Le surréalisme d’André Breton : du mythe à l’histoire et de l’histoire au mythe

DOI : 10.35562/marge.481

Résumé

Le rapport du surréalisme à l’histoire est ambivalent. Tout en la dénonçant comme une construction idéologique, André Breton fixe inlassablement les repères d’une entrée de son mouvement dans l’histoire. Cette dernière est donc un objet d’attraction et de répulsion : répulsion pour un récit national qui révèle la partialité du savoir historique et pour un culte du passé qui témoigne de l’erreur de trajectoire anthropologique dont la pensée occidentale s’est rendue coupable ; attraction pour la « splendide illustration » des manuels scolaires et pour le sens téléologique de l’histoire qui promet l’accomplissement hégélien. Breton a une vision proprement surréaliste de l’histoire. Elle suppose de reconsidérer non seulement les positions, mais également l’épistémologie de la discipline. En réévaluant le concept même de temps, en valorisant l’instant qui surgit contre la durée qui s’écoule, en exaltant l’actuel et le possible plutôt que l’accompli, en confiant au mythe non plus envisagé comme une fable le pouvoir de révéler le contenu latent de la matière historique, le surréalisme actionne autant de leviers capables d’introduire l’imagination, le désir et le rêve dans l’histoire, déplaçant du même coup le centre de gravité du passé vers le présent et l’avenir.

Plan

Texte

L’histoire […], avec les traces puériles qu’elle laisse dans notre esprit, et qui sont obscurément bien plutôt celles de Charles VI, de Geneviève de Brabant que de Marie Stuart et de Louis XIV, l’histoire tombe au-dehors comme la neige1. (André Breton)

Dans un texte remarquable de Pierre Drieu La Rochelle, une lettre ouverte qu’il adresse à ses compagnons surréalistes de la veille et publie en 1927, cet ami déçu les accuse d’un travers qui ne laisse pas d’étonner :

Je suis […] porté à me demander si la complaisance que vous vous êtes soudain découverte pour Hegel n’était pas qu’une manifestation entre autres de cette tendance rétrospective, de cette inclination historienne qui vous fait remonter et revivre toute la démarche de la pensée du xixe siècle, siècle qui pensa sous le signe de l’histoire et dont vous êtes les héritiers les plus directs et les plus essentiels, mais quelquefois aussi les plus accablés2.

On devine que la lecture du Friedrich Nietzsche de la Deuxième considération inactuelle n’est pas étrangère à cette réflexion sur des hommes empêtrés dans l’histoire, paralysés par un regard qui se porte obstinément vers le passé et étouffés par le poids de son héritage. Drieu est quant à lui orphelin de l’action immédiate, sous sa forme violente de préférence, comme Nietzsche l’était de ce qu’il appelait la « force plastique de la vie3 », laquelle ne saurait se faire jour que dans des conditions qui furent en particulier celles des Grecs du premier âge, vierges de tout souci historiographique.

Drieu insiste plus malicieusement :

Il y a chez vous une petite veine assez envenimée de passéisme, de bibliographie, de bibelotage. Votre amour et votre recherche de tout le romantisme dans tous ses tenants et ses aboutissants, dans ses plus incertaines origines, dans ses plus insuffisantes dérivations, dans ses plus spécieuses expressions, verse par moments dans la superstition et la futilité4.

Puis il porte un coup suprême avec cette comparaison qui devait leur faire plaisir, comme on le devine : « Vous devenez, comme l’est Maurras pour le xviie siècle, des conservateurs5 ».

Les surréalistes furent-ils vraiment ces historiographes maniaques, ces rats de bibliothèque, ces thuriféraires des siècles passés ? On ne saurait méconnaître la partialité de jugement, le ressort polémique ou même malveillant chez un homme qui, dans un tel factum, signe sciemment la rupture avec les compagnons – Louis Aragon au premier chef – qu’il côtoie depuis plusieurs années ; mais ce jugement mérite examen, d’autant qu’il fait écho, à quelque vingt ans de distance, à cette remarque qu’adressait Aimé Patri – dont ne peut cette fois soupçonner l’acrimonie – à André Breton : « Certains, même parmi ceux qui vous sont proches, vous ont reproché […] d’abandonner l’ancien esprit révolutionnaire pour en épouser un autre qui serait celui de l’évasion dans le passé ou en dehors du temps6… »

Qu’en effet le surréalisme, par la voix d’André Breton en particulier, ait eu une inclination pour l’histoire, qu’il se soit inlassablement cherché des ancêtres et ait soumis à l’examen aussi bien l’histoire universelle que les figures significatives de cette histoire, c’est là un aspect non contestable de sa démarche. Que Breton ait pu s’occuper de filiation et définir le surréalisme comme « la queue7 » du romantisme et, par ailleurs, comme une émanation directe de la Grande Guerre, ce sont là des choses avérées. L’on voit mal, du reste, comment le surréalisme aurait échappé à l’histoire, étant donné sa situation historique. Est-il cependant, comme l’homme du xixe siècle selon Nietzsche, comme le collectionneur nostalgique selon Drieu, à ce point enfoncé dans l’histoire ?

L’appel de l’histoire

Ce n’est pas le lieu d’examiner à quel point le surréalisme fut de son temps, prit part aux combats de son temps. De la protestation face à la guerre du Rif en 1925 – qui cristallise les aspirations d’une conscience politique appelée à s’incarner dans l’adhésion au parti communiste – jusqu’au « Manifeste des 121 » en 1960 contre la guerre d’Algérie, le parcours surréaliste est jalonné d’interventions publiques qui furent autant d’engagements au sens le plus sartrien du terme. Faire de l’action la sœur du rêve, conjuguer la politique et l’esthétique, telles furent les ambitions d’une offensive qui portait sur tous les plans de la vie et visait, à l’instar des révolutionnaires français, un recommencement de l’histoire des hommes. L’ancrage historique du surréalisme est à vrai dire consubstantiel à sa démarche, puisqu’il appelle de ses vœux la transformation de l’homme et de ses conditions de vie, en s’en remettant au besoin à la manière la plus expéditive, celle de la révolution – la Grande ou la Russe.

Tout cela est bien connu. Contentons-nous de noter ce point : le premier numéro du Surréalisme au service de la révolution, revue fondée dans l’effervescence de l’action politique qu’assigne au mouvement le rapprochement avec les communistes, s’ouvre sur une déclaration d’allégeance à la Troisième Internationale. Or, les deux textes qui suivent cette revendication activiste ne sont pas pour convaincre le lecteur que la conscience historique l’a définitivement emporté sur la conscience poétique. Le premier, signé de Paul Éluard, est un poème en prose onirique intitulé « Dors » ; le deuxième, d’André Breton, « Il y aura une fois », contient cet avertissement : « écrivant ces lignes, je fais momentanément abstraction de tout autre point de vue que le point de vue poétique8 ». Ajoutons que dans le numéro deux de cette revue commence l’entreprise de réhabilitation du marquis de Sade, dont on conviendra, sans méconnaître sa dimension révolutionnaire, qu’il a tout de même à voir d’assez loin avec la révolution bolchévique et l’émancipation du prolétariat.

