Abstract

Le numéro inaugural de la revue Encounters in translation est le premier volet d’un double dossier thématique consacré aux épistémologies traductionnelles et narratives. Les auteur.es de ces deux dossiers ont été invité.es à réfléchir sur l'utilisation croissante de la traduction et du récit dans plusieurs domaines scientifiques en tant que tropes et prismes à travers lesquels les chercheur.es de diverses disciplines réfléchissent à leur objet d'étude respectif et aux interrelations entre les différents types de connaissances. Nous tentons de situer les contributions à ces deux questions dans le contexte plus large de l'étude interdisciplinaire des récits et de la traduction. Les débats à propos de ces deux concepts clés sont complétés par un bref compte-rendu sur l'utilisation de la traduction dans deux domaines : les études des sciences et des techniques (axées sur la théorie de l’acteur-réseau) et la médecine (axée sur le concept de Knowledge Translation ou de l’application des connaissances).

Outline

Text

La notion de récit, sous diverses acceptions, est reprise et déployée depuis longtemps dans de nombreuses disciplines : de la poétique et de l'ethnographie à la psychologie, au droit, aux sciences politiques et à l'histoire. Le structuralisme repose sur la notion de récit, clef de voûte du projet d'établir une science humaine universelle à partir de l'étude des mythes et de divers types d'histoires, l’hypothèse étant que les récits étaient traduisibles d'une culture à l'autre. Cette recherche de l’universel s'est toutefois progressivement muée en un tournant généralement entendu comme interprétatif. Ce dernier a conduit à dissocier les sciences, notamment les sciences humaines, des paradigmes réalistes et de l'établissement de "vérités objectives" au cœur de leurs préoccupations traditionnelles, en faveur d'une vision constructiviste, réflexive et autocritique de l'expérience (linguistique et autre).

L'attrait pour la traduction dans un nombre croissant de disciplines des sciences humaines et sociales relève d’une trajectoire plus complexe, parfois en accord avec le même virage interprétatif qui explique l'attrait croissant pour les récits, et parfois en conflit direct avec celui-ci.

La traduction était traditionnellement vue uniquement sous l’angle du processus de transformation textuelle : tout d’abord en tant que transposition d'un texte entièrement articulé d'une langue à une autre, puis comme un processus plus diffus de refonte de portions de texte plus ou moins longues dans une autre langue et/ou un autre genre ou support, brouillant de plus en plus les frontières entre l'original et la traduction (Baker, 2014). Dans l'histoire intellectuelle européenne, cependant, il ne s’agissait pas seulement du transfert et de la reproduction de mots, mais aussi d'idées, de pratiques et d'objets. Au début de l’époque moderne, la traduction englobait donc le transfert de corps physiques et de corps idéels, de connaissance comme de pouvoir, par exemple la translatio des Saints et la translatio studii et imperii (Cheyfitz, 1997, p. 35 ; Evans, 1998 ; Wintroub, 2015). Cette vision plus large de la traduction trouve un écho parmi un nombre croissant de chercheur.es en traduction, tels que Błumczynski (2023), Marais et Kull (2016), Song (2023) et Wright (2023), entre autres.

On observe un regain d’intérêt pour la traduction, sous des formes diverses, depuis au moins le début du 21ème siècle, à mesure que les chercheur.es en sciences humaines et sociales se sont penché.es sur les processus de médiation qui adviennent lors de la production et de la diffusion de connaissances, de pratiques et de valeurs, dans des contextes sociaux et culturels variés. Dans plusieurs domaines des sciences humaines, la traduction s'est imposée comme un concept théorique clé utilisé pour aborder les différences épistémiques et culturelles (Gal, 2015 ; Ødemark & Engebretsen, 2018). Dans les études organisationnelles, par exemple, la traduction est conceptualisée comme un processus d'adaptation des idées et des modèles aux contextes locaux (Barros & Rose, 2023, p. 5). De même, les chercheur.es en études internationales en sont venu.es à conceptualiser la traduction comme « une condition ontologique de l'international » (an ontological condition of the international) et l'acte de traduction comme « une pratique sociale et politique récurrente dans les relations internationales qui met en relation les concepts et les contextes, et implique toujours un changement » (a recurrent social and political practice in international relations that relates […] concepts and contexts, and always involves change) (Capan et al., 2021, p. 2). Dans ce cadre, les chercheur.es en sciences et techniques (STS) et en théorie de l’acteur-réseau (ou TAR, parfois appelée sociologie de la traduction) font valoir que la traduction n'est pas simplement un processus discursif, mais une pratique matérielle et socioculturelle complexe qui réunit des acteurs humains et non-humains. Plus précisément, la traduction « évoque les stratégies successives d'interprétation et de déplacement par lesquelles une idée se transforme progressivement en fait scientifique ou en artefact » (evokes successive strategies of interpretation and displacement by which an idea gradually moves into becoming a scientific fact or artefact) (Buzelin, 2005, p. 197). Comme l'expliquent Borst et al. (2022), la traduction en français, langue dans laquelle Bruno Latour et d'autres chercheur.es clés de la TAR ont écrit, « connote à la fois la transformation et le déplacement » (connotes both transformation and displacement), et « cette insistance sur la transformation et le déplacement est utilisée pour décrire la façon dont les réseaux d'acteurs sont créés, et souvent changés, dans le processus de production et d'utilisation des connaissances » (this emphasis on transformation and displacement is used to describe how networks of actors are made, and often changed, in the process of knowledge production and utilization) (p. 5). En d'autres termes, la traduction inscrit différents types d’acteurs dans une variété de réseaux, et la société elle-même est le produit de traductions qui alignent les acteurs dans, et avec, des réseaux comprenant des actants 1 humains et non-humains. Ainsi, la TAR se démarque des tentatives d’inscrire la traduction dans un modèle préformé du social, ou dans un certain ordre culturel ou politique. Elle tente plutôt de retracer la manière dont les sociétés sont produites et se maintiennent par la traduction (Ødemark et Askheim, 2024). En ce sens, elle réintroduit la question de la matérialité et de la nature au cœur des notions pré-modernes de translatio2.

