Comment (se) représenter l’émotion : l’influence du roman sensible anglais sur Frankenstein

  • Picturing Emotion: The Influence of the Novel of Feeling on Frankenstein

DOI : 10.35562/rma.1470

Abstracts

Même s’il finit toujours par déborder les catégories génériques, Frankenstein est souvent présenté soit comme un roman gothique, un conte philosophique, ou bien encore comme l’ancêtre du roman de science‑fiction. Le but de cet article est de montrer ce que Frankenstein doit également au roman sensible du xviiie siècle dont Mary Shelley fut à certains égards une lectrice passionnée.
Il s’agira de montrer à quel point l’esthétique du roman sensible innerve la représentation du corps, de l’émotion et du désir masculin dans Frankenstein, mais aussi la relation problématique que ce roman entretient avec la finalité morale que le roman sensible se propose d’atteindre. Une telle mise en perspective de représentations romanesques qui se suivent dans le temps de la littérature permettra, finalement, d’appréhender le glissement de la représentation du héros sensible vers un héros qui sera désormais romantique.

Even if it ultimately brims over generic categories, Frankenstein is often presented as a Gothic novel, a philosophical tale or even as the first science‑fiction novel. This article aims at tracing the influence of the eighteenth-century novel of sensibility—which Mary Shelley read passionately—on Frankenstein.
I will show how representations of the body, emotions, and masculine desire are innervated with the aesthetic codes developed in the novel of sensibility in
Frankenstein, but also how complex the relation this novel has with the moral purpose lying at the core of the novel of sensibility actually is. Putting consecutive literary aesthetics into perspective will eventually be a way to grasp the literary moment when the hero of sensibility becomes a hero who will from now on be called Romantic.

Text

Dans la préface qu’il donne au Frankenstein de 1818, Percy Shelley insiste sur la finalité édifiante que le roman se propose d’atteindre : « […] my chief concern […] has been limited to the avoiding the enervating effects of the novels of the present day, and to the exhibition of the amiableness of domestic affection, and the excellence of universal virtue. » (7)1 Opposé aux romans en vogue à l’époque coupables d’avoir un effet délétère sur le lecteur (on pense aux romans gothiques auxquels il emprunte quelques traits), Frankenstein se présente comme un roman à rebours de son temps. La finalité édifiante que ce roman se propose d’atteindre semble plutôt le placer dans la lignée du roman sensible qui a fleuri pendant la deuxième moitié du dix‑huitième siècle anglais.

Le roman sensible est pourtant tombé en désuétude au moment où Frankenstein est publié : son esthétique jugée exagérée commence à être ridiculisée dès les années 1780. Si les poètes romantiques de la première génération ne rompent pas totalement avec les paradigmes de l’esthétique sensible, les poètes romantiques de la deuxième génération rejettent quant à eux la finalité morale de l’expérience de lecture proposée par une telle esthétique (Todd 136, 141). Le recours à un lexique dont les connotations morales sont très fortes dès la préface d’un roman produit par une jeune femme côtoyant quotidiennement Percy Shelley et Lord Byron pose alors décidément question.

On peut tout d’abord tracer l’influence du roman sensible sur Frankenstein sur un plan formel. Le roman s’ouvre et se clôt sur les lettres que le Capitaine Walton envoie à sa sœur, Margaret Saville, restée en Angleterre. L’échange de lettres, en raison de son caractère très intime, est un procédé littéraire de choix dans le roman sensible, comme ceci est par exemple le cas chez Samuel Richardson. Le fait que la destinataire des lettres soit absente de la diégèse confère par ailleurs un caractère fragmentaire au texte qui rappelle ce roman-pilier du roman sensible qu’est The Man of Feeling de Henry Mackenzie publié en 1771. Le choix du nom du Capitaine Walton n’est sans doute pas anodin : il peut très bien être un clin d’œil à la Miss Walton dont le héros de The Man of Feeling est éperdument amoureux. Ce choix place donc le personnage du Capitaine et avec lui le cadre même du roman — ses lettres sont envoyées à sa sœur, désormais Mrs Saville, mais anciennement Miss Walton — du côté du roman sensible.

