La Force d’Amour (1662) : abdiquer pour mieux régner

DOI : 10.35562/celec.198

Texte

Œuvre de fin de vie et publiée posthume1, La Forza d’Amore de Giovan Francesco Loredan est aussi sa seule œuvre théâtrale : « opera scenica » qui ne sera, en fait, jamais jouée, elle sort des presses quand le genre tragi-comique, à bout de souffle, a laissé la place à des formes dramaturgiques incomparablement plus fécondes, la Commedia dell’Arte et le « dramma per musica ».

L’intrigue. Interrompant une conversation d’Ardemia, reine d’Arménie, et de Deadora, sa sœur, au cours de laquelle toutes deux maudissent les lois de l’amour et la tyrannie des sens, Orcane, un des deux conseillers de la cour, dévoile, à la scène 2 de l’acte I, ce qui constitue le mobile de la pièce :

Ta royale lignée […],
Réduite à une seule branche, sans le tuteur
Grâce auquel croître et faire ses fleurs, bourgeonner et mûrir
En légitimes fruits, pour notre grande joie,
Expose [l’Arménie]
Aux guerres, aux tourments et aux malheurs2.

Et comme la farouche Ardemia succombe bientôt au charme du bel et noble Arescamo, le choix du prétendant semblerait résolu si l’on ne découvrait que ce dernier n’a d’yeux que pour la suivante et confidente de la reine, Erminda, laquelle est en réalité Rescupuri, roi Mède travesti épris d’Ardemia. Deadora, de son côté, s’abandonne à un doux penchant pour Arescamo, rivale de sa sœur, donc, mais ignorée, comme elle, de ce prince tout entier employé à la conquête d’Erminda. Côté jardin, le page Vespino lutine la fraîche Lena, sans pour autant cacher le trouble sentiment qu’il nourrit pour sa reine.

C’est un nouveau personnage qui ouvre l’acte II. Ormondo, prince d’Ircanie, souhaite épouser Ardemia et, pour ce faire, intrigue auprès des deux conseillers de la reine d’abord, auprès de sa nourrice ensuite. Tous ignorent encore qu’Ardemia brûle d’une passion toute neuve pour Arescamo. Fillidora prête en premier l’oreille aux tourments de sa maîtresse ; elle la berce de son chant, mais ne réussit toutefois pas à apaiser ce cœur qui, au détour d’un rêve (scène 4), laisse parler sa peine, découvrant du même coup son infortune à Erminda-Rescupuri. Amère déconvenue pour le prince travesti, qui doit en outre subir les assiduités d’Arescamo. Et tandis qu’Ormondo manigance que Deadora, affriolante, exerce sans grand succès sa séduction sur Arescamo, la vieille et concupiscente nourrice d’Ardemia jette son dévolu sur Vespino, qui la raille.

Le dernier acte concentre, selon la conception aristotélicienne des ressorts du tragique, péripéties, reconnaissance et événements pathétiques, avant l’heureux rebondissement qui sauve l’action du drame. Première révélation, tandis que Rescupuri-Erminda cède au chagrin, Arescamo comprend qu’il a été joué par la fausse servante de la reine et réclame vengeance. Il informe alors Ardemia de la trahison d’Erminda : elle est, selon lui, son frère Arescamo, lui-même étant la vraie Erminda déguisée pour mieux déjouer les plans de la fausse Erminda. Ardemia, indignée et dubitative à la fois, crie vengeance à son tour. Mais l’heure des comptes n’a pas encore sonné. On laisse Arescamo et Ardemia à leur colère et à leur dépit le temps de joutes cocasses entre la nourrice et Vespino, de manœuvres toujours plus vaines d’Ormondo auprès des conseillers de la Cour, d’un échec de Deadora pour percer le secret des sentiments de sa sœur (revêtue des effets d’Arescamo, elle s’introduit dans les appartements royaux, mais, surprise par la nourrice, qui ne la reconnaît pas et croit à une dangereuse intrusion, elle doit s’enfuir) et d’une scène égrillarde réunissant Tertullo, le vieux serviteur de Rescupuri, Lena et Vespino. Ardemia, doublement trahie, pleure la perte d’Arescamo quand, ultime retournement de situation, Arescamo avoue n’être ni Erminda ni femme, mais Ercindo, roi de Lycie qui avait emprunté l’identité d’un cousin pour approcher et séduire Erminda-Rescupuri en tout incognito. Ardemia peut se réjouir, elle vient de se trouver un royal époux, à la plus grande satisfaction de ses conseillers, mais au grand dam de Deadora et d’Ormondo, que l’on marie ensemble pour les consoler. Quant à Rescupuri, on le tire, repenti, du cachot où on l’avait emprisonné pour méditer sur ses erreurs et on lui donne la main d’une sœur d’Ormondo, certaine Erestia qui n’aurait jamais cessé de l’aimer et de l’attendre… À chacun sa chacune. « Du bien pour tout le monde », peut s’exclamer la nourrice, à laquelle revient du reste le mot de la fin : « Là où sont le caprice et le jeu se trouve l’amour vrai. »3.

Ultimes précisions, enfin. Sur le lieu, déjà cité, une cour d’Arménie sans consistance, lieu de nulle part en somme, mais de tous les royaumes aussi de par les lois qui le gouvernent. Et sur le temps de l’action, une unique soirée.

