Ekphrasis et lieux architecturaux dans Frankenstein (1818)

  • Ekphrasis and Architectural Places in Frankenstein (1818)

DOI : 10.35562/rma.1450

Abstracts

À défaut de véritables ekphraseis architecturales, Frankenstein (1818) présente plusieurs lieux architecturaux, en particulier les villes, les « cottages » et les églises et châteaux. Il s’agit d’abord de les identifier, grâce à History of a Six Weeks’ Tour (1817) notamment, afin de déterminer si ces allusions transesthétiques sont fictives ou réelles. Il s’agit ensuite de montrer que Mary Shelley redynamise le genre gothique, en allant au‑delà du pittoresque et du sublime. En isolant quelques motifs « architecturaux », l’auteure structure sa narration et développe le symbolisme de son œuvre, dont il est possible de déceler plusieurs niveaux de lecture. Il en ressort une œuvre particulièrement bien pensée, construite et architecturée.

Instead of full architectural ekphrases, Frankenstein (1818) shows several “architectural places”, namely cities, cottages, and churches and castles. This paper tries to identify them, especially thanks to History of a Six Weeks’ Tour (1817), first to see whether those transaesthetic allusions are fictional or real. The analysis shows that Mary Shelley regenerates the Gothic tradition, by transcending the picturesque and the sublime. Indeed, through the selection of a few “architectural” motifs, the author structures her narrative and develops the symbolism of her novel, while several layers of meaning can be found. This results in a well-thought and tightly structured work.

Outline

Text

L’une des caractéristiques de Frankenstein (1818) est d’être relativement court, même dans sa version de 1831, car le roman de Mary Shelley présente finalement peu d’ekphraseis et de descriptions de personnages en comparaison avec ceux de Ann Radcliffe, par exemple. Pourtant, Frankenstein est aussi connu pour sa réécriture du Cauchemar (1781, 1791 et 1793 pour les versions principales) de Henri Füssli (Joseph 109), ce qui montre l’intérêt de l’auteure pour les arts. L’étude de l’architecture, l’un des deux principaux champs esthétiques du roman, avec la peinture, montrera qu’il n’y a pas d’ekphraseis purement architecturales dans Frankenstein, mais plutôt une présentation de « lieux architecturaux », premièrement les villes, deuxièmement les cottages et troisièmement les églises et châteaux. Il s’agira notamment de voir si ces allusions « transesthétiques » (Genette 435‑445) sont véritables ou fictives, et si elles s’inscrivent dans la tradition gothique ou bien la modernisent. Deux traits de l’écriture shelleyenne se dégagent en fait, d’abord une orientation pittoresque de l’architecture, les paysages étant nettement plus prépondérants dans le roman que l’architecture proprement dite, puis la primauté de la fonction symbolique, narrative et structurale sur l’esthétique.

Les villes britanniques de Londres, Oxford et Édimbourg

Le choix de « décrire » ou plutôt d’évoquer l’Angleterre, l’Écosse et l’Irlande, lors du voyage de Victor et Clerval, peut être dû à ce que Mary Shelley souhaitait parler de ce qu’elle connaissait le mieux, au besoin d’angliciser la diégèse pour davantage impliquer le lecteur anglophone, ou encore à la volonté de suivre l’Autre, puisque ce voyage est finalement l’inverse du Grand Tour entrepris par les Britanniques aisés d’alors. Cela structure et diversifie en outre le récit, et peut‑être y a-t‑il également une envie de rompre avec l’exotisme continental de la tradition gothique.

Londres se résume toutefois à ses clochers, la cathédrale St‑Paul, dessinée par Christopher Wren dans un style baroque à la fin du xviie siècle, et la tour de Londres, château royal édifié par Guillaume le Conquérant au xie : « At length we saw the numerous steeples of London, St. Paul’s towering above all, and the Tower famed in English history. » (III, i, 116) Cela fait un peu carte postale et l’on ne sait finalement rien de l’architecture. Peut‑être s’agit‑il d’une pique à l’encontre des touristes ne faisant finalement que passer, tout comme Victor, dont on a du mal à imaginer qu’il songe à autre chose que son expérience et ses conséquences. L’évocation de Londres a toutefois une fonction narrative ou structurale, celle de faire écho aux « flèches » plus pastorales de la Suisse, tandis que le château royal au bord de la Tamise rappelle les ruines du Rhin, même si Mary Shelley privilégie celles se situant en bord de précipices (voir ci‑dessous). Finalement, la « fuite » de Victor est vaine, puisque, malgré l’urbanisation du décor, celui‑ci reste un peu le même, tandis que la tragédie de la création d’un être vivant, puis de la mort d’un être cher, va se répéter. On ne trouve pas ici la dichotomie que fera Percy Bysshe Shelley entre les sombres « ravins cimmériens des cités modernes » et la ville de Pompéi ouverte aux influences de la nature (Letters 2, 72), même s’il y a aussi un contraste entre le paradis perdu de l’enfance et l’enfer dans lequel Victor s’engouffre. À la lecture du Journal de Mary Shelley, on se rend compte que l’adjectif « numerous » n’est pas gage de qualité, puisqu’il renvoie à la surpopulation que sa belle‑sœur Claire Clairmont condamne en Suisse et que Mary elle‑même critique dans la vallée du Rhin (voir également plus bas). Le verbe « tower » employé pour la cathédrale anglicane peut également évoquer la tour de Babel dont elle parle à propos des Alpes. Toutefois, la dimension pittoresque de l’apparition de la ville, vue de loin par les voyageurs, n’est pas à négliger.

L’insistance sur « l’histoire anglaise » souligne en outre la dimension temporelle, plutôt que spatiale, de Londres, alors moins propice à l’ekphrasis architecturale, mais peut‑être y a‑t‑il aussi de l’ironie dans le participe « famed », étant donné que la tour de Londres est célèbre pour avoir servi de prison aux xvie et xviie siècles. Il y a donc également une dimension politique dans le choix des lieux visités. Dans « The Political Geography of Horror », Fred V. Randel fait ainsi le lien entre chacun d’entre eux et l’histoire révolutionnaire du siècle précédent : « Victor reenacts the French Enlightenment’s indebtedness to English science and politics, especially Voltaire’s stay in England from 1726 to 1728 [… and] Rousseau’s tormented visit to England from 1766 to 1767. » (476)

La dimension temporelle de la ville britannique est encore plus flagrante à Oxford :

The memory of that unfortunate king [Charles I], and his companions, the amiable Falkland, the insolent Goring1, his queen, and son, gave a peculiar interest to every part of the city, which they might be supposed to have inhabited. The spirit of elder days found a dwelling here, and we delighted to trace its footsteps. (III, ii, 118)

Le lecteur ne saura pas où, exactement, les « pas » conduisent les voyageurs, seule l’université étant mentionnée :

The colleges are ancient and picturesque; the streets are almost magnificent; and the lovely Isis, which flows beside it through meadows of exquisite verdure, is spread forth into a placid expanse of waters, which reflects its majestic assemblage of towers, and spires, and domes, embosomed among aged trees.
I enjoyed this scene; and yet my enjoyment was embittered both by the memory of the past, and the anticipation of the future. (Ibid.)