Si « inclination historienne » il y eut chez les surréalistes, c’est à coup sûr à l’endroit de leur propre mouvement. On ne peut qu’être frappé par l’ardente patience avec laquelle ils firent œuvre de chroniqueurs ou d’archivistes du surréalisme, ne se lassant pas d’en inventorier les acquis, les dates notables, les périodes et les évènements marquants. Breton a été le fondateur, l’animateur, mais aussi, avec d’autres, l’historiographe du mouvement.

Cela commence par la notice encyclopédique du Manifeste du surréalisme de 1924, dans laquelle il définit le mouvement en pastichant le dictionnaire Larousse. Il s’agit là de fonder historiquement le surréalisme, conformément à une stratégie institutionnelle et à une volonté de « mise en histoire », selon la formule de Pascal Ory9, que l’on ne s’attendrait pas à trouver si constante dans un groupe qui a fait ses premières armes aux côtés du mouvement dada. Ensuite viennent les expositions et leurs catalogues, dont participe en particulier le Dictionnaire abrégé du surréalisme de 1938, qui est un authentique travail d’archiviste du mouvement. Sa dimension largement anthologique, loin d’être isolée dans la production surréaliste, n’est pas sans rappeler la tradition des « morceaux choisis » propre aux manuels d’histoire littéraire.

Au mitan du siècle, le numéro spécial de la revue La Nef consacré au surréalisme, « Almanach surréaliste du demi-siècle », était encadré par deux chronologies symétriques : il s’ouvrait sur un « Calendrier Tour du monde des inventions tolérables » et s’achevait sur un « Panorama du demi-siècle » où étaient consignés, avec la plus simple rigueur, les évènements marquants dans le domaine des sciences, des lettres et des arts, tout comme les « faits divers ». Le premier « calendrier », composé par André Breton et Benjamin Péret, était nettement plus inventif. Il observait la division de l’année en mois et jours, auxquels étaient associées 52 inventions imaginairement rapportées à tel ou tel fait anecdotique ou poétique, du « loup de velours ou de dentelle » au bouton, en passant par le scaphandre, le billard, le cerf-volant, la toupie, les faux cils, la moutarde, etc. Cette chronologie toute surréaliste donnait à rêver chaque semaine aux objets les plus simples.

En 1955, à l’occasion de la réédition des Manifestes, Breton prépare des Éphémérides surréalistes10 qui retracent, non pas jour après jour mais année après année, l’œuvre surréaliste, de 1916 (« Arthur Cravan, Marcel Duchamp et Francis Picabia à New York ») à 1955 (« Breton, Lise Deharme, Gracq, Tardieu : Farouche à quatre feuilles »). Les informations y sont strictement chronologiques et factuelles. L’objectif est non seulement de faire état du chemin parcouru, mais également d’attester, contre l’opinion de ceux qui pouvaient déplorer un essoufflement du mouvement depuis la coupure de la guerre, l’actualité du surréalisme. Cette dernière est à ce point chère à Breton qu’en 1962 il composera un supplément à ces éphémérides pour couvrir la période qui vient de s’écouler11. On mesure combien cet enjeu est de premier ordre dans la représentation du surréalisme en constatant simplement que l’année 1959 y est plus volumineuse que n’était l’année 1929.

Voilà en tout cas quelques manifestations de ce regard rétrospectif que le groupe maintient sur le mouvement tout au long de son évolution : archivages, inventaires, listes, calendriers, dictionnaires, généalogies des grands ancêtres, textes réflexifs de nature historique, tout est bon pour battre le rappel des troupes et des idées. Comme ne peut manquer de le vérifier une nouvelle fois Étienne-Alain Hubert à propos des Éphémérides surréalistes, « le surréalisme, nourri d’hégélianisme, entend s’inscrire dans l’Histoire12 ». Cependant, cette inscription n’attend pas, comme la « Chouette de Minerve » dont parle Hegel dans l’introduction aux Principes de la philosophie du Droit13, la tombée de la nuit, c’est-à-dire l’accomplissement des choses, pour se mettre en besogne : l’historiographie se fait dans le temps même de l’histoire, ce qui fait du surréalisme, d’après Pascal Ory, « la plus grande entreprise muséographique [du xxe] siècle14. »

Il n’est pas jusqu’à la remarquable abondance des autobiographies dans l’histoire du mouvement qui ne puisse être mise sur le compte d’une visée historiographique. Denis Hollier souligne à quel point ce goût d’écrire ses mémoires fut précoce chez nombre de surréalistes :

On s’apercevra sans doute un jour que l’autobiographie a été le grand genre littéraire du surréalisme. Et je ne pense pas en disant cela aux surréalistes qui ont fini par atteindre l’âge d’écrire leurs Mémoires. Au contraire, les essais autobiographiques surréalistes sont tous des œuvres de jeunesse, d’une insolente maturité, surréalistes d’abord, pourrait-on dire, par leur précipitation, leurs auteurs ayant rarement atteint la limite d’âge requise pour se livrer à ce genre d’exercice, l’âge où l’on a une vie à raconter. […] L’autobiographie ici ne lègue pas l’expérience d’une vie, elle est un exercice d’inexpérience15.

André Breton, dans ses grands récits de jeunesse (Nadja, Les Vases communicants), comme René Crevel dans Mon Corps et moi, Roger Caillois dans La Nécessité d’esprit, Michel Leiris dans L’Âge d’homme, ou encore Philippe Soupault dans Histoire d’un blanc, se penchent sur leur vie à un âge où il est généralement temps de la prévoir plutôt que de la revoir. Qu’un mouvement à orientation collective, pour ne pas dire à ambition collectiviste, se soit ainsi incarné dans des confessions intimes, il y a là matière à interrogation. On se tromperait sans doute en y voyant le signe d’individualités trop fortes et trop conscientes de leur singularité pour s’accommoder pleinement de la logique de groupe : on ne saurait mésestimer, en pareil cas, la singularité du groupe lui-même, qui tient à la volonté d’écrire son histoire dans le moment même où elle est vécue.

Haro sur « l’histoire telle qu’elle s’écrit16 »

Toutefois, le goût des surréalistes pour l’histoire est loin d’être toujours si vif et sans mélange. Ces derniers n’ont pas été avares de déclarations retentissantes contre l’histoire, dues à un certain état de ferveur révolutionnaire. Elles s’accompagnent cependant, chez Breton en particulier, de propos plus argumentés.

Parmi les premières, voici la plus brutale : « Nous nous déclarons en insurrection contre l’Histoire17 », proclament haut et fort les signataires d’un tract de 1925 qui scelle le rapprochement avec le groupe anticapitaliste Clarté. On comprend en ces circonstances tout ce que l’appel révolutionnaire implique de rupture avec le passé. Dès 1923, Breton s’indignait de l’arbitraire qui préside à la démarche historique :

Quand on aura fini de donner la pensée de Rimbaud ou de Ducasse en problème (à je ne sais quelles fins puériles), quand on pensera avoir recueilli les « enseignements » de la guerre de 1914, il est permis de supposer qu’on conviendra tout de même de l’inutilité d’écrire l’histoire18.

C’est bien la répugnance à voir entrer des figures aussi considérables de l’arbre généalogique du surréalisme dans la mémoire officielle qui conduit Aragon, Breton et Éluard à déclarer : « Nous nous opposons, nous continuons à nous opposer à ce que Lautréamont entre dans l’histoire19. » La reconnaissance par l’institution se fait, dans leur esprit, au prix de ce qu’on n’appelle peut-être pas encore une « récupération ».

