Carte jouée, récit tissé

Dynamiques et actes narratifs dans Hearthstone: Heroes of Warcraft

  • Played Card, Woven Story: Narrative Dynamics and Acts in Hearthstone: Heroes of Warcraft

DOI : 10.35562/marge.995

Abstracts

À partir de l’exemple de Hearthstone: Heroes of Warcraft, nous montrerons comment les cartes et les jeux de cartes numériques peuvent générer des séquences narratives actualisées par le geste du joueur. Nous étudierons notamment le rôle des tutoriels, des plateaux de jeu, des temporalités et des systèmes de personnages dans la construction d’un récit vidéoludique offrant au joueur une véritable expérience narrative.

Using Hearthstone: Heroes of Warcraft as an example, we will see how digital cards and card games are devices that can generate narrative sequences that are updated by the player’s actions. We will examine the role of tutorials, game boards, temporalities and character systems in the construction of a video game narrative that offers players a genuine narrative experience.

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Mes remerciements les plus sincères et ma profonde gratitude vont à l’équipe éditoriale de Prairial ainsi qu’au comité de lecture du numéro 9 des Nouveaux Cahiers de Marge. Leurs lectures et commentaires constructifs ont grandement contribué à l’amélioration de ce travail de recherche et m’ont offert une réelle opportunité d’apprentissage.

La digitalisation de Magic: The Gathering1 a transformé la manière dont les joueurs perçoivent et utilisent le jeu2. Le succès de cette version digitalisée a inspiré de nombreux développeurs pour créer des jeux de cartes numériques comme Hearthstone: Heroes of Warcraft3, The Elder Scrolls: Legends4 ou encore Kards5 sans qu’une version physique n’ait préalablement existé : contrairement à Magic, ces jeux sont nés directement dans leur version digitale.

L’objectif de cet article est de comprendre comment la carte et le jeu de cartes à collectionner (JCC), dans leur version numérique, génèrent des récits vidéoludiques. Nous pensons que comme dans les autres jeux vidéo, ils constituent des dispositifs hybrides combinant deux catégories de récits6 : le premier correspond au fond narratif préexistant, c’est-à-dire le récit enchâssé7, et le second est un récit actualisé par le geste, « dépend[ant] directement des actions du joueur8 ».

En nous appuyant sur Hearthstone comme exemple, nous étudierons les potentiels narratifs qui sous-tendent un JCC numérique.

L’univers de Hearthstone trouve son origine dans la série de jeux vidéo Warcraft9. Au fil du temps, le jeu a développé sa propre identité tout en restant fidèle à l’esprit de cette série. Nous démontrerons que les cartes, les plateaux de jeu et les personnages dans Hearthstone, en raison de leur nature et des éléments qui les structurent, créent un cadre propice à l’émergence de récits vidéoludiques à part entière.

Tutoriel : métadiscours et personnages guides

« Concevoir un jeu (mener un travail de game design) comporte […] une dimension fondamentalement communicationnelle, puisque le game designer va devoir communiquer par une structure l’idée de jeu à autrui afin de lui faire adopter cette attitude10 ». Selon Genvo, la conception du jeu vidéo va au-delà de la création d’un design ou d’une interface. Elle englobe la transmission volontaire d’idées visant à influencer l’attitude vidéoludique du joueur. C’est cette perspective sémiotique, développée à travers la notion de « play design » qui permet de mieux comprendre le processus par lequel le « système de règles est configuré pour faire vivre à un certain “joueur-modèle” une expérience de jeu singulière11 ». Cette expérience, qui englobe notamment l’expérience narrative du joueur, requiert une analyse des mécanismes par lesquels le joueur assimile les éléments de gameplay et de narration avant de devenir lui-même acteur au sein de ces mêmes structures.

L’un de ces mécanismes se révèle être le tutoriel. Sa première motivation étant d’initier le joueur aux éléments du jeu, il est construit pour permettre l’apprentissage du joueur, « [le tutoriel est] le lieu où chaque jeu pose son propre vocabulaire12 » et « manifest[e] (plus ou moins explicitement) ses règles de manipulation13 ».

Le tutoriel de Hearthstone, récemment « remanié et rationnalisé14 », est composé de vingt-cinq chapitres présentant une courte intrigue faisant référence au récit enchâssé du jeu. Le premier chapitre, intitulé « didacticiel15 » permet d’entreprendre une incursion dans l’univers de Hearthstone à travers une narration spécialement conçue pour l’apprentissage du joueur.

Le tutoriel plonge le joueur directement dans un univers narratif sans préalable explication : il se voit attribuer un deck16 et, « représenté par un avatar, il peut descendre en personne “incarner” le rôle offert au sein du monde fictionnel17 ».

Le didacticiel se divise en trois parties, et offre une rejouabilité illimitée si le joueur souhaite y revenir. S’il est expérimenté, il peut aussi y mettre fin et entreprendre des parties normales JCJ. Les adversaires affrontés durant le tutoriel sont fictifs et peuvent être considérés comme des personnages non-joueurs18 (PNJ) : ils sont représentés par les héros par défaut des classes du jeu.

Lors de la première partie, le joueur affronte le héros chasseur : Rexxar. Jaina, héroïne mage et « avatar-tutoriel19 » du joueur, informe Rexxar qu’elle souhaite récupérer ses cartes dans le but de venir à bout de son ultime adversaire, le roi-liche.

Récupérer les cartes de son adversaire n’existe pas dans les parties JCJ. Nous pensons que cette action est intégrée à ce niveau du jeu pour renforcer l’aspect narratif et collaboratif des affrontements dans Hearthstone. Par ailleurs, le contexte narratif du tutoriel apparaît comme un vecteur d’apprentissage puisqu’il implique directement le joueur. Dans ce sens, deux procédés principaux sont utilisés pour lui faire faire20 ce qui est attendu de lui :

  • Une métalepse, produisant un récit métadiégétique où se produit une cassure de « la frontière habituellement infranchissable entre “le monde où l’on raconte” […] et “le monde que l’on raconte21” ».
  • « L’inclusion de termes métadiscursifs22 » liés aux actions physiques du joueur agissant sur l’évolution de la partie.

