Victorine Meurent, modèle et artiste. Relecture d’un mythe de la décadence artistique

  • Victorine Meurent, model and artist. Rereading a myth of artistic decadence

DOI : 10.35562/theia.216

Abstracts

Adolphe Tabarant, journaliste et critique d’art, a publié en 1931 et 1947 deux ouvrages qui constituent une source de premier ordre dans l’étude de l’œuvre et de la vie du peintre Édouard Manet. En 2023, la Morgan Library and Museum de New York a acquis une photocopie d’un manuscrit inédit et non publié de Tabarant. Ce manuscrit intitulé « Celle qui fut l’Olympia de Manet » se présente comme un récit biographie de Victorine Meurent, modèle préféré de Manet pour qui elle a posé entre 1862 et 1872. En rapport avec le mémoire de master consacrée à Meurent, l’objectif de cet article est d’évaluer certains éléments du manuscrit qui permettent d’établir sa valeur historique dans l’élaboration du mythe du modèle décadent, associé à la figure de Meurent.

Adolphe Tabarant, journalist and art critic, published two books in 1931 and 1947 that constitute a first-rate source for the study of the work and life of the painter Édouard Manet. In 2023, the Morgan Library and Museum in New York acquired a photocopy of an unpublished manuscript by Tabarant. The manuscript, entitled “Celle qui fut l’Olympia de Manet,” is a biographical account of Victorine Meurent, Manet’s favorite model, for whom she posed between 1862 and 1872. In connection with the master’s thesis devoted to Meurent, the aim of this article is to evaluate certain elements of the manuscript that make it possible to establish its historical value in the development of the myth of the decadent model, associated with the figure of Meurent.

Text

Au regard de l’histoire de l’art, Victorine Meurent (1844-1927) n’a été qu’un nom, une anecdote dans l’œuvre de l’artiste de la modernité Édouard Manet (1832-1883). Selon l’historienne de l’art britannique Frances Borzello, cette femme artiste et modèle est l’exemple parfait du traitement marginal accordé aux modèles d’atelier qui ont servi à la représentation en peinture1. À la croisée de l’histoire sociale de l’art, des études de genre et des modèles vivants, cette recherche a eu pour ambition de rassembler l’ensemble des connaissances consacrées à la vie et à l’œuvre de Victorine Meurent2. Cette étude a permis d’offrir une nouvelle compréhension aux sources archivistiques et aux œuvres pour lesquelles Meurent a posé. À cela s’ajoute l’analyse technique et iconographique de quatre tableaux de l’artiste exposés au musée municipal d’art et d’histoire de Colombes3 et au Museum of Fine Arts de Boston4. Ces recherches ont surtout permis d’accéder à un manuscrit non publié du journaliste Adolphe Tabarant (1863-1950).

Tabarant est considéré comme l’un des premiers historiens de l’impressionnisme français5. Rédacteur du Bulletin de la vie artistique et proche des artistes néo-impressionnistes, il écrivit de nombreux articles sur la peinture de cette période. En 1931, puis en 1947, il publie deux ouvrages sur Édouard Manet, fruit d’années de recherche et d’entretiens qui constituent la source de toute étude sur l’artiste6. Ces ouvrages réunissent la biographie du peintre et la première tentative de catalogue raisonné de ses œuvres, proposant une réflexion sur le processus de création, les influences, mais également la réception de ses œuvres. Tabarant est la principale source écrite consacrée à la vie de Manet, souvent citée dans les études sur l’artiste et dans les expositions qui lui sont consacrées7.

Le document d’archive étudié est un manuscrit que Tabarant a rédigé entre octobre 1948 et mars 1949. Il s’agit plus précisément d’une copie de l’original tapuscrit, qui a disparu à ce jour. L’accès à ce document a été rendu possible grâce à Eunice Lipton, historienne de l’art féministe étasunienne. En 1988, Lipton obtient un fac-similé du document par le biais de l’assistante de recherche de la précédente propriétaire du fonds d’archives de Tabarant, Mina Curtiss. Lipton cède en 2023 cet exemplaire à la Morgan Library & Museum de New York, au moment où nous effectuons des recherches sur l’œuvre et la vie de Meurent8.

