La Saint-Barthélemy chez Michelet. Lectures croisées d’un historien et d’une littéraire

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Michelet publie en 1856 le tome IX de son Histoire de France, sous le titre Guerres de religion1. Il traite en fait d’un temps plus long, de 1547 à 1572, de l’avènement d’Henri II à l’automne 1572, soit les lendemains de la Saint-Barthélemy. Le récit de la Saint-Barthélemy y occupe les chapitres XXI à XXVI. La fin du règne de Charles IX est traitée dans le volume suivant, La Ligue et Henri IV qui, lui même, ne s’achève pas en 1610 mais en 1598.

Cette publication est certes insérée, chronologiquement, dans la succession des volumes dédiés à sa grande fresque historique, mais en même temps, elle entre en résonance avec un moment éditorial. Depuis la fin des années 1820, sont parues plusieurs pièces de théâtre qui ont pour sujet le massacre du mois d’août 1572 :

  • Prosper Mérimée, Chronique du règne de Charles IX, Paris, 1829.

  • La mort de Coligny ou la nuit de la Saint-Barthélemy. 1572. Scènes historiques, Paris, 1830.

  • Lesguillon, Aoust 1572 ou Charles IX à Orléans, drame historique en 4 actes, Paris, 1833.

  • Frédéric Soulié, Une aventure sous Charles IX, comédie en 3 actes, Paris, 1834

  • Ph. Fr. Dumanoir et al., Une Saint-Barthélemy, vaudeville historique en un acte, Paris, 1836.

  • Edouard Stern, L’hérétique et l’apostat ou les matines de Saint-Barthélemy, Paris, 1836, roman historique en 2 volumes.

  • Enfin entre décembre 1844 et Avril 1845, Alexandre Dumas publie en feuilleton son roman La reine Margot, dont il tire une pièce de théâtre en1847.

La Saint-Barthélemy est donc un thème littéraire qui « marche » dans le deuxième quart du XIXe siècle. Sans doute la pièce de Marie-Joseph Chénier, Charles IX ou l’Ecole des rois (1790), devenue Charles IX ou la Saint-Barthélemy (1798), y est-elle pour quelque chose. Elle est rééditée en 1818 avec le théâtre complet, en 1822 dans une compilation du théâtre français, séparément en 1826 et 1830, puis de nouveau dans une compilation en 1842-43.

Le genre historique aussi s’est penché sur la période avec notamment le Coligny, histoire française, de Pierre-Joseph-Spiridon Dufey, publié en 4 volumes en 1825.

La question du statut de l’œuvre qu’il écrit est posée par Michelet par le biais d’un retour réflexif sur son objet d’une part et sur le choix de l’écriture d’autre part. Il n’est en effet pas très sûr du premier : « le nouveau règne [celui d’Henri II] nous met en plein roman » (incipit du chapitre 1, p. 13). Dès ce premier chapitre, il pose des personnages dont les motivations intéressées (la vengeance de Diane de Poitiers contre la duchesse d’Etampes) créent une intrigue dont le premier événement est le duel de Jarnac contre La Châtaigneraie et dont la Saint-Barthélemy constitue le dénouement. L’intrigue favorise l’émergence d’un héros qui est le sujet principal du livre : Coligny, à la fois acteur historique, personnage et allégorie, comme nous le verrons plus loin. On ne sait donc si ce volume est une mise en récit de l’histoire dans la mesure où les événements ne relèvent pas de la fiction mais du réel ; ou s’il s’agit d’une mise en récit romanesque parce que la concaténation restituée de ces événements obéit aussi à une logique romanesque. C’est à ce titre que l’historien et la littéraire que nous sommes, nullement spécialistes de Michelet, se risquent à poser la question du statut de l’écriture d’un épisode marquant de l’histoire française. L’indécision entre récit historique et récit fictionnel pose en effet la question du rapport de l’auteur au passé et de la nature de la vérité qu’il met au jour.

Il semble que la fascination éprouvée par Michelet pour son objet le pousse vers un mode particulier d’évocation du réel. À plusieurs reprises, il définit son travail d’historien comme une entreprise de résurrection du passé, d’abord en 1846 (Avant-Propos au Peuple), puis en 1869 (préface à l’Histoire de France) : « Que ce soit là ma part dans l’avenir, d’avoir, non pas atteint, mais marqué le but de l’histoire, de l’avoir nommée d’un nom que personne n’avait dit. Thierry y voyait une narration et M. Guizot une analyse, je l’ai nommée résurrection, et ce nom lui restera ».

D’où la tentation de la poésie pour restituer la vie. Michelet l’éprouve notamment au début du livre lorsqu’il évoque le château d’Anet construit pour Diane de Poitiers. Il cherche alors à exprimer le génie du lieu :

Voilà le monument étrange, idéal et réel, amusant, noble et ravissant, l’enchantement diabolique et divin qui a trompé les cœurs et qui les trouble encore, qui démentit le temps [donc qui abolit l’histoire], et qui la maintint belle jusqu’à soixante-dix ans, que dis-je ? Trois cents ans, jusqu’à nous. Mais laissons là le rêve, laissons là la poésie. Voyons l’histoire et la réalité. (chap. 3, p. 39). C’est une fascination du même genre qui fonde l’économie de l’ouvrage : celle de la nuit de la Saint-Barthélemy, ou plus exactement celle du martyre protestant, monument élevé à la liberté : « la voie était obscure et pleine d’ombres ; je voyais seulement, au bout de ces ténèbres, un point rouge, celui de la Saint-Barthélemy (préface, p. 8).

La mise en récit des événements

Michelet fait le choix du récit. Comme les historiens de son temps, il raconte le passé. Mais si dans cette histoire narrative les verbes au passé simple dominent et constituent un ressort littéraire, le discours se démarque nettement du récit. Le dispositif paratextuel, c’est-à-dire la préface, du volume Guerres de religion le pose en historien.

Les « marqueurs d’historicité »

L’usage des références

Dans une note finale de la préface, il annonce que le lecteur « trouvera une critique générale des sources historiques de ce grand siècle » dans « la suite de cet ouvrage » et il réfère aux tomes IX et X. Or le t. IX est précisément celui qui contient cette préface. On se reporte donc au t. X « La Ligue et Henri IV », où l’on cherche en vain cette « critique générale ». En appendice de ce volume, on trouve quelques références éclairant par des anecdotes ou des détails chacun des chapitres de ce seul volume.

Dans le fil du récit, Michelet ne renvoie que de manière très aléatoire à ses sources, soit en les évoquant dans son propos, soit en les citant plus ou moins longuement mais alors sans donner la référence précise, soit en donnant de manière très elliptique la référence entre parenthèses. Il a exploité les archives, mais sans donner méthodiquement les références des fonds consultés qu’il mentionne de façon aléatoire : « Par les lettres du prince d’Orange, par la correspondance... de Granvelle, par les dépêches anglaises, etc., toute la situation est dévoilée » (chap. 22, p. 288). Il puise d’ailleurs beaucoup dans la correspondance du cardinal de Granvelle, dont il semble avoir vu les originaux (« la correspondance (inédite encore) de Granvelle », ibid.) et dont il émaille les citations de références sibyllines, par exemple : « GR., VI, 444,451, 13 déc. 1561 » (chap. 13 p. 187). Il a également travaillé, semble-t-il, à l’Archivio segreto vaticano (« les preuves en sont au Vatican (Voy. Les notes du tome X.) », chap. 16, p. 217) ; il a hanté les Archives nationales et à la Bibliothèque nationale (où il a vu par exemple les lettres latines de Marie Stuart), mais on est bien incapable de dire précisément ce qu’il a vu et ce qu’il a négligé.

Il lui arrive de donner entre parenthèses la référence d’un ouvrage dans lequel il a puisé un renseignement, mais de manière si elliptique que le lecteur non averti devra faire un travail de recherche, parfois vain, pour comprendre de quel ouvrage il s’agit. Par exemple, il raconte que le duc d’Albe fait couper 800 têtes après Pâques 1566 et entre parenthèses renvoie à « Gach. Phil. II, t. II » (chap. 2, p. 23). Or, le catalogue général de la BnF indique bien qu’un certain Louis-Prosper Gachard a publié des relations d’ambassadeurs vénitiens sur Charles Quint et sur Philippe II, en 1856 (ce qui est probablement trop tardif pour que Michelet l’ait effectivement utilisé) mais en un seul tome, et que l’ouvrage du même Gachard sur Don Carlos et Philippe II date des années 1860 et constitue aussi un seul volume. Michelet mentionne souvent des mémorialistes comme La Noue, Saulx-Tavannes, Marguerite de Valois, ou des historiens contemporains ou quasi contemporains comme de Thou, sans jamais en préciser l’édition, ni la date. Il a probablement puisé dans la série de Petitot (Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France) commencée sous la Restauration. De même, il renvoie à des lettres de Catherine de Médicis dont il indique parfois la date, mais pas l’édition d’où il les a extraites. Sans doute viennent-elles de la série des Archives curieuses de l’Histoire de France publiée sous la Monarchie de Juillet. Il tait aussi certaines de ses sources comme le huguenot Simon Goulart (Mémoires de l’Estat de France sous Charles neufviesme, 1576-1577), qui a évidemment inspiré non seulement son récit des horreurs de la Saint-Barthélemy mais aussi son interprétation du mariage de Marguerite de Valois comme un piège tendu de longue date à Coligny et aux protestants.

