Vers une propriété inclusive en droit public ? Approche comparative

DOI : 10.35562/droit-public-compare.512

Abstracts

L’étude de l’intersection entre le droit privé des biens et le droit régissant la propriété publique est déterminante pour approcher le phénomène juridique des biens publics. Entre le droit civil et la common law, les conceptualisations de la propriété privée varient selon l’histoire et les particularités de ces traditions. De manière analogue, les différentes conceptions de la propriété et des biens publics sont façonnées par l’histoire et les tendances théoriques, à la fois distinctes et familières, de ces traditions juridiques. La propriété publique doit-elle s’entendre d’un droit de propriété ordinaire assimilable au modèle de la propriété privative, ou plutôt d’un droit de garde reconnu au souverain, issu du mandat populaire par lequel lui ont été confiés des biens ? Si l’idée de droit de garde et de surintendance distincte de la propriété (privative), a prévalu historiquement en droit civil, le régime actuel de la propriété publique en droit civil français l’assimile volontiers au régime de la propriété privée, ce qui est fait de manière notable par le Code général de la propriété des personnes publiques. Alors que la légitimité de l’assimilation de la propriété publique à la propriété privée est aujourd’hui contestée par une partie de la doctrine civiliste, l’étude de la propriété en common law permet de mettre sur la voie d’une vision plus nuancée de la propriété publique, laquelle n’est pas complètement autonome de la propriété commune ou collective. En effet, la conception de la propriété publique en common law, qui ne connaît pas de distinction nette entre propriété privée et propriété publique, offre la possibilité de contraster l’analogie du Gouvernement comme propriétaire, à une analogie du trust ou du Gouvernement fiduciaire. L’image du trust permet de mettre l’accent sur le fait que les biens sont tenus par le Gouvernement pour le bénéfice du public. Dès lors, l’opposition entre biens publics et biens communs s’amenuise et ouvre la voie sur l’idée d’une propriété publique moins centrée sur les droits ou les prérogatives du propriétaire public (à l’instar de la propriété privée) que sur les droits du public sur les biens publics (en partie communs). En se fondant sur une perspective comparative du façonnement de la notion de la propriété en droit civil et en common law, cet article suggère que la propriété publique ne devrait pas être entièrement conceptualisée à l’image du paradigme classique de la propriété privée exclusive, mais devrait plutôt intégrer certains éléments de la propriété commune – et du bien commun – pour tendre vers l’idée d’un droit d’inclusion. Plus spécifiquement, il s’agira de montrer que la notion de propriété publique devrait emprunter certains éléments du régime de la propriété collective ou commune, s’agissant des biens affectés à l’utilité publique. La flexibilité de la common law au regard du concept de la propriété, qui facilite le développement d’arrangements inclusifs tels que le public trust, nuance ainsi la conception civiliste classique d’une nature absolue et unitaire de la propriété.

The study of the intersection between private property law and the law governing public property is crucial for approaching the legal phenomenon of public goods. Between civil law and common law, the conceptualizations of private property vary according to the history and specificities of these traditions. Similarly, the different conceptions of property and public goods are shaped by these legal traditions’ history and theoretical trends, both distinct and familiar. Should public property be understood as an ordinary property right comparable to the model of private ownership, or instead as a right of guardianship recognized to the sovereign, stemming from the popular mandate through which goods have been entrusted to them? While the idea of guardianship and stewardship distinct from ownership (private property) has historically prevailed in civil law, the current regime of public property in French civil law readily assimilates it to the regime of private property, notably through the General Code of Property of Public Persons. While the legitimacy of assimilating public property to private property is today challenged by a part of civil law doctrine, the study of property in common law allows us to pave the way for a more nuanced vision of public property, which is only partially autonomous from common or collective property. Indeed, the conception of public property in common law, which does not make a clear distinction between private and public property, offers the possibility of contrasting the analogy of the Government as owner, to an analogy of trust or the fiduciary Government. The image of trust emphasizes that the Government holds goods for the benefit of the public. Hence, the opposition between public goods and commons diminishes, opening the way to the idea of public property less centered on the rights or prerogatives of the public owner (similar to private property) than on the public’s rights over public goods (partly the commons). Based on a comparative perspective of the shaping of the notion of property in civil law and in common law, this article suggests that public property should not be entirely conceptualized through the image of the classic paradigm of exclusive private property. It should instead integrate some aspects of common property—and of the commons—to move towards a right of inclusion. More specifically, it will be shown that the notion of public property should borrow some aspects from the regime of collective or common property regarding goods dedicated to public utility. The flexibility of common law relating to the concept of property facilitates the development of inclusive arrangements such as the public trust, thus nuances the classic civil law conception of an absolute and unitary nature of property.

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Text

Introduction

L’étude de l’intersection entre le droit privé des biens et le droit régissant la propriété publique est déterminante pour approcher le phénomène juridique des biens publics. L’expression de « propriété publique » est polysémique en droit civil, en ce qu’elle peut désigner « à la fois l’appropriation de biens par la puissance publique, les biens objets de cette appropriation et le régime juridique qui s’y attache1 ». Si le public est étymologiquement lié au peuple2, le discours actuel tend pourtant à assimiler le public à l’État3. En common law, l’expression propriété publique comporte également une certaine ambiguïté, illustrée par l’utilisation d’une double terminologie. Alors que la propriété publique/public [or state] ownership désigne les biens de l’État, du Gouvernement ou de la Couronne4, la terminologie biens public/public property est parfois employée comme synonyme de « public ownership », mais le plus souvent utilisée pour référer à des ressources collectivement appropriées, avec des privilèges d’accès et d’usage partagés par le public au sens large5.

La propriété publique doit-elle s’entendre d’un droit de propriété ordinaire, assimilable à la propriété privative, ou plutôt d’un droit de garde de type fiduciaire reconnu au souverain et issu du mandat populaire par lequel des biens lui ont été confiés ? Si l’idée de droit de garde et de surintendance, distincte de la propriété privative, a prévalu historiquement en droit civil, le régime actuel de la propriété publique en droit civil français l’assimile volontiers à la propriété privée. Cela est particulièrement net dans le Code général de la propriété des personnes publiques. La théorie de l’État, désormais conçue sur le principe de la reconnaissance de droits subjectifs, fait en sorte que la propriété étatique est possible sur les biens du domaine public. Dans un tel cadre, les biens publics sont clairement opposés aux biens communs6, dont l’usage appartient à tous7.

Si cette assimilation de la propriété publique à la propriété privée est aujourd’hui contestée par une partie de la doctrine civiliste qui prend au sérieux l’ancienne idée du droit de garde8, l’étude des fondements de la propriété privée en common law peut mettre sur la voie d’une vision plus nuancée de la propriété publique, laquelle n’est pas complètement autonome de la propriété collective. C’est ainsi que la conception de la propriété publique en common law, qui ne connaît pas de distinction nette entre propriété privée et propriété publique, offre le contraste entre un « État propriétaire » et un « État fiduciaire9 ». Cette dernière analogie permet de mettre l’accent sur le fait que les biens publics sont plutôt tenus en fiducie par le Gouvernement, pour le bénéfice de la population. Dès lors, l’opposition entre biens publics et biens communs s’amenuise et ouvre la voie sur l’idée d’une propriété publique moins centrée sur les droits du propriétaire public que sur les droits du public sur les biens publics.

Cet article adopte une méthodologie comparative afin de comprendre la conception de la propriété publique dans deux systèmes juridiques majeurs : les traditions romano-germaniques ou civilistes et les traditions de common law. L’objectif de cet article est de mettre en regard la conception de la propriété publique en droit civil et en common law, pour tenter de montrer que l’assimilation civiliste traditionnelle de la propriété publique à la propriété privée peut être mitigée, tant par un retour historique à l’ancienne idée du droit de garde et de surintendance, que par une analogie avec la propriété publique fiduciaire de la common law. Comme la distinction entre propriété publique et propriété privée est vague en common law, il convient d’examiner plus d’une juridiction afin d’obtenir une image plus complète. Ainsi, dans le cadre de la common law, nous avons sélectionné deux prototypes principaux, la common law anglaise et américaine10, complétés par la common law canadienne – le Canada étant connu pour son système mixte de traditions de la common law et de droit civil11. S’agissant du choix des juridictions civilistes, notre prototype sélectionné est le droit civil français12, complété par le droit civil québécois, pertinent à analyser en raison de son contact étroit avec les traditions de common law13. Finalement, quelques exemples issus de l’expérience italienne sont ajoutés à la marge, en raison de leur pertinence pour le sujet étudié.