L’analyse de ce document nous fait se confronter à une réalité complexe. D’un côté, s’impose la figure de Tabarant comme source reconnue de l’histoire de l’art, depuis la publication de la biographie Manet, histoire catalographique publiée en 1931. Cependant, ce document ne présente pas les qualités des précédents ouvrages de l’auteur, n’étant pas une source historique fiable de première main. Tabarant répète des éléments qu’il a déjà évoqués en 1931 et en 1947, à partir de sa réflexion personnelle, de ses hypothèses et des témoignages de l’époque. Les sources de Tabarant sont difficilement identifiables, en dehors des propos de Léon Koëlla-Leenhoff (1852-1927), fils de Suzanne Manet, la veuve du peintre, de l’artiste Suzanne Valadon (1865-1938), ainsi que des Mémoires du romancier et critique d’art Georges Moore (1852-1933). Ces propos rapportés sont un gage de véracité, puisque ceux de Koëlla sont associés au lien familial avec Manet et ceux de Valadon, à son statut de personnalité artistique de Montmartre et proche de Tabarant. S’agissant des propos de Moore, ils ne peuvent pas être considérés comme une source fiable, car l’auteur anglais a eu tendance à modifier les récits et les dates des évènements au gré des publications9. L’ensemble des propos rapportés par Tabarant s’apparentent ainsi à des « on-dit », des rumeurs montmartroises datées10 que les deux principaux témoins confirment et alimentent :

Je vais conter, sans en rien taire, une bouleversante histoire dont le déroulement dépasse l’horizon du romanesque, une authentique histoire qui démontre que la réalité peut quelques fois défier la fiction.11

D’un point de vue rédactionnel, le manuscrit s’oppose totalement aux précédents ouvrages. Tabarant est omniprésent en tant qu’auteur-narrateur. Les premières et dernières phrases du manuscrit le démontrent. Il se présente comme le conteur d’une histoire, celle de Meurent artiste et modèle dont la vie a longtemps été tue et qu’il révèle au grand public. Plus étonnant encore pour une démarche historique, Tabarant affirme répondre à un devoir, celui de raconter la vérité, de partager l’histoire de Meurent telle qu’il la connaît. Il se présente en homme accablé par ses informations et qui doit se soulager de ses découvertes.

Miette après miette, je nourrissais mon dossier. Et je faisais d’affreuses découvertes. Les rendrais-je publiques. […] dans Manet et ses œuvres, j’en disais moins encore, m’arrêtant effrayé au bord du gouffre que j’avais découvert. […] J’y suis enfin descendu. M’imposant la tâche d’évoquer Victorine Meurent à toutes ses heures et toute entière, je suis allé droit à cette héroïne jusque-là si indéterminée, attirante et repoussante.12

Les recherches postérieures au récit de Tabarant démontrent qu’il fait erreur sur l’identification de l’artiste et modèle. Il présente Meurent comme une fille de Montmartre dont le « millésime de sa naissance est imprécis »13. En 1967, l’étude de l’historien Jacques Goedorp découvre que Meurent est finalement née le 18 février 1844 à Paris dans le quartier ouvrier de Popincourt. Son enfance semble plutôt se situer sur la rive gauche dans le quartier de la place Maubert14. Plus important encore, Tabarant situe le décès de Victorine Meurent en 1892, alors qu’elle réside encore à Paris jusqu’en 1906, puis à Colombes où elle décède finalement en 192715.