En parallèle aux bulles représentant les répliques des personnages et par les effets sonores et vocaux, le tutoriel introduit des cadres différents pour le métadiscours adressé au joueur, l’amenant à entreprendre des actions spécifiques.

C’est ce métadiscours, constitué de « vocabulaire lié à l’informatique23 », qui casse le niveau diégétique du récit et fait appel au joueur pour faire agir son avatar. Ainsi, l’instruction « glisser » implique pour les joueurs sur ordinateur de saisir la souris, de cliquer puis lâcher quand la carte est au-dessus du plateau ; alors que pour les utilisateurs des smartphones et des tablettes numériques, cette action est traduite par l’utilisation du dispositif tactile.

Les trois parties du didacticiel permettent au joueur de saisir les commandes du jeu à travers un récit qu’il actualise par ses gestes physiques. Il développe alors les compétences nécessaires pour jouer et prend conscience, au passage, de son rôle en tant qu’actant au sein d’un récit vidéoludique propre à chaque partie.

Les compétences enseignées lors du didacticiel sont réparties progressivement sur les trois parties :

  • La première partie, contre Rexxar, sert de contexte pour dévoiler au joueur comment manipuler les serviteurs, éliminer l’adversaire et terminer les tours. Elle indique également l’emplacement de l’historique de la partie permettant de visualiser l’enchainement des actions ;
  • La deuxième partie, contre Garrosh Hurlenfer, héros guerrier, offre une compréhension du fonctionnement des cristaux de mana24. Ce système permet au joueur de visualiser la réserve en mana et de planifier ses actions. Le pouvoir héroïque est également introduit ; capacité utilisable une fois par tour dépendant généralement25 de la classe à laquelle appartient le joueur.
  • La troisième partie, contre le roi Liche, héros chevalier de la mort, introduit des fonctionnalités plus avancées telles que les armes et présente au joueur des gameplays lui permettant, par exemple, d’éliminer tous les serviteurs invoqués par l’adversaire en une seule action.

Le didacticiel se conclut avec la réplique de Jaina qui déclare : « C’est terminé. Mais il reste encore beaucoup de batailles à mener… ». L’avatar-tutoriel clôt la brève intrigue du didacticiel tout en incitant le joueur à poursuivre l’aventure.

Les différents éléments du didacticiel se conjuguent pour en faire « un outil permettant de générer, à peu de frais, une multitude de voix narratives venant donner vie et sens à un univers fictionnel26 ». Le joueur y est non seulement initié aux règles, mais également à une manière de percevoir et de recevoir les éléments narratifs constitutifs de ce JCC numérique.

Espaces et lieux sur le plateau

« Les jeux vidéo relèvent d’une tradition […] ancienne de narration spatiale27 », car les concepteurs de jeux vidéo forgent des espaces et créent des mondes comme l’ont fait Homère, Jules Verne ou Tolkien28. Pour Jenkins, les spatialités sont au cœur du dispositif narratif des jeux vidéo. Dès lors, il devient évident que l’étude du potentiel narratif d’un jeu vidéo requiert une analyse de ces spatialités.

La narration environnementale peut créer les conditions nécessaires à une expérience narrative immersive d’au moins quatre façons différentes : un récit spatial peut faire référence à des récits préexistants ; il peut constituer la scène au sein de laquelle les péripéties prennent place ; il peut véhiculer de l’information narrative ; ou il peut permettre l’émergence de récits générés par le joueur29.

L’environnement spatial dans un jeu de cartes physique se limite à un plateau ou à un « cercle magique30 » en guise de terrain accueillant les cartes. Avec leur digitalisation, ces terrains ont acquis des caractéristiques vidéoludiques permettant une forme de narration environnementale au sens de Jenkins.

Marie-Laure Ryan distingue « deux types dominants de structure spatiale [dans les jeux vidéo] : la route et le monde31 ». Le jeu-route est une expérience linéaire dans laquelle la séquence narrative est prédéterminée selon le chemin que le joueur doit nécessairement suivre. Quant au jeu-monde, il offre des possibilités différentes, car sa trame narrative est liée aux missions et aux déplacements libres qu’opère le joueur.

Certes, la définition de déplacement dans Hearthstone diffère de celle dans les autres jeux vidéo, mais elle s’exprime sous une forme « symbolique ». Sur le plateau, le joueur « voyage » de manière abstraite : son avatar évolue grâce à son niveau, à ses points de vie, ses animations, etc ; des serviteurs apparaissent, disparaissent et interagissent, etc. Ce déplacement symbolique est traduit par l’action et le mouvement qui donne vie au plateau et provoque un sentiment de progression.

Nous pensons que le plateau de Hearthstone partage certaines caractéristiques du jeu-monde puisqu’il pourrait être présenté comme un « microcosme » composé d’une région centrale et de régions annexes. La première sert à accueillir les actions stratégiques des joueurs, et la seconde est porteuse de symboliques et peut être animée par des évènements qui n’influencent pas la stratégie. Certaines cartes, appelées « lieux », permettent également de générer des régions annexes en ajoutant leurs symboliques et actions au cœur même du plateau. Et comme dans un jeu-monde, les quêtes de Hearthstone amènent le joueur à explorer des possibilités et itinéraires de jeu32 différents de ceux qu’il a l’habitude d’expérimenter.

Les conditions de la narration environnementale de Jenkins peuvent être scindées en deux catégories : celles liées aux lieux et celles liées à l’espace33.

Informations et ancrages narratifs dans le plateau

À la fois inscrits dans un univers préexistant et véhiculant des informations narratives par leurs mises en scène, les premier et troisième critères de la narration environnementale définis par Jenkins peuvent être étudiés à travers le prisme des « lieux ».