Bien évidemment, celle qui nous intéresse tout particulièrement, dans le cadre de notre thématique, c’est Ardemia, dont nous voudrions commencer par remarquer qu’elle semble affligée de trois défauts majeurs en eux-mêmes préjudiciables soit à son autorité au moment de l’action, soit à la pérennité de celle-là : être jeune, être femme et être reine. Ce travail se propose d’examiner l’un après l’autre ces freins à la pleine autorité de ce personnage.

1. Sa jeunesse l’expose en effet à cette intransigeance que lui reprochent tour à tour ses conseillers et sa nourrice, à ne point vouloir troquer sa liberté contre le mariage, si nécessaire soit-il, et à répugner, du même coup, aux plaisirs de la chair. C’est du reste par une longue plainte sur les faiblesses du corps que s’ouvre la pièce :

Ah, quelle résistance trop faible
Nous a donnée la nature,
Contre les tentations
Des sens flatteurs. Ô combien !,
Entre luxes et pompes, fêtes, musiques et chants,
Villes, campagnes, jardins, bois, eaux et champs,
[…]
Combien de pièges doux et inévitables nous tendent-ils,
Qui attirent et prennent l’âme imprudente !4

Et le dialogue entre la reine et sa sœur ne manque pas de viser alors plus spécifiquement les vénéneuses5 « fariboles amoureuses » chantées par Fillidora6 – Amour n’étant, bien sûr, qu’ « […] Un monstre féroce / Un pacte abominable / De lasciveté cruelle, d’oisiveté malsaine, / Un appétit aveugle, un désir vain / [qui] Se font, de l’âme et du cœur, Seigneur et Dieu »7. Le prétexte est tout trouvé à l’expression d’une misanthropie convenue mais farouche, en écho à une misogynie qui, elle, ne ressortit pas au seul topos. C’est ainsi qu’Ardemia souligne cette injustice faite aux femmes, exemple parmi d’autres de « virile tyrannie »8, à savoir :

[…] cette loi barbare et profane
Selon laquelle il est [pour un homme] licite et glorieux
De pécher sans le frein d’aucune loi
Du Ciel ni de la Terre,
[…]
Tandis qu’à une solide chaîne
De déshonneur éternel, on lie la femme
Qui, par inclination, par destin ou par violence,
Tombe parfois dans les filets de l’amour9

Mais Ardemia ne fait pas que s’insurger et, non sans quelque orgueil, affirme en contre-point le pouvoir des femmes à renverser le rapport de force avec les hommes, par exemple, en usant de leurs charmes :

Et les femmes avisées,
Quoiqu’avilies, enchaînées et captives ;
Savent dominer ces Tyrans, qui,
Même s’ils menacent le Monde
De cruel esclavage, d’outrages et de dommages,
Tremblent à un seul signe, un seul regard
Non seulement d’une noble Dame,
Mais aussi de n’importe quelle femme
Qui, la beauté comme éperon,
Sache aiguiser ses armes […]10

À l’infériorité dans laquelle on voudrait la tenir, Ardemia oppose l’intelligence ou la sagesse – « Une Femme avertie peut / Bien rester sans Mari. »11 –, ainsi que le mépris :

Qu’ils [les hommes] qualifient donc la Femme
D’Animal imparfait, et l’homme de parfait,
Je le leur concède, il me suffit de savoir
Que si la perfection contient le tout,
Chez l’homme, avec la vertu, elle abrite le vice,
Alors que chez la femme,
Le vice étant exclu, seule la vertu se niche.
Car féminine est la vertu et masculin le vice.12

C’est au nom de telles convictions qu’Ardemia fonde une revendication de liberté virulente qui appelle, en proportion, le développement du thème de l’esclavage qu’elle redoute. En effet, le texte multiplie à l’envi un lexique qui ne laisse de vilipender la domination de l’homme, amant ou mari qu’il soit :

Je comprends qu’il faut
Que je fasse Maître de ma vie
Un homme […],
Au prix fort de ma liberté.

et l’humiliante soumission des femmes :

Je me croirais
Esclave plus que Reine
En obéissant aux désirs effrénés
D’un homme13.

On renvoie aux expressions déjà rencontrées dans les citations qui parsèment cette étude, toutes amenant ces déclarations répétées :

[…] je préfère, plutôt
Que vivre en Reine et servante d’autrui,
Mourir en femme libre
[…] mille
Fois mourir plutôt que jamais
Me soumettre volontairement
À la cruelle tyrannie d’un homme14,

quitte à y perdre son royaume :

Je perdrai certainement
La possession du royaume
Avant que, pour l’amour de ce royaume,
Je veuille acquérir la compagnie d’un homme15.

Mais il ne saurait en être question, évidemment. Laissons pourtant à Ardemia le bénéfice d’une sincérité de début de pièce qu’est loin d’exprimer sa sœur, laquelle ne fait écho aux propos de la reine (littéralement parlant16) que par jeu – ou servilité de bon aloi face à la détermination de sa reine ? Au plan dramaturgique toutefois, ce « perroquet » de la reine Ardemia, faire-valoir apparent des sentiments de celle-ci, brisant le caractère exceptionnel, singulier – dans tous les sens du terme –, qui les eût rendus crédibles, les entache au contraire d’une exagération suspecte et, partant, en annonce l’anéantissement. La solidarité de Deadora sonne d’ailleurs d’autant plus faux que la princesse commence d’abord par entonner le chant de la raison d’Etat,