De telles déclarations sont fondées sur une critique de l’histoire que Breton a formulée çà et là. Il considère que l’histoire est écrite tendancieusement :

L’« Histoire », telle qu’elle s’écrit, est un tissu de dangereux enfantillages, tendant à nous faire prendre pour la réalité des évènements ce qui n’en est que la projection extérieure, fallacieuse – qui ne tire son brillant coloris que de l’hémoglobine des batailles20.

Les historiens sont ainsi apparentés à des « mythographes21 » responsables d’une falsification de l’histoire par une position conservatrice, voire réactionnaire, par la surestimation de certaines périodes ou de certains faits au détriment d’autres, par l’exaltation du « héros national », etc.

L’histoire est d’abord conservatrice : « Dans l’esprit de ceux qui écrivent l’histoire, il s’agit beaucoup moins d’exalter tout ce qui répond à une aspiration nouvelle que de la conjurer22. » La vision du monde qu’elle diffuse est conditionnée par la « routine23 » des idées, une fausse lumière portée sur les aspects les plus conservateurs et les forces dominantes au mépris de la conscience individuelle et des poussées novatrices. C’est dans le même esprit que Breton s’en prend à l’histoire littéraire, coupable de falsification : « Je ne crains pas de dire que l’histoire du romantisme, telle qu’elle s’enseigne, est à refaire de fond en comble24. » Ce que Breton dénonce, c’est donc une histoire courue d’avance qui cède aux conformismes de l’époque, autrement dit une « représentation » de l’histoire. Elle impose un ordre au passé en vertu d’une opération intellectuelle autoritaire, qui au pire relève d’une position idéologique, au mieux d’une posture conceptuelle et abstraite. Dans Arcane 17, dans la période de grand effondrement qui est celle de la guerre, Breton développe à la manière de Rousseau des vues sur l’éducation et fait immédiatement le procès des historiens :

Il n’est […] que de feuilleter un cours élémentaire d’histoire de France […] pour prendre en flagrant délit ceux qui, se donnant les gants d’opérer sur les consciences vierges, n’arrivent le plus souvent qu’à les estropier à tout jamais25.

Ensuite, l’histoire est écrite selon lui suivant un point de vue trop étroit : « parmi les idées reçues, les idées historiques, tant que l’histoire s’écrit dans le cadre national, commandent les plus expresses réserves26. » Pour l’essentiel, l’histoire de France devient le roman national, deux mots qu’il a à peu près également en horreur. À ce récit national aux vues étriquées, Breton préférerait une histoire universelle, qui conjurerait le tropisme nationaliste :

Il ne pourra être question de nouvel humanisme que du jour où l’histoire, récrite après avoir été concertée entre tous les peuples et limitée à une seule version, consentira à prendre pour sujet tout l’homme […] sans égards spéciaux à la contrée qu’il habite et à la langue qu’il parle27.

Sans préjuger du dogmatisme (« une seule version ») qui pourrait bien succéder à l’autre, il est permis de penser qu’à ce vœu d’une histoire extirpée du cadre national a répondu la démarche des historiens assemblés autour de l’Histoire mondiale de la France parue récemment sous la direction de Patrick Boucheron (Seuil, 2017). Breton en réaffirme en tout cas le programme, non sans une certaine désinvolture :

En matière de divertissement (car il faut y penser aussi) j’aimerais, avec mon ami Benjamin Péret, pouvoir préluder à une « histoire universelle » dont le besoin se fait de plus en plus sentir par opposition aux histoires nationales (histoire d’Espagne, histoire de France, etc.) en publiant notamment une histoire, de France par exemple, qui s’efforce de désenchevêtrer l’évènement véritable du mythe qui s’en empare pour le déformer28.

Enfin, cette hostilité à l’égard de l’histoire est aussi de toute évidence une façon de rompre avec les humanités, le culte de la tradition, de l’Antiquité gréco-latine, c’est une façon pour ces zélateurs de la nouveauté de marquer leur différence avec les lettres classiques. Cette nouvelle conception de la culture déplace son centre de gravité du passé vers le présent et l’avenir, du culte de l’histoire à celui de « l’esprit nouveau » (Apollinaire) et de la modernité. Si les surréalistes ont un œil sur l’histoire, c’est avant tout pour « liquider une succession spirituelle29 ».

« Le temps, vieille farce sinistre »

En outre, l’histoire souffre d’être asservie au passé, à ce qui a eu lieu et s’est irrévocablement refermé. Elle est l’ordre établi des évènements accomplis. Breton est en délicatesse avec un temps pareillement irréversible, « vieille farce sinistre, train perpétuellement déraillant, pulsation folle, inextricable amas de bêtes crevantes et crevées30. » Il proteste de toute sa sensibilité contre la conception d’un temps linéaire, engloutissant la masse toujours grossissante du « passé », dévorant aussi bien le présent, rongeant l’existence par-dessous jusqu’à la mettre en sursis.

Il y a chez Breton un certain plan où l’hostilité à l’égard de l’histoire comme récit construit recoupe la défiance manifestée très tôt à l’égard du roman : cette dernière n’est peut-être pas étrangère à la dimension fondamentalement temporelle d’une narration, vaste système chronologique propre à affermir la logique de consécution. En somme, il y a tout lieu de penser que genre historique comme genre romanesque se heurtent chez lui à une constante indisposition à l’égard de l’écoulement temporel. On pourrait même estimer que l’ignorance persistante de la musique chez Breton vient de ce qu’elle est fondamentalement un art du temps.

Le fait est suffisamment singulier pour avoir été noté : il n’y a chez Breton aucune complaisance pour la remémoration nostalgique du passé, encore moins celle du passé individuel ; silence quasi intégral à propos de son enfance, quasiment frappée d’interdit ; peu de traces expresses de la première guerre dans sa poésie – comme dans celle d’Aragon, du reste –, alors qu’elle a été pour beaucoup d’hommes de sa génération une source brûlante. Il ne pouvait que reconnaître combien elle avait été décisive dans la naissance du mouvement dada et du surréalisme (« Le surréalisme ne peut historiquement être compris qu’en fonction de la guerre, je veux dire – de 1919 à 1938 – en fonction à la fois de celle dont il part et de celle à laquelle il retourne31 »), mais c’est à un niveau qui est davantage celui de l’historiographe que celui du poète. Breton peut en partie souscrire au mot de René Crevel : « Mémoire, l’ennemie », qui pourrait passer pour un commentaire au fond assez nietzschéen de l’œuvre de Proust :

De tous les hommes, les plus tristes et les plus malheureux m’apparaissent ceux qui naquirent doués des meilleures mémoires. Ils ne triomphent point de la mort mais, par la plus inexorable fatalité, chaque transsubstantiation qu’ils essaient, au lieu de prolonger leur passé, tue leur présent. Victimes de leur insuffisance, ils vont, condamnés à ne rien voir du spectacle nouveau qu’ils négligent dans un docile espoir de recommencements, dont au reste nul ne leur saurait suffire. […] Il faut que la mémoire se taise, entremetteuse des jours de pluie. Elle a vendu, hypothéqué toute chair, l’humaine et celle aussi des fleurs qui furent de nos jardins secrets, tout cela pour une petite rente viagère qui ne peut rien contre l’ennui32.