Quant à la carrière de peintre de Meurent, les propos du narrateur-auteur démontre surtout sa profonde admiration pour la peinture de Manet. La vie personnelle de Meurent prend le pas sur sa création artistique et le jugement de Tabarant conduit à une interprétation biaisée et fausse, comme le démontre l’extrait suivant :

[…] Elle faisait de la peinture, disait-elle. Courant à quelques académies, elle circulait avec un carton à dessins sous le bras, des toiles, une boîte à couleurs. On sut que celle qui eût pu recevoir l’enseignement de Stevens se rendait rue Turgot à l’atelier d’Étienne Leroy, obscur peintre de portraits et de genre qui exposait irrégulièrement au Palais de L’Industrie. Quelle étrange fille !16

À l’image de nombreuses femmes artistes, Victorine Meurent se tourne en effet vers les académies privées. Elle suit les cours du soir de l’Académie Julian, académie privée la plus renommée de Paris. Elle est présente dans les différents livrets listant les élèves féminines de l’Académie depuis 186817. Dans les catalogues des Salons de 1876, 1879, 1885 et 1904, elle est présentée comme l’élève d’Étienne Leroy (1828-1876). Peintre portraitiste, élève de François-Édouard Picot (1786-1868), exposant au Salon chaque année entre 1857 et 187318, Leroy ne correspond pas à l’esthétique défendue par Tabarant. Ses œuvres sont appréciées des critiques de Salon, notamment Edmond de Laqueuille et Gonzague Privat qui vantent ses choix chromatiques, mais fustigent la position de ses œuvres au Salon19. Cet investissement à l’Académie Julian et auprès de Leroy témoigne d’une carrière professionnelle déjà engagée à cette période, où Meurent pose en parallèle pour Manet. Rappelons enfin que Meurent reste une peintre active jusqu’en 1913, au moins selon les registres de Salon et les annuaires artistiques que notre étude a mis à jour20.

Ces observations démontrent que ce manuscrit peut difficilement être étudié comme porteur d’une vérité historique, mais bien comme le témoignage de la construction d’un mythe, dont Meurent fera les frais tout au long de sa carrière artistique. Par ailleurs, l’étude de Tabarant s’inscrit dans un contexte particulier : le transfert de l’Olympia (1863) de Manet au musée du Jeu de Paume en 1947. Ce contexte institutionnel entraine des discussions et des interrogations sur le modèle du tableau. Le texte de Tabarant s’assimile donc bien plus à une tentative d’écrire au sujet du tableau, plutôt que de traiter de Victorine Meurent. Tabarant résume par ces mots le récit qu’il partage : « L’histoire d’une créature féminine, longtemps parées d’attraits, belle, intelligente, artiste, et qui sombra dans la pire ignominie. »21 Assimilée à Olympia, Meurent devient la figure mythique de la fille des rues qui connaît la lumière grâce à un artiste de génie et qui, lorsqu’elle s’en détache, ne rencontre que des échecs à travers les choix qu’elle fait. Si le manuscrit resté inédit ne peut constituer la source unique dans la construction de ce mythe décadent, les précédents écrits de Tabarant et les sous-entendus sur la vie de misère de l’artiste auront contribué à le forger. Cette image se renforce à travers les interprétations sur l’hypersexualisation et les prétendus vices cachés des femmes modèles, que l’on retrouve dans la presse de l’époque, dans les écrits de Tabarant et à travers ce corps offert au spectateur qu’est l’Olympia de Manet.

Appendix

« Celle qui fut l’Olympia de Manet »

« Je vais conter, sans en rien taire, une bouleversante histoire dont le déroulement dépasse l’horizon du romanesque, une authentique histoire qui démontre que la réalité peut quelques fois défier la fiction. L’histoire d’une créature féminine, longtemps parées d’attraits, belle, intelligente, artiste, et qui sombra dans la pire ignominie. L’histoire de cette Victorine Meurent que représentent plusieurs figures peintes par Édouard Manet, entre lesquelles la fameuse Olympia. »22