Tu nacquis pour le Trône,
Et pour le royaume encore
Tu dois te marier17,

avant de renoncer à convaincre sa sœur, feignant18 alors de se ranger à son côté. Et puis, toujours à des fins d’efficacité narrative et théâtrale, puisqu’il faut bien montrer la « force d’Amour », la leçon sera d’autant plus éclatante que sera grande la résistance de celle qui doit succomber. Orcane le sait, qui cherche le moyen de surmonter l’obstacle :

[…] dure entrave.
Et presque insurmontable est en travers
De ce souhait […] : le cruel caractère
De la Reine et la raison d’Etat.
Elle hait le mariage et elle aime et elle estime
La liberté de la Couronne et
La sienne à la fois. […]19

Pour sa part, la Nourrice use d’arguments d’une nature moins austère que ceux des conseillers : il s’agit de convaincre Ardemia qu’elle est en âge de goûter aux plaisirs de la vie – ce que Tiribazzo laisse aussi entrevoir au début de la scène 220 – et que sa résistance n’est que le fruit de son ignorance : « Ainsi s’exprime qui ne sait pas. / Jeunesse inexpérimentée / Ne connaît pas son propre bien. »21 On relèvera aussi, entre autres poncifs sur les défauts de la jeunesse, celui d’être influençable : c’est Arescamo qui en fait état, lui qui, comptant sur l’aide des vieux et sages conseillers de la Reine pour plier la belle Erminda à ses désirs déclare : « Conseil prudent / De vieillesse chenue […] / Pénètre aisément / Dans un tout jeune cœur »22, menaçant toutefois au passage, en cas d’échec de la méthode persuasive, de recourir à une manière plus « virile » propre à confirmer les théories d’Ardemia :

[…] Et quand bien même /
L’œuvre de ces vieillards échouerait,
J’utiliserai, pour la terrasser tout-à-fait,
La terrible machine
Du commandement royal [celui d’Ardemia, en l’occurrence], qui abat et contraint
Les cœurs les plus durs et les âmes les plus cruelles23.

Au final, au royaume d’Arménie, être jeune, c’est, d’une manière ou d’une autre, être imparfait.

2. Mais être femme ne vaut guère mieux, tant il est vrai qu’Ardemia elle-même, à peine exposée aux beaux yeux d’Arescamo, se découvre, en même temps qu’éprise… inconstante24, bien prompte à renier cette haine des hommes et cette réticence à aimer25, qui, avoue-t-elle soudain, ne naissent au cœur des jeunes filles « un peu simples et légères »26 que par ignorance de cette bonne « vieille loi universelle » selon laquelle :

[…] la femme n’étant pas autre chose
Que la moitié de l’homme,
Sans homme, loin d’être une femme, elle n’est qu’un être
Inutile aux autres et un poids pour elle-même27.

Ardemia, qui se croyait libre et qui se croyait femme, semble à présent découvrir qu’elle n’est ni l’une ni l’autre. Elle se « reconnaît », pourrait-on dire, puisque cette loi universelle est « Imprimée par la Nature en toute Femme »28. Elle qui, peu avant, proclamait : « […] si Reine je suis, je suis Femme moi aussi », « Je suis née Femme avant d’être Reine »,29 se voit soudain à peine plus que comme une enfant (« fanciulla »30), fragile et exposée à tous les dangers, au point de soudain aspirer à cet appui qu’elle refusait un instant avant :

Et comme une tendre plante,
Sans appui et sans abri,
Aux injures des vents
Et des animaux des montagnes,
Elle se voit exposée,
Elle change sa haine en amour,
Sa détestation en désir et, habile,
Etreint son tuteur et sa défense31 ;

et, surtout et avant tout, destinée à régner32, donc à se soumettre aux exigences de son sexe et de sa fonction, à l’instar de ce que lui rappelle sa nourrice :

Une Femme sans homme à son côté
Est comme une vigne sans orme auquel s’appuyer,
Un pauvre tronc, et faible.
Aime et toi-même,
Comme une noble vigne
Qui s’appuie haut à son tuteur
Et laisse mûrir ses fruits,
Renouvelle dans tes fils
Pour ta consolation et celle du royaume arménien
Son salut et sa grandeur33.

Comme le lui avait auparavant rappelé Deadora : « Le royaume ne peut rester sans roi »34, ni, on l’a bien compris, sans descendance. Alors bien sûr, on veut bien reconnaître qu’Ardemia, dans sa catégorie (jeune et femme), est au-dessus de la moyenne – on la dit « malgré son sexe et son âge, avisée et sage » ; mais le texte italien recourt à « sovra », qui est moins restrictif que « malgré » et renvoie explicitement à une position d’Ardemia « au-dessus de »35 –, cependant, en tant que femme libre de tout lien (matrimonial et maternel), elle est bel et bien incomplète.

3. Elle fait aussi une reine « insuffisante ». Non qu’on lui dénie (on, c’est en l’occurrence Tiribazzo) des qualités exceptionnelles et même paradoxales :

[…] notre Reine,
Bien qu’elle soit Femme, a un cœur franc, et recèle,
Dans son cœur de femme, des sentiments constants,
Et sous ses cheveux blonds, elle cache
Le jugement d’un homme aux cheveux blancs36.

C’est bien sûr en toute relativité qu’il convient d’apprécier le propos. La souveraine elle-même, en tant que telle, se trouve un « cœur viril »37. Il y a donc, en Ardemia, une identité de façade – et d’« état civil » –, féminine, que tout (c’est-à-dire les conventions sociales et littéraires) associe aux stéréotypes de la faiblesse et de l’inconstance, et une identité fonctionnelle qui ne peut être que de nature masculine. En refusant les règles qu’impose la première, Ardemia triche avec sa nature ; en refusant celles de la seconde, elle usurpe son pouvoir. Ce n’est pas nous qui le disons, mais ellemême : « […] je sais bien / Que celui qui ne sait faire le sacrifice honnête et digne / de ses propres désirs pour le bien commun / usurpe indignement le sceptre du royaume. »38 Or, Ardemia se montre très consciente du poids de la charge en raison de laquelle elle vit tenaillée par la prudence et la raison d’Etat.