Le journal de lecture de Mary Shelley ne porte pas trace d’une lecture de The Man of Feeling, mais on peut avancer qu’en raison de la grande popularité dont ce roman a joui, la jeune femme l’a effectivement lu. William Godwin l’avait en tout cas lu : son Fleetwood; or, The New Man of Feeling publié en 1805 est une référence directe au roman de Henry Mackenzie. Il se présente plus précisément comme une critique de l’abandon aux émotions qui était dépeint sur un mode plus ambigu dans The Man of Feeling. On peut donc imaginer qu’en lisant au moins le roman de son père, la question de l’économie émotionnelle de l’individu et de sa représentation s’est posée très tôt pour Mary Shelley. On sait en tout cas que Mary Shelley a lu Clarissa de Samuel Richardson en anglais en 1816 puis en italien en 1819. Le retour à ce roman monumental pendant une période de grande détresse émotionnelle — elle venait de perdre son fils William de la malaria — montre à quel point Mary Shelley y était attachée (Sunstein 126, 170)2.

Le roman sensible s’emploie essentiellement à représenter le pathos. Le corps devient plus précisément le médium privilégié de l’expression de l’émotion pathétique qui est avant tout bordée par une volonté de codification de ses manifestations. La représentation de l’émotion proposée dans Frankenstein s’inspire de l’esthétique déployée au sein du roman sensible car elle fait une large place aux situations pathétiques ainsi qu’à une représentation très codifiée du corps en souffrance.

La frontière entre un corps souffrant nécessairement irradié d’émotion et un corps érotisé est ténue dans le roman sensible. Il s’agira également de voir en quoi Frankenstein est redevable au roman sensible, et en particulier à Clarissa, dans sa représentation du désir. Avec la question du désir, c’est finalement la question de l’intentionnalité de l’émotion qui se fait jour. En mettant cette question au centre de Frankenstein, Mary Shelley pose les jalons d’une représentation nouvelle — romantique — de l’émotion.

Héritier du théâtre, le roman sensible du xviiie siècle s’articule autour d’une représentation esthétisante du corps pris dans l’émotion (Marshall 38). Les corps des personnages qui sont l’objet d’émotions intenses dans Frankenstein sont représentés dans des postures à la fois convenues et figées au sein de scènes qui s’apparentent à ce que Stephen Bending et Stephen Bygrave, dans leur introduction à The Man of Feeling, nomment des « tableaux » et qui ont pour fonction l’édification morale du lecteur de l’époque (ix). On peut par exemple songer aux scènes d’affection domestique auxquelles le Monstre assiste lorsqu’il épie la famille De Lacey :

It was a lovely sight, even to me, poor wretch! who had never beheld aught beautiful before. The silver hair and benevolent countenance of the aged cottager, won my reverence; while the gentle manners of the girl enticed my love. He played a sweet mournful air, which I perceived drew tears from the eyes of his amiable companion, of which the old man took no notice, until she sobbed audibly; he then pronounced a few sounds, and the fair creature, leaving her work, knelt at his feet. He raised her, and smiled with such kindness and affection, that I felt sensations of a peculiar and over-powering nature […]. (112‑113)

Outre le raffinement des manières d’Agatha, c’est surtout l’expression du visage de Monsieur De Lacey qui émeut le Monstre. Or, la description du visage ému joue un rôle prédominant dans les scènes sensibles. Ainsi que le rappelle Anne Coudreuse : « le visage est perçu comme un symptôme organique et non plus comme une expression subjective […]. L’expression appartient désormais au domaine des belles lettres, de l’opéra ou de la peinture » (206). L’esthétisation du visage ému culmine dans Frankenstein avec l’arrivée de Safie au sein de la famille De Lacey :