La flexibilité de la common law s’agissant du concept de propriété, qui facilite le développement d’arrangements inclusifs tels que le public trust, nuance ainsi la conception civiliste classique d’une nature absolue et unitaire de la propriété. En se fondant sur une perspective comparative, la thèse de cet article est que la propriété publique ne doit pas être conceptualisée à l’image du paradigme classique de la propriété privée exclusive, mais devrait plutôt intégrer certains éléments de la propriété collective ou commune14, pour être analysée comme un droit d’inclusion15. Une discussion sur le lien entre les biens publics et les biens communs16 est donc nécessaire. Après avoir envisagé l’assimilation actuellement dominante de la propriété publique avec le modèle de la propriété privée exclusive (I), on rendra compte des liens possibles de la propriété publique avec un modèle plus inclusif de propriété de type fiduciaire, empruntant certains éléments à la propriété collective et aux biens communs (II).

I. Du modèle de la propriété exclusive du droit privé au modèle de la propriété exclusive en droit public : l’analogie propriétaire

La propriété publique est rarement associée aux communs, en raison de son affiliation courante avec la propriété privée. Il importe toutefois de revenir aux fondements de la conceptualisation de la propriété privée en droit civil et en common law, afin d’éclairer la manière dont on comprend la propriété publique dans un contexte d’assimilation entre propriété publique et propriété privée. On envisagera d’abord le modèle de la propriété exclusive du droit privé (A), puis l’analogie de la propriété publique avec le modèle propriétaire du droit privé (B).

A. Le modèle de la propriété exclusive du droit privé

On opposera ici un modèle fort de propriété exclusive en droit civil (1) à un modèle plus modéré de propriété exclusive en common law (2).

1. Modèle fort d’une propriété exclusive en droit civil

En droit civil, le modèle traditionnel est celui d’une propriété absolue et exclusive. En droit français, l’article 544 du Code civil est généralement interprété comme conférant au propriétaire un droit absolu et/ou un pouvoir exclusif sur une chose corporelle17.

En droit québécois, le fait que le Code civil du Québec (ci-après « C.c.Q. ») ait remplacé l’ancienne définition de la propriété comme droit le plus absolu par une formulation plus modeste de droit libre et complet18 n’empêche toutefois pas la qualification traditionnelle de la propriété privée comme un droit exclusif19. C’est ainsi que le propriétaire est décrit comme étant « seul à prétendre à l’ensemble des attributs sur l’objet de son droit20 ». Si d’un point de vue interne, l’exclusivité permet à une personne d’exercer une prérogative sur la chose d’une manière particulièrement forte, d’un point de vue externe, elle permet au propriétaire d’assurer l’exclusivité de son droit sur la chose vis-à-vis des tiers21. Dans tous les cas cependant, l’exclusivité de la propriété, y compris en droit civil, doit être nuancée22. Or, dès lors qu’on rectifie cette idée de base, les arrangements plus inclusifs, relationnels et sociaux peuvent se transposer dans la conceptualisation de la propriété publique.

2. Modèle modéré d’une propriété exclusive en common law

En common law, si le modèle d’une propriété exclusive existe, il s’agit toutefois d’une version atténuée ou faible de propriété exclusive. Bien que la vision traditionnelle de la propriété en common law référait à une puissance absolue sur la chose permettant l’exclusion du droit de toute autre personne23, la définition actuellement dominante de la propriété en common law est issue des travaux de Honoré et Hohfeld et renvoie plutôt à un bundle of rights24. La définition moderne de la propriété en common law y voit un ensemble ou un fagot de droits sur la chose et plus précisément, un ensemble de droits, d’obligations, de privilèges, de pouvoirs et d’immunités susceptibles d’affecter un bien25. Une telle vision de la propriété propose donc une version atténuée d’une propriété absolue et exclusive, dans laquelle plusieurs droits se chevauchent. L’importance du trust en common law privé des biens26 peut être liée à une conception plus modérée de la propriété privée. Par exemple, la doctrine de la fiducie publique/public trust doctrine, dont on peut tracer une origine dans la Magna Carta anglaise27, donne un titre limité de propriété aux pouvoirs publics permettant d’établir des relations fiduciaires à usage public pour certaines ressources naturelles et culturelles28. Cela explique notamment l’influence de cette doctrine en droit américain29, qui est davantage marqué par un modèle fiduciaire de propriété, dans lequel le public est bénéficiaire.

B. L’analogie de la propriété publique avec le modèle propriétaire du droit privé

Si le modèle propriétaire n’est pas identique en droit civil et en common law, on retrouve toutefois une analogie plus ou moins forte de la propriété publique avec la propriété privée en droit civil (1) et en common law (2).

1. Analogie forte de la propriété publique avec la propriété privée en droit civil

Après avoir rendu compte de la reconnaissance de droits subjectifs de l’État sur les biens du domaine public (a), on se penchera sur l’assimilation de la propriété publique à la propriété privée (b).

a) La reconnaissance de droits subjectifs de l’État sur les biens du domaine public

En droit civil, les biens des personnes publiques sont traditionnellement répartis en biens du domaine privé et biens du domaine public. Si le droit de propriété des personnes publiques sur les biens du domaine privé n’a jamais été contesté30, la possibilité que l’État ait un droit de propriété sur les biens du domaine public a davantage interrogé la doctrine31. C’est au Doyen Maurice Hauriou qu’est généralement attribuée la thèse de la propriété de l’État sur les biens du domaine public32. Selon cette théorie, les éléments classiques de la propriété ne sont pas totalement exclus du domaine public : l’usus existe pour le domaine affecté aux services publics, le fructus apparaît dans les revenus et utilités que l’administration retire du domaine public et quant à l’abusus, l’inaliénabilité prouverait la propriété, puisque l’interdiction d’aliéner n’aurait pas d’objet si l’État n’était pas propriétaire33.

Comme cela a été montré en doctrine, chez Hauriou, le projet d’unir le droit administratif autour de la notion de droits subjectifs de l’État34 est largement politique : dès lors que des droits subjectifs sont reconnus à l’État, il devient possible de penser les droits de l’État sur les biens du domaine public comme un droit de propriété35. L’idée de la personnalisation de l’État se retrouve également chez Raymond Saleilles. C’est d’ailleurs de sa pensée qu’Hauriou se serait inspiré sur la question de savoir si un droit peut exister sans un sujet déterminé auquel il se rapporte et sur l’idée selon laquelle les seuls titulaires de droit sont des individus singuliers ou collectifs dotés de personnalité morale36. Cette idée amène plusieurs conséquences, dont celle qui veut que les droits du public soient directement attribués à l’État et que l’intérêt général se confonde avec l’intérêt de l’État en tant que personne37. Dès lors, l’inclusion du public par des droits d’accès et de jouissance sur le domaine public est mitigée.

b) L’assimilation de la propriété publique à la propriété privée

Selon plusieurs auteurs, la propriété publique n’a pas une nature juridique différente de celle de la propriété privée ; il y a simplement des différences de régime juridique, liées au fait qu’il s’agit de biens appropriés par des personnes publiques38. Il n’y aurait donc pas de « propriété administrative39 ». C’est ainsi que selon Hauriou, « si le droit de domaine public est un droit de propriété, ce n’est pas la propriété ordinaire, c’est une propriété qui mérite le nom de public, qui doit être rattachée à la puissance publique et qui est caractérisée dans ses effets par la destination d’utilité publique de la chose40 ». Il s’agit cependant pour cet auteur d’une propriété qui prend la propriété privée comme modèle, même si la propriété publique « se caractérise par un ensemble de modifications apportées à la propriété ordinaire par le fait de l’affectation et détruite par le fait de la désaffectation41 ».

Si la thèse « propriétariste » se développe à partir de la fin du xixe siècle42, le récent Code de la propriété des personnes publiques lui donne une nouvelle assise. Bien que l’on ait pu nuancer la portée de ce code qui résulte d’une simple ordonnance43, le Code général de la propriété des personnes publiques de 2006 reconnaît désormais clairement que les biens publics sont la propriété des personnes publiques, qu’il s’agisse de l’État, des collectivités locales ou des établissements publics44. Certains auteurs considèrent que, devant la clarté de ces textes récents, les personnes publiques sont des propriétaires (ordinaires) et qu’il ne serait plus possible de confondre la propriété publique et la domanialité publique45. Il existerait donc une notion de propriété publique dans laquelle on retrouverait les éléments de la propriété privée, le régime de la domanialité publique désignant plutôt un régime d’affectation46. Dès lors que la référence à la propriété est faite s’agissant des biens de l’État, cela va dans le sens de l’assimilation de la propriété publique à la propriété privée, qui lui emprunte alors ses caractéristiques, y compris son caractère traditionnellement exclusif.