Au nom de la première, c’est du temps qu’Ardemia demande : « La prudence m’enseigne / De mûrir ce conseil [accepter le mariage] / Avec le temps. […] »39. Mais c’est précisément ce qu’on lui refuse, car trop de prudence pourrait bien aboutir à l’effet inverse de celui recherché (c’est-à-dire préserver la paix du royaume), comme le souligne Tiribazzo :

Reine magnanime,
Tu raisonnes telle que tu es. À la prudence
Tu accordes ce qu’il faut, mais ne dois-tu pas penser aussi
Qu’une trop grande et trop longue prudence
Devient à la fin
Non pas ministre de joie et de salut,
Mais d’un vain repentir et de ruine40 ?

Naturellement, l’extrême méfiance d’Ardemia41 entre à la fois dans le processus d’amplification de sentiments initiaux que l’amour doit vaincre, montrant ainsi sa force, et dans une multiplication assez mécanique de sentences de vague senteur machiavélienne dans un contexte littéraire et idéologique très imprégné des débats de tout crin sur l’art du bon gouvernement.

Au nom de la raison d’Etat, cette fois, ce qu’on demande à Ardemia est bien un renoncement à ses convictions intimes – abdiquer de soi –, quoi qu’il lui en coûte, et nous employons ce terme à dessein, car l’idée du « prix à payer » et du mari à « acheter » est explicitement énoncée par la jeune reine :

Et plus que les autres femmes
Je comprends qu’il faut
Que je fasse Maître de ma vie
Un homme […],
Au prix fort de ma liberté.
Pour la paix et la grandeur de mon Royaume,
J’achèterai (puisqu’il le faut) un Roi. […]42

Elle exprime en tout cas de manière répétée le sentiment qu’il lui est fait violence – le mot est prononcé :

Des prières ? Des violences
Que me font mes vassaux,
Des règles d’intérêt
Du Conseil d’Etat
Qui veulent me faire
De Reine esclave
À leur avantage et pour mon malheur.
[…]
Le Conseil d’Etat, ou plutôt l’intérêt
Du Conseil et des vassaux
Me conseille,
Et même me presse et me contraint,
De me marier. Mais moi
Plutôt qu’un mari,
C’est la mort que je veux43,

et que sa soumission aux intérêts de la Couronne est un sacrifice – « Je fais don au royaume / De toute mes joies, et je tendrai mes mains / Aux bracelets dorés qu’on me propose. […] »44 – et une humiliation, ce que confirment les propos d’Orcane : « […] tu devrais / ton plaisir mortifier afin qu’il fasse / De la nécessité sa loi »45. D’où la révolte initiale d’Ardemia, qui se sent le droit, l’aptitude et la force de vivre et de régner seule46.

Mais jeune, femme et reine – avec pour conséquence d’être, pour reprendre nos propres termes, « imparfaite », « incomplète » et « insuffisante » –, s’il est bien un qualificatif qu’elle ne peut continuer à associer à ce trinôme embarrassant, c’est précisément celui de « seule ». Il s’agit donc de créer les conditions qui vont tirer Ardemia de son ignorance puérile des choses du cœur et du corps – sinon la faire vieillir, du moins la faire changer d’état, passer de « fanciulla » à « donna » – et qui seront propres à réconcilier la reine et la femme, en d’autres termes, à concilier le devoir (se marier) et les sentiments (aimer).

4. Il faut toutefois rendre acceptable (stricto sensu) et heureux ce dénouement inscrit dans la double loi sociale et naturelle, qui ne présente, de ce fait, en lui-même, aucun intérêt dramatique. En effet, il n’y a pas de suspens possible, car pas d’alternative pour Ardemia : le seul choix qu’on lui accorde tient à l’identité de l’époux – « […] il revient à la Reine / De choisir qui bon lui semble comme consort, / Pour partager le Trône, pour partager son lit. […] »47. On remarquera toutefois, pour nuancer légèrement le propos, qu’on attend tout de même d’Ardemia qu’elle consulte son Conseil et en obtienne le consentement, selon une procédure qu’expose brièvement Orcane à Ormondo :

Crois-bien que, lorsque
Elle sera résolue à se marier et qu’elle recherchera
Les avis du Conseil et nous désignera
Les Prétendants qu’elle seule connaît
À ces noces tant attendues,
Tous les votes seront en ta faveur48.

Quoi qu’il en soit, tout l’ordonnancement dramaturgique relève d’un art dilatoire et moralisateur : multiplier les péripéties qui retardent l’annonce du mariage d’Ardemia et d’Arescamo-Ercindo ; et faire de ce mariage de raison, un mariage de cœur. Nous ne reviendrons pas sur les péripéties en question, dont la plus audacieuse joue sur les égarements passagers des uns et des autres consécutifs au travestissement de Rescupuri en Erminda (cf. notre résumé supra). Quant à la morale, elle ne trouve pas seulement son compte dans le mariage d’Ardemia, mais encore dans le consentement intime à celui-ci, dans la justesse du choix d’Arescamo pour l’Arménie49, dans la magnanimité du pardon accordé à Rescupuri, dans le bonheur promis aux perdants (Rescupuri encore, Deadora, Ormondo) et aux serviteurs (Lena et Vespino).