Reconstituer les sources de Michelet exige donc une enquête longue et minutieuse. Mais que signifie l’usage de la référence puisqu’il ne s’agit pas, à l’évidence, d’apporter une preuve et de faciliter l’accès à celle-ci ? Peut-être entend-il ainsi se rappeler à lui-même autant qu’à son lecteur qu’il ne fait pas œuvre de fiction, que si l’histoire est un « art »2, cet art n’est pas fiction, mais représentation, ou pour mieux dire selon ses propres termes : résurrection.

L’usage de la citation

Quelques phrases sont extraites de correspondances, en particulier celle de Granvelle et celle d’un certain Morillon dont il ne nous précise jamais l’identité. Mais parfois, l’origine de la citation est tue de telle sorte qu’elle résonne comme une voix venue directement du passé : « un agent anglais avait dit sèchement à l’amiral lui-même : ‘vous ne commanderez pas en Flandres, nous ne le souffrirons pas’« (chap. 22, p. 289). L’historien ressuscite un témoin inconnu dont la seule voix vaut attestation. De même, lorsqu’il fait parler Coligny en personne : « On disait de tous les côtés à Coligny qu’il se perdait en exigeant cela. Il répondait froidement : ‘Je suis assez accompagné, si je n’ai affaire qu’à MM. De Guise’« (chap. 22, p. 292). De même encore, quand il recourt naïvement à la mémoire de l’historien de Thou, présent au mariage de Marguerite de Valois et d’Henri de Navarre le 18 août et restituant la réaction de Coligny à la vue les drapeaux protestants pris à Jarnac et Moncontour et accrochés aux voûtes de Notre-Dame : « Nous en mettrons d’autres à la place, plus agréables à voir » (chap. 22, p. 293). Le procédé utilisé ici relève aussi bien de la fiction que du récit historique et rend manifeste l’intention historienne de Michelet : la « résurrection » du passé. En ne précisant pas d’où vient cette citation, Michelet se pose en détenteur d’un savoir supérieur, en vertu d’une communication directe avec l’événement qu’il ressuscite vraiment. À ce point, histoire et fiction se confondent. On peut développer la même analyse à propos de l’entrevue de baron de Retz avec Charles IX, dans la soirée du 23 août (chap. 23, p. 305).

Michelet emprunte volontiers aux mémorialistes, auxquels il accorde volontiers son crédit. Il cite notamment un long extrait des Mémoires de Marguerite de Valois, relatant un épisode de la Saint-Barthélemy exploité par P. Chéreau dans son film : lorsque Marguerite ouvre sa porte au sieur de Téjan poursuivi par des Suisses (chap. 24, p. 315-316). L’anecdote oscille entre tragicomique, ironie et horreur. Il cite volontiers et à plusieurs reprises de pseudo-mémoires du duc d’Anjou (par exemple, chap. 22, p. 295), en précisant que le récit est « très vraisemblable », ce qui le dispense de montrer pourquoi (« ce qui me prouve que le récit attribué au duc d’Anjou est bien de lui », chap. 23, p. 304).

Le je

Le je de Michelet se manifeste selon des modalités contradictoires dans son texte et dans le récit, qui nous semblent conforter néanmoins le statut historique de son discours.

Cette intervention directe lui permet d’abord de dévoiler ses stratégies discursives. Ainsi, lorsqu’il justifie ses choix : il annonce par exemple qu’il ne va pas du tout aborder l’œuvre législative et réformatrice de la Monarchie durant cette période, et qu’il va notamment passer sous silence la grande ordonnance rendue à la suite des États généraux d’Orléans de 1560. Ce qui ne l’empêche pas de prendre le temps de la comparer à l’œuvre des États généraux de 1789 : « Je n’ai pas le courage de parler des lois, de la réformation des lois, vaines et risibles feuilles de papier, au milieu de la scène épouvantable de violence qui s’ouvre ici » (chap. 16, incipit, p. 209). La raison de ce choix ne réside pas seulement dans l’opposition entre le drame qui occupe le devant de la scène et tout le reste qui se retrouve ravalé à un rang secondaire. Elle est à rechercher dans l’économie générale de son Histoire de France, construite autour d’une idée directrice : la lutte pour la liberté et l’émancipation de l’individu. L’épisode dramatique de la seconde moitié du XVIe siècle engage la France pour deux siècles sous le despotisme, dont la Saint-Barthélemy est le symbole sanguinolent. Partant, le récit n’aura d’autre justification que d’aider à comprendre comment on en est arrivé là. Pour cette raison, il se justifie de ne pas s’attarder à l’évocation de toutes les souffrances subies par les protestants : « Je me garderai bien de conter tout cela. Car le cœur du lecteur, absorbé et perdu dans ce cruel détail, n’entendrait plus et ne comprendrait plus, laisserait échapper le fil central et la pensée du temps que j’ai peine à lui faire tenir. Qu’on lise seulement la fuite de Toulouse, qu’on lise l’expulsion des pauvres familles d’Orléans... » (chap. 21, p. 274).

La même distanciation historienne lui permet d’argumenter son récit ou le choix de ses références : « Je ne vois pas que Coligny ait profité de l’autorisation [d’avoir une garde protestante autour de sa maison après l’attentat du 22 août] » (chap. 23, p. 300) ; « Ajoutons une circonstance, la première que je vais emprunter aux récits protestants (jusqu’ici je n’ai rien tiré que des sources catholiques) » (chap. 23, p. 306).

En revanche, sans nécessairement écrire à la première personne, Michelet abolit à d’autres moments toute distance et s’implique personnellement dans son discours, pour prendre position par rapport à l’historiographie, sans nécessairement identifier explicitement les auteurs qu’il conteste : « Nos historiens ont été si honnêtes, tranchons le mot, si innocents, que tous ont pris au sérieux Catherine de Médicis. Pas un n’a sondé ce néant », (p. 215) ; « Pourquoi parle-t-on toujours de la Saint-Barthélemy de 1572, et non de celle de 1562 ? » (chap. 16, p. 217).

Ainsi, insensiblement, une voie est ouverte, de la prise de position scientifique à l’engagement humaniste et idéologique. Michelet n’est pas de ceux que l’iconoclasme huguenot peut émouvoir à l’égal des massacres humains3.

Héritier de la Révolution, il ne supporte pas les manipulations dont elle peut faire l’objet. Il s’en prend ainsi aux falsificateurs qui ne reculent pas devant les rapprochements audacieux4.

Il faut enfin mentionner le je ou le nous professoral, qui associent l’auditoire au discours et qui parfois aussi l’interpellent pour relancer le récit : « j’ajouterai une chose triste, qu’il faut dire ; je la dirai crûment » (chap. 21, p. 272) ; « Marguerite nous apprend que » (chap. 23, p. 304) ; « Qu’allait-on faire de ces gentilshommes qui étaient dans le Louvre, sous le toit du roi ? Grande et cruelle question » (chap. 24, p. 314) ; « Guise, Montpensier et Gonzague (Nevers) trois princes, furent les principaux exécuteurs. Ajoutez-y Tavannes, l’homme du duc d’Anjou » (chap. 25, p. 319). Ce style oratoire de l’écriture professorale a inspiré toute une lignée d’historien, jalonnée notamment par Lucien Febvre ou Pierre Chaunu.

L’usage des dates

Michelet ne fait pas un usage des dates foncièrement différent des autres historiens, ceux de son temps tout au moins. Domine une certaine imprécision ou plus exactement un usage assez aléatoire de la précision, avec une fréquence assez modérée des repères chronologiques. La plupart des chapitres correspondent à une période de quelques années (parfois d’une seule année) dont les terminus a quo et ad quem sont indiqués entre parenthèses. Ceux qui traitent du règne d’Henri II (soit le premier tiers du volume) sont pauvres en dates. Elles deviennent plus nombreuses à partir de 1560, avec une fréquence croissante jusqu’aux chapitres qui couvrent la période qui court du mariage de Marguerite de Valois et d’Henri de Navarre (18 août) jusqu’au massacre (24-26 août). Durant le récit des journées, et particulièrement celui de la nuit du 23 au 24 août, Michelet opère même une pause pour récapituler heure par heure le déroulé de la soirée du 23 au Louvre.

Ainsi, la date constitue moins pour Michelet un simple repère du récit qu’un instrument d’enquête pour établir une vérité des faits : la trahison des Guises et de leur parti au profit de l’Espagne (chap. 16, p. 213), la véritable responsabilité du massacre (chap. 24, p. 313-314). Méthode à laquelle A. Jouanna, auteur de la dernière synthèse sérieuse sur la nuit de la Saint-Barthélemy, déclare de manière définitive qu’il est vain de recourir 5: elle repose en effet sur l’usage de témoignages contradictoires parmi lesquels l’historien sélectionne toujours avec un certain arbitraire. Mais, victime d’un paradoxal réflexe positiviste, Michelet veut croire que la chronologie est seule garante d’une véritable impartialité : la coïncidence chronologique et l’accumulation de faits convergeant dans le même sens construisent à ses yeux une preuve irréfutable.

Cependant l’accumulation des dates peut aussi répondre à la recherche d’un effet littéraire pour provoquer un sentiment d’oppression et donc pour dramatiser le discours : ainsi lorsque Michelet énumère à coups de dates, comme une cloche sonne les coups du destin, les malheurs subis par son héros, Coligny : « Lui aussi avait eu sa fuite quand, en 1568, avec Condé, ils traînaient leurs petits enfants d’un bout à l’autre du royaume.[…] Il avait perdu, en 1568, sa sainte femme. En 1569, l’honnête digne Dandelot […] meurt, empoisonnÉ, dit-on. […]. En 1571, à Londres, meurt le bon Odet [...] » (chap. 21, p. 275).