En droit québécois, la propriété publique est en principe soumise aux règles de droit privé47. On a pu souligner que le Code civil du Québec a eu pour effet de privatiser – au moins partiellement – le droit public, car il est devenu une source directe de droit, notamment pour les personnes morales de droit public comme les organismes municipaux48. Aux termes de l’article 918 C.c.Q., « Les parties du territoire qui ne sont pas la propriété de personnes physiques ou morales, ou qui ne sont pas transférées à un patrimoine fiduciaire, appartiennent à l’État et font partie de son domaine. » Cet article est généralement interprété comme référant à l’idée de l’État comme un propriétaire résiduaire, même si cette idée doit être nuancée pour tenir compte des droits des Autochtones sur des parties importantes du territoire49. Font partie du domaine public les biens qui appartiennent à l’État fédéral ou provincial50, de même que les biens des personnes morales de droit public affectés à l’utilité publique51.

La doctrine québécoise considère que la théorie de la dualité domaniale, autrement dit la séparation entre le domaine privé et le domaine public de l’État, est en principe inopérante. En effet, contrairement au droit français, où les deux domaines obéissent à des régimes juridiques distincts, cette théorie n’a pas d’effet concret au Québec, sauf en matière municipale52. En matière municipale, la dualité domaniale qui résulte de l’article 916 du Code civil du Québec53, fait en sorte que les biens municipaux affectés à l’utilité publique sont en principe inaliénables, insaisissables et non taxables54. Comme l’expliquent René Dussault et Louis Borgeat, si l’expression domaine public est utilisée dans le contexte municipal pour désigner les biens des municipalités affectés à l’usage général et public, « [c]ela ne signifie pas que les biens du domaine public municipal appartiennent à la Couronne, mais simplement que les municipalités jouissent à leur égard de certains privilèges et immunités55 ». En cela, le droit québécois se rapproche davantage que le droit français de l’analogie modérée de la propriété publique avec la propriété privée caractéristique de la common law, puisque la dualité entre la propriété publique et la propriété privée est moins absolue qu’en droit français. En outre, le droit québécois peut mettre ici sur la piste d’un droit public où l’autorité publique jouit moins de droits subjectifs que de privilèges et où les biens du domaine public n’appartiennent pas à la Couronne à proprement parler. Le droit québécois s’éloigne ainsi de l’analogie avec la propriété privée.

2. Analogie modérée de la propriété publique avec la propriété privée en common law

Si la common law ne connaît pas de catégorie claire de propriété publique (a), la présence de l’analogie propriétaire se retrouve également dans cette tradition (b).

a) L’absence d’une catégorie nette de propriété publique en common law

En common law, la « propriété publique » n’est pas une catégorie autonome et il est dès lors difficile d’articuler une distinction générale entre la propriété privée et la propriété publique56. Le fait même de considérer l’État comme une personne morale est largement étrangère à la tradition de common law57. C’est ainsi que les biens du Gouvernement sont analysés comme assujettis à la propriété privée dans la tradition de la common law58.

Si la propriété de la Couronne ne diffère pas fondamentalement de la propriété individuelle, la common law anglaise reconnaît toutefois des règles particulières qui se distinguent des règles de la propriété ordinaire, notamment l’imprescriptibilité, l’immunité fiscale et l’insaisissabilité59. Comme l’a montré Giorgio Resta, l’idée traditionnelle selon laquelle il n’y a pas de droit de la propriété publique distinct en common law peut être nuancée. En effet, même si la tradition étatique est faible en common law, la Couronne a longtemps joué un rôle équivalent60. De plus, si les règles applicables aux biens de la Couronne sont en principe les mêmes que pour les biens privés, plusieurs catégories de choses (comme les forêts ou les autoroutes61) sont soumises à des réglementations spécifiques, en raison de l’utilité publique qui caractérise leur usage62. Dès lors que l’absence de propriété publique peut être nuancée, il est possible d’articuler une certaine distinction entre propriété privée et propriété publique, y compris en common law.

Si on suit la thèse traditionnelle de l’absence d’une catégorie autonome d’une propriété publique, l’idée d’une assimilation entre propriété privée et publique n’a que peu de sens. Toutefois, pour les auteurs qui admettent la présence d’une forme de propriété publique en common law, il est possible de considérer que ce type de propriété est assimilé au modèle propriétaire de la propriété privée.

b) La présence de l’analogie propriétaire en common law

L’émergence de l’analogie du Gouvernement-propriétaire fait écho aux développements jurisprudentiels. Dans l’affaire Commonwhealth of Canada, la Cour suprême du Canada a été appelée à se prononcer sur l’accès du public à un terminal d’aéroport appartenant au Gouvernement, dans le contexte du droit à la liberté d’expression protégé par la Charte. Dans cette affaire, des membres de l’organisation politique du « Comité pour la République du Canada » voulaient informer le public présent de l’existence de leur organisation et de son idéologie. Bien que le juge en chef Lamer ait reconnu « la nature particulière de la propriété gouvernementale » et sa « nature quasi-fiduciaire63 », le juge La Forest a été amené à convenir que le droit de propriété du Gouvernement n’était en rien différent de celui d’un propriétaire privé64.

Depuis cette affaire, l’analogie du Gouvernement comme propriétaire est devenue dominante en common law65. C’est ainsi que dans l’affaire Batty v. Toronto66, le mouvement « Occupy Toronto » avait établi une tente dans le parc Saint-James pendant plusieurs semaines. La ville de Toronto avait initié un avis de trespass (trespass notice) fondé sur la Loi pour atteinte à la propriété/Trespass to Property Act. Le mouvement « occupy Toronto » avait répliqué en argumentant que cela allait à l’encontre des droits des manifestants protégés par la Charte canadienne des droits et libertés67. Or, la Cour ontarienne rejette leur requête dans cette affaire, en appliquant un modèle de propriété privée exclusive à des biens qui auraient pourtant pu être qualifiés de communs68.

Même si la propriété publique est peu discutée en common law, les cas canadiens étudiés résonnent avec l’analogie de la propriété privée, qui est plus évidente dans les traditions civilistes. En contredisant ce modèle de propriété exclusive, les développements qui suivent envisagent le modèle d’une propriété plus inclusive et prometteuse pour l’accès du public aux biens.

II. Du concept de la propriété exclusive du droit privé à un modèle de propriété inclusive en droit public : l’analogie du gardien-fiduciaire

Tant en droit civil qu’en common law, il est possible de conceptualiser la propriété publique dans le sens d’une analogie avec le modèle fiduciaire. Dans une telle perspective, c’est un modèle de propriété inclusive – qui comprend des droits d’accès, de jouissance et d’utilisation pour le public ou la population en général – qui est proposé pour la propriété publique, distinct d’une propriété exclusiviste qui limite les modalités de l’inclusion à la volonté gouvernementale et aux impératifs de protection constitutionnelle. En ce sens, la propriété publique se rapproche des communs, reconnus pour leurs caractéristiques inclusives et collectives69. Après avoir envisagé le droit de garde comme modèle alternatif de la propriété publique en droit civil sur le modèle de l’État fiduciaire (A), on rendra compte du modèle fiduciaire comme alternative pour la propriété publique en common law (B).

A. Le droit de garde comme modèle alternatif de la propriété publique en droit civil

On rappellera le contexte historique de l’analyse du droit de garde (1), avant de se pencher sur une analyse théorique du modèle fiduciaire de l’État gardien comme modèle alternatif pour la propriété publique, qui emprunte certains éléments à la propriété commune (2).

1. Analyse historique

En droit romain, à la fin de la République et au début de l’Empire, le régime de la propriété ne s’étend pas à toutes les choses : les choses sacrées (res sacrea), les choses religieuses (res religiosae) et les choses saintes (res sanctae) échappent au dominium. Il en va de même des biens du peuple romain et notamment des terres confisquées aux peuples vaincus (ager publicus), dont Gaius écrit qu’ils sont « en dehors de notre patrimoine » (extra nostrum patrimonium)70. Dans le droit de Justinien, plusieurs biens continuent d’échapper à la propriété privée, incluant les choses publiques (res publicaes), telles que les voies publiques, les rivières et les ports, qui s’étaient ajoutées à l’ager publicus. Tant les Institutes de Gaius que les Institutes de Justinien classent ces choses non susceptibles d’appropriation privée en choses de droit divin (res divini juris, qui sont subdivisées entre res sacrae, res religiosoe et res sanctae) et choses droit humain (regroupant res communes, res publicae et res universitatis)71.

Comme l’historien du droit Yan Thomas l’a bien montré, en droit romain, le statut des biens publics n’était pas fondé sur la nature de ces biens, mais étaient institués tels pour les soustraire au commerce et les affecter à l’usage du public72. En droit romain, les choses publiques (res publicae), de même que les choses sacrées et religieuses, étaient conçues comme des choses extérieures à la sphère de la propriété individuelle73. De plus, le public référait non pas à l’État, mais à un public « non organisé », à savoir tous les membres de la Cité en leur qualité de membre de la communauté politique ou citoyenne74.