La trame narrative sur Hearthstone se manifeste principalement par l’avancement des extensions, métarécit34 qui n’est pas nécessairement linéaire35 et qui ajoute du contenu au récit enchâssé déjà mis en place sur Warcraft. Ces extensions sont construites à la base des évènements36, lieux37, moments ou époques38 de l’univers préexistant de Warcraft, tout en continuant à se construire dans l’univers de Hearthstone. Chaque extension est accompagnée de nouvelles cartes, plateaux et de nouveaux gameplays. Les plateaux de jeu dans Hearthstone épousent donc l’évolution narrative des extensions.

La conception ornementale des plateaux est le fruit d’une réflexion précise. Les éléments décoratifs font du plateau un lieu qui regorge de significations et de références narratives. Prenons l’exemple de l’extension : « Rixes en terres Ingrates39 ». Le titre indique déjà des éléments narratifs préexistants de Warcraft (terres Ingrates) et une dynamique propre à Hearthstone (Rixes). Chose qui s’accorde avec la bande-annonce qui illustre des combats dans des environnements dignes des films de western : saloon, villages désertiques et wagons transportant des minerais. Les terres Ingrates de Warcraft s’avèrent être le lieu le plus adéquat pour une telle mise en scène : un désert aride, des raffineries de pétrole et un grand canyon.

Cet espace désertique est transposé sur le plateau de Hearthstone : les ornements aux quatre coins font référence aux deux univers. En haut, deux constructions évoquant les rixes introduites par Hearthstone : deux miniatures de bâtiments en référence aux Saloons et aux duels ; en bas, deux éléments propres à la zone des « terres Ingrates » sur World of Warcraft : une exploitation minière et des wagons transportant des minerais. En comparant, les éléments de la zone et ceux du plateau, il est évident que Hearthstone s’inspire des lieux dans Warcraft et les personnalise pour en faire un JCC numérique distinct.

Les éléments décoratifs du plateau sont interactifs, bougent, se transforment et provoquent effets sonores et animations. Cette interactivité donne vie à ce lieu et renforce son rôle narratif. Le plateau peut également constituer une énigme, car, souvent, les joueurs tentent de découvrir des combinaisons de clics pour activer certains éléments animés du plateau. Tout cela réveille une certaine curiosité chez la communauté des joueurs à la sortie de chaque plateau.

Les effets lumineux du plateau varient aussi selon les extensions. La luminosité du plateau « Rixes en terres Ingrates » reflète le climat aride dans lequel se déroulent les évènements. Pour marquer le contraste et démontrer l’influence du choix de la luminosité et des couleurs sur l’ambiance, l’extension « Meurtre au Château Nathria » montre que l’atmosphère choisie dépend bel et bien des évènements de l’extension. Meurtre rime avec sombre et obscur, et les tons flamboyants riment avec les enfers, où se situe le château Nathria.

Les récits préexistants dans la série de jeux Warcraft imposent alors une esthétique aux lieux qui en deviennent une représentation tangible. Cette esthétique sert d’ancrage narratif, à la fois hérité de Warcraft et construit à travers les extensions de Hearthstone.

Mouvements, actions et péripéties au cœur du plateau

L’espace est inhérent aux actions des personnages dans un récit. Les fonctions des personnages « renvoient soit à un déplacement, qui suppose un franchissement de frontière ou un dépassement de borne40 ». Ainsi, dès le commencement d’un récit, les descriptions spatiales sont souvent fournies pour ancrer le lecteur dans l’univers qui servira de cadre aux péripéties.

Dans le contexte des JCC, comme c’est le cas dans Hearthstone, l’espace acquiert une importance particulière : les cartes jouées évoluent dans l’espace central du plateau. « [p]oser un serviteur », « [a]ttaquer », « [l]ancer un sort » ou « [p]asser son tour », toutes ces actions s’opèrent au centre du plateau. Cependant, certaines cartes présentent des mécanismes plus complexes, demandant de la part des joueurs non seulement de la précision, mais parfois même de la dextérité. Les actions liées à ces cartes déclenchent des rebondissements et conditionnent toutes les autres actions sur le plateau. C’est le cas des cartes secrets, cartes quêtes, etc.

Par exemple, les secrets sont des cartes conditionnées en attente : elles ne s’activent que lorsqu’une action précise est effectuée. Des instructions détaillées sont fournies par cette carte et renseignent sur les conditions exactes pour que le piège soit activé. Quand ce dernier est activé, le joueur et son adversaire perçoivent une animation qui confirme l’activation et opère les promesses de la carte.

Le secret est représenté par un point d’interrogation au-dessus de l’avatar, car l’adversaire ignore quel secret est joué. Cependant, les joueurs réguliers connaissent les secrets des différents archétypes de classes et tentent de les éviter. Les actions sur le plateau deviennent conditionnées par cette icône qui sonne chez le joueur adverse comme un danger imminent. Le secret impose des changements de stratégie, poussant l’adversaire à sacrifier des serviteurs et à réadapter ses actions. Il est possible de jouer plusieurs secrets à la fois, tant que ce n’est pas le même, rendant plus difficile pour l’adversaire de deviner le secret joué. De ce fait, il suffit que l’icône en point d’interrogation soit présente sur le plateau pour que les péripéties du récit vidéoludique actualisé par les deux joueurs prennent une autre tournure.

Rouages temporels et péripéties

Selon leur type et leurs modalités, les jeux vidéo ont une configuration temporelle précise. Selon Juul41, le temps dans les jeux vidéo peut être étudié sous trois angles principaux : le game time42 (temps de jeu), le play time (temps de jouer) et l’event time (temps évènementiel).

Le temps de jeu constitue un arrière-plan et un fondement pour deux séquences temporelles qu’il englobe : le temps de jouer (qui représente la durée de la session de jeu) et le temps évènementiel (qui constitue la durée fictive des actions et évènements dans le jeu43).

Le schéma des temporalités dans SimCity44 (Fig. 1) illustre clairement le rapport entre le temps de jouer et le temps évènementiel : deux minutes du temps de jouer représentent une année en temps évènementiel.

Fig. 1 Event time Sim City

Fig. 1 Event time Sim City

Crédits : Jesper Juul
Source : Jesper Juul, op. cit.