Les marqueurs de fictionnalité

Les spécialistes de la fiction sont divisés sur la question de l’existence de tels marqueurs6. À la différence de G. Genette et de D. Cohn, J.‑M. Schaeffer en particulier soutient qu’il n’y a pas de procédés vraiment distinctifs du récit romanesque par rapport au récit historique. Nous pouvons toutefois repérer ici trois procédés narratifs plus propres au romancier qu’à l’historien.

L’intrusion dans la vie psychique des individus

Le je entre à l’occasion dans la pensée et les émotions des personnages qu’il évoque : suppléant aux insuffisances des sources, il en vient à imaginer leur psychologie. Il montre Coligny désespéré face aux exactions commises par des soldats protestants lors les guerres qu’il mène en France et à l’étranger (chap. 21, p. 273-274). L’usage du discours direct et du indirect libre permet ici de restituer à la fois le point de vue de Coligny et celui d’un pilleur anonyme qui continue à voler malgré les coups de bâton de l’amiral. Nous apprenons de même les pensées de Coligny juste avant sa mort : « Le blessé sur son lit était dans ses pensées. Quelles ? La famille peut-être qu’il ne devait jamais revoir, cette femme admirable qu’il avait laissée enceinte et qui le rappelait en vain ? Ou bien plutôt cette grande famille de l’Église, si divisée, si hasardée […] Mais ces sombres pensées ne le reportaient-elles pas plus haut, plus loin encore, à la grande question des déchirures du dogme, etc. » (chap. 24, p. 309-310). Michelet glisse dans ce type de passages du vrai au vraisemblable : il évoque des événements qu’il juge probables mais dont il n’a pas d’attestation.

Dialogues et dialogisme

Des bribes de dialogues en forme de citations viennent trouer le récit. La question se pose de la source de ces propos rapportés. Par exemple on ne sait quelle fiabilité accorder au contenu d’un échange entre Coligny blessé, un inconnu et un certain Merlin, lors de l’opération effectuée par Ambroise Paré à la suite de l’attentat du 22 août7. Suit le dialogue entre Coligny et Charles IX venu lui rendre visite, interrompu par Catherine de Médicis, interpolé semble-t-il des Mémoires de Jacques-Auguste de Thou, édité par Petitot en 18238. À la différence de Mérimée, Michelet recourt en tout peu au dialogue ; quand il le fait il a tendance à donner sa source. L’entretien entre le baron de Retz et Charles IX après l’assassinat manqué de Coligny est ainsi rapporté d’après M. de Valois (chap. 23, p. 304-305). Mais au total les passages de dialogue sont peu nombreux.

Autrement délicat, est le statut ambigu de nombreuses bribes de discours sans guillemets encadrants et non référencées. Des formules et ou des phrases complètes ont un caractère oral mais ne sont pas attribuées à un énonciateur. Viennent-elles de l’analyse de l’auteur ? Sont-elles des discours rapportés de personnages ? Telle idée avancée semble ainsi venir de la pensée d’un personnage ou du je sans que l’on en soit certain. Dans la restitution de la proposition de Coligny à Charles IX de marier M. de Valois à Henri de Navarre des énoncés variés se combinent9.

Au discours de Coligny se mêlent les idées de Catherine de Médicis et du parti ultra-catholique  « exiger de son jeune roi », « intolérable »  ainsi que celles du narrateur, capable de voir là le « premier mariage mixte » de l’histoire. Dépassant le seul procédé du discours indirect libre, une forme de polyphonie superpose ainsi constamment dans le texte les voix du narrateur et des personnages, que ceux-ci soient d’ailleurs des individus isolés ou un groupe indistinct. Un dispositif énonciatif aussi glissant gêne l’approche scientifique du passé mais a un bénéfice impressif évident : il limite la médiation entre les acteurs de l’histoire et le lecteur.

Le rythme narratif

Le traitement du rythme du récit est également intéressant. Selon P. Petitier10, Michelet, en historien, « pense avec le rythme » : il passe sous silence certains événements et en développe plus ou moins d’autres. Ce n’est donc pas l’apanage du romancier que de pratiquer des variations rythmiques dans le récit. Alors que le volume Guerres de religion couvre une période de 25 années (1547-1572), les journées de la Saint-Barthélemy occupent à elles seules un peu plus de 3 chapitres  23, 24, 25 et la moitié du 26  sur 27. Comme le montre E. Pellet11, le rapport du nombre de pages par année oscille entre 2 et 10 pour la plupart des chapitres qui précèdent alors qu’il passe à 100 pour le chapitre 22  les « noces vermeilles » du 18 août , à 1450, 850 et 600 pour les chapitres 23, 24 et 25  du 22 août au 26 août , qui correspondent à la fin du massacre parisien. Ce « très fort ralentissement » de la narration serait à mettre en lien avec la densification de la matière historique. Les deux principaux épisodes, l’assassinat de Coligny au chapitre 23 et celui de Ramus au chapitre 25, se répondraient et encadreraient les journées parisiennes, le second fonctionnant comme la symétrique bourgeoise du premier12.

Le récit de la Saint-Barthélemy s’organise selon deux ralentis, avec au sein de ces ralentis des phénomènes d’accélération. Le double attentat sur la personne de Coligny est en particulier relaté dans trois chapitres successifs : au fil du récit des événements parisiens Michelet mentionne la prise de décision précipitée du conseil de roi (chap. 22, p. 296), le tir d’arquebuse qui blesse l’amiral (chap. 23, p. 299) et l’annonce faite par le duc d’Anjou de la mort de celui-ci (chap. 23, p. 308) avant de reconstituer pas à pas les étapes du meurtre effectif (chap. 24, p. 308-312). C’est le seul passage du volume où le changement de chapitre ménage le suspens. Alors qu’elle est entretenue durant plusieurs chapitres chez Dumas, l’attente est le plus souvent ici de courte portée13. Sans annuler l’analyse, une dramatisation narrative ponctuelle grossit ainsi des moments de la situation française, aussi insignifiants peuvent-ils paraître, et leur confère un rôle dans l’avancée des événements. La bouderie ridicule de Catherine de Médicis au moment où Charles IX écoute les conseils de Coligny en faveur d’une alliance avec les Pays-Bas et l’Angleterre contre l’Espagne14 met ainsi en évidence la façon dont la politique de pacification du roi bascule en politique d’intolérance. Cette construction de l’enchaînement des épisodes des guerres de religion se retrouve chez Michelet au niveau de l’ensemble du XVIe siècle15.

Le pacte de Michelet avec le lecteur dans la reconstitution du passé paraît donc clair : l’auteur propose une organisation d’événements recueillis dans différentes sources dans un but analytique. Tandis que le romancier opère d’emblée une mise en récit, Michelet, en historien, fait primer l’analyse sur le factuel16. Mais l’implication subjective du je complexe qu’il construit, et la démarche d’imagination historique dont il fait preuve, qui dépasse la seule exploration de ce que N. Z. Davis appelle les « possibles historiques »17, fragilisent la frontière que tâche d’établir son projet entre réalité et fiction.

Analyse et représentation du massacre

La façon dont l’auteur traite la Saint-Barthélemy elle-même, c’est-à-dire les massacres parisiens qui se sont déroulés du soir du 23 août au 26 août 1572, est révélatrice de cette hybridité du récit produit. On sait la progression de la violence durant les trois journées, qui va de l’élimination des chefs des huguenots à la guerre civile. Le déchaînement de la violence occupe en l’occurrence trois chapitres du volume : du chapitre 24 (chap. 24, p. 315), après le meurtre de Coligny, au chapitre 26 (chap. 26, p. 331), avant la diffusion du mouvement en province. Qu’il porte sur les événements du Louvre  le 23, les troupes d’H. de Guise s’attaquent aux nobles protestants qui se sont réfugiés dans la demeure royale  ou sur ceux du reste de la ville  du 24 au 26 les troupes de Guise et les civils font couler le sang dans Paris , le récit se caractérise par deux modes différents d’écriture. D’un côté il s’insère dans une narration causaliste, qui le précède et qu’il poursuit : comme dans tout récit l’organisation des faits narratifs construit une logique, entre dans un dispositif démonstratif18. De l’autre, le texte sort de la logique narrative pour entrer dans celle de la représentation.

L’intelligibilité des faits

Comment Michelet construit-il ce que l’on pourrait appeler une « trame d’intelligibilité des faits » ? La réponse doit être donnée d’abord à l’échelle du volume tout entier, dont la cohésion propre ne relève pas du simple découpage chronologique ; plus exactement, ce découpage révèle une interprétation globale de la période. Dans la préface, Michelet précise qu’il a en vue, « au bout de ces ténèbres, un point rouge, la Saint-Barthélemy » (préface, p. 8). S’il fait débuter ce volume en 1547, c’est qu’il repère à ce moment-là le début d’une chaîne de causalités qui y conduisent. Or cette chaîne elle-même entrecroise des niveaux de causalité très différents qui appellent au moins trois lectures.