« Elle chantait dans les rues et les cabarets en s’accompagnant de la guitare, et c’était son gagne-pain, cette quête errante n’humiliant pas sa fière humeur. Elle recevait des sous sans dire merci. Bien que je connaisse rien [sic] des premiers ébats qu’elle avait pu prendre, j’ai l’impression que tout en étant de petite vertu, elle savait se défendre contre les pièges du pavé. »23

« La gravité de son profil vieillissait un peu cette blonde ardente, mais la face entière, où vivaient des yeux hardis, attestait une printanière jeunesse, avec cela le corps nerveux des filles de Paris, suggestif en chacun de ses détails. Le buste élancé faisant valoir le style discret de ses seins. Un œil de peintre est prompt à parcourir ces perspectives. »24

« Nouveau tournant ! Celle qui avait posé la jeune femme de ce tableau, celle qui avait paru dans la Partie de crocket [sic], venait encore une fois de s’évader du milieu où gravitait le cordial Stevens, non pour un retour en Amérique : elle ne s’était pas envolée, mais pour vivre à l’écart, s’y créer des habitudes diamétralement opposées à celles qu’on lui avait connues. […] Elle faisait de la peinture, disait-elle. Courant à quelques académies, elle circulait avec un carton à dessins sous le bras, des toiles, une boîte à couleurs. On sut que celle qui eût pu recevoir l’enseignement de Stevens se rendait rue Turgot à l’atelier d’Étienne Leroy, obscur peintre de portraits et de genre qui exposait irrégulièrement au Palais de L’Industrie. Quelle étrange fille ! »25

« Il y eut presque unanimité pour exclure Manet. Eh bien ! Ce jury bannisseur de Manet accepta un envoi fait par … Victorine Meurent ! Victorine, oui, recommandée, croit-on, et c’est là le petit mystère, par l’inconnu qui en payait les faveurs. Un monsieur évidemment bien en place. On allait pouvoir lire sur le livret du Salon : ‘‘Meurent (Melle Victorine), née à Paris, - Boulevard de Clichy, 1, Portrait de l’auteur.’’ Son propre portrait peint selon les recettes d’Étienne Leroy, et qu’il ne m’a pas été possible de retrouver. »26

« Il [Étienne Leroy] lui fit peindre sous ses yeux une toile s’adaptant aux sympathies traditionnelles d’un jury, et qu’elle soumit à celui de 1879, que présidait Bonnat. Cela passerait-il, ‘‘en douce’’, comme avait passé l’envoi de 1876 ? Eh bien, oui, cela passa ! Au livret du Salon de 1879, on pourrait lire, en regard du numéro 2128 : ‘‘Meurent (Melle Victorine-Louise) née à Paris. Élève de E. Leroy. Rue Bréda 21’’. Suivrait - ô désolation ! - le titre de l’œuvre : Bourgeoise de Nuremberg au XVIe siècle. Qu’un tel sujet eût pu être choisi par celle qui avait approché de si près la plus moderne conception de l’art, n’était-ce pas stupéfiant ? »27

« Elle [Marie Pellegrin, proche de Meurent] l’aperçoit, se jette dans ses bras, l’étreint, la dévore goulûment. Coup de foudre qui s’amplifie, l’ivresse dissipée. Elle jura, elle fit jurer à Victorine qu’elles ne se quitteraient plus. … Elle arrêta de faire sien le logis de Victorine, y transporta son minier, y répandit des fleurs, une crémaillère du nouveau ménage étant bruyamment plantée.