On remarquera tout de même le manque d’enthousiasme de Deadora, éprise d’Arescamo, mais « priée » par sa sœur d’accepter Ormondo en échange50 :

C’est à un dur échange
que vous me destinez, mes Amis.
Un autre sort me promettait Amour, ce tyran,
Un autre sort me réserve le destin, Et mon destin se trompe.
Je ferai comme bon vous semble, et j’aurai à cœur
D’éloigner de mes yeux
L’objet qui me plut et donne vie à une autre51.

Plus encore qu’Ardemia, Deadora est en quelque sorte flouée par son sort car elle est jeune et femme, elle aussi, mais pas reine : prête à l’amour et au mariage, contrairement à sa sœur, à la fin, il ne lui reste pourtant qu’à obéir à un décret royal qui la frustre du premier. Il s’ensuit que l’ombre du dépit de Deadora plane indiscutablement sur le lieto fine de la pièce.

En matière d’autorité, si on l’entend ici comme droit reconnu à disposer de soi, Deadora obéit à une loi bien de son temps, toutes classes confondues, selon laquelle une femme n’avait d’autre choix que de passer de la tutelle du père (du Prince, fût-il « reine ») à celle du mari ou du couvent. Mais que nous dit cette pièce sur l’autorité de la reine ? Que ses qualités d’exception – au delà de son sexe, au delà de son âge – lui en confèrent assez pour régner pendant un certain temps, assez pour dicter sa loi au sein du Palais, mais clairement pas assez pour que cela dure trop, en particulier s’il faut résister à d’éventuels ennemis extérieurs : il est donc impératif d’asseoir cette autorité en contractant une juste alliance, politique et privée, avec celui qui (prince consort ; et ce qui : pays allié) aidera à garantir la paix extérieure et à assurer la pérennité de la Couronne. L’autorité ne va donc pas, du moins pas longtemps, sans le mariage ni la filiation. C’est un modèle banal que nous propose Loredano, avec tout de même, concernant le thème des prétentions à la liberté de son personnage, au premier acte de la pièce, une force dans l’expression de la haine du mariage qui n’est peut-être pas seulement un topos ni seulement un motif dramatique : nous soupçonnons, en effet, qu’elle ait pu lui être inspirée par un exemple bien contemporain, celui de Christine de Suède. On sait que cette dernière avait assez en horreur l’idée du mariage pour refuser d’épouser non seulement le prétendant que son entourage soutenait, son cousin Charles Gustave, mais aussi son favori, Magnus Gabriel de La Gardie. Non contente, elle poussa ce dernier à épouser Marie Euphrosine, la sœur de Charles Gustave, choisissant, pour sa part de continuer à mener une vie libre et de le faire en renonçant au pouvoir : la reine Christine renonce définitivement au mariage et à sa couronne (elle abdique en 1654 ; elle fait désigner Charles Gustave comme son successeur, ainsi que sa descendance ; elle se convertit ensuite au catholicisme et s’installe à Rome dès 1655) au bénéfice d’une vie intellectuelle et sentimentale bouillonnante (avec quelques avatars politiques sans intérêt pour notre propos).

Patricien de Venise au cœur d’un réseau intellectuel cosmopolite, dynamique, ouvert aux échanges avec le monde protestant, sensible aux thèses libertines et à tout ce qui contribuait à conforter un sentiment anti-papiste dans un climat de tension entre Venise et Rome qui resta prononcé pendant toute la première moitié du XVIIe siècle, Loredano connaissait forcément très bien le personnage de la reine suédoise, exemple paradoxal d’affranchissement des règles et d’adhésion intime à la foi catholique, d’où notre sentiment qu’il ait pu en tirer parti, plus tard, pour créer son personnage d’Ardemia. En revanche, au moment où il compose La Forza d’Amore, alors que les relations de Venise avec la Papauté se sont re-normalisées, que la Sérénissime s’engage dans la voie du déclin, le patricien plutôt réactionnaire qu’il est devenu52 ne peut envisager une Ardemia aussi radicale que Christine de Suède : la reine d’Arménie, elle, rentre dans le rang et gagne les derniers galons de son autorité au nom d’un conformisme absolu et consenti.

Notes

1 Elle a probablement été entièrement composée à Peschiera del Garda, où Loredan, mis à l’écart des fonctions politiques de premier plan de la Sérénisssime (il a été l’un des trois chefs du Conseil des Dix), avait été nommé Provveditore le 29 août 1660. Il meurt le 13 août 1661. Retour au texte

2 « La tua stirpe real […], / Ristretta a un ramo solo e senza appoggio / Onde cresca, germogli e i fior mature / In legitimi parti a nostra gioia, / Minaccia […] / Guerre, travagli e Danni. » Notre texte de référence est celui de la seule édition connue : La Forza d’Amore, Opera scenica di Gio : Francesco Loredano Nobile Veneto, Venezia, Guerigli, 1662 ; nous en avons aménagé, a minima, la transcription dans ces notes. Retour au texte

3 A. III, sc. 10 (« Tutti han del bene », « […] dove è scherzo e gioco è vero Amore »). Retour au texte

4 A. I, sc. 1 (« Ah, che debole troppo / Ne dié forza natura / Contro gli allettamenti / Del senso lusinghiero. O quanti ! O quanti / Fra lussi e pompe, e feste, e suoni, e canti, / Città, Ville, Giardin, boschi, acque e Campi, / […] / Lacci soavi e inevitabil tende / Onde l’Anima incauta alletta e prende ! »). Retour au texte