Une lecture de type romanesque

Tout commence par une femme. Diane de Poitiers, maîtresse d’Henri II, à travers la querelle entre Jarnac et La Châtaigneraie, cherche à se venger de la duchesse d’Étampes, maîtresse de François Ier. Or, derrière ce duel se met en place la configuration qui va cliver la France entre les Guises et les Montmorency. Jarnac est le héros des Montmorency, La Chataigneraie celui des Guises et de Diane. La rivalité Montmorency/Guise se superpose à la vengeance de Diane. Elle trouve son origine dans le fait que le connétable de Montmorency fait obtenir à son neveu Coligny, le futur amiral, la charge de colonel général de l’Infanterie. Les traits sous lesquels sont décrits les deux champions lors du duel qui occupe le chapitre II (« le coup de Jarnac », 10 juillet 1547) en font déjà les champions des deux camps : la justice, l’humanité et la loyauté au roi du côté de Jarnac (annonce de la figure de Coligny), la brutalité aveugle du côté de La Chataigneraie (annonce de la barbarie des Guises). À ce niveau de lecture, seules sont prises en compte les personnes, et leurs rivalités apparaissent comme les causes premières qui mettent en marche le moteur de l’histoire. L’enchaînement des meurtres et des vengeances ne fait qu’alourdir au fil du livre le poids de cette trame romanesque. Le glissement du romanesque à l’historique est direct : ainsi le duel de Jarnac et de La Chataigneraie provoque le divorce entre la petite noblesse et la monarchie et ouvre ainsi la voie à la diffusion de la Réforme. Ce glissement emprunte aussi le chemin des corps, et plus particulièrement du corps de Catherine de Médicis. Parce qu’elle porte la mort en elle, entre avec elle dans la dynastie le ver qui va en provoquer le pourrissement et la dégénérescence. Le massacre de la Saint-Barthélemy n’est que l’indispensable purge de ce ferment mortifère qui se répand sur le royaume.19 De même, du corps insatiable de Diane de Poitiers prolifère une cupidité sans limite qu’elle transmet aux Guises, ses protégés.

Une lecture de type historique

Michelet met en évidence une géopolitique confessionnelle qui replace les événements français dans un contexte européen et dans des enjeux plus globaux. Après avoir campé les acteurs et leurs intrigues en donnant l’impression qu’ils commandent aux événements, il inverse le point de vue pour identifier et produire au grand jour les forces qui meuvent les individus. Ce faisant, il est conscient de se situer dans un entre-deux inconfortable entre littérature et histoire20.

De la même manière, il prend le temps à plusieurs reprises de contextualiser l’intrigue pour en dégager les enjeux fondamentaux. En retour, cela lui permet de revenir au registre romanesque pour dramatiser encore plus le destin de son héros : Coligny. Le procédé est flagrant dans le chapitre 21 : « Coligny à Paris. Occasion de la Saint-Barthélemy (1572) ». En deux pages (p. 271-273), Michelet présente le contexte politique : le rapprochement de Charles IX et de Coligny en vue de l’invasion des Pays-Bas espagnols, d’où découlerait la diplomatie d’apaisement voire d’alliance tentée en direction de l’Angleterre, de Venise, et des princes allemands. Or, cette analyse menée du point de vue de l’historien bascule ensuite dans une autre, selon une transformation complète de la focalisation. Michelet veut montrer l’isolement de Coligny, mais il attribue cette analyse à Coligny lui-même et à sa lucidité supérieure : il se place dans le regard de Coligny qui devient ainsi le porte-parole de Michelet historien, même si celui-ci se présente comme dévoilant les secrets de son héros. Coligny sait (c’est un postulat, non une démonstration) la duplicité d’Elisabeth 1ère et de Guillaume d’Orange ; il est conscient de l’effritement du parti huguenot en France. Il le sait de science supérieure et Michelet en trouve la preuve en contemplant son portrait (chap. 21, p. 275-276) dans lequel il lit les signes d’une mort déjà présente et déjà acceptée. Tout se passe donc comme si l’histoire n’avait été qu’un détour pour revenir au romanesque et mieux le fonder.

Une lecture de type philosophique

Il s’agit ici de fonder l’actualité du passé selon un régime d’historicité qui présentise le passé et lui refuse d’être un temps clos. Sous les intrigues romanesques, sous l’affrontement titanesque du matérialisme jésuitique incarné par l’Espagne et de la Réforme héroïque, se déroule la marche subliminale et chaotique de la Liberté. Tout est vu à partir de son triomphe final lors de la Révolution française. Les Guerres de religion ne constituent qu’un épisode de ce long combat, épisode majeur dans lequel la Liberté, tenue en échec, a vu sa marche ralentie pour plus d’un siècle. Le volume est jalonné de références à la Révolution. Michelet y prend parti en considérant comme « des nôtres » les figures historiques qu’il peut camper comme des précurseurs des héros révolutionnaires, dont lui-même revendique l’héritage. Ainsi le dénouement du duel de Jarnac et La Châtaigneraie se lit comme une défaite de la royauté (chap. 2, p. 34). Les réformateurs sont des précurseurs : Calvin fait preuve du même désintéressement que Rousseau ou Robespierre ; ses victimes ne sauraient réclamer justice, car « il fut des nôtres ! » (chap. 6, p. 85). Elles forment en quelque sorte les dommages collatéraux du « grand souffle de la Révolution [qui] a passé par là. Ces « vaillants docteurs du passé nous ont préparé l’avenir ». De même l’organisation des églises réformées présente une « base vraiment républicaine » car y triomphe le principe d’une démocratie indirecte : « les électeurs sont eux-mêmes élus par le peuple ». Coligny lui-même guide le flot montant de la « révolution » (chap. 21, p. 283).

Pour comprendre le deuxième massacre de la Saint-Barthélemy, celui des « marchands protestants » stimulés par le miracle de l’aubépine, il renvoie aux massacres de septembre 1792 : « Les massacreurs d’août 1572, comme ceux de septembre 1793 [sic], furent en partie des marchands ruinés, des boutiquiers furieux qui ne faisaient pas leurs affaires » (chap. 25, p. 321). De même, dans les deux cas, les massacreurs préparèrent leurs exactions en diffusant une fausse rumeur de complot.

La spectacularisation de la tuerie

Une rupture dans la restitution du massacre s’opère aux chapitres 25 et 26, par rapport à la rationalité explicative. Après un chapitre où, somme toute, le massacre du Louvre est peu montré, supplanté par le récit de l’anecdote presque risible de la frayeur de Marguerite de Valois écrasée par un homme blessé, le ton et le dispositif discursif changent. Une pause, ou « scène », mobilise les artifices de la rhétorique pour rapporter le massacre des personnalités huguenotes  Téligny, qui est le gendre de Coligny, Ramus ou encore Lambin  puis de la foule. La tuerie est alors décrite, mieux donnée à voir.

L’hypotypose

Les deux chapitres se présentent comme une description frappante sans effet globalisant, autrement dit une hypotypose. Michelet pose certes la question de la responsabilité du peuple dans les assassinats : « On voit que la ville était bien loin d’avoir en cette horrible affaire l’unanimité qu’on a supposée. Quelle part réelle prit-elle au massacre, c’est ce qui est et ce qui restera fort obscur./ Je ne nie nullement du reste que Paris ne fût de mauvaise humeur contre le protestantisme » (chap. 25, p. 321). Mais son analyse s’arrête là, laissant place à l’exemple. Le je perd sa position de surplomb au profit de fragments d’épisodes : corps dénudés, maisons pillées, femmes éventrées, enfants précipités dans la Seine, etc. Des individus singuliers, avec ou sans nom, commettent les crimes : de même qu’« un de ses capitaines, Pierre Loup, procureur au Parlement, se trouvait avoir arrêté un grand seigneur protestant et tâchait de le sauver. Les émissaires de la cour lui demandent ce qu’il attend : ‘‘J’attends, dit-il, que je parvienne à me mettre bien en colère.’’ Ils lui dirent alors qu’ils étaient chargés de mener son homme au Louvre, le lui arrachèrent des mains et le tuèrent à deux pas » (chap. 25, p. 321), « un pauvre homme, déjà dépouillé, mis tout nu, avait échappé, caché sous l’arche d’un pont ; la nuit il court chez sa femme. Mais jamais elle n’ouvrit ; elle le laissa dans la rue jusqu’à ce qu’il eût été tué » (chap. 26, p. 329), « un marchand » ou « un Rouillard, chanoine de Notre-Dame » (chap. 26, p. 329) sont au centre de brefs épisodes sanglants. Les meurtriers ou les victimes sont aussi rassemblés en groupes : « les femmes enceintes », « les grands seigneurs », « les plaideurs », « les héritiers » (chap. 26, p. 329…), etc. L’énumération suspend ainsi longuement la linéarité narrative et démonstrative. Face à cette fresque, comment ne pas songer à une toile contemporaine à forte dimension narrative : Les Massacres du Triumvirat, d’Antoine Caron ? Les bribes de récits disséminés dans le paysage urbain, censés se référer aux guerres civiles de la Rome antique, y évoquent de fait les troubles parisiens des années 156021. La tentation du récit pour le pictural laisse à chacun la responsabilité de reconstruire la globalité de l’épisode, de chercher un sens dans la dissolution du tissu social.

La violence de l’image

La description montre l’ivresse du sang, le paradoxal « plaisir » meurtrier analysé par D. Crouzet22. Les faits de massacre sont présentés par des métaphores animales (chap. 26, p. 328-329), les victimes étant des bêtes que l’ont égorge ; les catholiques de leur côté ont un « appétit » féroce (chap. 26, p. 329). On retrouve des éléments rabelaisiens, en particulier le joyeux massacre par frère Jean des agresseurs du clos de l’abbaye de Seuillé23, à ceci près que le meurtre n’est pas ici un acte de légitime défense. Les anecdotes qui constituent la fresque du massacre n’ont pas de cohérence d’ensemble. Chaque micro-récit s’enchaîne à un autre par le procédé de l’asyndète, c’est-à-dire sans connecteur argumentatif, ou par celui de la surenchère. Le second type d’articulation produit une intensification de l’horreur : Charpentier a la « palme » des exactions individuelles (chap. 26, p. 321) ; à Paris, les débordements de la foule sont de plus en plus violents  « Les choses recommencèrent avec un caractère nouveau et singulier d’atrocité, cette fois de voisins à voisins, entre gens qui se connaissaient » (chap. 26, p. 328), « Il y eut des choses inouïes. Un mari remercia ceux qui venaient de le faire veuf. Une fille mena les meurtriers à la cachette de sa mère, etc. » (chap. 26, p. 329). Si l’effet pathétique, également très présent chez Mérimée ou chez Dumas, est sensible, la puissance impressive du verbe se limite ici à l’image-choc. Pas de voix lyrique ni d’enargeia, comme chez D’Aubigné : seulement une dominante descriptive qui recourt ponctuellement à l’hyperbole et où l’événement brut plaide de lui-même. Le récit analytique s’arrête donc provisoirement car les actions n’ont pas de sens : lutte fratricide et bourreaux inhumains transgressant les interdits sociaux, les faits eux-mêmes ont valeur de preuve. Il s’agit finalement peut-être là d’une nouvelle caractéristique de l’écriture historique24.