Selon Yann Thomas, il existait donc en droit romain une distinction entre une « zone de domanialité, dont l’État disposait librement » et une « zone d’“usage public” (places, théâtres, marchés, portiques, routes, rivières, conduites d’eau, etc.) », dont l’indisponibilité s’imposait d’une manière absolue75. Les choses publiques « n’étaient pas inappropriables en raison d’une quelconque titularité étatique, mais à cause de leur affectation […]. Ces choses dites “publiques” étaient librement accessibles à tous […]76 ». Alors que les choses (res) étaient essentiellement patrimoniales en droit romain, le droit sacré et le droit public les frappaient exceptionnellement d’indisponibilité et d’une destination perpétuelle77.

Il reviendrait toutefois aux auteurs de l’Ancien droit d’avoir construit une véritable théorie du domaine de la Couronne78. Une majorité de ces auteurs semble avoir délaissé l’approche propriétariste, pour reconnaître l’idée d’un droit de garde du Souverain : « le prince, dont la potestas dérive d’un mandat populaire et divin, ne saurait librement disposer des droits qui lui sont conférés et des biens à lui confier79 ». L’idée du droit de garde a donc certainement une assise historique.

2. Analyse théorique

La thèse propriétariste et le droit de garde désignent deux grandes théories que les juristes ont utilisées pour expliquer la propriété publique. Selon Hauriou, l’affectation des biens à l’usage du public modifie les effets de la propriété ordinaire sans pour autant changer sa nature80. Or, si l’on admet que la propriété publique est de même nature que la propriété privée, il devient logique de lui attribuer par analogie les mêmes caractères, y compris son caractère exclusif. Pourtant, comme l’a souligné une partie de la doctrine, on peut s’étonner d’une propriété « ordinaire », pourtant dépourvue d’usus et de pratiquement tout fructus et abusus81. En outre, la propriété publique ne se caractérise pas par l’exclusivité d’utilisation, ce qui est particulièrement net en droit canadien dans le contexte des droits autochtones qui se superposent à ceux de l’État82.

À l’opposé de la thèse propriétariste formulée par Hauriou et Saleille, l’idée de l’État gardien a été articulée par Jean-Baptiste Proudhon83. Proudhon est généralement considéré comme étant à l’origine de la théorie de la division entre domaine privé et domaine public de l’État, le domaine public étant constitué de biens affectés à l’usage du public ou au service public84. Proudhon a critiqué l’affirmation selon laquelle les choses du domaine public appartiennent à l’État et il est clair dans sa conception que le public n’est pas assimilé à l’État85. En effet, alors que la propriété (sous entendue privée) se caractérise par le droit d’exclure, le domaine public est au contraire inclusif de façon inhérente, puisque personne ne peut exclure les autres de la jouissance des biens affectés à l’usage public86. L’État devrait ainsi être davantage regardé comme un gardien ou un administrateur87.

Mikhaïl Xifaras a montré que la thèse « propriétariste », qui se développe à partir de la fin du xixe siècle, a eu pour effet de substituer l’État au public88. En effet, le public chez Proudhon est vu comme « un être moral et collectif », qui réfère à « tous ceux qui ont la liberté de jouir du domaine affecté à leur usage », autrement dit « tout le monde » ou « n’importe qui89 ». Or, dès lors que l’on recourt à l’idée de personnalité juridique de l’État, le public étant un collectif sans personnalité juridique, seul l’État peut agir pour le représenter. C’est ainsi que s’opère le glissement entre ce qui appartient au public et ce qui est la propriété de l’État90. Or, le droit de garde ne fait pas référence à l’exercice des droits des personnes administratives, mais à « l’exercice des droits du public, en son nom et pour son compte91 ». Même s’il n’y a pas de définition précise du droit de garde ou de surintendance, les auteurs ont bien présenté ses caractéristiques92. Qu’il s’agisse du roi, du seigneur ou de l’État, il n’exerce « que des prérogatives de conservation, ou des pouvoirs de police, mais non des actes de disposition » et il ne réunit « pas entre ses mains les composantes classiques de la propriété que sont l’usus, le fructus et l’abusus93 ». On voit donc se profiler un changement de perspective important et un passage des droits d’un propriétaire privé exercé par des personnes publiques, à un droit collectif du public exercé par l’État dans sa fonction étatique.

En droit civil français, les biens possédés par les personnes publiques sont divisés en biens du domaine privé, soumis à la domanialité privée, et biens du domaine public, soumis à la domanialité publique94. Or, il est courant d’admettre que la différence entre les deux résulte de l’affectation95. L’affectation peut être définie comme « la détermination d’une finalité particulière en vue de laquelle un bien sera utilisé96 ». Si à l’origine, l’utilité publique désignait l’affectation à l’usage de tous, ce critère a par la suite été concurrencé par celui de l’affectation à un service97.

La distinction entre ce qui appartient au domaine public et les autres biens a longtemps été ambiguë. Jusqu’à la fin du xixe siècle, la distinction entre ces domaines est fondée sur la nature des biens, avant de reposer à partir du début du xxe siècle sur l’utilité publique des biens et sur leur affectation98. Aujourd’hui, la doctrine française contemporaine majoritaire « reconnaît que la propriété des personnes publiques sur leur domaine public est distincte de la propriété privée, dans la mesure où elle se caractérise par l’existence de l’affectation du bien à l’utilité publique, qui a pour effet de paralyser les conséquences du droit de propriété99 ». Dès lors, c’est avant tout le critère de l’affectation qui sert de fondement à l’application de règles particulières100.

Certains auteurs ont pu noter que le débat devrait se déplacer non plus sur la question de savoir si la propriété publique doit être assimilée à la propriété privée, mais sur les justifications de la coexistence des deux régimes et sur le point de savoir « comment utiliser le bien et dans quel but », incluant la question de l’affectation à l’utilité publique101. Or, si l’on admet que la propriété publique ne doit pas être analysée sur le modèle de la propriété privée (exclusive), d’autres modèles surgissent, y compris le modèle du droit de garde et le modèle fiduciaire, ce qui permet d’ouvrir la porte à un modèle propriétaire plus inclusif, en lien avec les communs.

Fabienne Orsi a souligné que mouvement des communs permet d’apporter un nouvel éclairage sur les voies possibles d’une reconquête démocratique des biens publics102. En Italie, un projet relatif aux biens communs confirme ce point de vue. Le projet de loi de la commission Rodota a saisi l’occasion d’une proposition de réforme du Code civil relativement à la propriété publique pour proposer d’introduire la catégorie juridique des biens communs. L’objectif était d’empêcher la privatisation des services publics locaux, incluant la gestion de l’eau potable et la vente du patrimoine public à des entreprises privées ou semi-privées103. Ceci devait être réalisé par le biais de la création de la catégorie juridique des biens d’appartenance collective. Si cette réforme n’a pas vu le jour, le retour des communs se manifeste toutefois dans la pratique. En France, un projet récent sur la reconnaissance des communs a été déposé104, qui pourrait aller dans le sens d’un rapprochement des biens publics et des biens communs105.

Personne ne pouvant exclure les autres de la jouissance des biens réservés à l’usage public, le droit de garde peut ainsi être vu comme empruntant des éléments de la propriété collective, puisque la propriété collective et les biens communs comportent des éléments d’inclusion qui ne sont pas présents dans le modèle propriétaire traditionnel. En effet, contrairement aux biens traditionnels qui désignent des choses susceptibles d’appropriation106 et sont marqués par l’exclusivisme de la propriété privée107, les biens communs font référence à des biens non rivaux108, ouverts en accès partagé à une communauté, qui peut être plus ou moins large et plus ou moins précise ou diffuse109. En cela, le droit de garde – forme possible d’équivalent civiliste au modèle fiduciaire – se rapproche davantage des biens communs et de la propriété collective que du modèle exclusiviste de la propriété issue du droit privé : les biens appartiennent au public en commun, bien qu’administrés par le Gouvernement.

B. Le modèle fiduciaire comme modèle alternatif à la propriété publique en common law

Si l’analogie avec la propriété s’est récemment imposée avec l’affaire Commonwealth of Canada, traditionnellement c’est l’analogie avec le trust ou la fiducie qui constituait le paradigme dominant au Canada, tout comme ailleurs dans les pays de tradition de common law110. On envisagera la propriété publique comme droit d’inclusion (1), avant de faire le lien entre la propriété publique et les communs (2).

1. La propriété publique comme droit d’inclusion

De façon traditionnelle, l’analogie de la propriété publique avec le modèle fiduciaire a été adoptée par la common law anglaise111 et fait essentiellement référence aux droits publics de navigation, de commerce et de pêche, ainsi qu’à l’accès aux autoroutes et à certaines parties de la côte112. Dans un modèle de type fiduciaire, le Gouvernement ne peut aliéner ces ressources pour en faire des biens privés ni permettre des dommages à ces biens ou leur destruction, mais implique plutôt un devoir positif de sauvegarder ces ressources à long terme113 et de faire en sorte qu’elles restent disponibles et accessibles pour le public114.