La traduction est également mobilisée dans diverses disciplines scientifiques, dans des acceptions hautement spécialisées et institutionnalisées (Marais, 2022). En biologie, elle désigne le processus de « synthèse des protéines sur le ribosome, où une séquence de nucléotides dans un ARN messager (ARNm) est utilisée comme un code (c'est-à-dire un code génétique) pour attacher des acides aminés au polymère protéique qui s'allonge dans un ordre spécifique » (protein synthesis on the ribosome, where a sequence of nucleotides in a messenger RNA (mRNA) is used as a code (i.e., genetic code) for attaching amino acids to the elongating protein polymer in a specific order) (Sharov, 2022, p. 63). En physique, elle désigne un mouvement le long d'une ligne ou d'une courbe (Encyclopaedia Britannica, n.d.). La traduction s'est également institutionnalisée en médecine, où le concept de Knowledge Translation (KT) – ou l’application des connaissances (AC) en français – est un pilier essentiel du paradigme dominant de la médecine factuelle (Evidence Based Medicine ou EBM). Quand le recours à la traduction dans les sciences humaines peut signaler des difficultés épistémologiques contemporaines à l'ère de la mondialisation, l’AC est interprétée d'une manière radicalement différente et positive : elle fait référence à l'objectif commun de "jeter un pont" (bridge the gap)3 entre la science telle qu'elle est pratiquée dans les laboratoires et son application clinique dans le monde social. En d'autres termes, il s'agit de mettre en pratique les connaissances issues de la recherche. L’AC désigne donc une pratique scientifique, prétendument indépendante du contexte culturel, lequel serait un "obstacle” au transfert des connaissances scientifiques formulées en laboratoire et confirmées par des essais randomisés contrôlés. Les changements opérés par la traduction ou application des connaissances4 n’auraient pas lieu d’être puisque les connaissances sont considérées comme ayant atteint leur apogée dans le "texte source" scientifique. L’AC ne s'intéresse donc pas à l'enchevêtrement des aspects culturels et biomédicaux des connaissances et à la manière dont elles vont être transposées dans différents contextes socioculturels. Cette vision de la traduction et des connaissances contraste fortement celle des sciences humaines et sociales qui valorise la différence et met en avant la productivité de la traduction.

Ces diverses acceptions montrent que la traduction n'est jamais qu’un simple processus discursif : c'est un processus matériel et culturel complexe, même lorsque les objets transportés sont des mots. Dans le même temps, elles mettent en évidence la persistance des paradigmes réalistes dans certains contextes disciplinaires, et leur influence sur la manière dont la traduction y est comprise et pratiquée. L'émergence de plusieurs épistémologies de la traduction illustre la façon dont les valeurs scientifiques considérées comme acquises, telles que l'objectivité et l'universalité peuvent être remplacées de manière productive « par la problématisation, l'agonisme et la contradiction dans la méthode généalogique » (by problematization, agonism, and contradiction in the genealogical method) (Rimke, 2010, p. 251), et ce en partie en problématisant le concept de traduction lui-même, à la fois au sein des pratiques scientifiques et savantes, et entre les différentes formes de savoir et de cultures épistémiques.

Dans ce qui suit, nous esquissons une brève généalogie du lien entre récit, traduction et connaissance dans deux approches de la traduction, tirées de contextes disciplinaires différents. Nous proposons ces généalogies schématiques uniquement à titre d'exemples de la manière dont nous pourrions aborder l'interdépendance du récit et de la traduction, ainsi que leur impact sur le type de connaissances produites et validées dans différentes disciplines et différents contextes.