Felix seemed ravished with delight when he saw her, every trait of sorrow vanished from his face, and it instantly expressed a degree of extatic [sic] joy, of which I could hardly have believed it capable; his eyes sparkled, and his cheek flushed with pleasure; and at that moment I thought him as beautiful as the stranger. She appeared affected by different feelings; wiping a few tears from her lovely eyes, she held out her hand to Felix, who kissed it rapturously, and called her, as well as I could distinguish, his sweet Arabian. She did not appear to understand him, but smiled. He assisted her to dismount, and, dismissing her guide, conducted her into the cottage. Some conversation took place between him and his father; and the young stranger knelt at the old man’s feet, and would have kissed his hand, but he raised her, and embraced her affectionately. (122)

Cette scène de retrouvailles, elle‑même récurrente au sein des romans sensibles, reprend l’un des motifs de prédilection des tableaux sentimentaux qui est l’importance du regard comme voie d’accès privilégiée à la vie intime de l’individu ; Felix et Safie n’ont pas besoin de parler la même langue pour saisir l’intimité de l’autre ; un échange de regards suffit. Les larmes qui coulent des yeux de Safie peuvent également être considérées comme une déclinaison de l’expression de cette importance accordée au regard (Mullan 75). Le baisemain échangé entre Felix et Safie, quant à lui, pose les corps des amants dans des postures convenues en atténuant la question de la passion érotique qui pourrait unir les deux jeunes gens. Le motif de la génuflexion au parent, signe de respect et d’une affection profonde, est quant à lui hérité du théâtre du dix‑huitième siècle et participe, à ce titre, d’une même logique d’esthétisation du corps ému (Coudreuse 214‑215). Il a déjà été utilisé quelques pages plus tôt lorsque Agatha, le visage baigné de larmes en réaction à l’air de musique à la fois doux et mélancolique que son père vient de jouer, s’agenouille devant lui, et sera répété lorsque le Monstre éploré suppliera Monsieur De Lacey d’écouter son récit. Le recours au tableau sensible est même poussé à l’extrême dans Frankenstein puisqu’il peut se matérialiser en un véritable tableau : le spectacle de la mère de Victor, agenouillée, en larmes, devant la dépouille de son père, sera en effet peint à la demande d’Alphonse Frankenstein et accroché au‑dessus de l’âtre familial pour y devenir, selon les mots de Victor, un symbole de beauté et de dignité (73).

Le spectacle du corps en souffrance est également un ressort clé du roman sensible. Ce spectacle est un ressort esthétique central car il est censé provoquer une réaction émotionnelle et morale forte chez le lecteur3. Frankenstein contient plusieurs exemples de scènes de souffrance imposées à des personnages que l’on pourrait assimiler à des héros sensibles. Sans doute inspirée par l’héroïne vertueuse du Marquis de Sade, Justine est un modèle de dévouement à la famille Frankenstein et en particulier au petit William dont elle est la gardienne. Le Monstre fait quant à lui preuve d’un raffinement émotionnel digne de celui d’un homme sensible4. Les premières larmes qu’il verse en réponse au spectacle pathétique de l’affection qui unit Agatha et son père dans leur situation douloureuse sont en effet décrites comme « un mélange de douleur et de plaisir » (122). Elles s’inscrivent dans la droite ligne de ce que Jean-Jacques Rousseau dit de l’expérience du spectacle de la souffrance dans Émile ou de l’éducation :

Si le premier spectacle qui frappe [Émile] est un objet de tristesse, le premier retour sur lui‑même est un sentiment de plaisir. En voyant de combien de maux il est exempt, il se sent plus heureux qu’il ne pensait l’être. Il partage les peines de ses semblables : mais ce partage est volontaire et doux. (297)