5 Par allusion au « veleno mortifero d’Amore [poison d’amour mortifère] » évoqué par Ardemia (A. I, sc. 1), auquel la Nourrice oppose ce : « Così parla chi non sa. / Inesperta Gioventù / Non conosce il proprio ben. / Gusto corrotto / Anche il mel chiama velen [Ainsi parlent les ignorants. Jeunesse inexpérimentée ne connaît pas son propre bien. Le goût corrompu qualifie de poison même le miel]. » (ibid.). Retour au texte

6 Ibid. (« ciancie amorose »). Retour au texte

7 Ibid. (« […] Un fiero mostro, / Un patto abominato / Di lascivia crudel, d’ozio malnato, / Un’appetito cieco, un van desio / Fan de l’alma e del cor Signore e Dio. »). Retour au texte

8 A. I, sc. 3 (« viril tirannide »). Retour au texte

9 Ibid. (« […] quella legge barbara e profana / Onde lecito fansi, e glorioso, / Il peccar senza fren di legge alcuna / Del Cielo e della Terra, / […] / Mentre a dura catena / D’eterno disonor legan la Donna / Che per genio, destino o violenza / Tallora inciampi a l ‘amorose rete ? »). Retour au texte

10 Ibid. (« E san le Donne accorte, / Benché avvilite ; incatenate e serve ; / Signoreggiar questi Tiranni ancora / Che minacciando il Mondo / D’acerba servitù, d’oltraggi e danni, / Tremano a un solo cenno, a un solo sguardo / Non che di nobil Donna, / Di femina vulgare / Che in cote di bellezza / Sappia l’armi aguzzar […] »). Retour au texte

11 Ibid. (« Ben Donna accorta / Può star senza Marito ») ; c’est nous qui soulignons. L’adjectif récurrent « accorto » (cf. note cidessus) désigne à la fois la prudence, l’habileté, le contraire de la naïveté… Retour au texte

12 Ibid. (« Mi chiamin pur la Donna / Imperfetto Animal, perfetto l’huomo, / Che io gliel concedo, e di saper mi basta / Che se la perfezion contiene il tutto, / Ne l’huom con la virtute il vizio alberga, / Dove sol ne la Donna, / Escluso il vizio, la virtù si chiude. / Che femina è virtute, il vischio maschio. ») ; outre que le rang ne garantit pas plus de « perfection » à cet homme-là, tant s’en faut, si l’on en juge à cette parenthèse cynique : « […] (che d’huomo / Meno ha quand’è più grande) [qui, plus il est grand, moins il tient de l’homme] » (A. I, sc. 2). Retour au texte

13 Respectivement : A. I, sc. 2 (« Sento quello che importi / Far de la propria vita / Signore un’huom […], / de la mia libertà col caro prezzo ») et A. I, sc. 3 (« […] Mi crederei / Più che Regina schiava / In ubbedir d’un’huomo / A le sfrenate voglie. ») ; on pourrait encore citer cette réserve émise par Ardemia sur le bonheur conjugal : « […] (se mai felice / Si provò schiavitù) [du moins si l’y eut jamais d’esclavage heureux] » (A. I, sc. 2). Retour au texte

14 A. I, sc. 3 (« […] voglio più tosto / Che viver da Regina e serva altrui / Morir libera Donna » ; […] mille / Volte morir che mai / Volontaria soppormi / À la crudel tirannide d’un’huomo ») ; cf. aussi la prolifération des termes « serva », « schiava », de leurs dérivés et affines, en particulier dans cette scène (v. 24, 33, 74-75, etc.). Retour au texte

15 Ibid. (« Certo perderò prima / Il possesso del Regno / Che per amor d’un Regno / Voglia acquistar la compagnia d’un’huomo »). Retour au texte

16 Citons, à titre d’exemple, les deux dernières répliques de la scène 3 : (Ardemia) « Prima che mai cangiar pensiero o voglia, / Cangierò stato e sorte [Avant de jamais changer penser et envie, je changerai d’état et de sort) », (Deadora) « Prima che voglia marital nudrisca, / Cangierò vita in morte [Avant que je nourrisse une aspiration matrimoniale, je changerai ma vie en mort] ». Retour au texte

17 A. I, sc. 3 (« Nascesti al Regno, e per lo Regno ancora / Dei maritarti. »), ainsi que : « O mia Regina, pensa / Che se ne l’altre Donne / È il maritaggio elezione e voglia, / Legge e necessità per te diventa. [Ô ma Reine, pense que pour les autres femmes, le mariage est un choix et un souhait, pour toi, loi et nécessité il devient] ». Retour au texte

18 « […] Voglio scoprirmi. Resti . Fra le durezze del suo cor di ferro / Ardemia, io l’ho di carne, ed amo […] / […] / Finsi d’odiar da scherzo ogni huomo [Je veux me dévoiler. Qu’Ardemia reste dans les duretés de son cœur de fer, moi je l’ai de chair et j’aime… J’ai feins par jeu de haïr les hommes] » (A. I, sc. 6) ; c’est nous qui soulignons. Retour au texte

19 A. II, sc. 1 (« […] duro impedimento . E quasi insuperabile attraversa / Questa voglia […] : il genio acerbo / De la Regina e la ragion di Stato. Ella odia il maritaggio, ed ama e pregia / La libertà de la Corona e insieme / De la sua vita. […] »). Retour au texte