Ailleurs, Crevel raille ces

pauvres impuissants qui vont chercher dans leurs paléontologies l’oubli de leurs manques, en face du présent et de ses créatures, [ceux qui] deviennent amoureux de leurs grimoires, tels, de leurs momies, les archéologues. Et ces scatophages de l’antiquité, non point rats, mais vampires de bibliothèque, se décernent à eux-mêmes des brevets de bons vieux savants inoffensifs33.

Crevel appelle alors à « se venger du temps perdu » (p. 15) au profit de « l’actuel » et du « vivant » (p. 14).

Le surréalisme se distingue par une appréhension originale du temps, à la croisée des conceptions nietzschéennes, des réflexions d’Henri Bergson sur la durée34 et des découvertes de Sigmund Freud sur le fonctionnement de l’inconscient. Toutes vont dans le sens d’une réévaluation du concept de temps successif au profit de celui de temps absolu. « Il serait de toute nécessité, de toute urgence », assure Breton, « de remédier à ce que peut avoir de limitant et d’affligeant le concept temps, au moins tel que se l’est formé l’Occident35. » Ce programme convergerait vers une pensée « primitive » du temps. Faut-il le dire cyclique ? En tout cas, ce temps n’est pas linéaire, sa direction n’est pas vectorielle ; peut-être même repose-t-il sur une circulation en tous sens qui interdit de penser que le passé soit pleinement révolu ni l’avenir pleinement inaccompli : temps réversible, spiralé, dont la fécondité n’est pas seulement fonction de la promesse de ce qui est à venir, mais de la tension magnétique entre les dimensions temporelles. Il y a dans le passé autant de puissance que dans l’avenir. On ne peut donc dire ni que Breton ait tout attendu de l’avenir ni qu’il ait dirigé sa quête vers le passé. Ce sont les deux qui sont vrais, dialectiquement.

« La splendide illustration » des livres d’histoire

Si Breton conteste les partis-pris dont se rend coupable le récit historique, il n’en a pas moins été durablement marqué par les illustrations des manuels d’histoire, en particulier celles de l’Histoire de France d’Ernest Lavisse à destination du cours élémentaire. C’est là que, dans l’enfance, il découvre les scènes emblématiques qui nourrissent son imaginaire. Dans Nadja, il reproduit la page d’un manuel avec textes et vignettes, en lien avec l’anecdote d’un quémandeur qui offre aux passants « quelques pauvres images relatives à l’histoire de France36 ». Cette reproduction n’est pas sans faire songer à un collage. Dans L’Amour fou, il évoque l’image de « Louis XV massacrant […], par plaisir, des oiseaux dans une volière37 », puis énumère dans Arcane 17 ces images fixées dans la mémoire :

Des vieillards vêtus de blanc cueillent le gui sous les chênes au moyen de faucilles d’or, « Souviens-toi du vase de Soisson », Charlemagne visite une école et gronde les enfants riches, Philippe le Bel fabrique de la fausse monnaie, Charles VI fait une rencontre agitante dans la forêt du Mans, une jeune bergère à genoux prend les instructions de saint Michel et de sainte Catherine, la même sur le bûcher, Henri III et ses « mignons » au bilboquet, Henri IV essouffle le long d’une côte un certain Mayenne, l’Éminence grise, le Roi-Soleil, Louis XV enfant tue les oiseaux dans une volière, cet excellent Louis XVI consacre ses loisirs à la serrurerie […], Napoléon sous toutes ses faces, son chapeau, etc38.

Un tel catalogue vise en principe à dénoncer le pouvoir mystificateur des livres d’histoire. Or le sentiment de Breton à l’égard de ces derniers est plus ambivalent : la complaisance dans l’énumération en attesterait à elle seule. Celle-ci s’accompagne en outre de ce commentaire : « je ne puis m’empêcher, à distance, de leur voir prendre un caractère occulte très marqué », comme si pouvaient « s’y glisser des intentions symboliques secrètes39 ». De telles formules sont pour nous convaincre de leur pouvoir d’attraction, de nature à avoir « hanté plusieurs générations », comme elles hanteront son œuvre, de Poisson soluble à Fata Morgana.

Ailleurs, Breton a expressément célébré « la splendide illustration […] des livres d’enfance40 » et l’on connaît sa prédilection pour les cahiers d’écolier qui s’ornent en couverture des épisodes de l’histoire de France, ces images où « se retrempent notre enchantement et notre frayeur41 ». Un tel goût est partagé par Max Ernst, qui utilise certaines de ces images dans La Femme 100 têtes, et commence à la même époque à composer un livre illustré, Morceaux choisis de l’Histoire de France, dont le projet n’aboutira pas, mais dont quelques collages sont reproduits dans le dernier numéro de La Révolution surréaliste42 : Jeanne Hachette et Charles le téméraire, Nostradamus, Blanche de Castille et le petit saint Louis, L’esprit de Locarno.

On trouve pareillement dans la première autobiographie de Michel Leiris un recensement de ces illustrations gravées dans la mémoire depuis l’enfance après leur découverte dans un « livre d’Histoire sainte » ou des « manuels d’histoire ou de mythologie » : le « sacrifice d’Abraham », « Prométhée au foie rongé par un vautour », « l’anecdote de l’enfant spartiate qui avait dérobé un renard », « la mer Rouge engloutissant l’armée de Pharaon, les supplices infligés aux Macchabées par Antiochus roi de Syrie, le frère de Judas Macchabée mourant écrasé sous l’éléphant qu’il vient de poignarder, Moïse et le buisson ardent43. »

De telles séries d’images sont en vérité très conformes à l’imaginaire surréaliste ; d’abord en ce que la succession de tableaux vient à la place d’un récit et conjure même la narration ; ensuite parce qu’elles manifestent le goût pour les illustrations aux dépens du texte. L’histoire, l’histoire de France en particulier, est en l’espèce ramenée, à la fois ironiquement par dérision et électivement par une disposition constante de la sensibilité surréaliste, à un collage ou à une exposition de gravures. Les liens chronologiques et logiques y sont rompus ; ce sont la discontinuité et le télescopage qui président à la lecture du passé. La diachronie trouve à s’incarner – ou à se défaire – dans des épisodes ponctuels, des instantanés.

Les points magnétiques

La vérité est que le régime temporel du surréalisme est celui de l’instant, non du cursus. L’histoire vue par les surréalistes est une histoire traversée de points incandescents, comme il y a dans leur géographie des points magnétiques. Ils reconfigurent le tracé historique comme ils redessinent les continents sur le planisphère dans « Le monde vu par les surréalistes » paru dans la revue Variétés en 1929. Il est d’ailleurs remarquable que, dans sa représentation du temps, Breton parle plus volontiers de « ligne » que de « lignée », c’est-à-dire d’espace plutôt que de temps. Pour comprendre combien sa vision de la profondeur historique est subsumée par celle de la surface et du dessin, lisons seulement ces considérations sur l’histoire littéraire :

Je crois […] que nous sommes parvenus à une époque où la crise générale des valeurs est si communément ressentie que nous avons moins besoin d’un tracé analytique épuisant en tous sens et d’un trait égal les démarches divergentes de l’activité créatrice que de la mise en évidence de véritables lignes de force et de la désignation au crayon rouge des incontestables génératrices valant au moins pour aujourd’hui44.