L’idéologie narrative dans la traduction et l’application des connaissances

Comme le concept de traduction et le franchissement des frontières épistémiques, culturelles et linguistiques sont devenus de plus en plus importants dans les sciences humaines, nous pourrions considérer que la Knowledge Translation (KT) ou l’application des connaissances (AC) fait partie d'un nouveau paradigme traductionnel. Toutefois, l’intérêt de la médecine pour la traduction5 est d'une nature différente, car elle vise à préserver l’intégrité du message scientifique plutôt qu'à célébrer la différence épistémique ou culturelle.

La recherche dite traductionnelle ou translationnelle est apparue pour la première fois dans le domaine biomédical dans les années 1990 : elle semblait le moyen de pallier la lenteur et l’insuffisance de la prise en compte des avancées de la science dans la pratique clinique quotidienne des médecins. Elle a donc été conçue comme une solution possible à un problème à la fois temporel et quantitatif : le passage de la science à la pratique était trop lent et le volume de connaissances transférées trop faible. Par conséquent, la recherche traductionnelle a cherché à résoudre deux aspects de l'(in)efficacité de la recherche biomédicale : premièrement, le dilemme temporel, soit le décalage entre la science et la pratique quotidienne en clinique ; et deuxièmement, le dilemme quantitatif concernant le volume de nouvelles connaissances médicales qui sont mises en pratique dans le système de santé (Mankoff et al., 2004).

Dans l’AC, une bonne traduction (ou application) n'est pas productive : elle ne devrait rien ajouter ou retrancher des preuves et des conclusions produites par la recherche fondamentale et les essais randomisés et contrôlés. Au contraire, l'objectif de la traduction dans la KT et de l’application dans l’AC est de préserver le contenu scientifique original au sein de nouveaux contextes socioculturels, de manière à permettre une gouvernance rationnelle et la mise en place de systèmes de soins partout dans le monde. Il y a là un ensemble stable de représentations culturelles des connaissances, de leur création, communication et transmission. En suivant Steiner (1975), nous pourrions dire que cette manière de structurer et de traduire ou d’appliquer les connaissances forme une constante topologique qui « reste invariante lorsque cette figure [la traduction] est déformée » (remain[s] invariant when that figure [translation] is bent out of shape) (pp. 448–49). L’AC distribue de la valeur et répartit la directionnalité de la traduction à la façon des anciennes idéologies littéraires et philosophiques de la traduction : l'original est la source de valeur, et ses qualités admirées doivent être conservées intactes dans chaque processus de traduction et/ou de transfert. L’idéologie de cette topologie présuppose que la production des connaissances peut être distinguée de son transfert : le contenu scientifique à traduire est considéré comme extérieur au processus de traduction ou application. En outre, les connaissances sont supposées trouvé leur forme définitive dans l'espace clos du laboratoire ou dans celui plus ouvert des essais randomisés et contrôlés (testant l'effet, la transférabilité, la reproductibilité et la pertinence des connaissances). Ce sont les résultats qui doivent être transposés et mis en œuvre dans des situations de soins pratiques. Par conséquent, la tâche essentielle de l’AC en tant qu'instrument à la fois scientifique et social est de jeter un pont entre la théorie et la pratique en faisant en sorte que la pratique médicale soit fondée sur des connaissances. La définition de Knowledge Translation fournie par l'Organisation mondiale de la santé (2012) le montre clairement :

Knowledge translation (KT) has emerged as a paradigm to address many of the challenges and start closing the ‘know-do’ gap. KT is defined as “The synthesis, exchange, and application of knowledge by relevant stakeholders to accelerate the benefits of global and local innovation in strengthening health systems and improving people’s health”.

L’application des connaissances (AC) est apparue comme un paradigme permettant de relever de nombreux défis et de commencer à jeter un pont entre le savoir et l'action. L’AC est définie comme « la synthèse, l'échange et l'application des connaissances par les parties prenantes concernées de manière à renforcer plus rapidement les systèmes de santé et améliorer la santé des populations grâce aux découvertes mondiales et locales ».

L’AC est censée jeter un pont entre la science et la pratique sociale, et l'objectif est de combler le fossé entre le savoir et la pratique, c’est-à-dire une distance, un espace épistémologique entre la théorie et la pratique. Alors que la traduction interlinguale franchit la barrière de la langue, l’AC vise donc à établir un pont entre la science biomédicale et la pratique du soin. Idéalement, il devrait y avoir une certaine équivalence entre le message produit par la science (théorie) et son application dans la pratique. En d'autres termes, l'objectif de l’AC en tant que forme de traduction est de combler le fossé entre savoir et faire, et donc de réduire la distance entre ces pôles en transportant les connaissances, de manière linéaire, d'un endroit à l'autre (Engebretsen et al., 2017).