Tout comme ceux de Londres, « les tours, les flèches et les dômes » sont si génériques qu’ils auraient tout aussi bien pu servir à décrire, par exemple, la Venise des Mysteries of Udolpho (« […] its palaces seemed to sink in the distant waves, while its loftier towers and domes […] », II, iii, Radcliffe 184), de Zofloya (« the towers and domes of stately Venice rising proudly from the Adriatic, encircled round by its green arms », III, xxx, Dacre 236) ou encore de A Classical Tour to Italy (« rising from the waters with its numberless domes and towers, […] spires and pinnacles », Eustace 1, 66). C’est aussi en ces termes que Thomas Jefferson Hogg décrit Oxford dans sa biographie de P. B. Shelley : « The summits of towers, and spires, and domes appeared afar, […] and we saw the tall trees that shaded the colleges. » (Hogg 43) Ceci suggère autant une réécriture de Frankenstein qu’un fragment de langages sociaux (pour reprendre l’expression de Barthes) très en vogue à l’époque. En effet, les « dômes » ne sont pas si nombreux que ces deux témoignages le laissent penser, puisque, mis à part quelques tours-lanternes arrondies (Tom Tower, 1682, Sheldonian Theatre, 1668, par le même architecte que St. Paul, Christopher Wren), seule Radcliffe Camera (1749) est coiffée d’un dôme. Les flèches y sont bien plus nombreuses et, pourrait‑on ajouter, les pinacles ornant les tours, mais dont ni Mary, ni Hogg ne parlent.

Le pittoresque importe davantage que l’architecture, et il en est de même de la tombe de John Hampden, « le révolutionnaire idéal de Frankenstein », ainsi que de William Godwin et de Percy Bysshe (Randel 479) :

We visited the tomb of the illustrious Hampden, and the field on which the patriot fell. For a moment my soul was elevated from its debasing and miserable fears to contemplate the divine ideas of liberty and self‑sacrifice, of which these sights were the monuments and the remembrancers. (III, ii, 119)

Victor ne fait pas référence au monument de Chalgrove, à une quinzaine de kilomètres d’Oxford, puisqu’il ne fut érigé qu’en 1843, mais à la tombe de Hampden supposée se trouver à St. Mary Magdalene (reconstruite au xve siècle) de Great Hampden, à 45 kilomètres environ, et que Mary visita en compagnie de son père le 20 octobre 1817, après un premier passage en juillet (Journal 83, 85). Ce qui caractérise l’église est sa tour crénelée, alors qu’il est généralement question de flèches dans Frankenstein. On y trouve encore, fixée sur un mur du chœur, la sculpture en marbre blanc d’un « sarcophage » ou autel inscrit (1743, Henry Cheer), aux coins duquel sont assis deux putti sans ailes, l’un, avec la main sur le cœur, tenant un bâton coiffé du « chapeau de la liberté » (Lipscomb 285‑286), l’autre, reposant la tête sur sa main, avec un parchemin de la Magna Carta. Au‑dessus, sculpté en relief, un grand médaillon du même marbre, mais également décoré de rouge, représente la bataille de Chalgrove, où l’on voit Hampden tomber de cheval, ainsi qu’une église avec flèche et non une tour crénelée. Est également sculpté un chêne, sur les branches duquel se trouvent les armoiries des Hampden et de leurs alliés. Mary Shelley ne décrit toutefois pas le monument, une plus grande importance étant accordée au champ de bataille et, surtout, aux pensées de Victor, ce qui, tout en incorporant un sous‑texte politique, la révolte de parlementaires contre la monarchie absolue, montre bien la fonction narrative de ces lieux architecturaux : ils ne parviennent jamais vraiment à extirper Victor de ses sombres pensées. La parodie de récits de voyage, toujours un peu décevant, ne fait qu’en souligner la futilité. Ainsi, l’âme de Victor ne s’élève qu’un court « instant », sa joie reste « amère » et, plus étonnant encore, les rues sont « presque magnifiques » seulement. Ce voyage est un échec, et l’on en vient même à douter de la valeur que portent certains mots de l’« ekphrasis », comme « placid » et « assemblage ». En même temps, si les faits passés peuvent servir d’avertissement à Victor, ainsi que le remarque également Randel à Oxford (« He finds in the king’s environment a mirror of his own mood of anxious waiting for an inevitable catastrophe. Instead of drawing practical lessons for himself […] », 477), il y a de la part de Mary Shelley comme un aveu de supériorité nationale, du fait la richesse de son histoire, tandis que la Suisse natale de Victor est simplement évoquée en des termes pittoresques.

Edinbourg n’échappe pas, non plus, au catalogue touristique de ses principaux monuments, mais avec une touche du « connoisseur », lorsqu’il s’agit d’urbanisme :

I visited Edinburgh with languid eyes and mind; and yet that city might have interested the most unfortunate being. Clerval did not like it so well as Oxford; for the antiquity of the latter city was more pleasing to him. But the beauty and regularity of the new town of Edinburgh, its romantic castle, and its environs, the most delightful in the world, Arthur’s Seat, St. Bernard’s Well, and the Pentland Hills, compensated him for the change, and filled him with cheerfulness and admiration. But I was impatient to arrive at the termination of my journey. (III, ii, 120)

« But I was impatient to arrive at the termination of my narrative », aurait pu dire Mary Shelley, qui se concentre davantage sur les événements tragiques frappant Victor, ces brèves descriptions étant toutes enchaînées au sein d’un même chapitre. Après tout, l’auteure venait de publier un récit de voyage et avait peut‑être envie de passer à autre chose.

C’est au xviiie siècle que la « nouvelle ville » fût édifiée, avec des alignements de bâtiments de même hauteur, cette « régularité » contrastant avec le château « romantique » et plus proche de la nature. D’emblée, il est évident que Mary Shelley s’adresse à des lecteurs avertis, même s’il est possible d’apprécier le contraste simplement à travers les deux termes employés. Alors que cette régularité est ce à quoi Percy Bysshe pouvait songer en parlant de « ravins cimmériens des villes modernes », dont la « nouvelle ville » peut servir d’exemple, il n’y a pas de jugement de valeur ici, cette ville étant « belle ». Certes, Clerval n’est pas aussi enchanté qu’à Oxford, mais c’est Victor qui parle, et si son récit n’a pas d’ambition périégétique, son absence d’implication émotionnelle montre à nouveau la futilité d’un tel « tour ». La dimension temporelle de la ville apparaît à nouveau dans son « antiquité » relative et les strates composées par le château romantique et la nouvelle ville.

St. Bernard’s Well, source découverte en 1760 et située à Stockbridge, aux abords de la nouvelle ville, est tout particulièrement intéressante. Pour l’abriter, Alexander Nasmyth dessina en 1788 une rotonde à dix colonnes de style dorique, que John Wilson construisit. Modelée sur le temple de Vesta à Tivoli, elle abrite en fait aujourd’hui une statue d’Hygée (1884) de David Watson Stevenson, en remplacement de l’original de 1791, dont il s’est peut‑être inspiré, mais dont les gravures d’époque ne laissent voir tout au plus qu’une attitude légèrement différente. La nouvelle tient une coupe médicinale, tandis qu’un serpent s’enroule autour de la colonne qui soutient la statue pour venir s’abreuver à l’urne au‑dessus. Les plis de la draperie d’Hygée, son chiton transparent, ses cheveux séparés sur le front et son diadème sont typiquement helléniques, mais peut‑être ses traits sont‑ils plus britanniques. La mosaïque du plafond, elle, ne date que de 1887 (Canmore 2001). Il s’agit là de la seule statue du roman avec les sculptures des autres lieux architecturaux2, et encore, elle n’est même pas mentionnée et n’apparaitra donc qu’à un lecteur averti. Est‑ce cependant un hasard que Victor se rende au temple d’une déesse de la médecine ? Le serpent, certes moins maléfique chez les anciens, ne pourrait‑il pas constituer une métaphore des conséquences de la vie que Frankenstein donne à sa créature ?

