La souffrance psychique : entre conflictualité et transformations

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Texte

Les 30 et 31 mars 1996, s’est tenu à l’Université Lumière Lyon 2, le deuxième colloque national junior en psychologie et psychopathologie cliniques. C’est dans le cadre des séminaires inter-universitaires qu’est née l’idée de ces rencontres, dont la première a eu lieu à Toulouse l’an dernier. Placé sous l’égide du CRPPC (Centre de Recherche en Psychologie et Psychopathologie Cliniques) et de son directeur B. Chouvier, ce second colloque a été lancé et coordonné par B. Duez et J. Ménéchal.

Des étudiants-doctorants se sont alors regroupés en comité, composé de : J. Aguilar Molina, M. Beyron, M. Burgada Thollet, M. C. Jacôme, S. Luesma, I. Raffourt, M. Simon, M. Vanon, qui ont œuvré à l’organisation scientifique et logistique de ces journées. Cette rencontre a réuni 200 personnes (étudiants-chercheurs, professionnels, enseignants universitaires) qui ont accueilli avec intérêt les communications présentées par de jeunes chercheurs, à partir de la thématique : la souffrance psychique, entre conflictualité et transformations.

Thème à la fois vaste et précis que nous avons choisi d’organiser autour de quatre grands axes :

  • L’épistémologie a ouvert la discussion en questionnant les figures extrêmes de la souffrance psychique dans la clinique de l’autisme et le monde d’errance de la psychose infantile dans cette dérive du temps, de l’espace et du sens, puis de manière plus générale « Souffrir d’une hypothèse ou encore le bénéfice du doute en psychopathologie ».
  • Avec le second axe consacré aux manifestations corporelles de la souffrance, l’expérience du détruit-trouvé dans la transplantation cardiaque et celle de l’érotisation de la douleur chez les sportifs, nous ont emmenés aux extrêmes limites du corps et du psychisme. Ils ont proposé des modalités de conflictualisation à l’œuvre et la perspective d’une élaboration où le sujet peut alors s’entendre et être entendu dans cette mise en sens de son corps.
  • D’une souffrance singulière à une souffrance plurielle, l’intersubjectivé en tant que lien fondamental à autrui et à soi, était abordé sous différents angles. Le premier engageait la pensée sur comment la souffrance psychique, ou encore « la capacité à souffrir », en tant qu’expérience psychisable de la douleur, peut être empêchée, et masquée, dans la démence. Une deuxième modalité d’approche présentait les phénomènes de la déficience intellectuelle dans la souffrance familiale, l’impact de la souffrance psychique maternelle sur l’intimité du lien précoce avec le nouveau-né, et les effets du diagnostic prénatal ainsi que de la souffrance parentale sur le devenir de l’enfant.
  • La matinée du dimanche a permis de développer l’axe « entre culture et interculturalité ». La souffrance psychique a été travaillée dans une reprise des figures du passé engageant l’avenir, autour de la problématique de l’identité et de la transmission. Les échanges se sont étayés sur des expériences spécifiques à l’Afrique noire, telle que la place des liens intersubjectifs dans le mode de gestion des désordres psychiques ou encore la drépanocytose (maladie génétiquement transmissible) « vécu corporel et vécu de douleur », le témoignage des survivants de la Shoah, l’agrammaticalité comme révélatrice d’un conflit d’identité, pour terminer sur la dimension narcissique dans la formation artistique.

Ces deux jours ont montré combien les points énigmatiques du sujet et l’éminemment intra et inter subjectif de la souffrance psychique, nous amène à explorer d’autres horizons toujours plus lointains. Dès la première matinée l’originalité et la diversité des approches de la souffrance et surtout les modalités spécifiques pour la reconnaître, lui donner un nom et un sens, nous ont fait pointer combien la conflictualité fait travailler la question épistémologique et la réalité psychique. La discussion orientait déjà de vifs échanges sur les questions d’un « vrai ou faux savoir » et une redéfinition des sciences.

C’est plus précisément sur l’axe de l’intersubjectivité qu’est venue émerger la question centrale de la méthodologie et de la relation à l’objet-sujet de recherche. La surprise dans le partage des éclairages théoriques, méthodologiques et cliniques différents, sous-tendu par le thème de la souffrance psychique, ont relancé le débat sur :

  • dispositif de recherche et dispositif thérapeutique
  • position du chercheur et position du clinicien.

Nous retrouvons la dichotomie entre le fondamental et l’appliqué, la recherche et la pratique. Promouvoir la recherche en psychopathologie clinique, en maintenant une dimension éthique dans nos pratiques de cliniciens et de chercheurs, mériterait une clarification de nos positions, de l’utilisation des concepts et des méthodes. Au terme de ce colloque le dialogue épistémologique reste ouvert et précieux. À nous de l’explorer dans la rencontre et la confrontation de modèles différents, qui interrogent et élaborent ce double mouvement de subjectivation et d’objectivation.

Le prochain colloque national junior en psychologie et psychopathologie cliniques, se tiendra en 1997 à l’Université de Paris VIII.

Citer cet article

Référence papier

Sylvie Luesma, « La souffrance psychique : entre conflictualité et transformations », Canal Psy, 24 | 1996, 10.

Référence électronique

Sylvie Luesma, « La souffrance psychique : entre conflictualité et transformations », Canal Psy [En ligne], 24 | 1996, mis en ligne le 30 août 2021, consulté le 03 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=2613

Auteur

Sylvie Luesma

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