La principale affaire de la Cour suprême des États-Unis en la matière est Illinois Central Railroad Co v Illinois. Dans cette affaire, la haute cour a jugé attentatoire aux principes fiduciaires la tentative de vente de terres submergées en front de mer de Chicago par le Gouvernement de l’Illinois à une corporation privée115. Cette affaire reste toujours la plus influente dans le contexte du Gouvernement fiduciaire.

En common law américaine, l’affaire Hague v Committee for Industrial Organisation décrit en outre les biens publics (common property) de la façon suivante :

Quel que soit le titre sur qui repose les rues et les parcs, ils ont été tenus en trust de façon immémoriale pour l’usage du public et […] ont été utilisés pour des fins d’assemblée, de communication entre citoyens et de discussions de questions publiques. Cet usage des rues et des places publiques fait partie, depuis des temps anciens, des privilèges, immunités, droits et libertés des citoyens. Ce privilège […] peut être régulé dans l’intérêt de tous ; il n’est pas absolu, mais relatif […], mais il ne peut en guise de régulation être […] nié116. (Notre traduction.)

Ultimement, on peut donc considérer que ce qui se trouve au cœur de la doctrine « public trust » est le devoir pour l’État de s’occuper des ressources publiques pour que celles-ci restent disponibles pour le public117.

Si l’analogie fiduciaire n’a jamais eu la même force en droit canadien qu’en droit américain118, cela n’empêche pas la jurisprudence de s’y référer parfois119, ni la doctrine de souhaiter une utilisation plus importante de ce modèle comme théorie générale de droit public120.

2. La propriété publique et les communs

Depuis plusieurs années, le mouvement des communs gagne en importance121 et il semble opportun de mettre en relation ce mouvement de réflexion122 avec les conceptions en cours de la propriété publique. Selon Dardot et Laval, l’origine lexicale de « commun » remonte à l’époque aristotélicienne, où « [l]’institution du commun » est l’effet d’« une réciprocité entre ceux qui prennent part à une activité ou partagent un mode d’existence […]123 ». À l’époque moderne, même s’il est difficile d’arriver à un consensus sur la définition des communs, les auteurs constatent la caractéristique inclusive des communs124.

Dans le modèle d’Ostrom et Cole, les biens se répartissent selon une classification quadripartite : biens privés, biens communs, biens publics et non-biens. Dans cette typologie conventionnelle, la propriété privée est la propriété des individus qui ont le droit d’exclure autrui de leur bien ; la propriété commune est une propriété collective dont les outsiders/tiers peuvent être exclus ; et la propriété publique est « une forme spéciale de propriété commune censée appartenir à l’ensemble des citoyens, mais typiquement contrôlée par les élus officiels ou les bureaucrates125 ». Au contraire, Macpherson propose une classification des biens tripartite entre biens communs, biens privés et biens étatiques. Pour cet auteur, les biens communs sont ceux que la société ou l’État déclarent d’usage commun et incluent le droit de ne pas en être exclu. Il s’agit notamment des rues, des parcs, ou des autoroutes. Les biens privés désignent au contraire le droit d’un individu d’exclure les autres de l’usage et des bénéfices de ce bien. Quant aux biens publics, il s’agit des biens tenus par l’État agissant comme corporation126, ou dit autrement, des biens tenus par l’État-personne morale.

Ces deux conceptions entrent en tension puisque la qualification « conventionnelle » voit plutôt les biens communs comme des espèces de biens privés, alors que Macpherson assimile plutôt la propriété commune à la propriété publique. En effet, pour Macpherson, la propriété commune pourrait aussi être appelée publique (public-commun), alors que la typologie conventionnelle voit plutôt les biens communs comme des espèces de biens privés (privé-commun)127.

Comme le souligne Sarah Hamil, l’accent mis sur la propriété fait en sorte que l’analyse des biens commence par le propriétaire et son usage du bien. Or, cela est problématique pour les biens communs/publics qui sont partagés par la population et confiés au Gouvernement. Cela explique que dans la théorie du bundle of rights, la propriété apparaît souvent détachée de son contexte social128. Toutefois, les théories qui sont fondées sur une conception de la propriété individuelle semblent encore plus étanches au contexte social de la propriété. En définitive, ce que l’analogie avec la propriété garde dans l’ombre, c’est que ce qui importe est moins qui est propriétaire, que la relation du public avec le bien129. Or, ce qui est caractéristique de la propriété publique/commune ne réside pas dans le droit d’exclure les tiers, mais plutôt dans le droit de ne pas être exclu de certains biens, tels que les parcs publics130. L’analogie avec le trust reconnaît donc mieux que l’analogie propriétaire l’idée selon laquelle le bénéfice est celui de tous.

Cela pointe donc dans une double direction : celle qui souligne la tension entre public/commun d’une part, et d’autre part, celle qui montre que les biens publics ne sauraient être limités aux biens de l’État, mais doivent plutôt être compris comme désignant les biens du public, lesquels sont en partie communs.

Conclusion

Cette étude a permis de montrer que la common law permet de mettre sur la piste d’un modèle fiduciaire de la propriété publique, qui fait écho à l’ancienne idée du droit de garde, que plusieurs auteurs civilistes souhaiteraient remettre d’actualité comme modèle de la propriété publique. Si la common law n’a pas de conception normative claire de la propriété publique, il est pourtant avéré qu’un certain nombre de règles distinctes s’appliquent lorsque la Couronne exerce des prérogatives de puissance publique sur les biens affectés à l’usage du public et que dès lors, la tension public/privé est présente au moins en partie tant en droit civil qu’en common law.

Le modèle de la propriété publique vue comme un équivalent de la propriété privée exclusive atteint ses limites et la conception sociale de la propriété aiguille vers une conception de la propriété publique qui tienne davantage compte du public et de la collectivité, plutôt que du propriétaire.

Le modèle fiduciaire propose une conception plus inclusive, axée non pas sur la capacité pour l’État d’exclure, comme on le retrouve pour la propriété privée, mais plutôt sur la charge ou le devoir reposant sur l’État de ne pas exclure le public d’un certain nombre de biens, qui en raison de leur affectation, doivent non seulement être protégés mais également demeurer accessible à tous.

Dès lors, la propriété publique ne devrait donc pas être envisagée à l’image du paradigme classique de la propriété privée exclusive, mais devrait plutôt intégrer certains éléments de la propriété commune ou collective, pour être conceptualisée comme un droit d’inclusion.

Notes

1 N. Kada et M. Martial, Dictionnaire d’administration publique, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, coll. « Droit et Action publique », 2014, p. 401. Return to text

2 Ibid. Return to text

3 F. Orsi, « Biens publics, communs et État : quand la démocratie fait lien », in N. Alix, J.-L. Bancel, B. Coriat et F. Sultan (dir.), Vers une république des biens communs, Paris, Les liens qui libèrent, 2018, p. 2. Return to text

4 Sur l’ambigüité de l’utilisation de ces différentes expressions : C. Chamard, La distinction des biens public et des biens privés, Paris, Dalloz, 2004, p. 160-163. En common law anglaise, l’État (State) n’a pas d’unité ni de personnalité juridique et le Gouvernement réfère aux autorités administratives, mais ne sont pas non plus dotés de la personnalité morale. Quant à la Couronne, elle est « la seule personne morale faisant partie des autorités publiques qui est soumise à des règles dérogatoires au droit commun ». Return to text

5 G. Resta, « Systems of public ownership », in M. Graziadei et L. Smith (dir.), Comparative Property Law, Cheltenham, Edward Elgar Publishing, 2017, p. 218. Return to text

6 Si la notion de communs et de bien commun est ancienne, elle a été renouvelée depuis une vingtaine d’années, principalement sous l’impulsion des travaux d’Elinor Ostrom : E. Ostrom, Governing the Commons: The Evolution of Institutions for Collective Action, Cambridge, Cambridge University Press, 2015. Dans un sens large, les communs renvoient à un « agir commun » (P. Dardot et C. Laval, Commun : essai sur la révolution au xxie siècle, Paris, La Découverte, 2014, p. 22). Voir aussi : M. Cornu, F. Orsi et J. Rochfeld, Dictionnaire des biens communs, 2e éd., Paris, PUF, 2021, p. XVIII. Voir aussi : M. Hardt et A. Negri, Commonwealth, Cambridge, Belknap Press of Harvard University Press, 2009 ; B. Coriat (dir.), Le retour des communs : la crise de l’idéologie propriétaire, Paris, Les liens qui libèrent, 2015. Return to text

