J’ai l’espace de plusieurs centaines de caractères sur mon micro-ordinateur pour vous donner envie de partir à l’étranger pour faire une partie de vos études. En fait, j’écris sur papier et j’ai déjà consommé 260 caractères !
Vous donner envie de partir, c’est la première des raisons pour lesquelles j’ai accepté d’écrire cet article quand la rédaction de Canal Psy me l’a demandé. La deuxième, c’est de penser que cela m’aiderait à « atterrir » : d’une part, faire le point sur mon séjour de six mois au Québec, d’autre part, « mettre en liens » ce que j’ai vécu là-bas et ce que je vis ici ; en bref, il s’agissait de « faire le deuil » comme on dit chez nous.
Car Dieu que ce fût difficile de retrouver sa chère mère-patrie même si c’est difficile de la quitter ! Que fais-je, où suis-je et pourquoi suis-je revenue ? Voilà les trois questions que je me suis posées durant peu de temps il est vrai, environ quinze jours, dans un état de déprime avancé. Ensuite, j’ai dû « cliver » et « dénier » pendant un bon mois car c’était « comme si » je n’avais rien vécu. Enfin, grâce à vous lecteurs, je tente de recoller les morceaux.
« Alors, comment faire pour partir ? »
En ce qui me concerne, j’ai lu les panneaux d’affichage à l’Université ; des réunions d’informations sont organisées régulièrement. La première doit avoir lieu courant novembre. L’année dernière, nous étions assez nombreux de tous horizons et cela se passait soit à l’Université Lumière Lyon 2 à Bron vers « socio-ethno », soit rue Pasteur aux Relations Internationales près du Centre Jacques Cartier. C’est dans ce centre que se trouvent en particulier les annuaires des universités québécoises qui sont très utiles lorsqu’il faut établir un programme d’études. Il vous sera demandé également une lettre de motivation (c’est l’époque qui veut ça), mais tout est très bien expliqué aux réunions. Cependant, attention, les démarches sont assez longues et pas toujours faciles à faire : comme le dit M. Cornaton, c’est un vrai parcours du combattant.
À ces premières épreuves, j’ai survécu. Il est plus facile de partir pour un niveau licence car le stage est moins important qu’en maîtrise. Personnellement, je suis partie avec la ferme intention de la réussir en un an ; projet ambitieux qui a échoué pour deux raisons à mon avis : la première, c’est qu’il m’a été difficile d’écrire mon mémoire de recherche alors que j’étais là-bas ; l’adaptation nécessite beaucoup d’énergie et le changement de contexte ne m’y a pas incité. La deuxième raison est que je devais rentrer fin avril, tout de suite après la fin de la session d’hiver pour soutenir le mémoire de recherche, mais je n’ai pu résister à l’envie de voir le printemps après quatre mois d’hiver assez rudes. Ah, l’hiver québécois, quelle émotion ! Celui de 96-97 a été très neigeux et très beau même en ville. Si j’y retourne (ce qui est mon futur projet), je partirai cette fois pour un an.
Avant de vous parler de comment c’était là-bas, je dirai juste un mot sur le financement. Et oui, il faut bien parler de choses sérieuses ! Vous pouvez demander une bourse de la Région ; environ 2 000 francs par mois, c’est déjà pas mal mais il faut compter un petit 4 000 francs, c’est-à-dire 1 000 dollars canadiens par mois pour vivre. Personnellement, j’étais dans une situation de reprise d’études, alors ça n’a pas marché. Pour la Région, j’étais trop riche pour être boursière et pour les banques, je n’avais pas d’argent, donc aucune ne voulait m’en prêter. J’ai dû en visiter quatre avant d’en trouver une qui accepte ! C’est à ce moment-là que j’ai failli abandonner car tout ceci a pris du temps et mes papiers pour l’émigration sont arrivés l’avant-veille de mon départ. Je remercie Mme Grégoire, Chef des services administratifs de l’Institut de Psychologie, qui m’a beaucoup aidée dans cette période critique. Une dernière chose à propos des finances : les débits carte bleue à l’étranger coûtent environ 10 % en plus de la somme retirée, alors mieux vaut ouvrir un compte sur place et y verser l’argent dont on dispose.
Je suis arrivée quinze jours avant le début des cours ; ce qui n’est pas trop tôt pour prendre connaissance des lieux, trouver une crèche et s’installer. Il n’y a pas de problèmes de logement à Montréal et il est très facile de trouver soit une chambre meublée à partager avec d’autres étudiants, soit un appartement meublé, soit un appartement non meublé. Il y a toujours à l’intérieur un « poêle à quatre ronds » et un frigo, tous deux souvent de taille impressionnante à la dimension du pays. Ensuite, entre les bazars et les « ventes de garage », il est très facile et peu onéreux d’acheter le reste. Montréal est une ville très agréable à vivre car très animée même en hiver. À dix heures du soir, il y a encore beaucoup de gens dans les rues et c’est assez « sécuritaire ». On peut même faire ses courses au dépanneur du coin avant de rentrer chez soi.
