogo dviženija, no 185, vol. 3-4, p. 193-195. La version complète de cette correspondance est publiée dans : Anna Lushenkova Foscolo, « “Qu’elles sont nombreuses, les demandes d’une femme aimée…” La correspondance de Marina Tsvetaeva d’avant son retour en URSS (1938-1938) », dans Tatiana Victoroff, Valentina Chepiga (dir.), Marina Tsvetaeva et l’Europe, Paris, Éditions des archives contemporaines, 2021, p. 215-245. Dans cette correspondance est aussi mentionnée Alla Golovina (« Je suis passée – nous avons conversé un moment avec Alla, en buvant du café » / « Была ― посидела с Аллой ― напоила ее и себя кофе », ibid., p. 245), puisqu’elle connaît la fille de N. Toukalevskaïa, Tamara, membre tout comme Alla du Skit à Prague («Skit». Praga. 1922–1940, op. cit., p. 580-582). Tamara vient aussi en 1935 à Paris, comme Alla, elle y fait la connaissance de M. Tsvetaeva. Nous pouvons même supposer que Golovina est justement présentée à M. Tsvetaeva par le biais de la famille Toukalevskii, puisque dans sa lettre à Tamara Toukalevskaïa, datée de printemps 1939, Tsvetaeva demande des nouvelles d’Alla (Anna Lushenkova Foscolo, « “Qu’elles sont nombreuses, les demandes d’une femme aimée…” La correspondance de Marina Tsvetaeva d’avant son retour en URSS (1938-1938) », op. cit., p. 243). Retour au texte

60 Svetlana Garziano, « Маргиналии как источник культурного сознания русского зарубежья: заметки к теме » [« Les marginalia comme source de la conscience culturelle des Russes à l’étranger : notes sur le sujet »], dans Эмиграция как текст культуры: историческое наследие и современность: сборник научных статей [L’émigration en tant que culture textuelle. Patrimoine historique et contemporanéité], Budapest, Kirov, éditions Raduga-press, 2020, p. 365-378. Retour au texte

61 Notes d’A. Golovina dans : Marina I. Tsvetaeva, « Искусство при свете совести » [« L’art à la lumière de la conscience »], Sovremennye zapiski, no 50, 1932, p. 305.. Retour au texte

62 « Ц. должна писать о своей одержимости, а не о логических пояснениях. “Совесть” у Ц. ― личность поэта. (органическая сущность) ». Nous traduisons. Retour au texte

63 Youri P. Ivask, « Блогородная Цветаева » [« La noble Tsvétaïeva »], op. cit., p. 11–12. « искусство ― стихия, и что оно вне добра и зла (как и природа). Художник, одержимый стихиями природы ― выражает эти стихии или даже продолжает их бытие в искусстве. Но художник ― не только артист, он еще и человек, подлежащий нравственному суду, который неминуемо должен осудить его за художество, равно чуждое и добру, и злу. Возвращаясь на путь нравственный, художник не может не отречься от своего творчества, как Гоголь или Толстой ». Nous traduisons. Retour au texte

64 Marina Tsvétaïeva, « Отрывки из книги “Земные приметы” » [« Extraits du livre Marques de ce monde »], op. cit., p. 85. Exemplaire d’A. Golovina, fonds slaves des Jésuites, Lyon. « Подчеркиваю то, что сама слыхала от М. и что считаю, безусловно, характерным ». Nous traduisons. Retour au texte

65 G. V. Adamovitch, M. L. Kantor (dir.), Якорь. Антология зарубежной поэзии [Ancre. Anthologie de poèmes étrangers], Berlin, Petropolis, 1936, p. 237.
« Заметки 1961
+ умер-ла
• их знала лично ». Notre traduction. Retour au texte

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Référence électronique

Svetlana Garziano, « Alla Golovina, poétesse de la jeune génération de l’émigration russe, et ses rapports avec Marina Tsvetaeva au prisme de son œuvre et de ses marginalia », Nouveaux cahiers de Marge [En ligne], 10 | 2025, mis en ligne le 05 septembre 2025, consulté le 08 septembre 2025. URL : https://publications-prairial.fr/marge/index.php?id=1334

Auteur

Svetlana Garziano

Université Jean Moulin Lyon 3

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