Cette représentation de la connaissance et de la communication est profondément influencée par les métarécits qui sous-tendent la modernité - des récits qui célèbrent la montée de la raison et du sujet rationnel (Ødemark, 2023). Même les approches plus récentes de l’AC qui s'appuient sur la théorie de l’acteur-réseau (Borst et al, 2022) semblent s'inspirer d'un récit fondateur des Lumières et de la modernité : l'hypothèse est que la traduction passe d'une position caractérisée par la plénitude épistémique à une position caractérisée par le manque épistémique, plutôt qu'entre des cultures épistémiques (souvent concurrentes) où les faits et les valeurs sont régulièrement contestés (Ødemark, 2023).

Traduction, épistémologie et récit dans la théorie de l’acteur-réseau

Contrairement à l’AC, la théorie de l’acteur-réseau considère la traduction comme une force productive. Elle est comprise au sens large comme « l’ensemble des négociations, des intrigues, des actes de persuasion, des calculs, des violences grâce à quoi un acteur ou une force se font attribuer l’autorité de parler ou d’agir au nom d’un autre acteur ou d’une autre force » (Callon et Latour, 2006, p. 12). Le lexique français et celui des études des sciences et des techniques se rejoignent sur l’importance de la transformation et du déplacement en traduction, en science comme dans toute pratique savante (Ødemark et Askheim, 2024). La langue française permet qu’on emploie le terme de traduction au sens large en épistémologie, et c’est aussi le cas en anthropologie et dans l'histoire et la philosophie des sciences. À la suite de la publication de Structures of Scientific Revolutions (Kuhn, 1962), qui a fait date, la notion de traduction a été de plus en plus mobilisée dans les réflexions sur la raison et l'(in)commensurabilité des connaissances provenant de différents lieux et époques, cultures et paradigmes scientifiques (Hanks et Severi, 2014, p. 6 ; Tambiah, 1990). La représentation de la traduction en TAR, à savoir qu’elle va au-delà d’un transfert linguistique, rejoint la position de ces autres disciplines, mais elle est critique à l'égard de concepts holistiques et totalisants tels que la culture, qui accompagnent souvent de telles redéfinitions.

La TAR a été conçue comme une alternative aux modèles textuels et aux tournants culturels dominants dans les sciences humaines de la dernière partie du XXe siècle. Elle rejetait les méthodes de recherche qui utilisent des catégories abstraites telles que la culture et la société comme points d'observation analytiques, arguant que ces concepts tendent à détourner l'attention de l'observation des relations réelles et empiriques, en particulier des acteurs et des réseaux dans lesquels ils s'engagent. Elle critiquait l’incapacité des catégories générales à rendre compte du monde, en raison de leur défaillance analytique et empirique, et considérait que leur déploiement avait pour effet de subsumer les objets de l'enquête sous une terminologie large et générale. Ceci avait pour effet de masquer les relations et les réseaux empiriques derrière des concepts abstraits. Elle considérait que les études s'appuyant sur de telles catégories reproduisent les prémisses de l'enquête au lieu de produire de nouvelles connaissances. Plus précisément, les phénomènes étudiés étaient traités comme des aspects ou des instances de catégories de sciences sociales telles que la société, la culture et la modernité, qui les définissaient d'emblée comme des instances d'une certaine culture ou d'un système politique particulier. Les spécialistes de la TAR soutenaient que ces macro-catégories devaient être évitées à moins qu'elles ne fassent partie de l’interprétation de la situation par les acteurs, auquel cas elles devaient être traitées comme des concepts émiques et constituer une partie des données empiriques à étudier. La notion de traduction a joué un rôle central dans ce démantèlement des totalités sociologiques et des holismes culturels (Tsing, 2010). La traduction a été comprise comme le processus d'enrôlement de différents types d'acteurs dans divers réseaux, et la société comme le produit de traductions qui alignent les acteurs dans, et avec, des réseaux comprenant des acteurs humains et non-humains.

La TAR a radicalisé le programme de David Bloor, qualifié de fort (« strong program » en anglais), et de l'Edinburgh School in Science and Technology Studies, décrit le plus clairement dans Bloor (1976), où le principe généralisé de symétrie vient s’ajouter à l'idée d'une symétrie de l'explication. Bloor (1976) avait affirmé que le sociologue devait être impartial par rapport aux dichotomies entre le vrai et le faux, le rationnel et l’irrationnel (p. 7). Le sociologue ne doit pas privilégier l’analyse d’ « un côté d'une dispute scientifique aux dépens de l'autre parce qu'il semble être dans le vrai ou évident » (one side of a scientific dispute while leaving the other side unexamined because it seems right or obvious) ; la symétrie exige que toutes les croyances soient soumises aux « mêmes genres d'explication sociologique générale indépendamment de la façon dont la connaissance est évaluée » (the same general kinds of sociological explanation regardless of how the knowledge is evaluated) (Bloor, 2001, p. 592) étant donné que les croyances vraies ou fausses doivent être traitées socialement pour être catégorisées comme telles, quel que soit leur statut dans le monde matériel.