Pour mieux appréhender les temporalités dans Hearthstone, nous proposons un schéma inspiré de ceux proposés par Juul et de notre observation de la configuration temporelle dans ce JCC numérique.

Fig. 2 Schéma des temporalités dans une partie de Hearthstone

Fig. 2 Schéma des temporalités dans une partie de Hearthstone

Crédits : Hafsa Naïm

Le schéma simplifie la manière avec laquelle le temps de jouer a été pensé par les concepteurs : chaque joueur dispose de soixante-quinze secondes pour jouer. Mais dans les faits, ce temps n’est pas toujours utilisé de manière égale par les joueurs. Chacun l’emploie selon les circonstances : s’il n’a pas d’actions à effectuer, le joueur passe son tour. Ce temps, qui peut paraître excessivement long durant les premiers tours, étant donné le peu de cristaux de mana à disposition des joueurs, devient précieux lorsque ces derniers sont déconnectés en cas de problèmes techniques ou en cas de déconnexion. Il leur permet de se reconnecter sans perdre un tour de jeu. Néanmoins, si la déconnexion persiste ou qu’aucune action n’est entreprise, le tour du joueur passe en vingt secondes automatiquement.

La plupart des joueurs savent qu’un jeu prendra fin, souvent dans une limite de temps déjà fixée. Au cas où ils pourraient l’oublier, leur écran d’ordinateur est encombré de montres, d’horloges, de barres et d’autres dispositifs qui les maintiennent informés de cela45.

La numérisation des jeux de cartes a joué un grand rôle dans le calcul du temps de jouer et a « accélér[é] la cadence des parties, celles-ci étant rythmées par le logiciel et non des humains46 », plaçant ainsi les jeux de cartes numériques au même niveau que les autres jeux vidéo.

Dans Hearthstone, plusieurs fonctionnalités incitent le joueur à agir rapidement :

  • Une voix d’arrière-plan annonce « travail terminé » lorsque toutes les actions possibles ont été réalisées ;
  • Le bouton « passer son tour » change de couleur, passant du jaune au vert ;
  • Le héros rappelle le joueur à l’ordre à travers une réplique lorsqu’il prend trop de temps à jouer, qu’il ait encore des actions à entreprendre ou pas ;
  • Une mèche apparaît, vingt secondes avant la fin du tour, signalant le peu de temps qui reste avant le passage automatique du tour.

Ce temps de jouer structure les parties et influence le temps évènementiel de la même manière que dans les jeux de rôle au tour par tour. Contrairement au temps de jouer, le temps évènementiel se déroule sans interruption jusqu’à ce qu’un joueur remporte la victoire. Les tours des joueurs s’alternent pour créer une séquence d’actions ordonnées conduisant à des péripéties sur le plateau.

Le temps est également influencé par les règles du jeu, notamment le nombre de cartes dans les decks ainsi que le nombre de cartes jouables par tour. Dans Hearthstone, les cristaux de mana augmentent progressivement au fil des tours, permettant de jouer des cartes et des combinaisons de cartes de plus en plus puissantes. Souvent, les joueurs construisent leurs decks en se basant sur une synergie de cartes en fonction des points de mana. Ils constituent leurs decks de manière à temporiser en attendant de piocher les bonnes cartes pour la synergie souhaitée. D’ailleurs, chaque joueur dispose de soixante secondes au début de chaque partie pour voir sa main et décider s’il souhaite bénéficier d’un nouveau tirage, donnant une occasion aux joueurs d’adapter leurs mains de départ.

Le système temporel dans Hearthstone favorise l’émergence d’un récit vidéoludique à chaque partie, où les péripéties gagnent en intensité à mesure que le temps passe. Le récit collaboratif actualisé par les joueurs acquiert une cohérence temporelle, résultant des mécanismes de jeu et des décisions prises par les joueurs.

Personnages avatars et personnages serviteurs

Les personnages représentent les « éléments clés de la projection et de l’identification des lecteurs 47 » dans les récits traditionnels. Ce sont des entités de l’univers narratif qui le font progresser. Étant « un mécanisme paresseux (ou économique48) », le récit traditionnel a besoin d’être actualisé par le lecteur afin de prendre tout son sens. Dans le cas des jeux vidéo, Jenkins les rapproche des récits de science-fiction où « le personnage est réduit au strict minimum49 ». Super Mario50, Lara Croft51 ou encore The Witcher52, bon nombre de jeux vidéo doivent leur succès « autant au scénario qu’au personnage principal et aux décors53 ».

L’identification à un personnage vidéoludique est encore plus forte puisque cet avatar est le reflet du joueur. Il l’a choisi, adopté et a fini par affectionner ce représentant dans l’univers vidéoludique. « Les relations que [le joueur] établit avec son avatar (et les autres personnages dans certains jeux) sont [alors] aussi des éléments qui mériteraient une analyse narratologique54. »

Dans Hearthstone l’avatar est un héros que le joueur choisit, et « les autres personnages » sont les serviteurs qui sommeillent dans le deck. Ils prennent vie lorsqu’ils sont invoqués sur le plateau.

Avatars : gameplay et esthétique

Les jeux vidéo proposent généralement un choix de nombreux personnages à incarner, […] ayant chacun leurs propres caractéristiques55.

Hearthstone met à la disposition des joueurs onze classes de héros et héroïnes qu’ils peuvent manipuler, principalement inspirés de l’univers de Warcraft. Les avatars de ces classes sont réduits à une icône (fixe ou animée) pour des raisons d’économie, étant donné la taille du terrain au sein des JCC numériques. Ces avatars ne prennent vie qu’à travers les actions du joueur sur le plateau.

Le choix de la classe est déterminant dans le déroulement stratégique et narratif d’une partie, puisqu’il implique des configurations de jeu spécifiques. Deux pistes d’analyses s’offrent à nous pour comprendre l’importance du choix de l’avatar : d’une part, étudier l’impact stratégique du gameplay imposé par une classe donnée et d’autre part, vérifier si l’esthétique de l’avatar, sa place dans le récit enchâssé et ses paroles ont un impact sur les péripéties.