La fin de Guerres de religion présente donc la Saint-Barthélemy de deux façons différentes. D’un côté Michelet construit la logique des événements qui conduisent au massacre en validant la thèse des récits protestants du XVIe siècle : tout a été préparé par un complot ; un piège a été tendu ; Charles IX, et indirectement Catherine de Médicis et les Guises, ont donné l’ordre de tuer les chefs huguenots25. De l’autre, dans la représentation du massacre, l’auteur suspend l’analyse, proposant une version de l’épisode difficilement confrontable à une analyse historique. Le lecteur se trouve tiraillé entre deux exigences construites par le texte : comprendre et revivre les faits.

Le traitement des personnages : une poétique de l’exemplarité

Michelet fait le choix de centrer l’analyse sur les individus. Cela est bien de son temps : au début du XIXe siècle le roman historique, que Dumas pratique à la suite de Walter Scott, et le roman à caractère sociologique  à la manière de Balzac  montrent le pouvoir de l’individu sur l’histoire. Mais la subjectivité s’instille principalement à ce niveau, comme elle le fait chez un autre représentant de l’histoire dite « romantique », A. Thierry, ce que certains contemporains n’ont pas manqué de lui reprocher. Par les personnages le récit de la Saint-Barthélemy et des événements qui l’ont amenée prend ainsi une dimension morale : l’auteur accuse et défend ceux qui ont fait l’histoire.

Une histoire incarnée : le portrait

Michelet use du portrait comme d’un argument pour rendre compte de l’événement. La vérité dévoilée d’un acteur de l’histoire donne la compréhension de l’événement : la Saint-Barthélemy est compréhensible si on la rapporte à la semence de mort apportée par Catherine de Médicis dans la dynastie des Valois, à la brutalité et à l’avidité des Guises. De telle sorte que les individus agissent sur l’histoire par leur nature profonde autant que par leurs choix. En ce sens, on peut parler d’une histoire incarnée, car une communication profonde s’établit entre l’histoire et la substance vitale propre des individus. La Saint-Barthélemy est ainsi la manifestation de la morbidité des Valois.

Michelet affectionne particulièrement le portrait comme une ekphrasis, description d’un portait bien réel, peint ou dessiné, qui vient interrompre la narration ou l’analyse. S’attardant à la physionomie du personnage, il en tire la vérité morale. Le procédé est particulièrement développé dans le portrait de Coligny au chapitre 2126, qui fonctionne comme un blason : chaque détail physique y est développé comme une manifestation de toute la personne. Au « triste rouge des joues » comme au « pli au front et [aux] veines bleus des tempes », transparaissent l’atteinte portée au principe vital et la « diminution de la personne ». Mais cette personne n’est pas seulement l’amiral de Coligny ; en elle c’est le principe vital de la cause huguenote, donc celui de la Liberté, qui ont reçu une atteinte mortelle. En lui, les « souffrances du temps » ont laissé leurs blessures, mais son œil « gris et pensif » les révèle autant que son « fixe regard » et « sa bouche serrée » montrent qu’il les domine. Cet homme « assis sur le rocher des siècles », habité par un principe, est l’objet ici d’une véritable transfiguration, à la fois « Christ des guerres civiles » qui en porte tout le poids et « Christ de la Loi » qui dit le Bien et le Mal, authentique Messie de la seule cause juste pour laquelle le peuple puisse combattre : la Liberté éternelle, précurseur au même titre que Calvin ou Bèze, comme nous l’avons déjà vu.

Quelques pages plus loin, Michelet nous révèle les méditations silencieuses de Coligny, après l’attentat : « Le blessé sur son lit était dans ses pensées » (chap. 24, p. 309). Il en fait un partisan à la fois de la démocratie dans l’Église réformée et d’une conception désenchantée de la Cène comme simple mémorial sans présence spirituelle, bref d’une foi rentrée dans les limites de la simple raison. Précurseur, Coligny est le héros du combat de la raison qui vient libérer le peuple de « la poésie » antique, c’est-à-dire l’ancienne religion. Noble qui a mis son épée au service de la cause du peuple, il est lui aussi des « nôtres » selon l’expression de Michelet : « nobles épées qui les premières formâtes l’avant-garde de l’armée de la liberté, vous méritiez d’être du peuple. L’historien doit faire pour vous ce qu’on faisait à Gênes quand la noblesse était exclue des charges et qu’un noble rendait des services. Il avait la faveur d’être dégradé de noblesse, et il montait au rang de plébéien. » (chap. 10, p. 139).

La deuxième forme de portrait dont use Michelet est le portrait-charge, l’une des manières privilégiées par laquelle il prend parti. Sont ainsi particulièrement soignés Marie Stuart pour son immoralité (« fille publique », « démon femelle » ou encore « sorcière obscène et lubrique », p. 247), Henri III, fin de race (« Après deux minutes d’amour, il se mettait trois jours au lit », chap. 19, p. 248) et surtout de Philippe II, incarnation du despotisme et anti-Coligny27.

Les seconds couteaux, si l’on peut dire, sont traités selon le même procédé, dans de très courts portraits-biographies, comme le prédicateur cordelier Panigarola envoyé à Paris par Pie V pour prêcher le massacre (chap. 22, p. 291-292).

Une histoire orientée

Les portraits contribuent à conférer une orientation morale et téléologique à l’histoire. Ils lui donnent une direction en même temps qu’un sens. Convaincu du rôle social de l’historien, Michelet ne conçoit pas à ce niveau que la vérité sur le passé soit ouverte et problématique, à remettre sur le métier selon les techniques d’investigation employées et les sources consultées et à construire dans le dialogue28. Dans le traitement qu’il réserve aux personnages il se dévoile en tant qu’écrivain engagé dans les combats de son temps, spécialement ceux qui agitent les partisans et les adversaires de l’héritage révolutionnaire.

La stylisation des personnages

Reposant sur le principe de la simplification, les éthopées grossissent les traits des acteurs. Les bons et les mauvais s’opposent ici de façon manichéenne. Les seconds, comme chez Dumas, sont représentés par les Guises, soutenus par Catherine de Médicis, avatar de Diane de Poitiers, « l’auteur et le créateur de [leur] fortune » (chap. 8, p. 118), par Henri d’Anjou et par le roi de Navarre, le futur Henri IV. Les premiers appartiennent au camp des Châtillon-Montmorency ; il s’agit d’abord de Jarnac puis de Gaspard de Coligny. Ce dernier se révèle le véritable héros du livre29. Dès le chapitre 2 on le mentionne, alors qu’il entre dans l’histoire des guerres de religion seulement en 1557 quand son oncle Montmorency lui obtient le titre de colonel de l’infanterie française. Jusqu’à sa mort, après l’attentat manqué, toutes ses actions en font un modèle de vertu : il sert envers et contre tous la France et son roi. L’auteur montre que le dévouement public a un pendant domestique : sa famille décimée  il a perdu ses frères Odet de Coligny et François Dandelot  apparaît comme la « vraie image de la France » (chap. 21, p. 275), et le récit de son arrivée à La Rochelle, alors qu’il est blessé, montre des motivations sentimentales plutôt que politiques ou économiques à son remariage (chap. 21, p. 278). Au contraire de sa mort, en stoïcien, celle d’Henri II, elle aussi potentiellement romanesque, est à peine évoquée30.

Par exception Charles IX fait l’objet d’un jugement nuancé. D’abord soucieux de la paix civile, il passe ensuite d’un camp à un autre. Gagné, sous l’influence du baron de Retz, son ancien précepteur, par une folie meurtrière, il consent subitement à donner l’ordre du massacre parisien. Ce « fou » va jusqu’à tirer contre les protestants du Faubourg Saint-Germain venus demander sa protection au Louvre (chap. 25, p. 320). Michelet reconstruit par une espèce de lucidité supérieure, qui ressemble à la connaissance que le romancier peut revendiquer de ses créatures, le parcours de celui-ci comme une évolution vers le mal31, alors que certains romanciers lui voient prendre possession de plus en plus de son rôle de roi.

L’allégorisation

Si l’histoire est incarnée, l’écriture tâche de représenter dans les individus les forces qui l’agitent. Le mouvement vers l’abstraction qui se manifeste dans le compte rendu des actions des protagonistes et dans l’imagination de leurs pensées montre deux grands principes antagonistes à l’œuvre : le fanatisme, l’obscurantisme et l’assujettissement arbitraire d’un côté et la justice, la raison et liberté de l’autre. Le dernier paragraphe du volume dépeint de façon hugolienne l’effigie difforme de Coligny pendue au gibet de Montfaucon, après que le cadavre décapité de l’amiral a été émasculé et plongé dans la Seine, où il a pourri trois jours32. Le passage associe lucidité visionnaire et dénonciation de l’infraction à l’idéal moral et philosophique de la Révolution. La pratique de mener les enfants voir les exécutions publiques apparaît comme un signe d’immoralité et d’abandon de Dieu. La mention du nom d’un des enfants de Coligny  Dandelot , qui rappelle implicitement au lecteur le jeune frère intrépide de Coligny, dont l’auteur a pleuré plus haut la mort, a une valeur prophétique : c’est la descendance de Coligny qui vengera l’injustice qui lui a été faite. Coligny est ainsi un héros tragique de la liberté. La transfiguration de son effigie fait de la Saint-Barthélemy un passage obligé de la lutte du peuple pour la liberté. Au lieu de signifier la victoire des Guises et d’annoncer la Ligue, la défaite des protestants et les guerres civiles préparent en quelque sorte le soulèvement des Tuileries.