S'appuyant sur ce fondement, la TAR va plus loin en insistant sur le fait que la nature et la culture, les acteurs humains et non-humains devraient aussi être abordés de manière symétrique, selon les mêmes protocoles explicatifs. Cette obligation constitue ce que l'on a appelé le principe généralisé de symétrie. Callon (1986) offre un bon exemple de l'application de ce principe dans son ouvrage fondateur, « Éléments pour une sociologie de la traduction », lorsqu'il insiste sur le fait que les coquilles Saint-Jacques et les scientifiques doivent être abordés avec les mêmes outils de description et d'explication. Il est intéressant de noter que cette approche de la symétrie s'inspire des catégories de la narratologie structuraliste, où le terme d'actant figure en bonne place, et les élargit. Les actants sont les rôles structurels profonds de l'histoire, tels que le héros, l'assistant et le méchant, conçus en relation avec le projet et la perspective du héros. Il est important de souligner que les actants ne peuvent être identifiés que de manière téléologique, à la fin du récit, lorsqu’il est possible d’évaluer l'impact réel des autres personnages et des forces narratives sur le projet des protagonistes. La théorie de l’acteur-réseau est donc imprégnée d'une sorte de narrativité, d'une intrigue, comme condition préalable au type d'analyses qu'elle entreprend.

Pour Callon, la narratologie est un modèle utile parce qu'elle élargit l'éventail des personnages et des acteurs possibles à des non-humains. Il cite l'entrée sur l'actant dans l'ouvrage de Greimas Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, où les travaux de Vladimir Propp sont utilisés pour soutenir que « le concept d’actant remplace avantageusement, surtout en sémiotique littéraire, le terme de personnage, mais aussi celui de “dramatis persona” » (Greimas et Courtés, 1993, p. 5). Les actants ne sont pas seulement des êtres humains, mais aussi des animaux, des objets et des concepts, et la symétrie analytique entre acteurs humains et non-humains est un principe fondamental de la TAR. Cependant, comme nous l'avons déjà souligné, l'agence narrative des acteurs non-humains et le concept de symétrie étaient déjà établis dans les études de Propp sur les contes populaires. En ce sens, la narratologie ne nécessitait pas l'ajout d'un principe de symétrie généralisée puisque les acteurs non-humains et plus qu'humains étaient déjà reconnus comme des forces motrices dans les intrigues des contes populaires.

Il est intéressant de noter que ce sous-ensemble de la terminologie de l'ANT a été développé en référence à ce que le narratologue Claude Bremond (1964) avait appelé « une couche de signification autonome, dotée d’une structure qui peut être isolée de l’ensemble du message : le récit. » (p. 4) Cette couche autonome est le récit– la partie du message narratif la moins attachée à la matérialité du texte et qui en dépend. Sa structure

est indépendante des techniques qui la prennent en charge. Elle se laisse transposer de l’une à l’autre sans rien perdre de ses propriétés essentielles : le sujet d’un conte peut servir d’argument pour un ballet, celui d’un roman peut être porté à la scène ou à l’écran, on peut raconter un film à ceux qui ne l’ont pas vu. Ce sont des mots qu’on lit, ce sont des images qu’on voit, ce sont des gestes qu’on déchiffre, mais à travers eux, c’est une histoire qu’on suit ; et ce peut être la même histoire. Le raconté a ses signifiants propres, ses racontants : ceux-ci ne sont pas des mots, des images ou des gestes, mais des évènements, les situations et les conduites signifiés par ces mots, ces images, ces gestes. (Bremond, 1964, p. 4, accentuation de l’auteur)

Bremond identifie ainsi une « couche de signification autonome » censée pouvoir être traduite entre différents systèmes sémiotiques et signifiants matériels, parce que le récit et le mythe ne dépendent pas de la matérialité du signifiant dans la même mesure que la poésie. L’idée que les récits sont plus traduisibles que la poésie, en raison de la dépendance de cette dernière à l'égard de l'aspect matériel du signifiant, était un lieu commun de la poétique structuraliste. Lévi-Strauss (1958), par exemple, a déclaré que le dicton italien sur la traduction et la trahison s'appliquait à la poésie mais pas au mythe :

[Le mythe est] ce mode du discours où la valeur de la formule traduttore, traditore tend pratiquement à zéro. À cet égard, la place du mythe, sur l’échelle des modes d’expression linguistique est à l’opposé de la poésie, quoi qu’on ait pu dire pour les rapprocher. La poésie est une forme de langage extrêmement difficile à traduire dans une langue étrangère, et toute traduction entraîne de multiples déformations. Au contraire, la valeur du mythe comme mythe persiste, en dépit de la pire traduction. Quelle que soit notre ignorance de la langue et de la culture de la population où on l’a recueilli, un mythe est perçu comme mythe par tout lecteur, dans le monde entier. (Lévi-Strauss, 1958, p. 232)

En tant que type particulier de récit, le mythe peut survivre à la traduction parce que, selon un raisonnement similaire à celui de Bremond, la substance du mythe « ne se trouve ni dans le style, ni dans le mode de narration, ni dans la syntaxe, mais dans l'histoire qui y est racontée » (Lévi-Strauss, 1958, p. 232).