7 M. Cornu, « V°Biens communs (approche juridique) », in M. Cornu, F. Orsi et J. Rochfeld (dir.), Dictionnaire des biens communs, op. cit., p. 114 : « Le terme de bien commun se prête difficilement à une définition synthétique […]. Il s’agit […] de réfléchir au régime de biens dont la caractéristique est qu’ils sont supposés satisfaire un usage commun […]. » (Nos italiques.) Return to text

8 Voir : F. Orsi, « Biens publics, communs et État : quand la démocratie fait lien », loc. cit., p. 4. Return to text

9 Sur l’opposition entre l’analogie du Gouvernement-propriétaire et l’analogie du Gouvernement-fiduciaire, voir S. E. Hamill, « Private Rights to Common Property: The Evolution of Common Property in Canada », (2012) 58:2 McGill Law Journal 365. Return to text

10 Lorsqu’il s’agit de juridictions représentatives de la common law, la common law anglaise, à l’origine des traditions de common law, et sa descendante la plus influente, la common law américaine, sont généralement identifiés par les comparatistes. Voir notamment : H. P. Glenn, Legal Traditions of the World, Oxford/New York, Oxford University Press, 5e éd., 2014, p. 260-267. Return to text

11 Pour les caractéristiques mixtes du droit québécois, voir : A. Popovici, « Libres propos sur la culture juridique québécoise dans un monde qui rétrécit », (2009) 54:2 McGill Law Journal 223. Voir aussi : M. Samson, « Le droit civil québécois : exemple d’un droit porosité variable », (2019) 50:2 Revue de droit d’Ottawa, p. 257-260. Return to text

12 Dans la tradition civiliste, la France est le premier pays à avoir publié une série d’ordonnances nationales de manière centralisée au xviie siècle, et plus tard, elle a promulgué la première codification nationale, systémique et rationnelle du droit : Voir : H. P. Glenn, Legal Traditions of the World, Oxford/New York, Oxford University Press, 5e éd., 2014, p. 142-143. Ainsi, le droit civil français est souvent considéré comme le représentant de la tradition juridique du droit civil. Voir par exemple : B. Nicholas, « Rules and Terms-Civil Law and Common Law », (1973-1974) 48:4 Tul L Rev 946 ; P. J. Hamilton, « Civil Law and the Common Law », (1922-1923) 36:2 Harvard Law Review 180. Return to text

13 Ainsi le droit civil québécois a-t-il déjà été qualifié de « modèle vivant de droit comparé » : L. Baudouin, Le droit civil de la province de Québec : modèle vivant de droit comparé, Montréal, Wilson et Lafleur, 1953. Quant à l’influence des sources de droit étranger au droit civil québécois, voir : D. JUTRAS, « Cartographie de la mixité : la common law et la complétude du droit civil au Québec », (2009) 88 La revue du barreau canadien 247. Return to text

14 Dans cet article, nous entendons propriété collective (ou commune) dans un sens large, comme une propriété tenue en commun par une pluralité de personnes. Voir notamment en ce sens : P. Simler, Les biens, 4e éd., Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2018, p. 208, qui définit la propriété collective au sens d’une propriété à plusieurs personnes incluant « toutes les institutions juridiques ayant pour fonction d’assurer une appropriation en commun ». Voir aussi : F. Masson, La propriété commune, Paris, LGDJ, 2021, p. 4-6. Return to text

15 On entendra ici le droit d’inclusion comme référant au fait que des droits d’accès, de jouissance et de détermination de la destination des biens publics soient dévolus à la communauté de la société civile, plutôt qu’uniquement à l’État comme entité politique et décisionnelle. Sur l’inclusivité au sens de l’inclusion d’autrui dans les usages de la chose : S. Dussolier, « Du gratuit au non exclusif, les nouvelles teintes de la propriété intellectuelle », in Vers une rénovation de la propriété intellectuelle, Paris, LexisNexis, 2014, p. 29-48. Return to text

16 Les communs, qu’ils soient pris dans le sens de choses communes (res communes) ou de biens communs, doivent être inappropriables et réservés à l’usage de tous. Voir : M. Cornu, F. Orsi et J. Rochfeld (dir.), Dictionnaire des biens communs, op. cit., p. 238. Return to text

17 Sur l’assimilation doctrinale de la propriété absolue à un droit exclusif : M. Xifaras, « Le code hors du code. Le cas de la transposition de la propriété au droit administratif », Droits, no 42, Paris, PUF, 2006, p. 56. Return to text

18 Art. 947 C.c.Q., qui succède à l’ancien article 406 du Code civil du Bas Canada, qui reprenait la formulation de l’article 544 Code civil français. Return to text

19 S. Normand, Introduction au droit des biens, 3e éd., Montréal, Wilson et Lafleur, 2020, p. 113. Return to text

20 Ibid. Return to text

21 Y. Emerich, Droit commun des biens : perspective transsystémique, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2017, p. 160. Return to text

22 Voir ibid., p. 161. Return to text

23 W. Morrison (éd.), Blackstone’s Commentaries on the Laws of England, vol 2, Londres, Routledge-Cavendish, 2001, p. 3 ; T. W. Merrill et H. E. Smith, Property: Principles and Policies, 1re éd., New York, Foundation Press, 2007, p. 393. Return to text

24 W. N. Hohfeld, « Some Fundamental legal Conceptions As Applied in Juricial Reasoning », The Yale Law Journal, vol. 23, no 1, 1913, p. 16-59. A. M. Honoré, « Ownership », dans A. G. GUEST (éd.), Oxford Essays in Jurisprudence, Londres, Oxford University Press, 1961, p. 107-147. Return to text

25 W. N. Hohfeld, « Fundamental Legal Conceptions as Applied in Judicial Reasoning », The Yale Law Journal, vol. 26, no 8,1917, p. 710-770. Return to text

26 D. Waters, M. Gillen et L. Smith, Waters’ law of Trusts in Canada, 4e éd., Toronto, Carswell, 2012, p. 3. Return to text

27 Sur l’origine de la doctrine en Angleterre, voir T. Perroud, « Recherche sur un fondement de la domanialité publique dans les pays de common law : la notion de public trust », dans Mélanges à la mémoire de Gérard Marcou, Paris, IRJS éditions, 2017, p. 889-895 ; E. Ryan, « A Short History of the Public Trust Doctrine and Its Intersection with Private Water Law », (2020) 38:2 Va Envtl LJ 135, p. 142-145. Voir aussi sur la question de cette origine : J. L. Hoffman, « Speaking of Inconvenient Truths – A History of the Public Trust Doctrine », (2007) 18 Duke Envtl. L. & Pol’y F. 1, p. 18-27. Return to text

28 À l’égard de la définition de cette doctrine, voir une affaire ancienne, Illnois Central Railroad Co. v. Illinois, Ill. Cent. R.R. Co. V. Illinois, (1892) 146 U.S. 387, p. 452 : « It is a title held in trust for the people of the state, that they may enjoy the navigation of the waters, carry on commerce over them, and have liberty of fishing therein, freed from the obstruction or interference of private parties. » Sur le rôle du pouvoir public dans cette doctrine, voir une décision connue, Mono Lake, rendue par la Cour suprême de Californie : National Audubon Society v. Superior Court (Supreme Court of California, 1983, 33 Cal.3d 419), p. 425 : « the core of the public trust doctrine is the state’s authority as sovereign to exercise a continuous supervision and control over the navigable waters of the state and the lands underlying those waters ». Return to text

29 J. L. Sax, « The Public Trust Doctrine in Natural Ressource Law: Effective Judicial Intervention », (1969) 68 Mich L Rev 471. Return to text

30 Il est usuellement reconnu en droit français que les biens du domaine privé de l’État et des personnes morales de droit public leur sont attribués sans affectation à l’usage ou au service du public et ne sont pas soumis au régime dérogatoire de la domanialité publique : F. Zenati-Castaing et T. Revet, Les biens, 3e éd., Paris, PUF, 2008, § 40, p. 84 ; C. Grimaldi, Droit des biens, Paris, LGDJ, 2016, § 85, p. 119. Return to text

31 Voir Y. Gaudemet, Traité de droit administratif des biens, t. 2, 14e éd., Paris, LGDJ, 2011, p. 9. Return to text

32 Y. Gaudemet, Traité de droit administratif des biens, op. cit., p. 14. Voir aussi C. Grimaldi, Droit des biens, op. cit., § 87, p. 123. Return to text

33 Y. Gaudemet, Traité de droit administratif des biens, op. cit., p. 14-15. Return to text

34 M. Xifaras, « Le code hors du code. Le cas de la “transposition” de la propriété au droit administratif », Droits, no 42, Paris, PUF, 2005, p. 58. Return to text

35 F. Orsi, « Biens publics, communs et État : quand la démocratie fait lien », loc. cit., p. 5. Return to text

36 R. Saleilles, De la personnalité juridique, histoire et théorie, Paris, Librairie nouvelle de droit et de jurisprudence, 1910, reprint Paris, Mémoire du droit, 2003. Return to text