Le 1 du boulevard de Clichy, au troisième, devint le rendez-vous d’une femellerie [sic] spéciale, filles à marlous et filles pour filles, et du jour comme de nuit la maison retentit de rires et de gueulades, l’entente ne régnant pas à perpète entre ces dames, qui s’embrassaient et s’arrachait les cheveux simultanément. »28

« En 1881, à bout d’expédients, elle prit la résolution, qui lui coûtait, d’en appeler à Manet, ceci m’ayant été dit par Léon Koëlla. Elle ne le voyait plus, Manet ? S’il n’avait personnellement rien contre elle, il n’évitait pas moins de la croiser sur sa route. (…) Il la reçut. Pouvait-elle n’être plus pour lui la forme vivante d’œuvres glorieuses ? Forme en dégénérescence. L’éblouissant édifice de chair du Bain, l’offertoire de luxure de l’Olympia, qu’étaient devenues en elles ces trois périssables choses ? Il eut pitié. Il lui ouvrit sa bourse. Il s’occuperait de lui avoir un petit emploi peu accaparant, celui d’ouvreuse étant indiqué par elle. Il en parlerait à des amis, gens de théâtre. En parla-t-il ? Le certain, c’est qu’il ne l’oublia pas, que plus d’une fois il lui fit passer quelques secours. »29

« Cette entrée de Victorine dans la galanterie ouverte, se place vers la fin de 1886, et je dois cette indication nette - je vais lui en devoir tout un lot - à ma grande amie Suzanne Valadon, qui ouvrit de bonne heure des yeux vifs, cueillant tout, sur le Paris diurne et nocturne qui s’ébrouait devant elle. Valadon, qui me fut bien chère, avec qui je fus tant bavard du passé. »30

« C’est à partir de 86 qu’on la vit tous les soirs à l’Élysée-Montmartre, continuait Valadon. Soi-disant comme artiste. En 87, elle y était tout à fait putain. »31

« Elle n’était que de seconde jeunesse, l’artiste exposant. Il ne voyait pas en elle une marcheuse. Il fallait que Victorine joua le jeu serré de l’honnêteté en proie aux cruautés de la vie pour qu’il prit quelque chaleur. Confidences à l’oreille ? Elle entrait dans le vif et le monsieur commençait à mordre. Il était le premier à faire des avances. Il pressait, elle résistait. Vaincue, elle disait oui, gagnait la sortie sans en avoir l’air, suivie à peu de distance par le partenaire impatient. La conclusion s’expédiait dans un hôtel du voisinage. »32

« La date extrême des échos que j’aie recueillis atteint bien juste 1892. Après cela, parier pour la vie, c’est jouer à pile ou face. N’aurait-elle pas été ramassée par la police et recluse au dépôt de mendicité, qui la guettait ? Réponse négative de la Préfecture de Nanterre. Trépassée ? Une terminaison sans cérémonie, qui ne se serait pas produite dans le trou de chiennerie où croupissait la vivante. Les avis émanés des vieilles cervelles - avis obtenus par moi - s’accordaient sur la mort vers le terme indique, environ 92. »33

« Olympia au Louvre, ce qui amena le nom de Victorine Meurent sur quelques lèvres, ce qui me le fit écrire dans un quotidien, trot [sic] de ma plume.

Le nom, et rien outre [sic]. Qu’aurais-je pu noter touchant la personne ? Qu’en savais-je ? Qu’en savait-on ?

Il faut qu’ici je dise une dernière fois, en mettant les points sur les i, il faut que je fasse comprendre qu’en 1907 comme en 1892, Victorine Meurent n’avait pas d’existence dans le souvenir, et que le fait d’écrire son nom ou de le prononcer ne pouvait être qu’un réflexe accidentel. »34 

« J’y révélais35 - et c’était bien une révélation - qu’elle avait été peintre et qu’en 1876 le salon avait reçu d’elle et présenté un portrait de femme, le sien. Je ne parlais pas de sa contribution à deux autres Salons, et pour cause. Je l’ignorais, et nul n’était à même de me le signaler. 

Patience ! Le vrai venait lentement à moi par des routes souvent interrompues. Miette après miette, je nourrissais mon dossier. Et je faisais d’affreuses découvertes. Les rendrais-je publiques.