Son imaginaire est nettement spatial, géographique et iconographique. En matière d’histoire littéraire particulièrement, tout est envisagé en termes d’agencement, de contacts, de zones de recoupement, de présence et de coprésence – comme l’était du reste sa bibliothèque. Sa représentation de la configuration littéraire mène, au fond, de l’historiographie à la cartographie et de la chronologie à l’iconologie. On devine que l’image de la constellation l’emporte sur celle de l’enchaînement.

Sa conception de l’histoire littéraire est dynamique et pour ainsi dire vitaliste. Le passé ne vaut d’abord que par son pouvoir d’actualité, sa résonance, par son irradiation dans le présent ; ensuite par son rapport avec ce qui vient. L’histoire littéraire véritable serait celle qui exhibe la ligne de crête des « œuvres-ferments45 », exhausse à un même niveau de vitalité les faits saillants – c’est-à-dire ceux dont la portée est telle qu’ils dessinent ces « véritables lignes de force ». Il y a lieu de distinguer ce qui est vivant de ce qui est mort. Toute l’entreprise consisterait de ce fait à débarrasser le savoir historique de ses peaux mortes et de sa gangue muséographique, au profit du vivace aujourd’hui. La représentation de l’histoire est donc contraire à toute visée exhaustive et savante. Breton se fie davantage à la sensibilité qu’à l’érudition, au pouvoir d’ébranlement qu’à la connaissance intellectuelle. La « chaîne émotionnelle46 » l’emporte sur la chaîne temporelle. Seul compte pour lui, en matière de savoir, le principe actif. Il ignore les insignifiants de l’histoire comme il ignore les « moments nuls » de sa vie : « Je veux qu’on se taise, quand on cesse de ressentir47 ».

On connaît la double page « Erutarettil48 », où sont inscrits en caractères plus ou moins gros, selon leur importance, les auteurs des siècles passés. Elle répond à un triple objectif : cartographier la constellation surréaliste des ancêtres, effacer de l’histoire les indésirables, faire le départ entre ce qui est devenu inactif et ce qui reste actif du point de vue surréaliste. Le dispositif se signale par sa dimension synchronique et panoramique, attestant d’une représentation non temporelle de l’histoire littéraire. Les auteurs se côtoient dans une dimension simultanée, pour la raison qu’ils sont « vivants ». Breton conçoit la position des auteurs moins en termes de chronologie ou d’antériorité que de rayonnement (ou d’extinction…). Dans cette histoire non linéaire, mais parcellaire, dans cet ensemble rompu, les « grands aventuriers de l’esprit » (à commencer par Lautréamont, Arthur Rimbaud, Alfred Jarry), ceux que Baudelaire nommait les « phares », ces météores brillent d’une « clarté fulgurante ».

Dans ces conditions, existe-t-il même une histoire de la littérature ? Plutôt que de généalogie, d’héritage, de filiation, on serait fondé à parler de rencontre, d’imprégnation, de magnétisme et pourquoi pas même, de contacts tels qu’ils confinent à la coïncidence gémellaire : « J’en veux à cet homme [Benjamin Constant] d’avoir été si semblable à moi. Qu’étais-je venu faire sur terre en 1805 ?49 »

Vers une histoire surréaliste

Pour Breton, l’apparition du parapluie et de la machine à coudre dans les Chants de Maldoror est un évènement infiniment plus considérable que, la même année (1869), mettons, le décès de Lamartine ou bien l’ouverture du canal de Suez. Aussi y a-t-il lieu de reprendre à nouveaux frais l’examen du passé. L’histoire du surréalisme est traversée par le projet d’une histoire surréaliste, laquelle n’a jamais vu le jour à proprement parler, mais s’incarne dans des tentatives intermittentes.

Sans doute aurait-elle fait la part belle à l’extravagance, à la manière de Max Morise, qui livrait en 1928 dans La Révolution surréaliste un « Itinéraire du temps de la préhistoire à nos jours50 » réduit aux dimensions d’une page. Il s’agit d’une page allégorique où l’on voit le Temps déambuler selon une ligne aussi désinvolte que géométrique du fond des âges jusqu’à l’an 2000.

La préhistoire prend place dans le Massif Central.

De là, par des voies détournées et peu précises, s’égarant longuement vers le continent asiatique, le Temps, que l’on retrouve brusquement en pleins pays parthe et scythe, passe par Troie au xe siècle av. J.C. […] Continuant sa route vers l’Occident, le Temps atteint la Grèce au ve siècle et l’an 0 le voit à Rome. Il ne met dès lors pas plus de deux ou trois siècles à traverser les Alpes, visite en compagnie des Goths le cours de l’Adour et, changeant une fois de plus de direction, il pointe enfin vers Paris, d’où je le considère.

La description – dont l’enjeu est bien en partie de convertir l’histoire en géographie – s’achève sur ces mots que n’auraient peut-être pas désavoués, à distance, les tenants de la « fin de l’histoire », de Hegel à Francis Fukuyama en passant par Alexandre Kojève : « Au-delà de l’an 2000 il n’y a rien ».

Plus substantiel était le « Panorama du demi-siècle » à la fin de l’Almanach surréaliste du demi-siècle (La Nef, 1950). Il reprend une histoire par date qui n’est pas sans rappeler la chronologie des manuels, mais en déplaçant les lignes de force. L’année 1916, la « terrible », ce n’est pas la bataille de Verdun, mais la bataille de Dublin, celle de l’« Insurrection nationale en Irlande », où la liberté – étendard ultime du surréalisme – est davantage en question : dans l’histoire universelle telle que la conçoivent les surréalistes, la lutte pour la liberté compte davantage qu’un massacre organisé entre deux nations voisines. Les auteurs n’en ignorent pas pour autant les dates décisives du siècle, mais c’est pour mettre en parallèle, dans un dispositif en deux colonnes, les épisodes retentissants de l’histoire collective avec des évènements culturels ou des faits divers en regard desquels les premiers se chargent d’une signification inattendue. En 1922, c’est la marche des fascistes mussoliniens sur Rome ; c’est aussi la parution du livre de Lucien Lévy-Bruhl, La Mentalité primitive. En 1924, c’est l’assassinat de Marius Plateau, membre de l’Action française et des Camelots du roi, par l’anarchiste Germaine Berton et c’est la publication de l’Essai sur le don de Marcel Mauss. En 1927, c’est l’exclusion de Léon Trotski du parti communiste de l’URSS et c’est l’intronisation de Paul Valéry à l’Académie française ; c’est aussi une exposition d’œuvres d’aliénés à la galerie Vavin-Raspail à Paris. Comprenne qui voudra. L’année 1933, c’est l’accession d’Adolf Hitler au pouvoir ; c’est aussi l’apparition du monstre King Kong au cinéma.