En revanche, en anthropologie, en ethnolinguistique et dans les études sur la performance, les chercheurs ont souligné que le récit – la « couche de signification autonome » de Bremond et Lévi-Strauss – est toujours dans une relation dialectique avec l'événement dans lequel la narration est produite et jouée, le contexte vivant de celle-ci (Bauman, 1986). Mais les spécialistes de la TAR ont choisi de revenir aux concepts analytiques et au langage conçus pour étudier le signifié et le récit. Ils ont mobilisé des concepts tels que l'actant pour analyser la partie la plus abstraite du récit – le signifié narratif, extrait du signifiant. Ils ont utilisé le même langage que celui conçu pour étudier la partie idéale du signe, la partie utilisée pour construire une sémiotique matérielle et une relation symétrique entre les agents humains et non-humains. La TAR semble ainsi mal appareillée pour traiter de la productivité du texte et du récit (Bauman & Briggs, 2003).

Récits de traduction

Les récits d'erreurs extrêmes de traduction ont souvent été utilisés par les philosophes pour souligner l'incommensurabilité entre les langues et les cultures (Malmkjær, 2002). Ces histoires mettent en scène des situations de traduction dites extrêmes où il n'y a pas de contact culturel préalable entre les groupes, et donc pas d'instruments de traduction (dictionnaires, grammaires, interprètes) disponibles. Selon Hacking (1981), elles impliquent une malostension6, comme lorsqu'une expression de la première langue est interprétée à tort par les locuteurs de la seconde langue comme se référant à un genre naturel. Un exemple célèbre est l'histoire de l'équipage du capitaine Cook, qui a pris le kangourou pour le nom d'un animal. On a découvert par la suite que « lorsque les aborigènes disaient “kangourou”, ils ne nommaient pas l'animal, mais répondaient à leurs interlocuteurs : “Qu'est-ce que vous avez dit ?” » (when the aborigines said ‘kangaroo’ they were not in fact naming the animal, but replying to their questioners, ‘What did you say?’) (Hacking, 1981, p. 174). Hacking a démontré que ce récit et d'autres récits d'erreurs extrêmes de traduction étaient faux, qu'il s'agissait de fables philosophiques sans référence historique, déboulonnant ainsi des anecdotes qui avaient atteint le statut de ce que Baker appelle des récits disciplinaires ou conceptuels (Baker, 2019, p. 39 et suiv.).

Les chercheur.es affirment aujourd'hui que l’hypothèse des entités délimitées dans la formulation “classique” du problème de la traduction culturelle était elle-même déjà constituée par des actes de traduction empiriques antérieurs qui calibraient et réifiaient à la fois les types de culture (orale ou lettrée) et les frontières géographiques et mentales entre les cultures (Bauman & Briggs, 2003 ; Moyn & Sartori, 2013, p. 9). Les travaux postcoloniaux sur la traduction et les intermédiaires dans l'histoire des sciences ont également souligné que « l'interaction interculturelle elle-même était une condition constitutive de la possibilité même d'une présence européenne durable dans des espaces nouveaux et inconnus » (cross-cultural interaction itself was a constitutive condition for the very possibility of sustained European presence in new and unfamiliar spaces) parce que les Européens « étaient épistémologiquement dépendants des populations autochtones afin d'accéder aux savoirs et aux pratiques des cultures avec lesquelles ils ont d'abord interagi et qu'ils ont progressivement colonisées » (were epistemologically dependent upon indigenous populations in order to accede to the knowledges and practices of the cultures they initially interacted with and progressively colonized) (Raj, 2023, p. 2). La traduction est donc reconnue pour son rôle déterminant dans l'établissement de frontières, ensuite considérées comme imperméables lorsque les gens ont commencé à raconter des histoires sur l'incommensurabilité des langues, des cultures, de l'Orient et de l'Occident.

Les diverses contributions aux deux premiers numéros de Encounters in translation creusent la problématisation des questions soulevées ici, de manière différente mais complémentaire. Elles présentent des recherches et des théories de pointe au croisement de la traduction et de l'analyse narrative, dans des contextes très différents, et parmi de multiples cultures et régions du monde. Nous espérons que ces deux numéros jetteront des bases solides sur lesquelles construire l'espace transdisciplinaire et indépendant que la revue Encounters in translation cherche à apporter – un espace qui pourra servir de lieu de rencontre pour les collègues souhaitant résister au cloisonnement des savoirs dans des espaces disciplinaires et universitaires distincts, ainsi qu'aux intérêts privés afférents.

Bibliography

Baker, M. (2005). Narratives in and of translation. SKASE Journal of Translation and Interpretation, 1(1), 4–13.