Dans mon Manet, histoire catalographique en 1931, je dénonçais la tare d’ivrognerie et je m’en affligeais. Le 10 juillet 1932, publiant dans l’Œuvre, (…) je ne dissimulais pas ce que j’appelais “la pire déchéance”, tout en m’interdisant de la rapporter. »36

« Et dans Manet et ses œuvres, j’en disais moins encore, m’arrêtant effrayé au bord du gouffre que j’avais découvert.

J’y suis enfin descendu. M’imposant la tâche d’évoquer Victorine Meurent à toutes ses heures et tout entière, je suis allé droit à cette héroïne jusque-là si indéterminée, attirante et repoussante. J’ai décisivement déroulé le récit de cette vie de damnation que tout menait au désastre. On vient de la lire et je n’ai pas à y ajouter. »37

Notes

1 Frances Borzello, The Artist’s Model, Londres, Junction Books, 1982, p. 115. Return to text

2 Adeline Dollet, Victorine Meurent (1844-1927), modèle et artiste, mémoire de master 2 Histoire de l’art – Arts et cultures visuelles, sous la direction de Damien Delille, soutenu en 2023, Université Lumière Lyon 2. Return to text

3 Victorine Meurent, Le Jour des Rameaux, 1886, huile sur toile, 41,3 x 32,2 cm, Colombes, Musée Municipal d’Art et d’Histoire ; Victorine Meurent, Le Briquet ou Le Gamin de Paris, 1896, huile sur toile, 46 x 38 cm, Colombes, Musée Municipal d’Art et d’Histoire ; Victorine Meurent, Jup, non daté, huile sur toile, 24 x 19 cm, Colombes, Musée Municipal d’Art et d’Histoire. Return to text

4 Victorine Meurent, Autoportrait de l’artiste, huile sur toile, 35 x 27 cm, Boston, Fine Arts Museum. Return to text

5 Jules Colmar (dir.), Le cahier rouge des impressionnistes, Paris, Grasset, 2019, p. 104. Return to text

6 Adolphe Tabarant, Manet : histoire catalographique, Paris, Éditions Montaigne, 1931 et Adolphe Tabarant, Manet et ses œuvres, Paris, Gallimard, 1947. Return to text

7 Tabarant est notamment l’une des sources utilisées pour l’exposition Manet/Degas, réalisée par le Musée d’Orsay du 28 mars au 23 juillet 2023. Voir Laurence Des Cars, Stéphane Guégan, Isolde Pludermacher (dir.), Manet/Degas [catalogue d’exposition, Paris, Musée d’Orsay, du 28 mars au 23 juillet 2023], Paris, Gallimard, 2023. Return to text

8 Adolphe Tabarant, « Celle qui fut l’Olympia de Manet by Adolphe Tabarant », non publié, Record ID 447552, Morgan Library & Museum, New York. Return to text

9 Margaret Armbrust-Seibert, A biography of Victorine-Louise Meurent and her role in the of Édouard Manet, thèse de doctorat, sous la direction de Mathew Herban III, Ohio State University, 1989, p. 306-307. Return to text

10 Emmanuel Laurent, Mademoiselle V, Journal d’une insouciante, Paris, La Différence, 2003, p. 264. Return to text

11 Adolphe Tabarant, art. cit., p. 1. Return to text

12 Ibidem, p. 83-83. Return to text

13 Ibid., p. 1. Return to text

14 Jacques Goedorp, « La fin d’une légende : L’Olympia n’était pas une montmartroise », Le journal de l’amateur de l’art, 10-25 février 1967, p. 7. Return to text

15 Eunice Lipton, Alias Olympia, a woman search for Manet’s notorious model & her own desire, New York, Meridian, 1992, p. 161-163. Return to text

16 Adolphe Tabarant, art. cit., p. 38. Return to text

17 Fonds de l’Académie Julian, Ateliers de l’Académie et divers, 63AS/13, Archives nationales de France, Pierrefitte. Return to text