L’ironie réflexive

Autre moyen de dévoilement de la vérité des situations et des êtres, l’ironie met au jour les responsabilités. Très présent dans la description du massacre, le procédé inverse le mécanisme d’empathie et les effets pathétiques de la prose spectacularisante, ou plutôt se combine à celui-ci pour inciter à tirer les conséquences du déchaînement du mal. Il pointe le décalage entre la joie des meurtriers et les exactions qu’ils commettent. La violence est ainsi comme un festin offert par l’aristocratie au peuple : « on avait généreusement donné à la canaille les reliefs du festin » (chap. 24, p. 313). La floraison inopinée d’une aubépine dans le cimetière des Innocents entraîne un redoublement de la tuerie (chap. 26, p. 328), tandis que, comme dans Candide, une belle procession vient commémorer le massacre (chap. 26, p. 336).

Supportée par des aphorismes, l’ironie construit le destin des individus. Elle donne une portée morale à leurs actes, par exemple à ceux de Charpentier. Non content de présenter comme une hypothèse très vraisemblable que le successeur de Ramus à la chaire de mathématiques du Collège de France a commandité l’assassinat du grammairien, Michelet fait du personnage l’emblème du savoir scolastique, voire de l’ignorance. Les formules généralisantes s’accumulent : « On commençait à comprendre (d’après Copernic qui se répandait) combien la lumière des mathématiques pouvait être dangereuse aux vieilles ténèbres. Charpentier rendit le service de fermer solidement cette porte des sciences » ; « Si Charpentier était un âne en mathématiques, il ne l’était pas dans l’intrigue » ; « Charpentier avait raison. On ne respecte pas assez la redoutable armée des sots, imposants à tant de titres, surtout comme majorité » (chap. 26, p. 322-323). Le désespoir qui gagne le professeur après la mort de Ramus apparaît du coup comme un châtiment de méfaits motivés par la divergence idéologique et par l’envie : « Ramus mort, il se trouva ruiné, la boutique abandonnée ; l’appariteur se morfondit sur son comptoir vide. Charpentier ne vécut guère ; en 1574, le pauvre homme mourut, probablement de chagrin » (chap. 26, p. 325). Le je qui prend ici parti pour un martyre du savoir éclairé et en dépit du recul nécessaire à l’historien se fait juge33. Il voit la vérité derrière les apparences ; il ôte les masques.

Par le double mouvement de singularisation et d’abstraction qu’il opère sur les acteurs de l’histoire, l’auteur construit ainsi un modèle politique. Comme Hugo dans les Châtiments, publiés en 1853, il fait une œuvre dissidente, plus exactement révolutionnaire. Inventeur de la notion de « Renaissance », Michelet l’est aussi de ce que P. Viallaneix appelle l’« idée de peuple »34. Dans l’ensemble des Guerres de religion il pose une question et y répond : les protestants ont-ils eu raison de prendre les armes ? Oui. Son récit, ancré dans le particulier et visant le général, selon les catégories d’Aristote35, a donc de manière irréductible un double fondement historique et poétique.

Mais l’hésitation de Michelet entre littérature et histoire réside sans doute aussi dans le régime d’historicité qu’il adopte. Pour A. Mitzman, il y a chez Michelet « subversion du passé par le présent » en ce sens que Michelet refuse au passé d’être clos sur lui-même : il s’agit plutôt d’un passé-présent. Pour Michelet, toute histoire est histoire contemporaine, et cette histoire est celle de la Liberté36.

Cette présentisation du passé abolit ce qui nous apparaît désormais comme le préalable au travail de l’historien, c’est-à-dire la distanciation par rapport à son objet. Cette posture a conditionné la réception de Michelet par les historiens et son appropriation par les littéraires. Son écriture « trop intuitive » ne pouvait qu’exaspérer « la génération positiviste qui le suivit. [...] Le Michelet romantique et visionnaire ne pouvait que gêner la génération des Lavisse et des Seignobos »37. Louis Halphen dans L’Histoire en France depuis cent ans s’en prit vivement en 1912 au subjectivisme de Michelet qui revendiquait de pouvoir se référer à ses « douleurs personnelles » pour « sentir et reproduire les douleurs des nations ». Pour lui, plus rien ne garantissait l’historien contre « le subjectivisme, les partis pris violents où l’entraînent peu à peu ses passions et cette fougue d’apostolat philosophique et social ». De même, Fustel de Coulanges, partisan d’une histoire rigoureusement scientifique, rejeta catégoriquement l’idée que l’historien peut et doit « ressusciter » les morts et qu’il peut franchir la barrière entre le passé et le présent : « Soyons bien convaincus que l’histoire du passé n’a pas du tout pour but de faire renaître le passé. Vouloir le ressusciter serait de la folie ; le regretter serait puéril ». Fustel insistait sur fait que l’histoire est fondée sur les documents qui doivent être analysés avec la même distance et la raison froide en usage dans les sciences exactes. Pour Fustel, « l’histoire s’initie d’une coupure passé-présent, qu’elle entend désormais non seulement poser, mais constamment maintenir, en en faisant une marque de scientificité »38.

Après 45, les historiens se sont désintéressés de Michelet, qui a été « récupéré » par les historiens de la littérature : Paul Bénichou, Jacques Seebacher, Roland Barthes. Ce sont des littéraires qui ont assuré jusqu’à présent la publication du Journal, de la Correspondance et des Œuvres complètes.

Néanmoins l’héritage s’est aussi transmis aux historiens. Ainsi Gabriel Monod et Lucien Febvre demeurent les deux historiens français les plus liés à la figure de Michelet. Tous deux ont pris sa défense contre la droite réactionnaire ; tous deux se sont opposés à une histoire qui rejetait, au nom des documents et des faits, le rôle créateur de l’imagination historique. Gabriel Monod, fondateur de la Revue Historique en 1876, avait fait connaissance de Michelet en 1866 et après sa mort en 1874, habita le même immeuble que sa veuve. Il fut le premier à produire articles et livres savants sur son maître. Sa conception de l’histoire fut marquée par son influence : « L’histoire n’est pas et ne sera jamais comme la physique : elle est une science « morale » ; l’historien reste l’homme qui a pour mission de faire prendre conscience et de faire comprendre. Entre le passé et l’avenir, il établit une passerelle : « les hommes sont les fils d’un passé dont ils n’ont pas le droit d’empêcher l’éclosion »39. Monod dirigea la thèse de Lucien Febvre qui, à son tour, consacra un livre et deux cours du Collège de France à Michelet. Son projet historique (« que toute la vie entre dans l’histoire ») lui était explicitement référé : « la vie des peuples, la vie des époques disparues dans toute sa complexité réelle, avec tout le jeu de ses ressorts cachés ». Enfin, Febvre trouva chez Michelet un évangile de la liberté morale. Mais le filon ne s’arrête pas là. Au delà d’une manière de prendre à parti le lecteur, Michelet a été présenté par Jacques Le Goff à propos des premiers tomes de l’Histoire de France, ou par Emmanuel Le Roy Ladurie pour La Sorcière, comme le précurseur de l’histoire des mentalités.

Notes

1 Histoire de France, t. IX, Guerres de religion, éd. P. Petitier et P. Viallaneix, Paris, Éditions des Équateurs, 2008. Par la suite nous citerons le texte dans cette édition. Le signe / marquera les changements de paragraphe.

2 La Ligue et Henri IV, p. 303 : « Ce que nous avons voulu ».

3 Quant aux monuments d’art, que je pleure autant que personne, je m’étonne pourtant que plusieurs écrivains, brefs et légers sur les massacres, s’attendrissent longuement sur les pierres. ‘Irréparable malheur !’, disent-ils. Bien plus irréparables, ceux qui furent massacrés. Le mot du grand Condé sur un champ de bataille : « Bah ! Ce n’est qu’une nuit de Paris », ce mot cynique est faux. Les morts, qu’on le sache bien, ne se refont jamais les mêmes, ni le génie, ni les vertus des morts. La génération protestante qu’on égorgea, et qui purifiait la France, lui aurait épargné l’incroyable aplatissement qui suivit, la pourriture des temps d’indifférence et le scepticisme hypocrite, d’où si difficilement ressuscita la liberté. (chap. 16, p. 219).

4 Le sens des hommes de nos jours s’est trouvé tellement perverti, nos amis ont si légèrement avalé les bourdes grossières que leur jetaient nos ennemis, qu’ils croient et répètent que les Protestants tendaient à démembrer la France, que tous les protestants étaient des gentilshommes, etc., etc. Dès lors, voyez la beauté du système : Paris et la Saint-Barthélemy ont sauvé l’unité. Charles IX et les Guises représentent la Convention. Manie bizarre du paradoxe, impartialité sans cœur, amie de l’ennemi, sans pitié pour les précurseurs de la liberté massacrés ! Comparaison bizarre de l’Assemblée qui défendit la France avec l’intrigue fanatique qui la livra à l’étranger. (chap. 16, p. 220).

