Des résonnances… avec les lieux du soin

DOI : 10.35562/canalpsy.1780

p. 26

Texte

L’exposé de Nancy m’a rappelé un adolescent de 13 ans qui ne pouvait plus fréquenter le collège où il suivait des cours de 5e car toute parole des profs faisait l’objet d’une traduction ou interprétation sexuelle. La sexualisation du corps à la puberté s’accompagne de la sexualisation de la psyché, une sexualisation que cet adolescent ne pouvait pas contenir. Cela entraînait une inhibition du côté des apprentissages et des comportements agressifs, surtout envers les filles, dans les interstices de l’établissement, les couloirs, les escaliers…

La seconde réflexion concerne la scène de séduction. Ces enfants élevés dans des rapports de séduction qui confondent amour parental et séduction voient cette figure se transformer à l’adolescence en invitation sexuelle. La dyade séduction-amour se transforme en séduction-sexualité ce qui contracte amour et sexualité. Chez le parent séducteur, la différence générationnelle n’est pas suffisamment marquée ou pas marquée du tout. L’indifférenciation s’amplifiera avec la puberté et se déplacera sur les adultes-enseignants. Toute scène qui réactualise une scène de séduction parentale (proposer des activités qui plaisent aux élèves) serait interprétée comme une scène de séduction sexuelle.

La troisième réflexion concerne cet adolescent-agresseur qui transgresse une première fois la loi en entrant dans un établissement scolaire où il n’est pas inscrit. Il fait effraction dans la classe et s’en prend à la prof. Pour reprendre ce que dit Nancy, l’agression concerne d’une part le savoir, la femme en possession du phallus-savoir et non la femme en tant que femme.

D’autre part, il se colle à elle, se cache derrière elle, il la double. Doubler ayant plusieurs sens augmenter en doublant, sa force par exemple, de la doublure, le fait de doubler quelqu’un, lui passer devant ce qui est peut-être le cas du disciple par rapport au maître ou de l’élève par rapport au prof et enfin le fait de trahir, de tromper.

Ce qui est convoqué encore ici n’est pas la femme, mais l’homosexualité. La position de l’élève est équivoque et il convoque les autres garçons. La prof le double. Les enjeux homosexuels sont prégnants. La prof disparaît, elle n’est pas objet de désir. Le trauma vient d’un vécu d’anéantissement, de perte d’existence.

La présentation de Samy m’évoque la situation d’un enfant, Thomas, de 7 ans accueillis dans l’unité d’hospitalisation, mais aussi d’autres enfants reçus dans le cadre de thérapie familiale.

Thomas n’a jamais fréquenté à temps plein l’école maternelle tant il perturbait la classe. Il redouble son CP. Dans la classe, il est contenu par le cadre pédagogique et rassuré dans ses apprentissages par son redoublement. Cela se passe à peu près bien. Mais dans la cour, il « fonce » sur les autres, les bouscule, se colle à eux.

À la maison, il terrifie sa mère qu’il ne lâche pas d’une semelle et son père arrive à peine à le contenir. La nourrice ne veut plus sortir avec lui dans la rue de peur qu’il se mette en danger.

Thomas présente une « carence de contenance », il appartient à ces « enfants qui poussent à bout » que décrit A. Ciccone tout comme Samy. Les parents n’ont jamais donné suite aux consultations au CMP quand Thomas était âgé de 3 ans.

L’accompagnement de ces enfants et de leurs familles doit être multiple, à la fois un soutien éducatif auprès des parents et un lieu d’élaboration familiale (consultations ou thérapie). La prise en charge de l’enfant en thérapie individuel me paraît dérisoire tant le comportement de ces enfants renvoie à l’impossibilité des parents d’assurer les différentes fonctions parentales.

Citer cet article

Référence papier

Hélène de La Vaissière, « Des résonnances… avec les lieux du soin », Canal Psy, 103 | 2013, 26.

Référence électronique

Hélène de La Vaissière, « Des résonnances… avec les lieux du soin », Canal Psy [En ligne], 103 | 2013, mis en ligne le 10 décembre 2020, consulté le 18 avril 2024. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=1780

Auteur

Hélène de La Vaissière

Psychologue clinicienne, Docteur en psychologie, chargée de cours au SIMEF, Université Lyon 2

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