18 Emmanuel Bénézit, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, vol. 8, Paris, Gründ, 1999, p. 558. Return to text

19 Edmond de Laqueuille, Les Beaux-Arts : revue nouvelle, 1er juillet 1861, vol. 2, tome 3, p. 49 et Gonzague Privat, Place aux jeunes, causeries critiques sur le Salon de 1865, Paris, F. Cournot, 1865, p. 150. Return to text

20 Annuaire de la curiosité et des Beaux-Arts : Paris, départements, étrangers, Paris, s. n., 1913, p. 474. Return to text

21 A. Tabarant, art. cit., p. 1. Return to text

22 Adolphe Tabarant, « Celle qui fut l’Olympia de Manet by Adolphe Tabarant », non publié, Record ID 447552, Morgan Library & Museum, New York, p. 1. Extraits proposés et commentés par Adeline Dollet, pour l’ensemble des extraits. Return to text

23 Ibid., p. 1-2. Return to text

24 Ibid., p. 2. La gravité du visage de Meurent rappelle le portrait de Manet réalise autour de 1862, conservé au Museum of Fine Art de Boston. Considéré comme la première représentation de Meurent par Manet, il s’agit d’un petit tableau dans lequel apparaît clairement le regard qui deviendra l’attribut de Meurent. Tabarant n’ayant jamais rencontré Victorine Meurent, cette description teintée d’érotisme pointe les caractéristiques de Meurent en tant que modèle grisette, à savoir, un corps chétif faisant plus vieux que son âge et une petite poitrine. Cette description prépare le lecteur à la suite du récit. Return to text

25 Ibid., p. 38. Return to text

26 Ibid., p. 39, commentaire de A. Tabarant suite au Salon de 1879. Victorine Meurent est exposante avec son tableau Bourgeoise de Nuremberg, au XVIème siècle (localisation inconnue), en tant qu’élève d’Étienne Leroy. Return to text

27 Ibid., p. 50, au sujet du Salon de 1879. Return to text

28 Ibid., p. 41, au sujet du bar Le Rat mort. Return to text

29 Ibid., p. 52, au sujet de la précarité de Meurent qui déménage au début des années 1880 au 21, rue Bréda à Paris, dans un appartement à 280 francs par an. Return to text

30 Ibid., p. 58. Return to text

31 Ibid., p. 60. Return to text

32 Ibid., p. 62. Return to text

33 Ibid., p. 78. A. Tabarant se trompe sur la date de décès de Meurent. Dans les années 1890, Meurent est toujours présente à Paris et change régulièrement de logement. Elle expose au Salon de 1904, alors qu’elle a soixante ans. En 1906, elle quitte Paris pour s’installer à Colombes. Elle figure aux recensements de la commune de 1906, 1907 et 1921. Toujours en 1906, elle devient sociétaire de la Société des Artistes Français et reçoit des aides financières en 1909 et 1919. Elle est citée dans L’Annuaire de la Curiosité et des Beaux-Arts en 1912 et 1913, ce qui démontre qu’elle est encore une peintre active à un âge très avancé. Son acte de décès dans les archives communales de Colombes indique le 17 mars 1927, morte à l’âge de 83 ans. Return to text

34 Ibid., p. 81. Return to text

35 Bulletin de la vie Artistique, 15 mai 1921, p. 17-19. Return to text

36 Ibid., p. 82. Return to text

37 Ibid., p. 83, au sujet des ouvrages Adolphe Tabarant, Manet, histoire catalographique, Paris, Éditions Montaigne, 1931 et Id., Manet et ses œuvres, Paris, Gallimard, 1947. Return to text

References

Electronic reference

Adeline Dollet, « Victorine Meurent, modèle et artiste. Relecture d’un mythe de la décadence artistique », Théia [Online], 1 | 2024, Online since 14 avril 2025, connection on 18 juillet 2025. URL : http://publications-prairial.fr/theia/index.php?id=216

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Adeline Dollet

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