Ici, pas de récit historique, pas d’enchaînement consécutif des faits, pas même d’interprétation : les auteurs s’en remettent à la logique du télescopage qui est celle du collage – et qui est aussi celle du hasard objectif. Une telle présentation révèle une nouvelle « objectivité » des faits, puisque rien d’autre qu’eux n’apparaît ; mais leur choix et leur potentiel de rencontre – l’étincelle de l’analogie – sont de nature à traduire une visée historiographique où la syntaxe des évènements ne doit rien à la discursivité, au déterminisme ou à la linéarité.

La fécondité du mythe

Chez Breton, l’histoire est d’un côté dénoncée comme mystificatrice, associée à des intérêts partisans et à une idéologie ; elle est de l’autre électivement orientée vers ce qui en serait le contenu latent, profond, éternel : le mythe.

Vouloir déduire quoi que ce soit d’une telle Histoire [l’Histoire telle qu’elle s’écrit] est à peu près aussi vain que de prétendre interpréter le rêve en ne tenant compte que de son contenu manifeste. Sous ces faits divers […] court une trame qui est tout ce qui vaudrait la peine d’être démêlé. C’est là que les mythes s’enchevêtrent depuis le début du monde51.

Deux modèles président à la conception de l’histoire chez Breton.

1. Le modèle hégélien marxiste

Le modèle hégélien marxiste est fondé sur la postulation d’un accomplissement dont l’histoire serait porteuse : « Pour Marx comme pour Hegel, comme pour nous, l’histoire tout entière n’est autre que la relation des efforts de la liberté pour venir au jour et y progresser lucidement52. » André Breton considère seulement que Karl Marx surestime le facteur économique dans l’évolution des peuples. Pour le reste, il souscrit pleinement à la vision dynamique d’une histoire qui irait vers son terme comme vers un dénouement meilleur. Au demeurant les surréalistes n’ont pas attendu leur affiliation au marxisme pour être convaincus d’avoir à tout espérer de la révolution – prolétarienne ou non –, c’est-à-dire de l’avenir. Ils ne se sont pas lassés de répéter le mot d’Arthur Rimbaud : « La poésie ne rythmera plus l’action ; elle sera en avant ». Associé à la xie thèse de Karl Marx sur Ludwig Feuerbach (« Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe c’est de le transformer. »), un tel présage ne fait que donner un horizon moins labile à l’expectative.

Breton s’est de toujours senti en « période d’attente53 », faisant le guet de découvertes à venir, jeté dans le temps comme vers une promesse :

Aujourd’hui encore je n’attends rien que de ma seule disponibilité […]. J’aimerais que ma vie ne laissât après elle d’autre murmure que celui d’une chanson de guetteur, d’une chanson pour tromper l’attente. Indépendamment de ce qui arrive, n’arrive pas, c’est l’attente qui est magnifique54.

Julien Gracq a dit de lui qu’il était dans l’« attente galvanisante d’une espèce d’an mil55 ». Tout s’efface pour lui à côté de ce qui doit advenir comme un « surgissement56 ».

Guillaume Apollinaire, après Arthur Rimbaud, avait fait de l’invention de l’avenir la boussole de la modernité poétique :

Les fables s’étant pour la plupart réalisées et au-delà c’est au poëte d’en imaginer de nouvelles que les inventeurs puissent à leur tour réaliser. L’esprit nouveau exige qu’on se donne de ces tâches prophétiques. […] Les poëtes veulent dompter la prophétie, cette ardente cavale que l’on n’a jamais maîtrisée57.

Breton assimile à son tour la poésie à un oracle : « Son rôle est de se porter sans cesse en avant, d’explorer en tous sens le champ des possibilités, de se manifester – quoi qu’il advienne – comme puissance émancipatrice et annonciatrice58. » S’il est vrai que cet esprit prophétique s’est frayé un chemin dans le domaine de la voyance chez les surréalistes, ce serait leur faire un mauvais procès que de limiter leur tension vers l’avenir à un improbable don de divination. L’écriture automatique fut pareillement conçue comme un appareil de délivrance, lui aussi tourné vers la possibilité et la chance que les contradictions internes à l’homme (entre l’intellect et la sensibilité en particulier, entre la veille et le rêve, entre l’accompli et l’inaccompli) soient levées. La poésie n’a pas à voir avec un « monde de choses toutes faites59 » (Maurice Blanchot), le monde des choses révolues, la réalité close et fixée. Elle est appel, pressentiment, aspiration, élan ou même recréation du monde. Son horizon, c’est le monde à venir, non le monde historique ; c’est « l’inextinguible réel incréé60 » (René Char), « le soulèvement orgueilleux des choses pensées, à peine bâties61 » (André Breton).

C’est cette attente, cette promesse de l’avenir, qui conduisent à dévaloriser l’histoire, à ignorer « ce qui a été, cette misérable poignée de cendres62 » (Julien Gracq). Elle a conduit très tôt Breton à se déprendre de l’héritage du passé même dans le domaine du vocabulaire en proclamant l’ère des « mots sans rides63 », libérés de leur passé étymologique comme de leur « poids le plus mort ». Sa conception de l’histoire est, au fond, contraire au modèle généalogique : le surréalisme préfère le surgissement à l’engendrement, l’astrologie à l’archéologie. Il est sous l’empire du monde épiphanique de l’actuel. La poésie oraculaire, qui désigne ce qui doit être, vise l’accomplissement plutôt que l’accompli. Elle conjure la clôture et le déterminisme de l’histoire. Elle supplée le bégaiement du passé, infiniment répétitif.

2. Le modèle freudien

Breton est imprégné par l’idée qu’un plan caché est à l’œuvre dans l’histoire, un plan qui échappe à l’observation des faits, se développe selon la marche dialectique, conformément à la conception hégélienne du devenir. Or, une telle conception est tout autant redevable de ses présupposés à la pensée de Freud sur le contenu manifeste et le contenu latent.

Les évènements sont comme l’écume des jours : il existe autre chose en profondeur et cette présence n’est pas justiciable d’une analyse historique ; ou plutôt, les faits visibles dans l’histoire doivent être soumis à la même interprétation que les faits psychiques. « Le surréalisme », écrit Breton, « constitue à nos yeux par excellence la clé qui permet d’explorer ce contenu latent, le moyen de toucher ce fond historique secret qui disparaît devant la trame des événements64. » Exilé hors d’Europe, Breton se plaît à sonder le « substratum complexe et indivisible65 » qu’il croit déceler dans une dimension qui est à la fois l’histoire et la géographie, mais qui n’est réductible ni au passé ni au lieu :

Sous cette terre meuble – le sol de ce rocher couronné de sapins [le rocher Percé] – court un fil subtil impossible à rompre qui relie les cimes et quelques-unes de ces cimes sont un certain xve siècle à Venise ou à Sienne, un xvie siècle élisabéthain, une seconde moitié du xviiie siècle français, un début de xixe siècle romantique allemand, un angle de xxe siècle russe66.

Il reconstitue ainsi une sorte de trace magnétique qui court sous les siècles. Postuler qu’il y a un contenu latent, c’est aussi reconnaître la part d’insondable dans la matière historique et l’incertitude du savoir. Dans l’histoire, il s’agit également de reconnaître cet « infracassable noyau de nuit67 » qui donne à la fois sa limite et son prix à la quête. Dans l’histoire comme dans le psychisme, les forces vives sont du côté enfoui, non du côté révélé.