20 « Or che sei ne l’età più bella e cara, / Ch’a le gioie d’Amor scherzando invita, / Che più pensi, Regina, e che più badi / In vita solitaria ? [Alors que tu es à cet âge le plus beau et le plus cher, qui invite en riant aux plaisirs d’amour, à quoi d’autre penses-tu, ma Reine, et de quoi d’autre te soucies-tu, dans ta vie solitaire ?] » (A. I). Retour au texte

21 A. I, sc. 2 (« Così parla chio non sa. / Inesperta Gioventù / Non conosce il proprio ben.»). Retour au texte

22 A. I, sc. 5 (« Penetra agevolmente / In giovinetto cor cauto consiglio / Di canuta vecchiezza. […] »). Retour au texte

23 Ibid. (« […] E quando ancora / L’opra di quei Vecchioni andasse a vuoto, / V’adoprerò per atterrarla appieno / La macchina tremenda / Del comando Real ch’abatte e sforza / I cor più duri e l’alme più ferigne. »). Retour au texte

24 « Come presto si cangia umor di Donna [Comme l’humeur d’une femme change vite] ! », « […] Veramente / A ragione talvolta in apparenza / La feminea incostanza il Vulgo infama [Vraiment, à juste titre parfois, l’homme du commun blâme l’inconstance apparente des femmes] » (A. I, sc. 7) ; sur ce thème, cf. le monologue de l’acte II, sc. 6 (Nudrice) : « Prima grave la piuma e lieve il piombo […] Che costante pensier si trovi in Donna [On verra la plume devenir lourde et léger le plomb… avant qu’en une femme on ne trouve une pensée constante] ». Retour au texte

25 Ibid. (« L’odio de l’huom, la ritrosia d’amore »). Retour au texte

26 « fanciulle semplicette e lievi » (ibid.), repris plus avant par la Nourrice évoquant les humeurs des « fanciulle / Semplici e scioccarelle » (A. II, sc. 2). Cf. aussi n. 30 Retour au texte

27 Ibid. (« […] non essendo altro la Donna / Che la metà de l’huomo, / Senza de l’huomo, anzi che Donna è un / Inutile ad altrui, grave a se stessa. »). Retour au texte

28 « Impressa da Natura in ogni Donna », ibid. Retour au texte

29 Respectivement A. I, sc. 2 (« […] se Regina son, son Donna anch’io ») et A. I, sc. 3 (« Pria Donna che Regina / Nacqui »). Retour au texte

30 « […] Ella è fanciulla. / E benché troppo saggia / Ne la ragion di Stato, / Negli affari d’amor sciocca e inesperta. » (A. I, sc. 2). Retour au texte

31 A. I, sc. 6 (« E qual tenera pianta, / De gli animali a i monti / E a le ingiurie de’ venti / Senza appoggio e riparo, / Ella si mira esposta, / Cangia l’odio in amore, / L’aborrimento in desiderio, e, scaltra / La sua difesa, il suo sostegno abbraccia. »). Retour au texte

32 « nacqui più che a me stessa al patrio Regno » (ibid.). Retour au texte

33 A. II, sc. 6 (« Donna senz’huomo a lato / È qual vite senz’olmo a cui s’appoggi, /Misero tronco, e vile. Ama, e te stessa, / Quasi vite gentile / Che al suo sostegno avvinta alto sen’ poggia / E suoi frutti matura, a nostra gioia / Rinovella ne’ figli / A tuo conforto e de l’Armenio Regno, / La salute e grandezza. […] »). Retour au texte

34 A. I, sc. 3 (« Il Regno / Non può star senza Rè. »). Retour au texte

35 A. III, sc. 4 (« Sovra il sesso e l’etade accorta e saggia »). Retour au texte

36 A. II, sc. 1 (« […] la nostra Regina, / Benché sia Donna, ha petto franco, e porta / In un cor feminil costante affetto, / E sotto il biondo crine / Senno canuto asconde. »). Retour au texte

37 « Io son Regina, e porto / In seno maschio, un generoso affetto [Je suis Reine et je recèle, dans un cœur masculin, des sentiments généreux]. » (A. II, sc. 4). Retour au texte

38 A. I, sc. 2 (« […] so ben’io / Che Regio scettro indegnamente usurpa / Chi de le proprie voglie al ben commune / Non sa far sagrificio onesto e degno. »). Retour au texte

39 A. I, sc. 2 (« M’insegna la prudenza / Di maturar col tempo / Questo consiglio. […] ») ; ainsi que : « […] dice il vulgo ancora / Chi presto si marita / Anche presto si pente [… l’homme du commun dit encore que qui se marie vite se repentit vite aussi]. », « Convien che la prudenza a tempo annodi / Perché felice sia […] questo legame [Il convient que la prudence noue ce lien avec le temps, pour qu’il soit heureux]. », « […] se solo col tempo ella [la prudenza] s’acquista, / Concedetemi ancora / Del tempo i benefici [… si elle ne s’acquiert qu’avec le temps, accordez-moi encore les bénéfices du temps]. » (ibid.). Retour au texte

40 « Magnanima Regina, / Qual tu sei tal ragioni. A la prudenza / Dai quel che dei, ma non dei pensare ancora / Che la prudenza troppo cauta e troppo / Tarda diventa al fine / Non di gioia ministra, e di salute, / Ma di van pentimento e di ruine. / […] / Ogni picciol indugio / A sceglierti un Marito / Per te, per questo Regno / Sarà prudenza intempestiva e tarda. » (Tirabazzo, ibid.) Retour au texte