Cette parodie des récits touristiques, où Mary Shelley substitue la déception à l’enjolivement, a pour principale fonction de décrire l’état psychologique dans lequel se trouve Victor. Elle fait aussi appel à un lecteur averti qui saura compléter le récit et sa diégèse, l’auteure ayant plus à cœur de développer des événements tragiques déterminants et les thèmes de son roman. L’idée d’écho et de contraste, qui le structurent, émergent aussi de ces brèves descriptions, les « dômes » et « flèches » d’Oxford, par exemple, rappelant ceux des Alpes.

Cottages

Il est parfois question de grottes (cavernes de glace du mont Blanc, grotte de Rutland à Matlock) et de « cellules » (celle de Justine et celles de Victor) dans Frankenstein, mais plus pertinent encore pour cette étude est le « cottage », véritable topos gothique. Il est d’abord question d’une misérable hutte, dont le seul élément intérieur décrit est « un feu » : « a small hut, on a rising ground, which had doubtless been built for the convenience of some shepherd » (II, iii, 78). Sa situation « élevée » est typiquement gothique, puisqu’on la retrouve dans The Mysteries of Udolpho (« situated on a green slope, sheltered by a tuft of oaks », IV, xi, Radcliffe 592), Zofloya (« the mountain at the foot of which it humbly rose. It was embosomed by trees, and surrounded by a garden », I, xii, Dacre 95) ou encore Zastrozzi (« at the foot of a small eminence […] and on the opposite side was a forest », III, P. B. Shelley, Zastrozzi and St. Irvyne 16‑17). Cette élévation lui confère une dimension pittoresque, tandis que le feu de cheminée évoque le (ré‑)confort. Pourtant, le monstre la décrit comme un Pandémonium terrestre : « […] as exquisite and divine a retreat as Pandaemonium appeared to the daemons of hell after their sufferings in the lake of fire. » Cette allusion à Paradise Lost, que la créature a lu et commente (II, vii, 94‑96), et l’élément du feu font bien sûr d’elle un ange déchu. C’est ironique, puisque le Pandémonium est aussi un lieu d’exil loin d’être idyllique. La comparaison devient en effet hyperbolique lorsque le monstre constate : « Satan had his companions, fellow-devils, to admire and encourage him; but I am solitary and deserted. » (96) La hutte vide, où brûle seulement le feu et qui tente de s’élever aux cieux, est ici une métonymie de cet ange déchu.

C’est un « Paradis » qu’il trouve ensuite, bien qu’il compare d’abord son « taudis » (« hovel ») ou sa « niche » (« kennel ») aux « palais » qu’il vient de voir et desquels il a été chassé :

[…] the huts, the neater cottages, and stately houses, engaged my admiration by turns. The vegetables in the gardens, the milk and cheese I saw placed at the windows of some of the cottages, allured my appetite. […] a low hovel, quite bare, and making a wretched appearance after the palaces I had beheld in the village. This hovel, however, joined a cottage of a neat and pleasant appearance. […] My place of refuge was constructed of wood, but so low, that I could with difficulty sit upright in it. No wood, however, was placed on the earth, which formed the floor […]. It was situated against the back of the cottage, and surrounded on the sides which were exposed by a pig‑stye and a clear pool of water. One part was open, and that I had crept in […]. The floor was a little raised, so that it was kept perfectly dry, and by its vicinity to the chimney of the cottage it was tolerably warm. (II, iii, 79)

La « propreté » (« neatness ») est le motif par excellence du cottage gothique. Il en est question dans The Mysteries of Udolpho (« an appearance of comfort and extreme neatness », IV, xi, Radcliffe 592), The Monk (« It was a small but neat building », I, iii, Lewis 88), St. Leon (« the neat appearance and pleasing situation of a cottage », II, ix, Godwin 102), Zastrozzi (« Her little cottage was kept extremely neat », III, 17) ou encore le journal de Claire Clairmont (« The Cottages & people ([as] if by magic) became almost instantaneously clean & hospitable », 19 août 1814, 27). Le confort est néanmoins tout relatif : alors qu’il décrit son taudis comme un « asile agréable » (« agreeable asylum »), le cottage attenant est « misérable » (II, vi, 93), dès lors qu’il s’agit de raconter l’histoire des De Lacey et leur propre chute. L’insistance sur cette propreté ou le caractère bien ordonné d’une habitation pauvre suscite en outre l’étonnement, puis le réconfort, ceux des personnages, mais aussi des lecteurs issus de classes plus aisées. Enfin, l’abondance du potager ou de fleurs montre qu’un retour romantique à la nature pastorale est viable, ou plus exactement fantasmé, puisqu’il est souvent de courte durée, comme dans St. Leon, dont Mary Shelley est ici verbalement la plus proche. La dépendance jouxtant la porcherie et la mare aux canards est cependant une innovation par rapport à la tradition gothique — les détails du mur chauffé par la cheminée et du sol élevé et sec peuvent trahir l’expérience. Cela contribue à déshumaniser la créature et à montrer comment l’environnement affecte les gens, là encore une idée reprise de Godwin. Il lui fallait en outre trouver un moyen pour que la créature fasse l’expérience de la vie domestique des De Lacey:

On examining my dwelling, I found that one of the windows of the cottage had formerly occupied a part of it, but the panes had been filled up with wood. In one of these was a small and almost imperceptible chink, through which the eye could just penetrate. Through this crevice, a small room was visible, white-washed and clean, but very bare of furniture. In a corner, near a small fire, sat an old man, leaning his head on his hands in a disconsolate attitude. (II, iii, 80)

L’« attitude » du vieil homme, « stationné », pour reprendre l’idée de John Keats (525), au sein d’un décor domestique dépouillé, suggère d’abord une peinture, et en effet, Mary Shelley file ici la métaphore cauchemardesque à la Füssli du voyeur « pénétrant » l’intimité domestique. Les fentes rappellent aussi la pauvreté, mais la propreté du cottage, soulignée par ses murs blanchis à la chaux, place aussi les De Lacey à part. Les fentes des planches ont enfin une nécessité dramatique, car c’est grâce à elles que la créature va pouvoir apprendre.