Déterminer sa classe dans Hearthstone revient à opter pour des caractéristiques et pour un gameplay propres à un héros, en tenant compte de ses forces et ses faiblesses. D’ailleurs, dès le tutoriel, le joueur découvre les caractéristiques des classes et commence à en expérimenter les détails. Pour le développeur, « une meilleure compréhension des forces et des faiblesses des différentes classes facilite [l’]adaptation au jeu adverse56 ».

Durant son apprentissage, le joueur découvre les différences entre les styles de gameplays, au-delà des forces et des faiblesses. Il a accès, par exemple, à des indications sur les techniques de manipulation des decks et apprend à transformer un ensemble de cartes en un deck jouable. Il prend alors conscience des modes de jeu les plus adaptés à la classe qu’il a choisi d’incarner.

En plus des choix stratégiques qu’il impose, le choix de l’avatar ajoute aux éléments du décor une esthétique qui repose principalement sur les goûts des joueurs. Les plus expérimentés et/ou ceux familiers avec l’univers narratif enchâssé tendent à choisir des héros en relation avec les évènements des extensions en cours. Cela revient à chercher une cohérence visuelle avec les éléments du décor, mais également à exposer un avatar impressionnant aux adversaires. En revanche, d’autres joueurs affectionnent un avatar en particulier et le jouent en permanence indépendamment de l’avancement des extensions.

Pour ce qui est des échanges entre joueurs, dès le tutoriel, nous avons vu que le héros est doté de parole. Cependant, une fois cette phase passée, le joueur ne peut manipuler les répliques de son avatar qu’à un niveau réduit :

  • Il n’est pas possible déchanger avec l’adversaire sur un chat lors des combats ;
  • Les échanges se limitent à six répliques de base qui diffèrent d’un héros à un autre ;
  • Il est possible de rendre son adversaire muet.

Afin de donner un exemple de l’impact des paramètres décrits jusqu’ici sur les péripéties, prenons la classe mage, présentée comme suit sur le site du développeur :

Les mages maîtrisent les arcanes sur le bout des doigts et utilisent une vaste palette de sorts pour affronter les adversaires les plus agressifs. Leurs options défensives sont limitées : un bon mage prévoit généralement un outil pour chaque situation, mais un grand mage invoque l’outil dont il a besoin au moment opportun57.

Malgré l’aspect « hasardeux » que peut vêtir une partie de JCC, le développeur souligne qu’un « grand » mage est capable de gérer les situations les plus délicates. Le play design est alors explicitement formulé, vendant les mérites d’un « joueur-modèle ». Ainsi, le joueur demeure le pivot des interactions durant une partie où chaque choix contribue à « actualiser un récit tout autant qu’il produit une histoire58 ».

Au niveau de l’aspect visuel, le mage dispose d’une variété de héros alternatifs, chacun portant une esthétique symbolique et différentes répliques. Par exemple, le personnage par défaut du mage est Jaïna, entretenant des relations d’amitié et d’inimitié avec des héros d’autres classes et avec d’autres mages au sein de la diégèse de Warcraft. Le héros que choisit le joueur s’inscrit dans un réseau relationnel complexe, lié à une trame narrative prédéfinie par le fond narratif lié à Warcraft, ou élaboré au fil des extensions de Hearthstone.

Les descriptions des héros placent ces derniers dans une période spécifique, un évènement marquant, un lieu symbolique, ou révèlent des caractéristiques et des traits de personnalités distincts. Khadgar et Khadgar mage runique représentent le même héros, mais la version runique souligne sa concordance avec l’extension « La marche du roi-liche », car tout l’univers de cette extension est lié à un environnement glacial.

Stratégiquement et esthétiquement parlant, l’avatar participe à la génération et à l’actualisation de récits vidéoludiques différents à chaque partie de Hearthstone.

Serviteurs : symbolique et stratégie

Les cartes serviteurs constituent des personnages à part entière en plus du fait que la majorité des actions des joueurs passe par ces cartes-là. Certains serviteurs peuvent même prendre la place du héros, le transformer ou modifier son pouvoir héroïque.

Fig.3 Carte exemplaire dans Hearthstone et ses caractéristiques

Fig.3 Carte exemplaire dans Hearthstone et ses caractéristiques

Ce schéma a été créé par Hafsa Naïm afin d’expliquer la structure d’une carte générique dans le jeu Hearthstone. Les images de cartes de jeu ont également été générées par l’autrice grâce au logiciel HarthCards, développé par MarceLek59. L’image située au centre des cartes a été générée par l’intelligence artificielle Imagine art60.

Crédits : Hafsa Naïm, MarceLek.

Le serviteur est porteur de symboliques et d’histoires et, dans la plupart des cas, est doté de parole. S’il fait partie d’un deck, c’est avant tout dans une visée stratégique. Il joue donc un rôle dans les péripéties des parties de jeu en perspective. Certains serviteurs sont protecteurs et combinent plusieurs caractéristiques pour empêcher l’adversaire d’atteindre le héros incarné par le joueur. D’autres sont agressifs et bénéficient de points de dégâts importants ainsi que de mots clés leur permettant par exemple d’attaquer tout de suite après avoir été invoqués61. Les serviteurs possèdent chacun une identité différente.

Plusieurs éléments de la carte serviteur exercent une influence stratégique au sein du récit vidéoludique.

  • La classe à laquelle appartient la carte limite son utilisation ;
  • son coût en mana la situe dans une chronologie d’actions et limite les possibilités de son usage ;
  • les points de vie et d’attaque font du serviteur une menace pour l’adversaire ou une protection de ce dernier.

Au niveau esthétique, la qualité de la carte ne change que son aspect, sa couleur et son animation, pourtant elle agit sur l’esprit des deux joueurs. Une carte signature, par exemple, provoque un certain sentiment de fierté chez celui qui la joue et l’adversaire est souvent impressionné. Ces paramètres influencent les émotions des joueurs, les faisant réagir différemment à l’invocation d'un serviteur selon sa qualité. Les JCC, au même titre que « la plupart des jeux vidéo[,] touchent nos instincts le[s] plus simples62».