Baker, M. (2014). The changing landscape of translation and interpreting studies. In Bermann, S., & Porter, C. (Eds.). A companion to translation studies (pp. 15–27). Wiley-Blackwell.

Baker, M. (2019). Translation and conflict: A narrative account (2nd ed.). Routledge.

Barros, M., & Rose, J. (2023). Decolonial social movements as translators: Converting prefigurative initiatives into political and legal change tools. Organization. https://doi.org/10.1177/13505084231213201.

Bauman, R. (1986). Story, performance, and event: Contextual studies of oral narrative. Cambridge University Press.

Bauman, R., & Briggs, C. (2003). Voices of modernity. Language ideologies and the politics of inequality. Cambridge University Press.

Błumczynski, P. (2023). Experiencing translationality: Material and metaphorical journeys. Routledge.

Bloor, D. (1991). Knowledge and social imagery (2nd ed.). The University of Chicago Press.

Bloor, D. (2001). Strong program, in sociology of scientific knowledge. In Smelser, N. J., & Baltes, P. B. (Eds). International encyclopedia of the social and behavioral sciences (pp. 15208–15210), Elsevier. Available at https://doi.org/10.1016/B0-08-043076-7/03155-7.

Bremond, C. (1964). Le message narratif. Communications, 4, 4–32.

Borst, R. A. J., Wehrens, R. & Bal, R. (2022). Sustaining Knowledge Translation practices: A critical interpretive synthesis. International Journal of Health Policy and Management, 11(12), 2793–2804.

Buzelin, H. (2005). Unexpected allies. How Latour’s network theory can complement Bourdieusean analyses in translation studies. The Translator, 11(2), 193–218.

Capan, Z. G., dos Reis, F., & Grasten, M. (2021) (Eds). The politics of translation in international relations (pp. 1–19). Palgrave Macmillan.

Callon, M. (1986). Éléments pour une sociologie de la traduction : La domestication des coquilles Saint-Jacques et des marins-pêcheurs dans la baie de Saint-Brieuc. L’Année Sociologique (1940/1948-), 36, 169–208.

Callon, M., & Latour, B. (2006). Le grand Léviathan s’apprivoise-t-il ? In Akrich, M., Callon, M., & Latour, B. (Eds.), Sociologie de la traduction : Textes fondateurs (pp. 11–32). Presses des Mines.

Cheyfitz, E. (1997). The poetics of imperialism: Translation and colonization from The Tempest to Tarzan. University of Pennsylvania Press.

Encyclopaedia Britannica. (n.d.). Motion. In Encyclopaedia Britannica.com. Retrieved 9 April 2024: https://www.britannica.com/science/motion-mechanics#ref187089

Engebretsen, E., Ødemark, J., & Sandset, T. (2017). Expanding the Knowledge Translation metaphor. Health Research Policy and Systems, 15(9).

Evans, R. (1998). Metaphor of translation. In Baker, M. (Ed.), Routledge encyclopedia of Translation Studies (pp. 149–153). Routledge.

Gal, S. (2015). Politics of translation. The Annual Review of Anthropology, 44, 225–40.

Greimas, A. J., & Courtés, J. (1993). Sémiotique : Dictionnaire raisonné de la théorie du langage Hachette éducation

Hacking, I. (1981). Was there ever a radical mistranslation? Analysis, 41(4), 171–175.

Hanks, W. F., & Severi, C. (2014). Translating worlds: The epistemological space of translation. Journal of Ethnographic Theory, 4(2), 1–16.

Kuhn, T. S. (1962). The structure of scientific revolutions. University of Chicago Press.

Latour, B. (1996). Actor Network Theory: A few clarifications, Soziale Welt, 47(4), 369–381.

Lévi-Strauss, C. (1958). Anthropologie structurale. Plon. (Original essay published 1955)

Littau, K. (2016). Translation and the materialities of communication. Translation Studies, 9(1), 82–96.

Malmkjær, K. (2002). Analytical philosophy and translation. In Baker, M. (Ed.). Routledge encyclopedia of translation studies (pp. 8–13). Routledge.

Mankoff, S. P., Brander, C., Ferrone, S., & Marincola, F. M. (2004). Lost in translation: Obstacles to translational medicine. Journal of Translational Medicine, 2(14). https://doi.org/10.1186/1479-5876-2-14

Machen, R. (2018). Towards a critical politics of translation: (Re)Producing hegemonic climate governance. Environment and Planning E: Nature and Space, 1(4), 494–515.

Marais, K. (Ed.). (2022). Translation Beyond Translation Studies. Bloomsbury Publishing.

Marais, K., & Kull, K. (2016). Biosemiotics and translation studies: Challenging ‘translation’. In Gambier, Y. & van Doorslaer, L. (Eds.), Border crossings: Translation Studies and other disciplines (pp. 169–188). John Benjamins.