La régénération du motif se voit aussi dans la hutte des Orcades :

On the whole island there were but three miserable huts, and one of these was vacant when I arrived. This I hired. It contained but two rooms, and these exhibited all the squalidness of the most miserable penury. The thatch had fallen in, the walls were unplastered, and the door was off its hinges. I ordered it to be repaired, bought some furniture, and took possession. […] Its hills [of Switzerland] are covered with vines, and its cottages are scattered thickly in the plains. Its fair lakes reflect a blue and gentle sky […]. (III, ii, 121)

La situation reculée des Orcades permet à l’incroyable de se produire, à l’image de l’exotisme continental et même parfois oriental de la littérature gothique. Du point de vue de la structure du roman, la hutte isolée fait écho à la chambre à l’étage de la maison d’Ingolstadt, d’écrite comme une cellule (« cell »), où le monstre observe également Victor tandis que la lune jaune brille par la fenêtre. Elle rappelle aussi la première hutte du monstre en Allemagne et s’oppose au cottage des De Lacey (« unplastered », par opposition à « white-washed »), mais le contraste est plus explicite encore avec les nombreux cottages émaillant la riche campagne Suisse, ainsi que le remarquait Claire Clairmont le 25 août 1814 :

This would be a most delightful residence if it were not for the amazing populousness of the country. The Mountains are covered with cottages—It is impossible to find a wild & entire solitude. In other countries the Mountains however beautiful are generally deserted—but this being a republic & the people multiplying exceedingly no spot is deserted for no spot in this fertile country is barren except the very tops of the mountains. (30)

C’est à cette surpopulation qu’elle attribue le retour du ménage en Angleterre, mais les raisons sont surtout financières. L’avis de Mary Shelley est, en outre, moins tranché, d’abord dans sa description des alentours du lac de Lucerne de History of a Six Weeks’ Tour (1817), où elle privilégie le pittoresque : « In every part where a glade shews itself in the forest it appears cultivated, and cottages peep from among the woods. » (47) Cette description se retrouve d’ailleurs presque mot pour mot dans son roman : « and cottages every here and there peeping forth from among the trees » (II, i, 70). Puis, lorsqu’elle compare dans son Journal les collines rhénanes avec les Alpes suisses, elle fait en sorte de bien distinguer montagnes sauvages et vallées urbanisées : « […] as in Switzerland the cottages did not pierce into their very recesses, but left something to fancy and solitude. » (4 septembre 1814, 13) L’idée est donc que la présence de cottages est idyllique à condition qu’ils n’envahissent pas les montagnes, mais le point de vue plus nuancé de Mary Shelley relativise aussi le sentiment que les touristes peuvent avoir en Suisse, en les confrontant à la réalité d’une terre plus austère, comme les Orcades. En fait, le contraste de Frankenstein évoque davantage encore celui opposant les cottages en ruine de France à ceux de la Suisse dans A Six Weeks’ Tour : « we found the cottages roofless, the rafters black, and the walls dilapidated » ; « The Swiss cottages are much cleaner and neater, and the inhabitants exhibit the same contrast » (20, 40). Cela explique la nostalgie de Victor, mais souligne également sa chute, tout en suggérant peut‑être à nouveau un sous texte politique, la « plus grande pénurie » pouvant être liée au régime politique. Que Victor fasse réparer la hutte rajoute, en outre, moins la dimension du confort qu’une dimension autoritaire rappelant la notion de classes (« I ordered »), mais peut‑être est‑ce l’impression d’un lecteur moderne.

Il est également question du cottage d’une vieille dame (« the cottage of an old woman near », III, iv, 129), qui apparaît comme un passage obligé, puisqu’il en est déjà question dans The Mysteries of Udolpho (Theresa), Zofloya (Nina) et Zastrozzi (Claudine), bien que Mary Shelley choisisse de ne pas la nommer. Outre le clin d’œil à la tradition, l’âge de la résidente et la situation du cottage sur la côte irlandaise en font un ermitage vénérable quelque peu souillé par le meurtre de Clerval, à l’image des hameaux côtiers de Sibérie (« wretched hamlet on the sea‑shore »), où c’est cette fois le monstre qui fait fuir les habitants : « putting to flight the inhabitants of a solitary cottage » (vii, 152). Que ce dernier épisode reproduise ce qui s’était passé en Allemagne montre qu’il n’y a aucun espoir pour le monstre, condamné à effrayer les hommes et les femmes. La conjonction de la pauvreté et de l’isolement géographique est un terreau fertile pour l’essor de la superstition, si bien que ces derniers cottages donnent une nouvelle illustration du déterminisme.

Des églises et châteaux pittoresques aux « palais de la nature »

Comme les « clochers » (« steeples ») de Londres et les « flèches » (« spires ») d’Oxford l’ont montré, les églises et châteaux de Frankenstein ont une dimension plus pittoresque qu’architecturale. Mary Shelley n’avait en fait qu’à puiser dans ses souvenirs de voyages et History of a Six Weeks’ Tour.

La présence d’une horloge sur le clocher d’Ingolstadt (« its white steeple and clock », I, iv, 43), alors qu’aucune n’est mentionnée en Suisse, suggèrerait d’abord que Mary Shelley décrive l’église St‑Moritz (Moritzkirche, 1234), dont les tours sont également plus « blanches » que les autres édifices religieux de la ville bavaroise. Toutefois, si elle a pu en lire une description3, il y en avait également sur les églises suisses et savoyardes, et c’est d’ailleurs la blancheur de ces dernières qui ressort des courtes descriptions de Victor (« At length the high white steeple of the town met my eyes », ii, 34) : « In the midst of the plain rises a little isolated hill, on which the white spire of a church peeps from among the tufted chestnut woods », écrit Percy Bysshe près de Saint-Gingolph, alors qu’il navigue seul avec Byron, dans sa lettre du 12 juillet 1816 à Thomas Love Peacock, publiée dans A Six Weeks’ Tour (« Letter III », 125). Cela donne du réalisme au passage, tout en soulignant la pureté du paysage, avec lequel les Orcades vont contraster.

Il est difficile de reconnaître aujourd’hui l’église Notre Dame de l’Assomption d’Évian-les-Bains (xiiie siècle) dans la description de Victor, car même depuis la rive, elle n’est plus entourée d’arbres, et le clocher du xiie siècle, moins blanc, se termine en tour-lanterne : « The spire of Evian shone under the woods that surrounded it, and the range of mountain above mountain by which it was overhung. » (III, v, 143) Cette description ne fait que reprendre implicitement le motif de la blancheur étincellante, à travers le verbe « shine », exactement comme le faisait Percy Bysshe dans sa lettre publiée dans A Six Weeks’ Tour : « As we approached Evian, the mountains descended more precipitously to the lake, and masses of intermingled wood and rock overhung its shining spire. » (114) Peut‑être les Shelley décrivent‑ils en fait l’église de Neuvecelle (xiie siècle), plus éloignée de la rive, au clocher pointu, anciennement chapelle de château et entourée d’arbres sur les vieilles cartes postales. Cette blancheur immaculée, malgré le meurtre de Clerval survenu entretemps, cet ordre même qui se substitue dans le roman à l’enchevêtrement plus sauvage de la lettre de Percy Bysshe, apparaissent comme le calme avant la tempête, le meurtre d’Elizabeth dans cette même ville. Les différents niveaux des montagnes, de la forêt, de l’église et, dans A Six Weeks’ Tour, du lac, renvoient également à la variété requise par le pittoresque, notamment chez Radcliffe (III, vi, 411).

Enfin, « I eagerly traced the windings of the land, and hailed a steeple which I at length saw issuing from behind a small promontory » (III, iii, 127) a une dimension plus narrative, Victor accostant ici l’Irlande. Fred Randel (483), toujours dans son hypothèse d’allégorie révolutionnaire, suggère que ce soit ou bien en Ulster ou bien à Killala dans le comté de Mayo, où les forces françaises débarquèrent en 1798. On constate que le motif de la blancheur prélapsarienne n’est pas repris. La cathédrale St‑Patrick (1760s) de Killala est sombre, mais il s’agit probablement d’une coïncidence.