Comme les ornements du plateau, l’illustration du serviteur, son nom et son type sont à la fois inspirés de l’univers de Warcraft et adaptés aux particularités de Hearthstone. Par exemple, Mes’Adune63 est un serviteur de type élémentaire conçu spécialement pour l’extension « Rixes en terres Ingrates ». Son nom renvoie à « dune », car dans l’univers de Warcraft, les élémentaires de terre sont caractéristiques du désert.

Dans Hearthstone, les mots clés apparaissent en gras dans la description des cartes ; ces mots prennent un sens particulier dans le contexte du jeu. Nous les utilisons beaucoup ; la plupart des extensions ajoutent au moins un nouveau mot clé, et les cartes classiques et de base en comportent une myriade. Quelle est l’utilité de ces mots clés ?

1. Mémoriser un mot clé permet d’assimiler une idée complexe, ce qui aide à comprendre plus rapidement les nouvelles cartes.
2. Les mots clés ont du sens. Ils racontent une histoire : des mots comme « découverte », « appel » ou « provocation » donnent vie au jeu.
3. Ils réduisent la longueur des descriptions. Les cartes sont plus lisibles et le texte s’intègre mieux au cadre.
4. Certaines mécaniques de jeu reposent sur les mots clés. C’est ce qui nous permet de créer des cartes comme : « Vos serviteurs avec “provocation” gagnent +2/+2. »64

L’intention de raconter une histoire à travers les mots clés est explicite. À chaque extension, ces derniers génèrent des récits propres à l’univers mis en place. Les deux mots clés de l’extension des « Rixes en terres Ingrates », « bonne pioche » et « déterrer », illustrent bien cela. Le premier se rapporte à la pioche en tant qu’outil, car il est question d’exploitations minières et pétrolières, mais également à la pioche en tant qu’action sur Hearthstone où le hasard définit en quelque sorte le destin de la partie. Piocher un serviteur avec « bonne pioche » et le jouer durant ce même tour permet de bénéficier d’effets bonus. Le deuxième mot clé offre au joueur des cartes de trésors enfouis dans la mine. Plus le mot clé est utilisé au cours de la partie plus le trésor sera important. « Déterrer » est aussi inspiré de l’univers des terres Ingrates. L’illustration et le nom du serviteur accompagnent généralement le mot clé pour donner une cohérence narrative à l’histoire que raconte cette carte.

Pour conclure, l’esthétique et la symbolique des lieux, les enjeux stratégiques de l’espace, la configuration temporelle et les personnages interviennent de manière significative dans la génération et l’actualisation de récits vidéoludiques collaboratifs dans Hearthstone. Pris ensemble, ces éléments forment une trame immersive où les joueurs participent activement à la construction et à l’évolution de ces récits à travers leurs choix stratégiques et esthétiques.

Hearthstone nous a conféré un terrain fertile pour l’étude des particularités narratives dans le cas des JCC numériques, encourageant des études plus détaillées des mécanismes narratifs dans ce même contexte.

Bibliography

Sources

Allain Sébastien, « Métalepses du récit vidéoludique et reviviscence du sentiment de transgression », Sciences du jeu, no 9, 2018, DOI : 10.4000/sdj.909.

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Ludographie

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Wizards of the Coast, Magic: The Gathering Online, Wizards of the Coast, 2002.

Notes

1 Richard Garfield, Magic: The Gathering, Wizards of the Coast, 1993. Afin de faciliter la lecture du texte, nous allons abréger le titre du jeu dans les futures occurrences en Magic. Return to text

2 Samuel Vansyngel, « Du jeu de cartes au jeu vidéo : le tournant numérique de Magic: the Gathering », Sciences du jeu [en ligne], no 20-21, 2023, DOI : https://doi.org/10.4000/sdj.6083. Return to text

3 Blizzard Entertainment, Hearthstone: Heroes of Warcraft, Blizzard Entertainment, 2014. Afin de faciliter la lecture du texte, nous allons abréger le titre du jeu dans les futures occurrences en Hearthstone. Return to text

4 Dire Wolf Digital, The Elder Scrolls: Legends, Bethesda Softworks, 2017. Return to text

5 1939 Games, Kards, 1939 Games, 2019. Return to text

6 En se référant à l’article d’Henry Jenkins intitulé « Game Design as Narrative Architecture » (dans Pat Harrigan et Noah Wardrip-Fruin (dir.), First Person: New Media as Story, Performance, and Game, Cambridge, MIT Press, 2004, p. 118) dans lequel l’auteur considère quatre types de récits dans les jeux vidéo, Dominic Arsenault propose de regrouper ces derniers sous deux catégories simplifiant la compréhension du processus narratif vidéoludique : le récit enchâssé et le récit émergent. Dominic Arsenault, Jeux et enjeux du récit vidéoludique : la narration dans le jeu vidéo, mémoire en études cinématographiques, sous la direction de B. Perron, Université de Montréal, 2006, p. 71. Return to text

7 C’est-à-dire les récits « “déjà écrits” au moment où le joueur entre dans la fiction ». Dominic Arsenault, op. cit., p. 71. Return to text

8 Ibid. Return to text

9 Blizzard Entertainment, Warcraft, Blizzard Entertainment, 1994. Return to text

10 Sébastien Genvo, « Caractériser l’expérience du jeu à son ère numérique : pour une étude du “play design” », Le jeu vidéo : expériences et pratiques sociales multidimensionnelles, Institut National de la Recherche scientifique, 6-7 mai 2008, Québec, URL : https://shs.hal.science/hal-00653194/ [consulté le 09/12/2024]. Return to text

11 Sébastien Genvo, op. cit. Return to text

12 Björn-Olav Dozo et Fanny Barnabé (dir.), « Transposer les grammaires vidéoludiques : une étude rhétorique et quantitative des tutoriels en réalité virtuelle », Sciences du jeu, no 17, 2022, DOI : https://doi.org/10.4000/sdj.4098. Return to text