41 « anche del mar la calma / Cela i Mostri, le Sirti e le tempeste [dans la mer, même le calme cache des monstres, des syrtes et des tempêtes] », « Son menzogneri i venti, / Il mare è senza fede, / E tradisce vie più chi più gli crede [Les vents sont mensongers, la mer n’est pas fiable, et plus on la croit, plus elle trahit] » (ibid.). Retour au texte

42 A. I, sc. 2 (« E più de l’altre Donne / Sento quello che importi / Far de la propria vita / Signore un’huom […] / […] / De la mia libertà col caro prezzo. / Del mio Regno a la pace, a la grandezza, / Comprerò (già che’l vuole) un Rè […] ») ; c’est nous qui soulignons. Retour au texte

43 A. I, sc. 3 (« Preghiere ? Violenze / Son queste de’ Vassalli, / Massime d’interesse / Del Consiglio di stato / Che di Regina serva / Voglion farmi a lor pro per mio cordoglio. » ; « […] Mi consiglia, / Anzi mi preme e sforza / Il Consiglio di Stato, o l’interesse / Più tosto del Consiglio e de’ Vassalli, / A maritarmi. Ed io / Più tosto che Marito / Voglio la morte. »). Retour au texte

44 A. I, sc. 2 (« Ogni mia gioia / Io dono al Regno, e porgerò le mani / Al laccio d’or che mi propone. […]). Retour au texte

45 Ibid. (« […] il tuo piacere / Mortificar devria perché facesse / De la necessità legge a se stesso » ; c’est nous qui soulignons). Remarquons que c’est sur cette raison d’Etat que compte Ormondo pour obtenir gain de cause auprès d’Ardemia : « […] serpeggia ancora / Lieve aura di speranza […], / Che la ragion di Stato / À concetti d’Amor prevalga e senta / Meco il Consiglio […] [… serpente encore / un léger souffle d’espoir […], / Que la raison d’Etat / Prévale sur les concepts d’amour, et qu’elle [Ardemia] écoute / En ma faveur le Conseil…] » (A. II, sc. 9). Retour au texte

46 « Per me dono al mio Regno / L’amor di libertà che mi consiglia / Di vivere me stessa, / Solo Regina e sola / À le noie, a i piacer. » (A. I, sc. 2). Retour au texte

47 A. III, sc. 4 (« […] tocca a la Regina / Scegliere chi le piace a se consorte, / E del Trono e del letto […] »). Retour au texte

48 Ibid. (« Ben creder puoi che quando / Sia risoluta al maritaggio, e cerchi / Del consiglio i pareri, e ne dichiari / I Pretendenti a lei sol noti ancora / A queste nozze sospirate tanto, / Che tutti i voti a tuo favor cadranno. »). L’avis et le consentement se résument à cet échange entre la reine et Orcane dès la déclaration d’Ercindo, qui s’est enfin découvert roi de Lycie et épris d’Ardemia : « Udiste, o miei fedeli, / Sì strano caso ? / Udimmo. / E che vi pare ? / Che t’abbracci la sorte, / Che n’apparecchia il Cielo [Avez-vous entendu, ô mes fidèles, / Une histoire si étrange ? / Nous avons entendu. / Et que vous en semble ? / Que tu embrasses le destin / Que le Ciel nous prépare]. » (A. III, sc. 10). Retour au texte

49 « […] A noi [c’est Orcane qui parle] sta meglio in tanto / Arescamo d’Ormondo : / Ei piace a la regina, / E a noi più de l’Ircania / Piace la licia. [Arescamo nous plaît plus qu’Ormondo, il plaît à la Reine et la Lycie nous plaît plus que l’Ircanie » (A. III, sc. 10). Retour au texte

50 « Io non ti sforzo, / Cara Sorella mia, ma te en prego [Je ne te force point, / Ma chère Sœur, mais je t’en prie] » (ibid.)… mais les prières d’une reine sont des ordres ! Ardemia, supputant la rivalité de sa sœur, n’affirmait-elle pas peu avant : « Dubito sol che Deadora m’habbia / Nel tuo amor [elle s’adresse à Arescamo] prevenuta. E se fosse ? / […]. Se di fortuna / E forse di bellezza ella mi cede, / Conviene anche d’Amore / (Sia forza o cortesia) ch’elle mi ceda [Je crains seulement que Deadora m’ait / Précédée dans ton amour. Et si c’était le cas ? / […]. Si je lui cède en fortune / Et, peut-être, en beauté, / Il faudra qu’en amour (soit par force soit par courtoisie) ce soit elle qui me cède]. » (A. I, sc. 6) ? Retour au texte

51 Ibid. (« A duro cambio / Mi destinate, Amici. », « Altra sorte promise Amor tiranno, / Altra sorte mi dona il mio destino, / Che mio destin diventa il proprio inganno. / Farò quanto vi piace, e mi sia caro / D’allontanar da gli occhi / L’oggetto che mi piacque e altrui dà vita. »). Retour au texte

52 Rappelons que Loredano vota, avec le Grand Conseil, la réintégration des Jésuites à Venise en 1657. Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Agnès Morini, « La Force d’Amour (1662) : abdiquer pour mieux régner », Cahiers du Celec [En ligne], 3 | 2012, mis en ligne le 01 juin 2023, consulté le 07 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/celec/index.php?id=198

Auteur

Agnès Morini

Université de Saint-Étienne

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