Les châteaux en ruine apparaissent le plus souvent au sommet d’une éminence et rappellent ceux vus en 1814 dans la vallée du Rhin en Allemagne, puis en 1816 dans les Alpes. La chronologie est inversée dans Frankenstein, étant donné la nationalité de Victor, même si les Shelley étaient déjà passés par la Suisse avant leur descente du Rhin et en avaient vu un premier château à flanc de falaise à Provins (M. et P. B. Shelley 18) :

Ruined castles hanging on the precipices of piny mountains; the impetuous Arve, and cottages every here and there peeping forth from among the trees, formed a scene of singular beauty. But it was augmented and rendered sublime by the mighty Alps, whose white and shining pyramids and domes towered above all, as belonging to another earth, the habitations of another race of beings.
We passed the bridge of Pelissier […]. But we saw no more ruined castles and fertile fields. […] Mont Blanc, the supreme and magnificent Mont Blanc, raised itself from the surrounding aiguilles, and its tremendous dome overlooked the valley. (M. Shelley, Frankenstein II, i, 70‑71)

The course of the Rhine below Mayence becomes much more picturesque. […] We saw many ruined castles standing on the edges of precipices, surrounded by black woods, high and inaccessible. This part of the Rhine, indeed, presents a singularly variegated landscape. In one spot you view rugged hills, ruined castles overlooking tremendous precipices, with the dark Rhine rushing beneath […]. “The mountains of Switzerland [says Henry] are more majestic and strange; but there is a charm in the banks of this divine river, that I never saw equalled. Look at that castle which overhangs yon precipice; and that also on the island, almost concealed amongst the foliage of those lovely trees […] and that village half‑hid in the recess of the mountain. Oh, surely, the spirit that inhabits and guards this place has a soul more in harmony with man, than those who pile the glacier, or retire to the inaccessible peaks of the mountains of our own country.” (III, i, 114‑116)

Mary Shelley s’appuie cette fois sur sa propre expérience. Il est d’abord question d’un château en ruine entre Breisach et Strasbourg vu le 30 août 1814, jour de son anniversaire : « A ruined tower, with its desolated windows, stood on the summit of another hill that jutted into the river » (M. et P. B. Shelley 62) ; « We passed a ruined castle on the top of a black Hill. The ruins suited the scene » (Clairmont 34) ; mais comme Victor ne reprend pas les images du coucher de soleil et du reflet dans l’onde que Mary et Claire utilisent ensuite, et qu’il désigne plutôt la partie du Rhin « en dessous de Mayence » (Mainz), sa description renvoie davantage à la « vingtaine » de châteaux — Mary parle de « the castled Rhine » dans sa préface à A Six Weeks’ Tour (v) —vus le 4 septembre entre cette ville et Braubach et dont il nous reste trois témoignages :

The part of the Rhine down which we now glided, is that so beautifully described by Lord Byron in his third canto of Childe Harold. We read these verses with delight, as they conjured before us these lovely scenes with the truth and vividness of painting [… We] saw on either side of us hills covered with vines and trees, craggy cliffs crowned by desolate towers, and wooded islands, where picturesque ruins peeped from behind the foliage, and cast the shadows of their forms on the troubled waters, which distorted without deforming them. (M. et P. B. Shelley 68‑69)

We leave Mayence at 6 o’clock […]. The banks of the Rhine are very fine—rocks and mountains, crowned with lonely castles; but, alas! at their feet are only still towns for ever; yet did the hills half compensate […]. (M. Shelley, Journal 13)

Ruined Castles are here very numerous & many most romanticly [sic] situated Ruins have a fine effect & henceforth I shall hardly think any scene compl[ete] without them—I think we passed no less than twenty Castles & about 5 towns […] We dined at Bingen—Near which is a very strong Castle built in the middle of the Rhine—One Castle was built on the very top of a high & rocky Mountain—Sleep at Braubach. (Clairmont 36)

Byron décrit en fait des ruines plus au nord, entre Koblenz (Ehrenbreistein, strophe 58) et Bonn, à Köningswinter (Burg Drachenfels, 1138‑1167, strophe 55 : 1, haute tour crénelée). D’ailleurs, la lecture du poème ne semble pas vraiment avoir contaminé ces témoignages plus factuels, même si Mary reprend l’anthropomorphisme figé du verbe « crown » (« And scatter’d cities crowning these », lv, 1, 7, Byron 210). La strophe 61, plus générique, en est plus proche, avec ses « précipices » et ses « forêts », mais cela renvoie à nouveau davantage aux paysages :

The rolling stream, the precipice’s gloom,
The forest’s growth, the Gothic walls between,
The wild rocks shaped as they had turrets been,
In mockery of man’s art […]. (3‑6, Byron 211‑212)

Pour en finir avec Byron, Claire fait bien référence à la « forteresse » d’Ehrenbreistein (vers 1000), détruite en 1801 et dont la reconstruction ne débuta qu’en 1815, mais un jour plus tard, le 5 septembre, alors que les Shelley se trouvent à Koblenz :

Stay half an hour at Coblentz—opposite which is a very commanding & rugged rock—The Ruins of a fortress stand upon its top—Napoleon […] destroy[ed] that which […] had hitherto been considered as impregnable. We saw many ruined Castles today but none so fine as those of yesterday. Dine at Trier […]. (37)

Il n’y a toujours pas d’écho verbal, et l’on peut imaginer que le dernier avis de Claire fut partagé par Mary. Les châteaux de Frankenstein seraient donc ceux qui se situent entre Mainz et Braubach4.

Les deux exemples donnés par Clerval font ainsi écho aux deux châteaux décrits par Claire. Le château insulaire de Bingen dont ils parlent, comme celui évoqué par Mary dans A Six Weeks’ Tour, doit être Binger Mäuseturm (968), la « Tour des Souris », où se réfugie l’archevêque Hatto dans « God’s Judgment on a Wicked Bishop » (1799, vers 43‑50) de Robert Southey. Reconstruit comme tour de guet en 1855, suite à sa destruction en 1689, l’aspect immaculé actuel n’a plus grand‑chose à voir avec l’austère haute tour carrée sans créneaux et flanquée d’une tour plus fine représentée par les gravures d’époque (Tour des souris, eau‑forte, aquatinte, colorée, Johann Isaac von Gerning, 1820, pub. R. Ackermann). Ce sont sa hauteur, sa forme carrée et sa situation au milieu du Rhin qui suggèrent sa « puissance », mais « château » est peut‑être un peu fort comme terme. Les gravures ne le montrent dissimulé derrière le feuillage des arbres que si l’on remonte le Rhin ou bien si l’on se retourne une fois l’avoir passé. Il s’agit là du principal motif, avec l’insularité, utilisé par Mary dans A Six Weeks’ Tour (« picturesque ruins peeped from behind the foliage ») et dans Frankenstein (« almost concealed amongst the foliage of those lovely trees »). C’est la variété pittoresque de châteaux qui se trouve tantôt sur une île boisée, tantôt sur une éminence, qui justifie ce choix. Or, s’il y a une aura de mystère dans des verbes comme « concealed » ou de reflet spéculaire dans « peeped from », le motif de l’édifice à moitié dissimulé dans le feuillage n’est pas spécifique à la vallée du Rhin.