Mary Shelley reprend à son compte dans Frankenstein le caractère fondamentalement ambigu du spectacle de la souffrance, à la fois source de douleur mais aussi d’un certain plaisir pour celui qui la contemple (Marshall 196). Cette ambiguïté se retrouve dans le spectacle qu’offre Justine lors de son procès : « The appearance of Justine was calm. She was dressed in mourning; and her countenance, always engaging, was rendered, by the solemnity of her feelings, exquisitely beautiful » (77). Lorsqu’Elizabeth retrace la vie de Justine dans une des lettres qu’elle envoie à Victor, la jeune femme est décrite comme étant « extrêmement jolie » (62). C’est bien la souffrance de Justine, sur le point d’être condamnée à mort par un tribunal injuste, qui la rend incroyablement belle : le spectacle de la souffrance provoque à la fois la souffrance morale de celui qui l’observe (en l’occurrence Victor qui se sait être le véritable coupable du meurtre de William), mais aussi, dans ce qui pourrait s’apparenter à une logique sadienne — voire sadique — une forme d’attirance plus trouble5. La souffrance physique du Monstre, racontée par lui dans le deuxième volume du roman, met également au jour le sadisme dont l’humanité est capable en même temps qu’elle doit créer chez Victor une forme de compassion. D’abord violemment chassé des villages où il tente de trouver un abri (110), il est ensuite roué de coups par Felix lorsque ce dernier le découvre enlaçant le giron de son père (140). La balle qui lui troue l’épaule alors qu’il avait tenté de sauver une petite fille de la noyade achèvera le récit de ses souffrances (146). L’empathie que ce récit de souffrances était censé provoquer chez Victor finira cependant par échouer.

Ce que le Monstre recherche auprès des hommes en général, et auprès de son créateur en particulier, c’est plus précisément ce que la seconde moitié du dix‑huitième siècle nomme la sympathie. Ainsi que le Monstre lui-même l’exprime : « I asked, it is true, for greater treasures than a little food or rest; I required kindness and sympathy » (137). La sympathie est un concept hérité de la philosophie morale du dix‑huitième siècle européen qui a notamment été théorisé par David Hume dans A Treatise of Human Nature publié en 1739‑1740 et par Adam Smith dans The Theory of Moral Sentiments paru en 1759 et qui fait référence à la capacité qu’aurait le sujet de ressentir les émotions de celui ou celle qui lui fait face. Ce concept se retrouve également largement dans le roman sensible car ce dernier pose la question du caractère inné ou acquis de la bonté humaine qui trouve à se dire dans la réponse au spectacle de l’émotion d’autrui (Bending et Bygrave x).

Le concept de sympathie est central à Frankenstein. Le souhait avoué du Capitaine Walton dès l’ouverture du roman est bien de trouver un ami qui « sympathiserait avec [lui] ; dont les yeux répondraient aux [s]iens » (15). Le but de son expédition, qui est de découvrir un passage reliant les deux pôles opposés du globe, pourrait ainsi être une matérialisation de son souhait de complétude émotionnelle dans la découverte d’un véritable ami. Le terme « sympathy » apparaît de nombreuses fois dans Frankenstein et y est même manipulé jusqu’à produire un néologisme lorsque le Monstre se dit « unsympathised with » (142)6. C’est qu’en réalité, Frankenstein est un roman de l’échec de l’exercice de la sympathie (Marshall 194). Cet échec est dû au héros éponyme du roman, incapable de se mettre à la place de l’être qu’il a créé. Cette incapacité se matérialise de la façon la plus forte lorsque Victor refuse de regarder sa créature : le refus du regard, motif clé du roman sensible, équivaut dès lors au refus d’accorder toute forme de relation à l’autre (105). La disparition finale du Monstre et le dernier mot du roman, « distance », indiquent bien le fait que l’expérience de la sympathie comme rapprochement des individus a échoué (237). Si le Monstre, avant de sombrer dans la haine de l’espèce humaine, peut être considéré comme un avatar de l’homme sensible, son créateur, qui refuse d’accorder toute forme de sympathie à un être souffrant en partie par sa faute, peut quant à lui être considéré comme un avatar de l’autre grande figure masculine du roman du dix‑huitième siècle anglais : le personnage du débauché.