13 Fanny Barnabé, « Entre règles et narration : étude narratologique des tutoriels de jeu vidéo et des “personnages-guides” », Cahiers de narratologie, no 38, 2021, DOI : https://doi.org/10.4000/narratologie.11676. Return to text

14 Blizzard Entertainment, « Notes de la mise à jour 27.6 », Hearthstone, 17 octobre 2023, URL : https://hearthstone.blizzard.com/fr-fr/news/23989479/notes-de-la-mise-a-jour-27-6 [consulté le 09/12/2024]. Return to text

15 Il est possible de visionner les trois parties du didacticiel à travers la vidéo youtube suivante : Hafsa Naïm, Didacticiel Hearthstone, URL : https://www.youtube.com/watch?v=QZ0FXcmTBrY, [consulté le 07/01/2025]. Return to text

16 Le deck, dans les jeux de cartes à collectionner, représente une sélection de cartes choisies par le joueur dans sa collection, lesquelles sont utilisées au cours d’une partie, conformément aux règles spécifiques du jeu en question. Dans Hearthstone, le deck est généralement composé de trente cartes, bien que certaines puissent augmenter sa taille à quarante cartes. Chaque deck inclut un maximum de deux copies identiques de chaque carte, et d’une seule copie pour les cartes légendaires. À chaque début de tour, les joueurs piochent la carte du dessus du deck. Il existe des cartes qui permettent d’en piocher plus, de piocher dans le deck de son adversaire ou de détruire complètement le deck. Return to text

17 Björn-Olav Dozo et Fanny Barnabé (dir.), op. cit. Return to text

18 Le personnage non-joueur (PNJ) est incrusté dans l’univers de jeu par les créateurs. Il peut avoir différentes fonctions : expliquer, vendre, échanger, etc. Dans ce cas le PNJ est destiné à initier le joueur aux parties de Hearthstone. Return to text

19 Fanny Barnabé, op. cit. Return to text

20 Le « faire-faire » correspond à la phase de manipulation dans le schéma narratif canonique de Greimas et Courtés, tel que mobilisé par Genvo pour expliciter l’approche sémiotique du play design. Cette phase est nécessaire pour doter le sujet (joueur) des « compétences nécessaires à la réalisation de l’objectif » afin de passer à la phase de compétence. Sébastien Genvo, op. cit. Return to text

21 Benoît Delaune, « La métalepse filmique. De la transgression narrative à l’effet comique », Poétique, vol. 2, no 154, 2008, p. 147-160, DOI : 10.3917/poeti.154.0147. Return to text

22 Fanny Barnabé et Nicolas Bourgeois (dir.), « Les topic models au service de l’histoire d’un genre vidéoludique. Vers une représentation non périodique de l’évolution du contenu textuel des jeux de rôle sur ordinateur entre 1992 et 2017 », Histoire & mesure, vol. xxxvi, no 2, 2021, p. 199-234, DOI : 10.4000/histoiremesure.15034. Return to text

23 Ibid. Return to text

24 Le mana dans Hearthstone est représenté sous forme de cristaux, ressource permettant aux joueurs de jouer leurs cartes. Chaque carte a généralement un coût en mana, indiqué en haut à gauche, qui doit être dépensé à travers ces cristaux. Return to text

25 Certaines cartes permettent aux joueurs de changer leur pouvoir héroïque. Return to text

26 Fanny Barnabé, op. cit. Return to text

27 « [G]ames fit within a much older tradition of spatial stories », Henry Jenkins, « Game as a Narrative Architecture », First Person: New Media as Story, Performance, and Game, p. 122, URL : https://web.mit.edu/~21fms/People/henry3/games&narrative.html [consulté le 09/12/2024]. Nous traduisons. Return to text

28 Ibid. Return to text

29 « Environmental storytelling creates the preconditions for an immersive narrative experience in at least one of four ways: spatial stories can evoke pre-existing narrative associations; they can provide a staging ground where narrative events are enacted; they may embed narrative information within their mise-en-scene; or they provide resources for emergent narratives », Henry Jenkins, op. cit., p. 123. Nous traduisons. Return to text

30 Johan Huizinga, Homo Ludens. Essai sur la fonction sociale du jeu, trad. C. Seresia, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1988, p. 32. Return to text

31 Marie-Laure Ryan, « L’expérience de l’espace dans les jeux vidéo et les récits numériques », Cahiers de narratologie, no 27, 2014, DOI : 10.4000/narratologie.6997. Return to text

32 Les quêtes dans Hearthstone amènent souvent le joueur à jouer une classe de héros, un mode de jeu, ou à utiliser une catégorie de cartes qu’il ne joue pas d’habitude. Return to text

33 Nous pensons à la distinction de Yi-Fu Tuan dans Space and Place: The Perspective of Experience, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1977, p. 161. Return to text

34 Nous entendons ici par métarécit, un récit second, enchâssé dans le récit premier. Les extensions de Hearthstone sont des récits seconds, enchâssés dans le récit-cadre lié à Warcraft. Return to text

35 Dans ce contexte, « linéaire » se rapporte au cours des évènements globaux à travers les extensions. Par exemple, l’extension liée aux « Rixes en Terres ingrates » (2023) partage les mêmes protagonistes que l’aventure de « La ligue des explorateurs » (2015). Cependant, les « Rixes en terres Ingrates » se sont passées bien avant la formation de « La ligue des explorateurs ». D’ailleurs, la FAQ présente la question et la réponse suivantes : « Q : Je vois que Reno et Élise sont de la partie, est-ce que toute la Ligue des explorateurs les a rejoints ? R : Non. Cet ensemble se déroule avant la création de la Ligue des explorateurs, au moment où Reno et Élise se rencontrent pour la première fois. Ils s’entendent tellement bien qu’ils décident de former la ligue peu de temps après les évènements de Rixe en terres Ingrates ». « FAQ », Hearthstone, 14/11/2023. URL : https://hearthstone.blizzard.com/fr-fr/expansions-adventures/showdown-in-the-badlands#faq [consulté le 09/12/2024]. Return to text