L’autre château de Bingen situé « tout en haut de la montagne escarpée » ne semble pas être Burg Klopp (fin du xiiie siècle), complètement en ruine depuis 1715. Dans les gravures du milieu du siècle (William Clarkson Stanfield, Traveling Sketches, 1833), on ne voyait encore que les murs des tours et de l’enceinte descendant vers la ville, même si la restauration débuta en 1815. De l’autre côté du Rhin, le château de Ehrenfels (1212), s’il ne se situe qu’à flanc de montagne, correspond davantage à l’idée de ruines « au bord d’un précipice » et menaçant de s’écrouler dont parle à plusieurs reprises Victor. Une gravure de 1826 (Ruines d’Ehrenfels, eau‑forte, V. Roux) montre en effet le mur de la façade à quatre fenêtres, depuis en partie effondrée, surplomber un précipice, tandis qu’un ou deux (selon les gravures) donjons cylindriques s’élèvent par derrière. Des trois ruines, c’est la plus impressionnante, certains artistes représentant des corbeaux tournoyant autour des sommets couverts de végétation des deux tours. Toutefois, juste avant Braubach, où les Shelley passèrent la nuit, se dresse un autre château encore, cette fois véritablement en haut d’une montagne, Marksburg (xiie siècle, reconstruit au xve), mais qui n’était quant à lui pas en ruine, alors que c’est ce sur quoi Mary Shelley insiste. On pourrait en fait citer d’autres ruines au sommet d’éminences ou en bord de précipices pour Frankenstein. Car si l’on peut parler de véritables allusions transesthétiques, à défaut d’ekphraseis élaborées, le geste de Clerval n’a pas vocation à suivre la chronologie des faits et se veut sans doute plus synthétique. Clerval joue néanmoins ici le rôle émerveillé de Clairmont — voilà donc l’origine du patronyme d’Henry —, tandis que la plus grande fascination de Victor pour les châteaux dominant un précipice fait peut‑être écho à celle de Mary. Ce qui est certain, c’est que ces châteaux servent à caractériser les personnages : lorsque Clerval s’identifie davantage à l’« humanisme » ou à l’« humanité » de l’esprit du Rhin (« the spirit that inhabits and guards this place has a soul more in harmony with man ») qu’aux géants des Alpes (« the habitations of another race of beings »), on comprend pourquoi Victor lui laisse ici la parole, lui qui n’est pas en harmonie avec sa propre espèce.

Le roman ayant été écrit entre 1816 et 1818, ces ruines ont en outre pu être contaminées, voire même « écrasées », par l’expérience plus récente des Alpes. Le dernier château entouré de pins et de champs fertiles, avant la limite du pont Pélissier mentionné par Victor, renvoie ainsi au château de Saint-Michel-du-Lac (xiiie siècle) (re‑)vu le 26 juillet 1816 : « The hills of the Vale of Servoz are covered with pines, intermixed by cultivated lawns. On one mountain that stands in the middle there are the ruins of a castle. » (M. Shelley, Journal 54) Percy Bysshe est plus précis dans sa quatrième lettre publiée dans A Six Weeks’ Tour couvrant le périple du 22 au 28 juillet : « We repassed Pont Pellisier, a wooden bridge over the Arve, […] the pine forests which overhang the defile, the chateau of St. Michel, a haunted ruin, built on the edge of a precipice, and shadowed over by the eternal forest. » (168‑169) Le château est en effet situé sur un coteau ou « mollard » au milieu de la vallée, au bord de l’Arve, mais c’est finalement de la description hyperbolique de Percy Bysshe que Victor est le plus proche, d’abord lorsqu’il situe le château en haut d’un « précipice » et ensuite lorsqu’il reprend l’expression « on the edge[s] of precipice[s] » pour parler des châteaux du Rhin, ce qui « écrase » en effet les expressions « craggy cliffs crowned by desolate towers », « rocks and mountains, crowned with lonely castles » et « built on the very top of a high & rocky Mountain » de Mary et Claire, et en particulier le tic « crowned ». Cependant, de même qu’aucune référence n’est faite à la légende entourant la Tour des Souris à Bingen, Mary Shelley n’exploite pas la hantise de Saint-Michel-du-Lac, ni ne décrit vraiment son plan rectangulaire, sa pierre noire et ses herbes folles (Hugo 8‑9).

Le pont Pélissier traversant l’Arve au sud de Servoz (route de la Plaine-Saint-Jean) est mentionné plus tôt, le 22 juillet dans son Journal :

From Cerveaux we continued on a mountainous and rocky path, and passed an Alpine bridge over the Arve. This is one of the loveliest scenes in the world. The white and foamy river broke proudly through the rocks that opposed its progress; immense pines covered the bases of the mountains that closed around it […]. (52)

On retrouve ici l’impétuosité de la rivière notée par Victor. Le pont en bois (les piliers eux sont en pierre) emprunté par les Shelley sera en effet emportée par l’Arve un an plus tard, ce qui souligne le danger du passage, mais à cette idée, Victor préfère celle de limite entre monde sauvage et monde civilisé, limite que l’on retrouve, mais à un moindre degré, avec la ville de Mayence lors de la descente du Rhin.

Comme les termes « scene » et « picturesque » le suggèrent, ces ekphraseis renvoient davantage à la peinture et au pittoresque qu’à l’architecture. Les cottages suisses, toujours aussi nombreux, et le château allemand désigné par Clerval jouent le même rôle que les clochers des églises transparaissant à travers le feuillage et la frondaison des arbres, le verbe spéculaire « peeping from » employé pour les trois types d’édifices replaçant au passage l’observateur au centre du tableau. Les châteaux en ruine semblent à la fois enracinés et sur le point de vaciller sur leurs « précipices » (« hanging on », « standing on the edges », « overlooking precipices »), ce qui crée l’effroi nécessaire au sublime, mais ils ne sont qu’un élément du décor varié (« variegated ») pittoresque. Ils peuvent ainsi être transférés d’un tableau à l’autre ou d’un pays à l’autre, comme le montre le transfert de la blancheur des églises suisses à celle d’Ingolstadt, et du château en « bord » de précipice de Servoz aux ruines du Rhin.

Frankenstein est en partie structurés par ces différents échos de lieux, mais à vrai dire, c’était déjà le cas dans A Six Weeks’ Tour : « During our voyage », écrit Percy Bysshe le 12 juillet 1816 entre Yvoire et Évian-les-Bains, « on the distant height of a hill, covered with pine-forests, we saw a ruined castle, which reminded me of those on the Rhine » (116‑117). Il y a de nombreux châteaux autour du lac, Shelley mentionnant notamment ceux d’Yvoire, Chillon et Clarens, mais comme celui‑ci se situe sur une lointaine colline boisée, il doit s’agir des ruines d’Allinges (xe siècle), à 8 km du rivage et 712 mètres d’altitude. Shelley étant myope, il a pu enjoliver ce qu’il a vu. Il s’agit en fait de deux châteaux, dits « Vieux » et « Neuf », réunis au xiiie siècle, mais en ruine depuis 1705. Du vieux château, il reste un donjon quadrangulaire avec quelques créneaux, ce qui a pu en effet rappeler les ruines d’Ehrenfels ou plus encore celles de Drachenfels décrites par Byron ; et du neuf, une tour carrée ainsi qu’une chapelle avec une curieuse tour ou abside semi-circulaire. Dans les gravures du xixe siècle, on voit en effet des pins et de la végétation sur les tours. Il y a donc aussi dans la réutilisation des mêmes motifs par Victor une reproduction de la perception du touriste qui compare constamment afin d’avoir des points de repères lorsqu’il est confronté à l’inconnu. Cela peut trahir une certaine appréhension de la part du personnage ou la difficulté de s’ouvrir à l’Autre, occulté par les précipices que Victor porte en lui depuis toujours.

