Le contexte
À 47 ans, avec plus de 20 ans d’expériences professionnelles dans le domaine de l’insertion professionnelle, pourquoi entamer une démarche de VAE ?
Ma vie professionnelle
Professionnelle de la « transition professionnelle », directrice d’un organisme de formation, après 18 années d’essor de notre activité (avec un rayonnement régional et 10 salariés), l’année 2008 me rappelle à l’ordre et montre la fragilité du travail de sous-traitant pour des collectivités et la nécessité d’afficher le précieux sésame du diplôme de Psychologue du travail, pour répondre à des appels d’offres, animer des groupes d’analyse de pratique professionnelle, mener des bilans de compétences, accueillir des stagiaires de master, etc. Les exigences à tous niveaux étant de plus en plus élevées et notre travail de plus en plus aléatoire, je me retrouvais en situation de danger.
Transition professionnelle
La situation économique de l’organisme était telle, qu’elle a nécessité un plan de sauvegarde, avec toutes les incertitudes de l’avenir.
Pour reprendre la dynamique de la transition présentée par Barrie Hopson et John Adams (1976)1, après une phase d’immobilisation, de minimisation des conséquences de cette situation, puis de dépression, j’ai fini par pouvoir prendre du recul, me détacher pour rechercher de nouvelles conduites, trouver du sens, et intérioriser durablement une nouvelle vision de ma carrière.
Un titre comme une évidence
L’acquisition d’un diplôme Master 2 en psychologie du travail s’est imposée assez rapidement et la VAE a été une des réponses pour amorcer un virage dans ma vie professionnelle et conforter mes acquis.
Mon parcours…
Mon parcours est constitué à la fois de connaissances universitaires, de compétences professionnelles dans le domaine de la formation et d’une expérience extra-professionnelle.
Mes connaissances
Titulaire d’une maîtrise en psychologie sociale et d’un DESS en administration et gestion des entreprises, je disposais à la fois de l’approche humaine et psychologique de l’individu dans sa vie sociale et de connaissances plus techniques en droit du travail, comptabilité, analyse et stratégie d’entreprise. L’association de ces deux cursus me permettait de posséder les principales connaissances de base, retrouvées dans les 23 modules proposés par le diplôme psychologie du travail et de la santé.
Mes compétences
Sur le marché du travail depuis 1989, mon parcours a été marqué par deux expériences indissociables. La première, comme formatrice en orientation et insertion professionnelle où mon employeur m’avait déjà permis une grande liberté. S’en est suivi un enrichissement rapide de ma pratique autant dans l’accompagnement individuel que dans l’animation de groupes sur des thématiques comme : la communication, le bilan, les techniques de recherche d’emploi, les ateliers de raisonnement logique, etc.
Dans cet organisme, j’ai appris le métier, grâce à la générosité et l’ouverture de mes collègues, et lorsque l’organisme a fermé, j’ai repris avec une collègue des prestations de suivi individuel pour l’ANPE en créant un organisme de formation AFFC en 1991. Dès le départ, j’ai allié gestion de l’organisme et animation des prestations. Au fil des années, l’organisme a grossi, jusqu’à 10 personnes et les activités se sont multipliées : prestations d’accompagnement pour ANPE/Pole Emploi, bilans de compétences pour salariés et DE, sessions d’orientations, groupes d’analyse de pratique, études sur publics en insertion… Dans cet organisme, j’ai développé une attitude d’exotopie au sens de Bakhtine (1984)2, en étant à la fois sur le terrain et, à la fois, au niveau de la stratégie avec l’élaboration de projets et leur mise en place.
Ma vie associative
Secrétaire générale d’un club sportif depuis plus de 20 ans, j’assure également la gestion des salariés, le montage des dossiers pour les contrats aidés, le suivi, le plan de formation et je suis présente dans le soutien aux athlètes dans leur reconversion.
Ces 3 aspects étaient donc 3 atouts pour ma démarche de VAE.
Adeline Bidon (http://methylaine.blogspot.com/)
Une opportunité…
Pour deux raisons :
- Avec la VAE, toutes ces situations de travail sont devenues des situations de connaissance et ont donc pu être mises en regard des exigences du titre de Psychologue du travail, et ainsi se concrétiser par l’acquisition de ce titre, une seconde chance dans mon parcours !
- Le départ en formation, alors que l’organisme était au plus mal, était difficilement envisageable. L’alternative de pouvoir travailler sur une démarche de reconnaissance tout en conservant mon poste et participer au renouveau de la structure constituait également un défi. La démarche de VAE m’a permis de concilier enjeux de ma structure professionnelle et anticipation de mon avenir.