36 Cf. l’extension « La fête des Légendes », 2023. Return to text

37 Cf. l’extension « Au cœur de la cité engloutie », 2022. Return to text

38 Cf. l’extension « Une nuit à Karazhan », 2016. Return to text

39 Les details liés à l’extension, dont l’aspect du nouveau plateau, sont disponibles sur Blizzard Enternainment, « Découvrez Rixe en terres Ingrates, la nouvelle extension de Hearthstone », 17/10/2023, URL : https://hearthstone.blizzard.com/fr-fr/news/23989480/decouvrez-rixe-en-terres-ingrates-la-nouvelle-extension-de-hearthstone [consulté le 09/12/2024]. Return to text

40 Florence de Chalonge, « 7. Spatialité et configuration narrative », Espace et récit de fiction, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2005, p. 197-219, DOI : 10.4000/books.septentrion.81658. Return to text

41 Jesper Juul, « Introduction to Game Time », dans Pat Harrington et Noah Wardrip-Fruin (dir.), op. cit., p. 131-142, URL : https://www.jesperjuul.net/text/timetoplay/ [consulté le 09/12/2024]. Return to text

42 La problématique de traduction des termes « game » et « play » mène à la distinction du « jeu (game) à quoi jouent les joueurs, du jeu (play) qu’ils jouent lorsqu’ils s’engagent dans l’aventure » ; le game correspond alors au « jeu » et le play à l’action de « jouer ». Jacques Henriot, Le Jeu, Paris, Presses universitaires de France, 1969, p. 27. Return to text

43 « The game time […] can be described as a basic duality of play time (the time the player takes to play) and event time (the time taken in the game world) ». Jesper Juul, op. cit. Nous traduisons. Return to text

44 Jesper Juul, op. cit. Return to text

45 « Most game players also know that a game will come to an end, often within an already fixed time limit. In case they might forget, their computer screen is clogged with watches, clocks, bars and other devices that keep them aware of this ». Jan Simons, « Narrative, Games, and Theory », Game Studies, vol. 7, no 1, 2007, URL : https://gamestudies.org/0701/articles/Simons [consulté le 09/12/2024]. Nous traduisons. Return to text

46 Samuel Vansyngel, op. cit. Return to text

47 Yves Reuter, L’Analyse du récit, Paris, Armand Colin, 2e édition, 2009, p. 21. Return to text

48 Umberto Eco, Lector in fabula, Paris, Grasset, 1985, p. 66. Return to text

49 Henry Jenkins, op. cit. p. 122. Return to text

50 Nintendo, Super Mario Bros, Nintendo Entertainment System, 1985. Return to text

51 Core Design, Tomb Raider, Edios Interactive, 1996. Return to text

52 CD Projekt RED, The Witcher, CD Projekt, 2007. Return to text

53 Marc Marti, « Jeux vidéo et logiques narratives », dans Hovig Ter Minassian, Samuel Rufat et Samuel Coavoux (dir.), Espaces et temps des jeux vidéo, Paris, éditions Questions théoriques, 2012, p. 90. Return to text

54 Ibid. Return to text

55 Nicolas Besombes, Antoine Lech et Luc Collard (dir.), « Corps et motricité dans la pratique du jeu vidéo », Corps, no 14, p. 54, DOI : 10.3917/corp1.014.0049. Return to text

56 Blizzard Entertainment, « Point de vue des développeurs : identité des classes, Panthéon et nouvelles cartes », Hearthstone, 24/06/2019, URL : https://hearthstone.blizzard.com/fr-fr/news/23014810 [consulté le 09/12/2024]. Return to text

57 Ibid. Return to text

58 Sébastien Allain, « Métalepses du récit vidéoludique et reviviscence du sentiment de transgression », Sciences du jeu, no 9, 2018, DOI : 10.4000/sdj.909. Return to text

59 MarceLek, HarthCards. Custom Cards Maker, 2014, URL : https://www.hearthcards.net/ [consulté le 16/01/2025]. Return to text

60 Vyro AI, Imagine art, 2022, URL : https://www.imagine.art/ [consulté le 16/01/2025]. Return to text

61 Les serviteurs ont besoin, pour la plupart, d’attendre un tour avant de pouvoir être mobilisés pour attaquer l’adversaire. Return to text

62 Bernard Perron, « Jeu vidéo et émotions », dans Sébastien Genvo (dir.), Le Game design de jeux vidéo. Approches de l’expression vidéoludique, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 347. Return to text

63 Heathstone Decks, « Mes’Adune, la fracture », URL https://www.hearthstone-decks.com/carte/voir/mesadune-la-fracture [consulté le 09/12/2024]. Return to text

64 Peter Whallen, « Message des devs : modification d’Accès de rage », Hearthstone, 20 mars 2018, URL : https://hearthstone.blizzard.com/fr-fr/ news/21614307 [consulté le 09/12/2024]. Return to text

Illustrations

  • Fig. 1 Event time Sim City

    Fig. 1 Event time Sim City

    Crédits : Jesper Juul
    Source : Jesper Juul, op. cit.

  • Fig. 2 Schéma des temporalités dans une partie de Hearthstone

    Fig. 2 Schéma des temporalités dans une partie de Hearthstone

    Crédits : Hafsa Naïm

  • Fig.3 Carte exemplaire dans Hearthstone et ses caractéristiques

    Fig.3 Carte exemplaire dans Hearthstone et ses caractéristiques

    Ce schéma a été créé par Hafsa Naïm afin d’expliquer la structure d’une carte générique dans le jeu Hearthstone. Les images de cartes de jeu ont également été générées par l’autrice grâce au logiciel HarthCards, développé par MarceLek59. L’image située au centre des cartes a été générée par l’intelligence artificielle Imagine art60.

    Crédits : Hafsa Naïm, MarceLek.

References

Electronic reference

Hafsa Naïm, « Carte jouée, récit tissé », Nouveaux cahiers de Marge [Online], 9 | 2025, Online since 29 janvier 2025, connection on 01 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/marge/index.php?id=995

Author

Hafsa Naïm

Université Hassan II
 

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CC BY-NC-SA