« Et l’université me direz-vous ? »
Il y a quatre universités à Montréal : deux anglophones (Mc Gill et Concordia) et deux francophones (l’Université de Montréal ou UDM et l’Université du Québec à Montréal ou UQAM). En psychologie, l’UQAM est plus orientée vers la recherche alors que l’UDM est plus tournée vers la pratique. À l’UQAM où j’étudiais, il y a trois sessions : celle d’automne (de septembre à décembre), celle d’hiver (de janvier à avril) et celle d’été (de mai à juin : 2 fois plus courte donc avec 2 fois plus de cours par semaine). J’ai suivi les deux dernières. Temps complet : 4 cours de 3 heures par semaine, 2 de 6 heures par semaine pour l’été. Les Québécois ont un nombre déterminé de crédits (1 cours = 3 crédits) à obtenir suivant le niveau dans lequel ils sont : baccalauréat = 3 premières années, maîtrise = 4e et 5e années, ensuite 3 ans pour le doctorat. En ce qui concerne les études intégrées, c’est-à-dire les programmes d’échange CREPUQ, nos programmes sont préparés à l’avance. Cependant, une fois sur place, il est toujours possible de changer de cours si pour une raison ou pour une autre, l’un d’eux ne nous convient pas. La durée hebdomadaire des cours est de 3 heures et il n’y a pas de système d’amphi et de TD. Le nombre maximum d’étudiants varie suivant le cours mais n’excède pas généralement 50.
Personnellement, j’ai suivi six cours : trois entre 40 et 50 personnes, un à 30, un à 12 et un à 7. Ce dernier en psychologie dynamique, était ce que l’on appelle communément psychologie clinique à Lyon 2. J’ai eu également la chance de suivre un cours de psychopharmacologie. Le cours de psychologie de la famille que j’ai également suivi fait partie de ce qu’ils appellent « la communautaire », ce qui correspond un peu à la différentielle à Lyon 2 avec les programmes américains en plus (oh joie !). L’enseignement que j’ai reçu au Québec est très cadré : il existe pour chaque cours un « plan de cours » dans lequel sont définis les objectifs du professeur, le contenu de la matière semaine après semaine et une bibliographie très complète souvent d’environ 15 à 20 ouvrages. Par ailleurs, un document est exigé pour chaque cours : soit c’est un document réalisé par le professeur qui rassemble des extraits de livres, soit c’est un ou deux livres qui traitent suffisamment bien la question. Ils sont également choisis par l’enseignant.
Parlons de l’influence des États-Unis qui donne des boutons aux Québécois francophones. Car attention, il y a les francophones et les anglophones, et les Québécois francophones ont très peur de se faire engloutir par les Québécois anglophones, les Canadiens anglophones et les Américains. Au Québec, ce n’est pas la lutte des classes, c’est la lutte des langues et des cultures. Alors, n’allez pas dire à un francophone qu’il est Canadien ou alors vous prenez vos responsabilités. En revanche, si vous lui parlez d’un certain Général de Gaulle et de sa phrase mythique au balcon de l’hôtel de ville de Montréal, là, vous aurez su trouver la caresse dans le bon sens du poil ! Les anglophones et les francophones ne se battent pas, on ne peut même pas dire qu’ils ne s’entendent pas, ils ne se parlent pas, ils s’ignorent tout simplement.
« Et la place de la psychanalyse dans tout ça ? »
Ouille, vous avez touché un point douloureux ! Alors qu’elle est relativement dominante à Lyon 2 (en France ?) même si le danger des neurosciences rode… (Enfin une psychologie scientifique !) Oui, disais-je, eh bien la psychanalyse est bien mal en point à l’UQAM. Heureusement, quelques piliers résistent (mais pour combien de temps avec toutes les coupures ?) Bienheureux les étudiants qui auront la chance de suivre les cours de Louis Brunet, d’Irène Bleton ou encore de Louise Verrette.
Enfin, avant de conclure, je vous dirai un mot sur les rapports professeurs-élèves et les systèmes de notation ; tout un monde… D’abord, au Québec, on se tutoie, c’est comme ça. La boulangère de mon quartier que je voyais pour la première fois m’a dit : « Bonjour ma cocotte, qu’est-ce que j’te sers ? » Ça surprend un peu mais on s’y fait. Bon, de toute façon, un professeur d’université ne vous dira pas ça ou alors posez-vous des questions. Cependant, il vous tutoiera et vous le tutoierez, enfin, si vous pouvez… « C’est pas pire » comme ils disent car ça facilite les échanges et ça fait du bien à son propre ego quand un enseignant vous adresse la parole d’égal à égal. Vous avez moins l’impression d’être un moucheron, pas non plus un lion mais déjà quelqu’un qui vaut la peine d’être écouté. Alors le système de notation et son rétro-contrôle vont dans le même sens ; c’est-à-dire que lorsqu’un professeur (ou une professeure, excusez-moi, je parle du Québec) a une moyenne d’examen catastrophique pour le cours qu’il dispense, c’est pas forcément les élèves qui bossent pas ou pire qui ont de « petits moyens », c’est peut-être aussi que l’enseignant dispense mal son cours et/ou en tout cas qu’il y a des choses à rectifier dans son enseignement ou dans l’enseignement de la matière en général. Et ça, ça fait du bien, je peux vous le dire ; à bon entendeur salut !
Enfin, voilà, j’arrive au bout de ce que je voulais vous dire. Ah si, encore une chose, sur le plan personnel, il y a beaucoup de choses qui se « rejouent », je n’en dis pas plus et vous laisse faire votre propre expérience. Les Québécois (et les Québécoises, j’allais les oublier quoiqu’elles ne se laissent guère oublier !) sont des gens très communicatifs, très accueillants, en bref, charmants (leur accent aussi mais ne leur dites pas trop, ça finit par les vexer) et je pense sincèrement que, ensemble, nous pourrions faire de grandes choses : nous apporterions notre esprit plus conceptualisateur (mais tellement décollé de la réalité quelques fois !) et eux apporteraient leur esprit plus pragmatique (même si quelques fois le discours a du mal à décoller – c’est pas le même que précédemment). Alors vive le Québec ! Bonne route à vous et merci de m’avoir fait re-plonger.
Attention si vous partez, il est préférable d’au moins lire l’anglais, même si vous étudiez dans une université francophone car les ouvrages de référence sont très souvent en anglais, n’en déplaise aux Québécois(es) francophones !