5 A. Jouanna, La Saint-Barthélemy. Les mystères d’un crime d’Etat, Paris, Gallimard, 2007, p. 24-25.

6 Les tenants d’une définition narratologique de la fiction, tels G. Genette dans Fiction et diction, Paris, Seuil, 1991 et D. C. Cohn dans Le Propre de la fiction, Paris, Seuil, 2001 [1ère éd. 1999], voient dans des procédés comme la mise sur le même plan de l’histoire et du discours, la variation des points de vue et la construction d’un narrateur de fiction, qui ne correspond pas à l’auteur, des « marqueurs de fictionnalité ». Au contraire pour J.‑M. Schaeffer dans Pourquoi la Fiction ?, Paris, Seuil, 1999, la fiction doit être approchée d’un point de vue anthropologique : elle ne possède pas de langage spécifique mais dépend seulement de la visée  restitution ou invention du passé  que l’auteur se donne dans l’élaboration de son texte.

7 « Ce sont là des bienfaits de Dieu […]. – Oui Monsieur, remercions-le, il a épargné la tête et l’entendement […] – Vous faites bien, Monsieur, de ne penser qu’à Dieu et d’oublier les assassins. […] Vous souvenez-vous de l’avis que je vous donnais il y a quelques heures ?... Il faut prendre vos sûretés » (chap. 23, p. 300-301).

8 « ‘Mon père, la blessure est pour vous, la douleur pour moi, et pour moi l’outrage... Mais j’en ferai telle vengeance qu’on s’en souviendra à jamais.’ Et il en fit avec fureur le plus terrible serment. / Coligny parla comme un homme qui se sent près de la mort. Parmi les plaintes des églises, il articula deux accusations : / ‘Pourquoi ne peut-on dire un mot dans votre conseil privé que le duc d’Albe n’en soit averti au moment même ?’ Puis il lui dit à l’oreille (ce que de Thou a supprimé par respect pour Catherine et Henri III) : ‘Souvenez-vous des avertissements que je vous ai donnés sur ceux qui trament contre vous. Si Votre Majesté tient à la vie, elle doit être sur ses gardes.’« (chap. 23, p. 301).

9 Dans une situation si menaçante, Coligny oserait-il exiger de son jeune roi la chose redoutée des catholiques, la chose épouvantable qui marquait la victoire du protestantisme, les noces de Navarre, le premier mariage mixte entre les deux religions, la solennelle reconnaissance qu’un protestant est un homme, et non un monstre, l’introduction hardie du petit prince de montagne, semi-paysan béarnais, dans l’alcôve du Louvre, dans le lit de la Marguerite, qui affichait très haut son mépris, son dégoût ? (chap. 22, p. 291).

10 Michelet, rythme de la prose, rythme de l’histoire, P. Petitier (dir.), Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2010, p. 13.

11 É. Pellet, « Rythmes du récit (Guerres de religion) », ibid., p. 35-48 et ici p. 45.

12 Ibid., p. 47.

13 Ibid., p. 36-43. L’auteur analyse l’assassinat de Ramus par Charpentier (chap. 26, p. 322‑323) comme un passage de style en quelque sorte mimétique. Le rythme phrastique y est en lien avec celui des paragraphes : des phrases courtes à l’attaque des paragraphes et une phrase longue avec hyperbate à la fin et la reprise de noms propres d’un paragraphe à l’autre font monter la tension dramatique.

14 « Catherine, enhardie par le découragement de son fils, croit l’occasion favorable pour faire éclater la querelle domestique. Elle pleure, gémit sur les apartés du roi, de ses conseils secrets avec Coligny. Elle voit bien que son fils la quitte, qu’il n’a plus besoin d’elle. Eh bien, qu’on la laisse donc retourner à Florence et y mourir ! Elle part en effet et s’arrête à deux pas. Le roi, qui n’avait jamais rien fait, jamais ni écrit ni travaillé, qui était habitué à la voir tout écrire, se crut perdu ; il ne pouvait se passer d’une telle mère, d’un tel scribe. Il court après, l’apaise et la ramène » (chap. 21, p. 285).

15 Dans Michelet et la Renaissance, Paris, Flammarion, 1992, p. 237-248, L. Febvre remarque que Michelet dans ses cours au Collège de France et dans son Histoire de France a traité le siècle comme un « drame en trois actes » : la Renaissance, la Réforme et la Contre-Réforme.

16 Sur le fait que la confection de la narration est l’étape initiale du travail du romancier tandis que l’historien élabore un montage des faits après avoir vérifié les possibles du passé, voir C. Ginzburg, « Aristote et l’histoire, encore une fois », in Rapports de force. Histoire, rhétorique, preuve, Paris, Gallimard/Le Seuil, 2000, p. 43-56.

17 N. Zemon Davis, J.-C. Carrière et D. Vigne, Le Retour de Martin Guerre, Paris, Laffont, 1982, préface à la partie historique, p. 119.

18 Sur la dimension interprétative qu’implique toute mise en intrigue, voir P. Ricœur, Temps et récit, 4 t., Paris, Seuil, « Essais » ou « L’ordre philosophique », 1983-84-85, t. I, L’Intrigue et le récit historique, p. 105-162.

19 Ce passage un peu long, morceau d’anthologie, appellerait un commentaire approfondi, notamment sur le champ lexical de la santé et les obsessions médicales du XIXe siècle : « Quand Clément VII vint en France marier sa petite nièce, il exigea que le mariage fût fait et consommé de suite, irrévocable, se doutant qu’autrement il ne tiendrait guère. La petite fille de quatorze ans, donnée à un mari de quinze, agréable, douce et docile, ayant beaucoup d’esprit et de culture, fut mal reçue et lui resta singulièrement antipathique. Pourquoi ? Comme roturière, du sang marchand des Médicis ? Ou bien pour sa nature menteuse, pour son caractère double et faux ? Non, pour un point physique. / Physique, mais de portée morale. On y sentait la mort ; son mari instinctivement s’en reculait, comme d’un ver, né du tombeau de l’Italie. / Elle était fille d’un père tellement gâté par la grande maladie du siècle, que la mère, qui la gagna, mourut en même temps que lui au bout d’un an de mariage. La fille même était-elle en vie ? Froide comme le sang des morts, elle ne pouvait avoir d’enfants qu’aux temps où la médecine défend spécialement d’en avoir. / On la médecina dix ans. Le célèbre Frenel ne trouva nul autre remède à sa stérilité. On était sûr d’avoir des enfants maladifs. Henri fuyait sa femme. […] En avril 1543, lorsqu’en Henri partait pour la guerre et pouvait être tué, il dut d’abord tenter un autre exploit, surmonter la nature, aborder cette femme et lui faire ses adieux d’époux. / Le 20 janvier 1544 naquit le fléau désiré, un roi pourri, le petit François II, qui meurt d’un flux d’oreille et nous laisse la guerre civile. / Puis un fou naquit, Charles IX, le furieux de la Saint-Barthélemy. Puis, un énervé, Henri III, et l’avilissement de la France. / Purgée ainsi, féconde d’enfants malades et d’enfants morts, elle-même vieillit, grasse, gaie et rieuse, dans nos effroyables malheurs. (chap. 3, p. 41-42).

20 J’ai donné les acteurs, ce semble. Il ne me reste qu’à commencer le drame. Selon la méthode ordinaire, je dois, dès ce moment, entamer le récit de l’imbroglio historique. / C’est le conseil que le lecteur me donne, et l’art peut-être aussi. Le puis-je en vérité ? L’histoire le défend, et elle parle plus haut que tout art littéraire. Si j’ouvrais ici le récit, j’aurais beau faire ensuite, il resterait toujours obscur. / Qu’on ne s’y trompe point. Les meneurs de la cour que nous avons nommés, en tout, trois ou quatre intrigants, ne sont nullement les grands acteurs réels du drame qui va se jouer. Ils y sont accessoires, entraînés qu’ils sont tout à l’heure sous l’influence souveraine qui les emportera et eux et leurs projets juste au rebours de leurs projets. Cette influence est espagnole […] / Les Guises, Charles Quint et le Pape, dans leurs variations, ne me fournissent aucunement le solide point de départ dont ce livre a besoin. / Sa base est en deux choses qu’il faut donner d’abord, en deux acteurs qu’il faut poser en face : l’Espagne et le Protestantisme. » (p. 51, incipit du chap. 4).

21 On peut s’étonner du fait que Michelet, qui n’hésite pas à renvoyer à des représentations picturales dans ses analyses, ne mentionne pas ici l’œuvre qu’il utilise. Peut-être cela tient-il à des raisons chronologiques et idéologiques : le tableau a été achevé en 1566, ce qui fait qu’il n’évoque pas directement les événements de la Saint-Barthélemy, et Le Caron est le peintre officiel de Catherine de Médicis.

22 D. Crouzet, Les Guerriers de Dieu. La violence au temps des troubles de religion
(v. 1525 - v. 1610)
, Seyssel, Champ Vallon, 2005 [1ère éd. 1990].

23 Gargantua, 1535, chap. 27.

24 Sur les particularités de l’usage de la preuve et de la rhétorique par l’historien, voir C. Ginzburg, « Aristote et l’histoire, encore une fois », art. cit.