37 M. Xifaras, « Le code hors du code. Le cas de la “transposition” de la propriété au droit administratif », loc. cit., p. 60. Return to text

38 F. Tarlet, « De la propriété publique aux biens publics (l’exemple mobilier) », Les Cahiers Portalis, no 5, 2018/1, p. 51-52. Return to text

39 Y. Gaudemet, Traité de droit administratif des biens, op. cit., p. 23. Return to text

40 M. Hauriou, Précis de droit administratif et de droit public général, 4e éd., Paris, Larose, 1900, p. 629. Return to text

41 Ibid., p. 631. Return to text

42 M. Xifaras, « Le code hors du code. Le cas de la “transposition” de la propriété au droit administratif », loc. cit., p. 53. Return to text

43 Voir F. Orsi, « Biens publics, communs et État : quand la démocratie fait lien », loc. cit., p. 6. Return to text

44 Code général de la propriété des personnes publiques, art. L 2111-1 : « Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L.1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l’usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un management indispensable à l’exécution des missions de ce service public. » Voir en ce sens : Y. Gaudement, Droit administratif, 20e éd., Paris, Lextenso, 2012, p. 500. Return to text

45 Ibid., no 1013, p. 501-502. Return to text

46 Ibid. Return to text

47 R. Godin, « The Relationship Between Public and Private Property. Canada and Quebec », (2005) Research Centre for Private Law of the Office of the President of the Russian Federation, p. 6. Return to text

48 J. Hétu, « Revue de la jurisprudence 1994-2019 en droit municipal : le Code civil et les contrats », (2020) 122 R du N 225, p. 229-232. Return to text

49 S. Normand, Introduction au droit des biens, op. cit., p. 476. De façon générale, l’expression « domaine public » englobe tous les biens de l’État, qu’il s’agisse des biens publics naturels ou artificiels : R. Dussault et L. Borgeat, Traité de droit administratif, vol. 2, 2e éd., Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1986, p. 9. Return to text

50 La Constitution canadienne opère un partage entre la propriété publique provinciale, qui est le principe (art. 109 et 117 de la Constitution) et la propriété fédérale l’exception (art. 108 de la Constitution) : Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Victoria, ch. 3 (R.-U.). Voir : F. Chevrette, « Dominium et imperium : l’État propriétaire et l’État puissance publique en droit constitutionnel canadien », in B. Moore (dir.), Mélanges Jean Pineau, Montréal, Thémis, 2003, 665, p. 668. Return to text

51 S. Normand, Introduction au droit des biens, op. cit., p. 476. Return to text

52 R. Dussault et L. Borgeat, Traité de droit administratif, op. cit., p. 16. Return to text

53 Art. 916 C.c.Q. : « Les biens s’acquièrent par contrat, par succession, par occupation, par prescription ou accession ou par tout autre mode prévu par la loi./ Cependant, nul ne peut s’approprier par occupation, prescription ou accession les biens de l’État, sauf ceux que ce dernier a acquis par succession, vacance ou confiscation, tant qu’ils n’ont pas été confondus avec ses autres biens. Nul ne peut non plus s’approprier les biens des personnes morales de droit public qui sont affectés à l’utilité publique. » [Nos italiques.] Voir aussi : J. Hétu, « Revue de la jurisprudence 1994-2019 en droit municipal : le Code civil et les contrats », loc. cit., p. 240. Return to text

54 J. Hétu, « Revue de la jurisprudence 1994-2019 en droit municipal : le Code civil et les contrats », loc. cit., p. 241. Return to text

55 R. Dussault et L. Borgeat, Traité de droit administratif, op. cit., p. 16. Return to text

56 G. Resta, « Systems of public ownership », loc. cit., p. 218 ; K. Gray et S. F. Gray, « Private Property and Public Propriety », in J. Mclean (éd.), Property and the Constitution, Oxford, Hart Publishing, 1999, p. 12-13. Return to text

57 O. Beaud, « Conceptions of the State » in M. Rosenfeld et A. Sajó, The Oxford Hanbook of Comparative Constitutional Law, Oxford, Oxford University Press, 2012, p. 270. Return to text

58 K. Gray et S. F. Gray, « Private Property and Public Propriety », loc. cit., p. 113. Return to text

59 R. Dussault et L. Borgeat, Traité de droit administratif, op. cit., p. 18. Return to text

60 F. W. Maitland, « The Crown as Corporation », in D. Runciman et M. Ryan, State, Trust and Corporation, Cambridge, Cambridge University Press., 2013, p. 32 sq. Return to text

61 Voir D. R. Coquillette, « Mosses from an Old Manse: Another Look at Some Historic Property Cases about the Environment », (1979) 64 Cornell L. Rev. 761, p. 804-805. Return to text

62 G. Resta, « Systems of public ownership », loc. cit., p. 234. Return to text

63 Comité pour la République du Canada c. Canada, (1991) 1 RCS 139, p. 154. Return to text

64 Comité pour la République du Canada c. Canada, (1991) 1 RCS 139, p. 165. Return to text

65 Voir S. E. Hamill, « Private Rights to Common Property: The Evolution of Common Property in Canada », loc. cit., p. 369. Return to text

66 Batty v. City of Toronto, (2011) ONSC 6862. Return to text

67 Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c 11 [Charte canadienne des droits et libertés]. Return to text

68 S. E. Hamill, « Private Rights to Common Property: The Evolution of Common Property in Canada », loc. cit., p. 384. Return to text

69 La caractéristique inclusive ou universelle est bien décrite dans l’extrait suivant « Ce n’est donc pas parce que certains biens sont en eux-mêmes communs qu’ils sont indispensables à la réalisation des droits de la personne, mais c’est parce qu’ils sont indispensables à la réalisation des droits de la personne qu’ils doivent être considérés comme des biens “communs” au sens de biens “universels” » : M. Cornu et al., Dictionnaire des biens communs, 2e édition, Paris, PUF, 2021, p. 239. Voir également sur cet aspect : B. Coriat, « Commons fonciers, communs intellectuels. Comment définir un commun ? », in B. Coriat (dir.), Le retour des communs : la crise de l’idéologie propriétaire, op. cit., p. 30-39. Return to text

70 J.-L. Halpérin, Histoire du droit des biens, Paris, Economica, 2008, p. 28. Return to text

71 Ibid., p. 34. Return to text

72 F. Orsi, « Biens publics, communs et État : quand la démocratie fait lien », loc. cit., p. 2. Return to text

73 Y. Thomas, « La valeur des choses. Le droit romain hors la religion », Annales, Histoire, Sciences Sociales, 2002/6, 57e année, p. 1435 ; Institutes de Gaius, II, § 9 et 11. Return to text

74 A. Di Porto, Res in usu publico e « beni comuni ». Il nodo della tutela, Turin, Giappichelli, 2013, p. 40-41 ; G. Resta, « Systems of public ownership », loc. cit., p. 226-227. Return to text

75 Y. Thomas, « La valeur des choses. Le droit romain hors la religion », loc. cit., p. 1435. Return to text

76 Ibid. Return to text

77 Y. Thomas, « La valeur des choses. Le droit romain hors la religion », loc. cit., p. 1435. Return to text

78 Y. Gaudemet, Traité de droit administratif des biens, op. cit., p. 9-10. Return to text

79 P. Yolka, La propriété publique : éléments pour une théorie, Paris, L.G.D.J., 1997, p. 63 ; Y. Gaudemet, Traité de droit administratif des biens, op. cit., p. 10. Return to text

80 M. Hauriou, Précis de droit administratif et de droit public, 9e éd, Paris, Sirey, 1919, p. 737. Return to text

81 M. Xifaras, « Le code hors du code. Le cas de la “transposition” de la propriété au droit administratif », loc. cit., p. 69. Return to text

82 S. Normand, Introduction au droit des biens, op. cit., p. 494. Return to text

83 J.-B. Proudhon, Traité du domaine public, Dijon, Lagier, 1833-1834, t. 1, no 202, p. 266-268. Voir aussi : M. Xifaras, « Le code hors du code. Le cas de la “transposition” de la propriété au droit administratif », loc. cit., p. 51-52 sur l’idée selon laquelle en distinguant les expressions « domaine de l’État » et « domaine public », Proudhon implique que « l’État n’exerce qu’un simple droit de garde ». Return to text

84 J.-B. Proudhon, Traité du domaine public, Dijon, Lagier, 1833-1834, t. 1, no 201, p. 265-266. Return to text

85 F. Orsi, « Biens publics, communs et État : quand la démocratie fait lien », loc. cit., p. 5. Return to text

86 J.-B. Proudhon, Traité du domaine public, Bruxelles, Librairie de Jurisprudence de H. Tarlier, 1835, p. 85-86. Return to text