Au‑delà de la dimension pittoresque et autobiographique, les châteaux en ruine jouent un rôle dans la narration : leur disparition, ainsi que celle des champs fertiles, une fois passé le fragile pont Pélisier, crée un nouveau sentiment d’insécurité, tandis que Victor s’aventure dans une « terre » autre, bien que plus proche de ses aspirations que de celles, plus terre à terre ou « humaines », de Clerval. Du point de vue du sublime, le mont Blanc et les « aiguilles » qui l’entourent transcendent ces châteaux solitaires et hantés. Qu’il ne soit question du Rhin qu’après des Alpes renforce la futilité du voyage occidental de Victor, tout paraissant plus petit : une fois entré dans le monde des géants, il ne peut plus faire marche arrière.

Les métaphores architecturales font clairement le lien entre les deux types de structures, humaines et naturelles, notamment les métaphores figées des « flèches » (« spires ») utilisées par Percy Bysshe pour les pins près des Rousses (« other darting their dark spires into the sunny sky, brillantly clear and azure », lettre I du 17 mai, M. et P. B. Shelley 90‑91), et de « pinacles » pour les montagnes et les glaciers :

Pinnacles of snow intolerably bright, part of the chain connected with Mont Blanc, shone through the clouds at intervals on high. […] the glacier de Boisson […] overhanging the green meadows and the dark woods with the dazzling whiteness of its precipices and pinnacles, which are like spires of radiant crystal, covered with a net-work of frosted silver. […] No one dares to approach it; for the enormous pinnacles of ice which perpetually fall, are perpetually reproduced. […] The summits are sharp and naked pinnacles, whose overhanging steepness will not even permit snow to rest upon them. (Lettre IV, 151‑165)

En fait, seul le terme « spire » est également utilisé par Mary Shelley pour l’architecture, c’est-à-dire les églises, ce qui donne au passage une dimension sacrée au glacier : les ekphraseis de paysages sont ainsi plus architecturales que les descriptions de châteaux. Le lien est également établi par le verbe « overhang » et le précipice, et donc l’idée de danger.

La pyramide permet d’aller plus loin encore, puisqu’elle dépasse les flèches et les pinacles. Le début de la lettre IV de A Six Weeks’ Tour est cette fois repris du journal de Mary :

The pines descend to the banks [of the Arve at Cluses], imitating with their irregular spires, the pyramidal crags which lift themselves far above the regions of forest into the deep azure of the sky, and among the white dazzling clouds. (21 juillet, 144)

Elle reprend ici la métaphore des flèches pour les pins, en leur ajoutant l’irrégularité propre au pittoresque et au sublime, le ciel azur digne d’une peinture et la blancheur éblouissante, même si les nuages se substituent au glacier — il arrive en effet que la comparaison soit faite dans A Six Weeks’ Tour (44), et c’est d’ailleurs à nouveau de glaciers qu’il est question dans Frankenstein. Mais elle stratifie davantage les éléments du décor que ne le fait son époux, avec ici trois à quatre niveaux, et de même que le mouvement descendant, puis ascendant de son ekphrasis crée le vertige, la comparaison des flèches végétales aux pyramides minérales projette le voyageur plus loin encore dans le temps et l’espace, comme si les flèches étaient les ombres platoniciennes d’un idéal transcendant. C’est aussi ce qui se passe dans Frankenstein : « […] the mighty Alps, whose white and shining pyramids and domes towered above all, as belonging to another earth, the habitations of another race of beings. » Lorsqu’il est plus précisément question de stalagmites (« conical and pyramidical [sic, “pyramidal” dans l’original] crystalizations, more than fifty feet in height, rise from its surface », lettre IV, 155), ainsi que l’explique Mary dans son journal (« on a near approach the ice seems to have taken the forms of pyramids and stalagmites », 52), c’est l’obélisque que les Shelley ont à l’esprit. Ils transcendent ainsi le topos du château gothique, en lui substituant une montagne ancestrale habitée et façonnée par les Titans et les Géants, où règne Ahriman, le principe destructeur du zoroastrisme :

Do you [Peacock], who assert the supremacy of Ahriman, imagine him throned among these desolating snows, among these palaces of death and frost, sculptured in this their terrible magnificence by the adamantine hand of necessity, and that he casts around him as the first essays of his final usurpation, avalanches, torrents, rocks, and thunders, and above all these deadly glaciers, at once the proofs and the symbols of his reign […]. (Lettre IV, 162)

La périégèse laisse place au mythe (et au « symbole » politique), ce qui convient parfaitement à Frankenstein, où il est à la fois question de création et de destruction. Dans le Journal de Mary, l’élévation des verbes « shot » et « lift » ci‑dessus lui inspire plutôt le mythe de la tour de Babel, qu’elle a forcément à l’esprit lorsqu’elle utilise le verbe « tower » dans son roman :

[…] the summits of the highest were hid in clouds, but they sometimes peeped out into the blue sky, higher one would think than the safety of God would permit, since it is well known that the Tower of Babel did not nearly equal them in immensity. (51)

On retrouve au passage le verbe « peep » faisant le lien avec l’architecture, et n’est‑ce pas non plus cette hybris que l’on retrouve dans Frankenstein ?

Les « palais » dont parle Percy Bysshe ici, ainsi que dans une lettre à Byron datée du 22 juillet (« I wish the wonders and graces of these “Palaces of Nature” would induce you to visit them », Letters 1, 495), mais aussi Victor (« the snowy mountains, “the palaces of nature”, were not changed », I, vi, 55), sont également intertextuels, puisque les Shelley font à nouveau référence au troisième chant de Childe Harold, où l’on trouve également les métaphores des pinacles et du trône de l’entité divine (mais sous forme verbale) :

The palaces of Nature, whose vast walls
Have pinnacled in clouds their snowy scalps,
And throned Eternity in icy halls
Of cold sublimity, where forms and falls
The avalanche—the thunderbolt of snow! (III, 
lxii, 2‑6, Byron 212)

Ces sommets plus blancs que la blancheur des nuages qu’ils transpercent et cette idée de formation et de déformation sont des idées que l’on retrouve également chez les Shelley.

Mais l’on pourrait tout aussi bien citer The Lady of the Lake (1810) de Walter Scott, qui semble avoir inspiré à Percy Bysshe « the snowy pyramids which shot into the bright blue sky seemed to overhang our path » dans la lettre IV (155), ainsi que l’architecture de « Mont Blanc » (1817), qui conclut A Six Weeks’ Tour, notamment l’énumération et l’expression « many a » de « […] dome, pyramid, and pinnacle, / A city of death, distinct with many a tower / And wall impregnable of beaming ice » (104‑106) :

Round many a rocky pyramid,
Shooting abruptly from the dell
Its thunder-splintered pinnacle;
Round many an insulated mass,
The native bulwarks of the pass,
Huge as the tower which builders vain
Presumptuous piled on Shinar’s plain.
The rocky summits, split and rent,
Formed turret, dome, or battlement, […]. (I, 
xi, 8‑16, Scott 14)

La tour de Babel est en outre également déjà là.