25 Aujourd’hui les points de vue des historiens sur la cause des faits divergent. Pour A. Jouanna (op. cit.), il est impossible de prouver la responsabilité de qui que ce soit dans l’attentat du 22 août contre Cologny : Guise, Catherine de Médicis, duc d’Anjou, Charles IX, Philippe II, duc de Savoie, etc.. Elle s’en tient à l’hypothèse de l’action de fanatiques appartenant au réseau des Guise, qui entendaient mouiller leurs chefs jugés trop conciliants depuis la paix de Saint-Germain (1570). On s’accorde pour reconnaître que la décision de l’exécution des chefs huguenots fut prise par le conseil du roi le 23 au soir, l’attitude des protestants étant d’autant plus facilement interprétée comme un défi au souverain, circulait une rumeur de complot de leur part. Le roi fit ainsi le choix de la justice extraordinaire plutôt que de la justice ordinaire, choix motivé par le salut de l’État et non par des considérations religieuses. Le massacre populaire fut déclenché par le tocsin, appel à l’auto-défense contre les huguenots ressentis comme menaçants, Le rôle quelques capitaines ultra-catholiques de la milice bourgeoise, précisément identifiés, est aussi établi. D. Crouzet a décortiqué la dimension religieuse du massacre symbolisé par le « miracle » de l’aubépine du cimetière des Saints-Innocents. (Les Guerriers de Dieu, op. cit. et La Nuit de la Saint-Barthélemy. Un rêve perdu de la Renaissance, Paris, Fayard, 1994).

26 « Ombre redoutable, mais ombre déjà. Il avait un pied dans la mort. / Cela se voit au beau portrait. Il est marqué aux joues d’un triste rouge qui dit son mal profond, un mal d’entrailles qui prend l’homme à la base, à ce creuset vital où nos émotions versent l’eau-forte que ne contient nul vase, qui mangerait le fer et le diamant. Un pli au front, aux tempes dégarnies des veines bleues, saillantes, accusent un amaigrissement, disons plus, une diminution de la personne. C’est un homme réduit, très frappé et qui se survit. Mais tout luxe vital ayant fondu, l’homme intérieur se révèle mieux, il apparaît lui-même. Eripitur persona, manet res. / Oui, plus claire que ne fut jamais le Coligny entier, est cette ombre de Coligny. / L’œil gris, pensif, contient toutes les souffrances du temps. Ce qu’il a vu, cet œil, de douloureux, d’horrible, qui le dira ?… Et il l’a vu comment ? non pas en général, de haut, mais dans l’affreux détail, avec le positif d’un esprit à qui rien n’échappe, qui a sondé à mort les misères et les hontes de son propre parti. / Ce dessin ne donnant que le masque, ni cou, ni cheveux, ni coiffure, la tête semble d’un décapité, comme elle fut quand on la trancha pour l’envoyer à Rome. Elle a l’air de vous regarder du fond de l’autre monde, dans la force définitive de celui sur qui on ne peut plus rien. / Mort ou vivant, il est, et on ne l’abolira pas ; car il est un principe. Une chose éternelle est en lui. / C’est pour cela qu’on voudra le tuer ; car on voit bien, à ce fixe regard, on voit à ce menton si arrêté, à cette bouche serrée d’une résolution indomptable, que cet homme se sent assis sur le rocher des siècles. On essayera le fer, et on l’y brisera. / Ce portrait final donne les âges et les révolutions par lesquels il en est venu là. Gentilhomme d’abord, on le voit à sa peau ; puis hâlé et tanné par places ; colonel général de l’infanterie, il a marché à pied avec le peuple, combattu avec lui ; son capitaine, mais non son complaisant ; juge inflexible du soldat ; l’œil et la bouche restent tristes et amers de tant d’arrêts de mort qu’il lui a fallu prononcer. / Car il ne faut pas s’y tromper, cette tête infiniment austère d’un Christ des guerres civiles n’est pas douloureuse seulement ; elle est extrêmement redoutable. C’est le Christ de la Loi, sans cruauté, mais résigné à la justice, et qui en acceptera toutes les conséquences, résigné à la punition des ennemis du droit et de Dieu. » (chap. 21, p. 275- 276).

27 « Ce fatal personnage apparaît, pour la première fois, beau comme le spectre de Banquo, séducteur et irrésistible : « Il est maigre, petit, de jambes grêles, mais fort velu de corps ; donc, porté à l’œuvre de chair ». Ce trait des jambes grêles est de grande conséquence. C’est le signe de l’homme assis, du scribe infatigable qui passera sa vie à une table. Flamand pâle et blondasse, aux yeux ternes et de plomb, quoiqu’il ait toujours travaillé à imiter les Castillans, il offre le vrai type d’un patient commis, d’un laborieux et sombre bureaucrate, méritant et très appliqué. Du reste, nul talent. » (chap. 8, p. 105).

28 Sur l’idée de vérité provisoire, voir en particulier C. Ginzburg, « Aristote et l’histoire, encore une fois », art.cit.

29 La préface du volume laisse entendre cette élection du personnage. Résumant le parcours de Coligny, Michelet se fait orateur, à la manière de Bossuet : « Je ne suis pas suspect. Je ne prodigue guère les héros dans mes livres. Mais celui-ci est le héros du devoir, de la conscience » (p. 9).

30 « Mais la main du fanatique était restée fermée, et la main du coquin trembla. / Sans s’émouvoir, Coligny montre la fenêtre d’où l’on a tiré, et dit : « Avertissez le roi » (chap. 23, p. 299).

31 « Charles IX le reçut comme il aurait fait de son sauveur, lui jeta toutes les grâces, pour lui, pour le parti. Et, en effet, si la chose eût tenu, Coligny l’aurait sauvé de sa mère et de son frère ; il ne serait pas devant l’histoire le roi de la Saint-Barthélemy » (chap. 21, p. 278).

32 « On avait grand soin, dans ces temps, de mener les enfants aux supplices des brigands, aux expositions de voleurs, pour les moraliser et leur imprimer le souvenir de ces exemples salutaires. On conduisit à Montfaucon les petits huguenots, tout nouveaux catholiques, les propres fils de l’amiral. L’aîné, âgé de quinze ans, sanglotait à crever. Le plus jeune, de sept, appelé Dandelot et digne de ce nom, regarda d’un œil ferme, voyant son père transfiguré comme il le sera dans l’avenir » (chap. 26, p. 336).

33 Voir C. Ginzburg, Le Juge et l’historien : considérations en marge du procès Sofri, Lagrasse, Verdier, 1997 [1ère éd., Rome, 1991].

34 P. Viallaneix, La « Voie Royale ». Essai sur l’idée de peuple dans l’œuvre de Michelet, Paris, Flammarion, 1971. Michelet a indiqué dans la préface de l’Histoire de la Révolution française, écrite avant Guerres de religion, que la « voie royale » qui oriente son histoire est celle du peuple.

35 La Poétique, 1451 b.

36 « Michelet était convaincu qu’il devait sa chance aux conséquences de la Révolution, et il voulut utiliser ses talents au profit du peuple qui avait fait cette Révolution. Il se sentait solidaire de ce peuple accablé par la misère. L’histoire n’a jamais été un jeu pour Michelet, pas même simplement une discipline qui cherchait la vérité sur le passé. L’histoire est pour lui avant tout une manière de regarder le monde contemporain qui, en, dévoilant la puissance du passé sur le présent, détruit, abolit, subvertit le passé comme catégorie temporelle fermée » (Michelet ou la subversion du passé, Paris, La boutique de l’Histoire éditions, 1999, p. 153-154). L’essentiel de notre conclusion s’inspire de cet ouvrage.

37 Ibid., p. 165.

38 Citations dans Mitzman, ibid.., p. 169.

39 Sur le rapport de G. Monod à Michelet, voir Yann Potin, « Les fantômes de Gabriel Monod. Papiers et paroles de Jules Michelet, érudit et prophète », Revue historique, 2102/4, n° 664, p. 803-836.

References

Electronic reference

Bernard Hours and Pascale Mounier, « La Saint-Barthélemy chez Michelet. Lectures croisées d’un historien et d’une littéraire », Les Carnets du LARHRA [Online], 2 | 2013, Online since 24 septembre 2024, connection on 18 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/larhra/index.php?id=1114

Authors

Bernard Hours

Bernard HOURS, professeur d’Histoire moderne à l’Université de Lyon-Saint-Etienne (Jean Moulin - Lyon 3), Directeur de l’UMR 5190 LARHRA, a expérimenté la difficile gestion de l’imagination dans l’écriture de l’histoire, à l’occasion de ses recherches sur les milieux dévots à la Cour et sur la famille royale au milieu du XVIIIe siècle, qui ont débouché sur la publication de plusieurs biographies : Madame Louise, princesse au Carmel (1987), La vertu et le secret. Le Dauphin, fils de Louis XV (2006), Louis XV. Un portrait (2009).

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By this author

Pascale Mounier

Pascale MOUNIER, maîtresse de conférences à l’Université de Caen, travaille sur le roman à la Renaissance. Sa thèse de doctorat, qui s’intitule Le Roman humaniste : un genre novateur français. 1532-1564 (Champion, 2007), montre l’apparition d’une fiction romanesque française sans antécédents nationaux ni étrangers. Elle a édité un roman italien traduit en français au XVIe siècle (Urbain, édition critique bilingue avec J. Incardona, Droz, 2013). Ses recherches s’ouvrent aux rapports entre histoire et fiction, tant du point de vue de la théorie que de la pratique littéraires, à des époques variées. Elles abordent la question de la construction de la Renaissance dans la production contemporaine (« La vie de Postel revue par Alain Le Ninèze : Agla. Le premier Évangile », article co-écrit avec M. Panter à paraître dans Imagination et Histoire. Enjeux contemporains, dir. M. Devigne, M. Martinat, P. Mounier et M. Panter). Avec Monica Martinat et Marco Sirtori (Université de Bergame), elle anime le séminaire itinérant (Bergame-Caen-Lyon) Histoire et Fiction : la fabrique du réel.

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