Le surréalisme ne se lasse pas d’incriminer la place exorbitante faite au surmoi dans l’histoire occidentale, laquelle est fondée sur la surestimation de l’esprit des lois imposé « il y a dix-neuf siècles par les légions romaines68 » en refoulant le passé gaulois et celte, entreprise dont la poussée culmine dans le rationalisme cartésien. Cette histoire-là est comme une parenthèse malheureuse, une mésaventure (une aventure qui tourne mal) ou une erreur de trajectoire anthropologique. La poésie conjuguée au mythe conspire à ruiner la dictature de la logique, à lever ce dispositif de refoulement et à retrouver les conditions d’un « contact primordial », la « clé harmonique69 ».

En dernière analyse, tout le vœu du surréalisme est de sauter par-dessus l’histoire. On mesure alors combien l’avenir de la poésie renoue avec des racines immémoriales, combien la fin recoupe le commencement. La poésie tient la balance égale entre lyrisme nostalgique et incantation prophétique, entre origine et utopie, entre rousseauisme et marxisme, équilibre qui trouve à s’incarner dans la formule « Il y aura une fois » qui ouvre le recueil Le Revolver à cheveux blancs (1932) et qui ne révèle pas autre chose que la possibilité de faire advenir l’origine.

***

André Breton alterne entre, d’une part, l’exigence objective d’analyser les faits historiques pour ce qu’ils sont indépendamment de tout parti-pris, de toute intoxication idéologique, et, d’autre part, l’aspiration mythique qui est celle de la poésie. D’un côté, il appelle de ses vœux une histoire moins fallacieuse, plus authentique, plus complète, qui ne sacrifie rien à la l’interprétation tendancieuse ; de l’autre, il est appelé à introduire l’imagination, le désir et le rêve dans la matière historique, déplaçant du même coup le centre de gravité du passé vers le présent et l’avenir, et à « refaire […] une histoire pleine de soupirs et de passions, inventée par un poète70. » Cette double postulation s’explique par la tension chez Breton entre une nature hautement spéculative, portée comme nulle autre à l’examen, à la pesée des idées et des méthodes, et une nature fondamentalement imaginative, qui puise dans la poésie et ses pouvoirs de transformation les ressorts de tout espoir humain.

Au bout du compte, il s’agit de rebrousser le chemin de l’histoire en remontant le cours du règne de la pensée logique, en renouant avec les racines primitives de l’homme. La suite de l’histoire est en somme un effacement, un retour, comme s’il s’agissait de recommencer l’histoire de l’homme : la révolution aura peut-être été le grand mythe du surréalisme. La fin ultime de la poésie pourrait être de délivrer l’homme de l’histoire, c’est-à-dire non seulement de le débarrasser d’un passé qui l’asservit, mais de lui offrir une dimension où le temps aurait perdu de son caractère limitant. On voit combien s’impose alors la préséance de l’existence poétique sur l’existence historique. L’humanité de l’homme s’accomplit dans son devenir poétique. Le dernier mot reste bien à la poésie dans la mesure où elle est, selon la formule de Martin Heidegger, « le fondement qui supporte l’histoire71 » et préside à toute existence qui ne démérite pas de la grande aventure humaine. C’est le sens de cette formule, toujours ascendante, alternant toujours entre physique et métaphysique, temps et espace, actualité et éternité – histoire et poésie :

« Par-delà les obligations que les hommes s’imposent pour servir par groupes mortels ce qu’ils croient être la vérité, la terre tourne sur ses gonds de soleil et de nuit72. »

Bibliographie

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Notes

1 André Breton, « Avis au lecteur pour “La Femme 100 têtes” de Max Ernst » [1929], in Point du jour, in Œuvres complètes, t. 2, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1992, p. 304. Retour au texte

2 Pierre Drieu La Rochelle, « Troisième lettre aux surréalistes sur l’amitié et la solitude », Les Derniers jours, no 7, 1927, repris dans Pierre Drieu La Rochelle, Sur les écrivains. Essais critiques, Paris, Gallimard, 1964, p. 70. Retour au texte

3 Friedrich Nietzsche, Considérations inactuelles, t. 1, De l’utilité et de l’inconvénient des études historiques pour la vie [1874], trad. Henri Albert, Paris, Mercure de France, 1907, p. 127. Retour au texte

4 Pierre Drieu La Rochelle, Sur les écrivains, op cit., p. 70-71. Retour au texte

5 Pierre Drieu La Rochelle, « Troisième lettre aux surréalistes sur l’amitié et la solitude », op. cit., p. 70-71. Retour au texte

6 André Breton, « Interview d’Aimé Patri », Paru, mars 1948, repris dans Entretiens, in Œuvres complètes, t. 3, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1999, p. 605, je souligne. Retour au texte

7 « … ce romantisme, dont nous voulons bien, historiquement, passer aujourd’hui pour la queue, mais alors la queue tellement préhensile… », André Breton, Second Manifeste du surréalisme [1929], in Œuvres complètes, t. 1, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1988, p. 803. Retour au texte

8 André Breton, « Il y aura une fois », Le Surréalisme au service de la révolution, no 1, Paris, 1930, p. 4, repris dans André Breton, Le Revolver à cheveux blancs, in Œuvres complètes, t. 2, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1992, p. 53. Retour au texte

9 Pascal Ory, « Le temps où les surréalistes eurent raison », Mélusine, no 11, 1990, p. 18. Retour au texte

10 André Breton, Œuvres complètes, t. 4 Écrits sur l’art et autres textes, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2008, p. 27-43. Retour au texte

11 Ibid., p. 1166-1172. Retour au texte

12 Ibid., p. 1215. Retour au texte

13 Georg Wilhelm Friedrich Hegel, « Préface », in Principes de la philosophie du droit : ou Droit naturel en science de l’État en abrégé, Paris, Vrin, coll. « Bibliothèque des textes philosophiques », 1975 [1820], p. 58-59. Retour au texte

14 Pascal Ory, op. cit., p. 27. Retour au texte

15 Denis Hollier, « Crainte et tremblement à l’âge du surréalisme », in Les Dépossédés. Bataille, Caillois, Leiris, Malraux, Sartre, Paris, éditions de Minuit, coll. « Critique », 1993, p. 137. Retour au texte

16 André Breton, « Interview de Francis Dumont », Combat, 16 mai 1950, repris dans Entretiens, in Œuvres complètes, t. 3, op. cit., p. 617. Retour au texte

17 Georges Altman et. al., « La Révolution d’abord et toujours » [1925], in José Pierre, Tracts surréalistes et déclarations collectives, t. 1 1922-1939, Paris, Le Terrain vague, 1980, p. 55. Retour au texte

18 André Breton, La Confession dédaigneuse [1923], in Œuvres complètes, t. 1, op. cit., p. 197. Retour au texte

19 Louis Aragon, André Breton et Paul Éluard, Lautréamont envers et contre tout [1927], dans José Pierre, Tracts surréalistes et déclarations collectives, t. 1 1922-1939, Paris, Le Terrain vague, 1980, p. 67. Retour au texte

20 André Breton, « Interview de Francis Dumont », Combat, 16 mai 1950, repris dans Entretiens, in Œuvres complètes, t. 3, op. cit., p. 617. Retour au texte