La littérature entre en compétition avec l’expérience, puisqu’il faut bien mettre des mots sur ce que l’on voit. Le « dôme terrible » (« tremendous dome »), dont les italiques indiquent qu’il s’agit moins d’une métaphore que du terme français, bien que Victor vienne de parler de « dômes et pyramides blanches et étincelantes », évoque le poème « Mont Blanc », mais la vision de Mary semble ici moins sépulcrale. La longue ekphrasis des Alpes et du mont Blanc symbolise néanmoins le destin de Victor, à travers la neige et la glace s’accumulant sur les montagnes, et le flot impétueux de l’Arve. Les châteaux menacent de s’effondrer à tout moment sur les voyageurs en contrebas ou même de s’engouffrer dans l’abîme, mais plus terrible encore est le mouvement imperceptible et inéluctable du glacier. Dans cette première moitié du xixe siècle, les châteaux hantés ne font plus vraiment peur, d’où l’absence de référence à la hantise de Saint‑Michel ; les récits de voyage dévoilent des lieux autrement plus effrayants pouvant faire vaciller la raison ou, comme les Shelley aiment à le dire dans A Six Weeks’ Tour, l’imagination (« stagger the imagination », 44).

C’est aussi Elizabeth qui décrit le mont Blanc, depuis le lac de Genève et Évian-les-Bains, s’improvisant à la fois guide et critique d’art : « “[…] Observe how fast we move along, and how the clouds which sometimes obscure, and sometimes rise above the dome of Mont Blanc, render this scene of beauty still more interesting […].” » (III, v, 142) Bien sûr, elle fait indirectement référence aux tribulations qui rendent la vie plus « intéressante », toute proportion gardée, et à l’acheminement rapide vers la fin de son existence et du roman, mais son discours est également esthétique puisque la variété est l’une des règles du pittoresque. C’est en effet le calme que recherchent les personnages, avant la tempête que Victor sent plus ou moins poindre : « The Alps here come closer to the lake, and we approached the amphitheatre of mountains which forms its eastern boundary. » (143) L’« amphithéâtre des montagnes », véritable cliché de la littérature gothique que l’on trouve par exemple dans The Mysteries of Udolpho (« Beyond the amphitheatre of mountains », II, v, Radcliffe 224) et déjà dans A Six Weeks’ Tour (« before us arose an amphitheatre of hills covered with vines, but irregular and rocky », 31‑32), fait quelque peu écho à la description que donne Percy Bysshe de la vallée de Servoz dans sa quatrième lettre, où il est également question de limites : « Mont Blanc forms one of the sides of this vale also, and the other is inclosed by an irregular amphitheatre of enormous mountains, one of which is in ruins […]. » (169). Au‑delà du pittoresque, il y a l’idée d’un piège qui se resserre autour des personnages, comme les Alpes « inhumaines », celles du monstre dans sa caverne de glace et du mont Blanc que le « dôme » rend quelque peu anthropomorphe, autour de l’église d’Évian-les-Bains, symbolisant l’Éden domestique.

En dépit donc de la brièveté des descriptions architecturales, ironiquement plus développées lorsqu’il s’agit de métaphores pour les Alpes, qui ont droit à de véritables ekphraseis, les lieux « architecturaux », à défaut d’architecture, jouent un rôle important dans Frankenstein. Les divers emprunts à A Six Weeks’ Tour, et notamment aux lettres de Percy Bysshe, trahissent d’abord le plaisir de revivre des expériences passées, et l’envie de donner du réalisme à la diégèse, qui s’éloigne alors de la fiction pour se rapprocher du récit de voyage. Ils donnent aussi à voir comment le texte et l’intertexte se constituent, notamment à travers le transfert d’expressions ou la réorganisation de descriptions. Les lieux architecturaux structurent également le roman, car une caractéristique de l’écriture de Mary Shelley est l’écho et le contraste. Cela permet, d’une part, de contraster la jeunesse de Victor et sa chute, et, d’autre part, de montrer qu’il ne peut échapper à son destin, aux précipices qu’il porte en lui, à l’image du monstre qui l’observe. Les lieux architecturaux ont une dimension symbolique, lorsqu’ils représentent, comme par métonymie, les personnages et leur destin, et narrative, lorsqu’une limite est franchie dans le décor, notamment entre l’humain et la nature. Le plaisir découle aussi de l’esthétisme gothique s’illustrant dans le pittoresque et le sublime, mais finalement, il semble secondaire, derrière la fonction structurante des lieux architecturaux, qui, au‑delà du simple contraste entre cottage idyllique et château cauchemardesque, modernise le genre gothique.

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Sterrenburg, Lee. « Mary Shelley’s Monster: Politics and Psyche in Frankenstein », dans George Levine et U. C. Knoepflmacher (éds), The Endurance of Frankenstein. Berkeley : University of California Press, 1979, p. 143‑171.

Notes

1 Orthographié « Gower » dans l’édition de 1818 et ici corrigé par les éditeurs. M. Shelley aurait pourtant pu utiliser le château Goring, construit à la fin du xviiie siècle par le grand père de P. B. Shelley, comme outil mnémotechnique. Selon Randel (477) l’évocation romantique d’Oxford et du camp royaliste trahit l’ambiguïté politique de Victor. Return to text

2 Même dans la métaphore architecturale de la gloire employée par Walton dans sa première lettre, la niche est vide de toute statue : « I imagined that I also might obtain a niche in the temple where the names of Homer and Shakespeare are consecrated. » (I, 16) Return to text

3 Pas chez Augustin Barruel en tout cas, bien que Lee Sterrenburg (155‑157) ait trouvé dans son Histoire du jacobinisme (1797) l’inspiration de Mary Shelley pour la ville. L’abbé, qui qualifie de « monstre » le jacobinisme, prétend que la Révolution française a été orchestrée depuis Ingolstadt par une société secrète, les Illuminati, fondée par un professeur d’université. Fred V. Randel (466‑469) développe la dimension révolutionnaire du monstre de Frankenstein et donc de la ville. Return to text

4 La note 33 de M. Stoking précisant que l’entrée du 4 septembre et Childe Harold décrivent la même partie du Rhin n’est donc pas tout à fait exacte. Il est également curieux que, le 4 septembre, Claire dise avoir dormi deux fois, à Braubach et à Rhens, éloignées de quelques kilomètres seulement, ce qui suggèrerait deux journées différentes, bien que l’entrée soit insérée entre celles du 3 et du 5. Return to text

References

Electronic reference

Fabien Desset, « Ekphrasis et lieux architecturaux dans Frankenstein (1818) », Représentations dans le monde anglophone [Online], 19 | 2018, Online since 15 décembre 2018, connection on 18 octobre 2025. URL : https://publications-prairial.fr/representations/index.php?id=1450

Author

Fabien Desset

Fabien Desset est maître de conférences à l’université de Limoges. Sa thèse portait sur la réécriture transtextuelle de mythes dans l’œuvre de Percy Bysshe Shelley, notamment dans Prometheus Unbound (1820). Son dernier article traitant du sujet a été publié dans Brill’s Companion to the Reception of Aeschylus (2017). Il travaille actuellement sur l’ekphrasis et l’art dans l’œuvre des Shelley, ce qui a déjà donné lieu à plusieurs articles, notamment « Winckelmann’s Contribution to P. B. Shelley’s Philosophy of Art » (2015), « Le Fragment shelleyen : fatalité ou esthétique ? » (2014), « Shelley’s Uneasiness about Colour in his Poetry and Ekphrasis » (2013) et « La jouissance dans l’horreur : Shelley face à la Méduse » (2011). Il travaille au sein de l’Équipe d’accueil Espaces humains et interactions interculturelles (EHIC) et de la Société d’étude du romantisme anglais (SERA). Il a également édité Transparence romantique (Limoges : PULIM, 2014).

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