87 N. Karadgé-Iskrow, « Nature juridique des choses publiques. Étude de droit comparé », (1930) Revue droit public, p. 675. Return to text

88 M. Xifaras, « Le code hors du code. Le cas de la “transposition” de la propriété au droit administratif », loc. cit., p. 54 ; F. Orsi, « Biens publics, communs et État : quand la démocratie fait lien », loc. cit., p. 5. Return to text

89 M. Xifaras, « Le code hors du code. Le cas de la “transposition” de la propriété au droit administratif », loc. cit., p. 54. Return to text

90 F. Orsi, « Biens publics, communs et État : quand la démocratie fait lien », loc. cit., p. 5. Return to text

91 M. Xifaras, « Le code hors du code. Le cas de la “transposition” de la propriété au droit administratif », loc. cit., p. 58-59. Return to text

92 Voir O. de David Beauregard-Berthier, Droit administratif des biens, 6e éd., Paris, Gualino, Lextenso, 2010, p. 31-32. Return to text

93 F. Tarlet, « De la propriété publique aux biens publics », loc. cit., p. 48. Return to text

94 G. Renard, « Propriété privée et domanialité publique », (1929) 18:2 Revue des Sciences philosophiques et théoriques, p. 263. Return to text

95 H. Saugez, L’affectation des biens à l’utilité publique : Contribution à la théorie générale du domaine public, thèse de doctorat en droit, Université d’Orléans, 2012, p. 7. Return to text

96 G. Cornu, Vocabulaire juridique, 14e éd., Paris, PUF, 2022. Return to text

97 H. Saugez, L’affectation des biens à l’utilité publique : Contribution à la théorie générale du domaine public, op. cit., p. 9. Return to text

98 Ibid., p. 14. Return to text

99 H. Saugez, L’affectation des biens à l’utilité publique : Contribution à la théorie générale du domaine public, op. cit., p. 15. Return to text

100 Ibid., p. 23. Return to text

101 F. Tarlet, « De la propriété publique aux biens publics », loc. cit., p. 58, 60-61. Return to text

102 F. Orsi, « Biens publics, communs et État : quand la démocratie fait lien », loc. cit., p. 2. Return to text

103 Ibid., p. 7. Return to text

104 J. Rochfeld et al., Rapport sur l’échelle de communalité : Propositions de réforme pour intégrer les biens communs en droit, Rapport no 17-34, avril 2021. Return to text

105 J. Rochfeld et al., Rapport sur l’échelle de communalité : Propositions de réforme pour intégrer les biens communs en droit, op. cit., p. 275. Voir aussi : G. Allaire, « Les communs comme infrastructure institutionnelle de l’économie marchande », Revue de la régulation, vol. 14, 2013, § 8. Return to text

106 F. Zenati-Castaing et T. Revet, Les biens, op. cit., p. 49 sq. ; S. Normand, Introduction au droit des biens, op. cit., p. 76 sq. Return to text

107 S. Normand, Introduction au droit des biens, op. cit., p. 113 ; F. Zenati-Castaing et T. Revet, Les biens, op. cit., p. 315 sq. Return to text

108 J.-B. Coriat, « Biens communs. Approche économique », in M. Cornu, F. Orsi et J. Rochfeld (dir.), Dictionnaire des biens communs, Paris, PUF, 2017. Return to text

109 Voir J. Rochfeld et al., Rapport sur l’échelle de communalité : propositions de réforme pour intégrer les biens communs en droit, op. cit., p. 78. Voir aussi : B. Parence et J. de Saint Victor, « Introduction : « Commons, biens communs, communs » : une révolution juridique nécessaire », in B. Parence et J de Saint Victor (dir.), Repenser les biens communs, Paris, CNRS Éditions, 2014, p. 29. Return to text

110 S. E. Hamill, « Private Rights to Common Property: The Evolution of Common Property in Canada », loc. cit., p. 390. Return to text

111 Le modèle fiduciaire est généralement considéré comme ayant ses origines dans l’ancien droit romain (voir : S. E. Hamill, « Private Rights to Common Property: The Evolution of Common Property in Canada », loc. cit., p. 390.), si bien que ce modèle pourrait tout aussi bien décrire un modèle civiliste de type fiduciaire, lequel est toutefois plus couramment décrit aujourd’hui en droit civil sous la terminologie droit de garde. Les idées de droit de garde (ou de gardien) et de fiduciaire sont toutefois des idées connexes. Return to text

112 S. E. Hamill, « Private Rights to Common Property: The Evolution of Common Property in Canada », loc. cit., p. 390-391 ; R. M. Frank, « The Public Trust Doctrine: Assessing Its Recent Past and Charting Its Future », (2012) 45 U.C. Davis L Rev, p. 678. Return to text

113 R. M. Frank, « The Public Trust Doctrine: Assessing Its Recent Past and Charting Its Future », loc. cit., p. 678. Return to text

114 S. Kidd, « Keeping Public Resources in Public Hands; Advancing the Public Trust Doctrine in Canada », (2006) 16:2 J Envtl L and Prac, p. 200. Return to text

115 Illinois Central R. Co. v. Illinois, (1892) 146 U.S. 387. Return to text

116 Hague v. Committee for Industrial Organization, (1939) 307 U.S. 496, p. 515‑516, cité par le juge en chef Lamer dans Comité pour la République du Canada c. Canada, (1991) 1 RCS 139, p. 154. Return to text

117 S. Kidd, « Keeping Public Resources in Public Hands; Advancing the Public Trust Doctrine in Canada », loc. cit., p. 200-201. Return to text

118 R. M. Frank, « The Public Trust Doctrine: Assessing Its Recent Past and Charting Its Future », loc. cit., p. 667. Return to text

119 Voir notamment l’affaire Comité pour la République du Canada c. Canada, (1991) 1 RCS 139, p. 154, où le juge en chef Lamer cite le cas américain Hague v Committee for Industiral Organization. Return to text

120 E. Fox-Decent, Sovereignty’s Promise: The State as Fiduciary, Oxford, Oxford University Press, 2011. Return to text

121 Le début de ce mouvement est marqué par l’ouvrage d’Elinor Ostrom Governing the Commons, Cambridge University Press, 1990. Return to text

122 Voir notamment sur le mouvement des communs : P. Dardot et C. Laval, Commun : Essai sur la révolution au xxie siècle, Paris, La Découverte, 2015. Return to text

123 P. Dardot et C. Laval, Commun : Essai sur la révolution au xxie siècle, op. cit., p. 26. Return to text

124 Voir P. Dardot et C. Laval, Commun : Essai sur la révolution au xxie siècle, op. cit., p. 181. Voir aussi : B. Coriat, Le retour des communs : La crise de l’idéologie propriétaire, Paris, Les liens qui libèrent, 2016, p. 23 : « […] il n’est de commun que si autour d’une ressource donnée sont établis un système de répartition des droits (accès, prélèvement, addition, aliénation…) et une structure de gouvernance veillant au respect des droits et obligations de chacun des participants au commun ». Return to text

125 D. H. Cole et E. Ostrom, « The Variety of Property Systems and Rights in Natural Resources », in D. H. Cole et E. Ostrom (dir.), Property in Land and Other Resources, Cambridge, MA : Lincoln Institute of Land Policy, 2012, p. 42-43. Return to text

126 C. B. Macpherson, « The Meaning of Property », in C. B. Macpherson (dir.), Property: Mainstream and Critical Positions, Toronto, University of Toronto Press, 1999 [1978], p. 6. Return to text

127 Ibid. Return to text

128 S. E. Hamill, « Private Rights to Common Property: The Evolution of Common Property in Canada », loc. cit., p. 379. Return to text

129 S. E. Hamill, « Private Rights to Common Property: The Evolution of Common Property in Canada », loc. cit., p. 400 ; Alexandra Carleton, « The “Other” Relationship to Land: Property, Belonging, and Alternative Ontology », (2021) 1 Canadian Journal of Law & Jurisprudence, p. 30. Return to text

130 S. E. Hamill, « Private Rights to Common Property: The Evolution of Common Property in Canada », loc. cit., p. 401. Return to text

References

Electronic reference

Yaëll Emerich, « Vers une propriété inclusive en droit public ? Approche comparative », Droit Public Comparé [Online], 3 | 2024, Online since 15 décembre 2024, connection on 01 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/droit-public-compare/index.php?id=512

Author

Yaëll Emerich

Professeure à la Faculté de droit de l’Université McGill et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit des biens transsystémique et communautés durables. L’auteure remercie Marie-Laure Dufour et Jasen Erbeznik pour leur aide précieuse au titre d’assistant·e·s de recherche, ainsi que Yuxiao Zhang pour une lecture préliminaire de cet article. L’auteure tient également à souligner le soutien financier du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) qui a aidé à la production de cet article. Cette recherche a été entreprise grâce au soutien financier du Programme des chaires de recherche du Canada.

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