21 André Breton, Arcane 17, in Œuvres complètes, t. 3, op. cit., p. 56. Retour au texte

22 André Breton, « Conférences d’Haïti », II [1946], in Œuvres complètes, t. 3, op. cit., p. 219. Retour au texte

23 Id. Retour au texte

24 Ibid., p. 218. Retour au texte

25 André Breton, Arcane 17, in Œuvres complètes, t. 3, op. cit., p. 56. Retour au texte

26 Ibid., p. 57. Retour au texte

27 Id. Retour au texte

28 André Breton, Interview de José M. Valverde [1950], in Œuvres complètes, t. 3, op. cit., p. 627. Retour au texte

29 André Breton, Légitime défense [1926], in Point du jour, in Œuvres complètes, t. 2, op. cit., p. 291. Retour au texte

30 André Breton, Second Manifeste du surréalisme, in Œuvres complètes, t. 1, op. cit., p. 785. Retour au texte

31 André Breton, Situation du surréalisme [1942], in La Clé des champs, in Œuvres complètes, t. 3, op. cit., p. 720. Retour au texte

32 René Crevel, Mon corps et moi, Paris, éditions du Sagittaire, Simon Kra, coll. « Revue européenne », 1926, p. 43-44 et p. 51. Retour au texte

33 René Crevel, Le Clavecin de Diderot, Paris, Éditions surréalistes, 1932, p. 14. Retour au texte

34 Henri Bergson, Durée et simultanéité. À propos de la théorie d’Einstein, Paris, Félix Alcan, coll. « Bibliothèque de philosophie contemporaine », 1922. Retour au texte

35 André Breton, Arcane 17, in Œuvres complètes, t. 3, op. cit., p. 54. Retour au texte

36 André Breton, Nadja, in Œuvres complètes, t. 1, op. cit., p. 703 et 706. Retour au texte

37 André Breton, L’Amour fou, in Œuvres complètes, t. 2, op. cit., p. 775. Retour au texte

38 André Breton, Arcane 17, in Œuvres complètes, t. 3, op. cit., p. 56-57. Retour au texte

39 Id. Retour au texte

40 André Breton, « Avis au lecteur pour “La Femme 100 têtes” de Max Ernst », in Les Pas perdus, in Œuvres complètes, t. 2, op. cit., p. 302. Retour au texte

41 Ibid., p. 303. Retour au texte

42 André Breton (dir.), La Révolution surréaliste, no 12, 1929, passim. Retour au texte

43 Michel Leiris, L’Âge d’homme, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2006 [1939], p. 101-102. Retour au texte

44 André Breton, « Conférences d’Haïti », II, in Œuvres complètes, t. 3, op. cit., p. 214. Retour au texte

45 Ibid., p. 218. Retour au texte

46 André Breton, « Phénix du masque » [1960], in Perspective cavalière, in Œuvres complètes, t. 4, op. cit., p. 992. Retour au texte

47 André Breton, Manifeste du surréalisme [1924], in Œuvres complètes, t. 1, op. cit., p. 315. Retour au texte

48 André Breton et al., « Erutarettil », in André Breton (dir.), Littérature, no 11-12, 15 octobre 1923, p. 24-25. Retour au texte

49 André Breton, Lettre à Simone Kahn, 16 août 1920, citée dans Œuvres complètes, t. 1, op. cit., p. 1224. Retour au texte

50 André Breton (dir.), La Révolution surréaliste, no 11, 1928, p. 1. Retour au texte

51 André Breton, « Interview de Francis Dumont », op. cit., p. 617. Retour au texte

52 André Breton, « Loin d’Orly » [1960], in Perspective cavalière, in Œuvres complètes, t. 4, op. cit., p. 984. Retour au texte

53 André Breton, « Légitime défense » [1926], in Point du jour, in Œuvres complètes, t. 2, op. cit., p. 285. Retour au texte

54 André Breton, L’Amour fou, in Œuvres complètes, t. 2, op. cit., p. 697. Retour au texte

55 Julien Gracq, André Breton. Quelques aspects de l’écrivain, Paris, José Corti, 1989 [1948], p. 33. Retour au texte

56 Ibid., p. 36. Retour au texte

57 Guillaume Apollinaire, L’Esprit nouveau et les poètes [1917], Œuvres en prose complètes, t. 2, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1991, p. 950 et 954. Retour au texte

58 André Breton, Interview de René Belance [1945], in Entretiens, in Œuvres complètes, t. 3, op. cit., p. 584. Retour au texte

59 Maurice Blanchot, « Réflexions sur le surréalisme », in La Part du feu, Paris, Gallimard, 1984 [1949], p. 97. Retour au texte

60 René Char, Fureur et mystère, Paris, Gallimard, coll. « Poésie », 2007 [1948], p. 65. Retour au texte

61 André Breton, Introduction au discours sur le peu de réalité [1924], in Point du jour, in Œuvres complètes, t. 2, op. cit., p. 280. Retour au texte

62 Julien Gracq, André Breton. Quelques aspects de l’écrivain, op. cit., p. 33. Retour au texte

63 André Breton, « Les mots sans rides » [1922], in Les Pas perdus, in Œuvres complètes, t. 1, op. cit., p. 284-286. Retour au texte

64 André Breton, Limites non-frontières du surréalisme [1937], in La Clé des champs, in Œuvres complètes, t. 3, op. cit., p. 665. Retour au texte

65 André Breton, Arcane 17, in Œuvres complètes, t. 3, op. cit., p. 41. Retour au texte

66 Id. Retour au texte

67 André Breton, « Introduction aux Contes bizarres d’Achim d’Arnim » [1933], in Point du jour, in Œuvres complètes, t. 2, op. cit., p. 359. Retour au texte

68 André Breton, « Braise au pied de Keridwen » [1956], in Perspective cavalière, in Œuvres complètes, t. 4, op. cit., p. 951. Retour au texte

69 Ibid., p. 950. Retour au texte

70 « L’histoire a pour égout des temps comme les nôtres », L’Archibras, no 5, septembre 1968, p. 6. Retour au texte

71 « La poésie n’est pas un simple ornement qui accompagnerait l’être-là (Dasein), ni un simple enthousiasme passager, elle n’est pas du tout une simple exaltation ou un passe-temps. La poésie est le fondement qui supporte l’histoire, aussi n’est-elle pas simplement une manifestation de la culture, et à plus forte raison n’est-elle pas simplement l’expression de l’âme d’une culture ». Martin Heidegger, Approche de Hölderlin, trad. H. Corbin et M. Deguy, Paris, Gallimard, coll. « Classiques de la philosophie », 1968, p. 54, cité par Gérard Legrand, André Breton en son temps, Paris, éditions Méréal, coll. « Mything », 1996, p. 212. Retour au texte

72 André Breton, « Limites non frontières du surréalisme, in La Clé des champs, in Œuvres complètes, t. 3, p. 661. Retour au texte

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Référence électronique

Pierre-Henri Kleiber, « Le surréalisme d’André Breton : du mythe à l’histoire et de l’histoire au mythe », Nouveaux cahiers de Marge [En ligne], 5 | 2022, mis en ligne le 12 octobre 2022, consulté le 26 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/marge/index.php?id=481

Auteur

Pierre-Henri Kleiber

Laboratoire : LT2D (Lexiques, textes, discours, dictionnaires), CY Paris Cergy Université

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