Se RE-connaître pour se faire reconnaître
Les étapes : Au-delà des différentes étapes administratives, avec la recevabilité, la présentation du dossier au jury. Je souhaite surtout présenter ma démarche :
Retracer mon parcours, le justifier
Regarder derrière moi, observer mon parcours et le mettre par écrit. Les rôles sont inversés, je me retrouve moi-même en position de réflexion sur ma pratique, alors que dans mon quotidien, j’amène les personnes à explorer leurs compétences.
Cette première étape ressemble à un grand inventaire et, à un certain moment, j’ai pensé que l’inventaire était terminé. Très rapidement, je découvre des ressources et expériences insoupçonnées, oubliées et l’idée d’un tri s’impose déjà à moi. Outre le travail de mémoire, la recherche de documents justifiant cette pratique se transforme en parcours du combattant (obtenir une attestation, trouver une idée de document pour « prouver » que j’ai réalisé telle ou telle action). Ce travail qui a mobilisé déjà beaucoup d’énergie constituait un socle, mais pas une finalité, car j’ai découvert aussi que la VAE ne se réduit pas à la simple justification !
Transformer mon vécu en expérience
Passé ce moment de recensement des activités, l’étape suivante nécessitait de prendre le temps, de comprendre ma pratique, pour l’investiguer, l’analyser, trouver les liens avec le contenu du master et transcrire.
À ce stade du travail, il m’a parfois été difficile d’envisager une exploration plus profonde, je ne voyais pas bien comment aller plus loin, pourtant ce n’était que le tout début !
En effet, grâce à l’accompagnement de la démarche VAE, en l’occurrence Bruno Cuvillier, j’ai pu pousser l’analyse et surtout l’enrichir. La présence de cet accompagnateur qui, pour moi, au départ semblait facultative est devenue comme une évidence au fur et à mesure de l’avancement de ma démarche.
Je pourrais parler de coach ou de médiateur, dans le sens où sa présence m’a poussée à aller chercher des informations bien au-delà de ma sphère de référence, à élargir mon champ de vision. La lecture d’ouvrages et d’articles sur la transition, l’analyse de l’activité, la VAE, la souffrance au travail, l’internalité, etc., m’a permis de m’imprégner de différentes théories, de les rapprocher de mon expérience, créer des liens, intellectualiser ma pratique et mieux comprendre mon fonctionnement.
Un travail cognitif sur soi
La richesse de la démarche de Validation d’Acquis repose sur un double travail : à la fois sur soi en termes d’auto-observation, tout en étant capable de prendre du recul en « accueillant » l’information provenant de l’extérieur. À ce stade du processus, il m’a aussi fallu sortir de mon statut de directrice, pour m’attacher à la signification de mon travail, au « comment je le réalise au quotidien. En quelque sorte, j’en suis arrivée à repenser ma pratique professionnelle ».
S’approprier une méthodologie
La rédaction de documents, l’intégration d’ouvrages et de références dans mes écrits, l’élaboration d’un mémoire (autour de la thématique : l’insertion professionnelle de Seniors) ont nécessité de ma part d’importants efforts méthodologiques. Je regrette de ne pas avoir suivi un ou deux cours au préalable à ce sujet, cela m’aurait certainement fait gagner beaucoup de temps. En effet, même, si dans ma pratique professionnelle, j’ai la chance d’écrire, de transposer en mots mes interventions, de rédiger des projets, j’étais bien loin des écrits universitaires avec leurs règles et méthodes. Cela fait aussi partie de la démarche VAE, ne pas poser son expérience telle quelle, mais rentrer dans un cadre, le cadre du diplôme visé.
Pour conclure
Ce que je retiens de cette démarche :
- Tout d’abord, c’est accepter de se remettre en cause, oser avoir un regard critique sur sa pratique. En effet, la démarche au départ s’appuie sur des acquis, des certitudes, mais très rapidement ces acquis sont bousculés et les certitudes se transforment, pour un moment, en incertitudes. Dans ce sens, je dirais que la démarche représente un espace de repositionnement et de questionnement professionnel.
- C’est aussi, accepter d’y consacrer un nombre d’heures incalculables, car, on réveille son envie d’apprendre et d’apprendre sur soi. Très rapidement, on devient insatiable, tant l’accès à la connaissance est sans fin, toujours frustrant, domaine où, il est difficile d’atteindre la totale satisfaction. Cet accès aux connaissances a constitué une large partie de ma démarche et m’a largement stimulée, dans le sens où j’ai redécouvert mon métier !
Pour finir, je voudrais insister sur les retombées personnelles de cette démarche, qui bouscule et oblige à repenser son métier, s’ouvrir et GRANDIR.