Moyn, S. & Sartori, A. (Eds.). (2013). Global intellectual history. Columbia University Press.

Ødemark, J., & Engebretsen, E. (2018). Expansions. In D’hulst, L., & Gambier, Y. (Eds.), History of translation knowledge. John Benjamins.

Ødemark, J. (2023). Knowledge Translation as cultural and epistemic translation. Comment on sustaining Knowledge Translation practices: A critical interpretative synthesis. International Journal of Health Policy and Management, 12(1), 1–4. DOI: https://doi.org/10.34172/ijhpm.2023.7873

Ødemark, J. & Askheim, C. (2024). From the sociology of translation to a translational environmental humanity. In Ødemark, J., Resløkken, A. N., Lillehagen, I., & Engebretsen, E. (Eds.), The Sociology of Translation and the Politics of Sustainability: Explorations across cultures and natures (pp. 2–15). Routledge.

Raj, K. (2023). William Jones and intercultural knowledge production. Global Intellectual History, 1–10. DOI: https://doi.org/10.1080/23801883.2023.2184405

Rimke, H. (2010). Remembering the sociological imagination: Transdisciplinarity, the genealogical method, and epistemological politics. International Journal of Interdisciplinary Social Sciences, 5(1), 239–254.

Sharov, A. A. (2022). Biology of translation: The role of agents. In Marais, K. (Ed.), Translation beyond Translation Studies (pp. 63–80). Bloomsbury Publishing.

Song (宋歌), G. (2023). Towards a translational landscape: A study of Coloane’s urban features through the lens of translational spaces. Translation Studies, 1–22.

Steiner, G. (1975). After Babel: Aspects of language and translation. Oxford University Press.

Tambiah, S. J. (1990). Magic, Science, Religion, and the Scope of Rationality. Cambridge University Press.

Tsing, A. (2010). Worlding the Matsutake diaspora. In Bubandt, N., & and Otto, T. (Eds), Experiments in holism: Theory and practice in contemporary anthropology (pp. 47–66). Wiley-Blackwell.

Wintroub, M. (2015). Translations: Words, things, going Native and staying true. The American Historical Review, 120(4), 1185–1217.

World Health Organization. (2012). Knowledge Translation Framework for Ageing and Health. Available at https://cdn.who.int/media/docs/default-source/mca-documents/ageing/knowledge-translation-framework-for-ageing-and-health.pdf?sfvrsn=a4d7299c_1&download=true.

Wright, C. (2023). Crossing the borders of social class: Social mobility as translational experience. The Translator, 29(4), 480–493.

Notes

1 Un actant, selon Latour (1996), « peut être littéralement n’importe quelle entité, pourvu qu’elle soit reconnue comme l’origine d’une action » (can literally be anything provided it is granted to be the source of an action) (p. 373). Return to text

2 Le travail remarquable de Karin Littau (2016) sur la matérialité a permis de mettre en évidence une dimension matérielle complémentaire de la traduction car « le traducteur fait partie d'une écologie matérielle, médiale et technologisée qui façonne tous les aspects de l'esprit » (the translator is part of a material, medial and technologized ecology that shapes every aspect of mind) (p. 85). Return to text

3 Sur les aspects trompeurs et naïfs de la métaphore du "pont" en traduction, et sur le rôle de l'analyse narrative pour exposer la violence sous-jacente qu'elle masque, voir Baker (2005, p. 9). Return to text

4 Note de traduction : dans la médecine et les études de santé francophones, « l’application des connaissances » est la traduction établie de Knowledge Translation. Écartant la référence explicite à la traduction, le terme français retient l’idée de transfert des connaissances scientifiques sans changement et sans adaptation, qui est sous-jacente au concept de traduction dans Knowledge Translation, et que les auteurs critiquent ici. Return to text

5 Outre le champ médical, Knowledge Translation a également joué un rôle important dans d'autres domaines qui s’appuient sur la science, comme la gouvernance du changement climatique (Machen, 2018). Return to text

6 L’identification erronée de l’objet ou des objets désignés par un nom. Return to text

Cite this article

Electronic reference

Mona Baker and John Ødemark, « Epistémologies traductionnelles et narratives », Encounters in translation [Online], 1 | 2024, Online since 29 mai 2024, connection on 13 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/encounters-in-translation/index.php?id=264

Authors

Mona Baker

University of Oslo, Norway

Author resources in other databases

  • IDREF
  • ORCID
  • ISNI
  • BNF

By this author

John Ødemark

University of Oslo, Norway

Author resources in other databases

  • IDREF
  • ORCID
  • ISNI

By this author

Translators

Julie Boéri

Hamad Bin Khalifa University, Doha, Qatar

Author resources in other databases

  • IDREF
  • ORCID

Claire Larsonneur

Université Paris 8, France

Author resources in other databases

  • IDREF
  • ORCID
  • HAL
  • ISNI
  • BNF

Copyright

CC BY-SA 4.0