Dans son étude sur la figure du débauché dans le théâtre de la Restauration anglaise, Harold Weber analyse l’émergence de ce qu’il appelle le « libertin philosophique », c’est-à-dire un personnage qui trouve son plaisir dans l’exercice toujours plus poussé et raffiné de son raisonnement et qui est délesté, dans le même temps, d’une grande partie de la puissance sexuelle brute traditionnellement attribuée au débauché (97). On peut inscrire le personnage de Victor Frankenstein dans la tradition du libertin philosophique. Il peut tout d’abord être considéré comme une figure du libertin dans le sens premier du terme car il fait fi de toute forme d’autorité, fût‑elle celle de son père ou de ses professeurs, pour mener son projet scientifique jusqu’à son terme. Il est, en fait, mû par un désir d’acquérir la liberté ultime qui est celle d’outrepasser les limites imposées par la mort. Le grand raffinement intellectuel du personnage est également clair non seulement en vertu de l’exploit scientifique qu’il réalise en donnant vie au Monstre, mais aussi parce que ce sont des écrits philosophiques issus de l’Antiquité, particulièrement obscurs, qui ont constitué la base de son éveil intellectuel (on pense alors au libertin Lovelace de Samuel Richardson qui cite à l’envi les poètes latins tout au long de ses lettres). Le vocabulaire employé par Victor pour décrire son activité scientifique est par ailleurs chargé de connotations érotiques. Le passage célèbre où Victor évoque le fait qu’il poursuit une Nature féminisée jusque dans ses recoins les plus cachés avec ce qu’il appelle « unrelaxed and breathless eagerness », largement commenté par la critique d’inspiration psychanalytique et féministe (Mellor 112), entremêle bien plaisir intellectuel et plaisir érotique.

Harold Weber note que le libertin philosophique peut également devenir une figure de l’impuissance lorsqu’il est effectivement parvenu à ses fins en ayant séduit la femme qu’il convoite (Weber 102). Victor peut être conçu comme la figure d’une forme d’impuissance intellectuelle : l’immense déception qui s’empare de lui une fois sa créature animée et sa volonté de la fuir participent d’une stratégie d’évitement de l’œuvre finie. On peut également avancer, dans la lignée de la critique féministe, que Victor est aussi une figure de l’impuissance sexuelle : il a donné naissance à un être vivant sans le secours d’une femme précisément parce qu’il est effrayé par l’imminence de son mariage avec Elizabeth — et avec lui par une première étreinte sexuelle (Mellor 40).

Le cauchemar que fait Victor juste après l’animation du Monstre matérialise les craintes qu’il nourrit vis-à-vis de son union avec Elizabeth : le baiser mortifère qu’il échange avec la jeune femme fonctionne comme une prémonition d’une nuit de noces qui se soldera par la mort de la mariée. Outre sa dimension proleptique, ce cauchemar révèle une économie fantasmatique qui peut être rapprochée de celle de cette grande figure du débauché de la littérature anglaise du dix‑huitième siècle qu’est Robert Lovelace dans Clarissa. Le cauchemar, lui aussi prémonitoire, que fait Lovelace peu avant la fin du roman présente de véritables similitudes avec le célèbre cauchemar de Victor :

I awaked just now in a cursed fright. […]
 
Methought I had an interview with my beloved. I found her all goodness, condescension, and forgiveness. […]
 
At this, charmed by her mediation, I thought I would have clasped her in my arms: when immediately the most angelic form I had ever beheld, vested all in transparent white, descended from a ceiling above that, struck round with golden cherubs and glittering seraphs, all exulting: Welcome, welcome, welcome! And, encircling my charmer, ascended with her to the region of seraphims; and instantly, the opening ceiling closing, I lost sight of
her, and of the bright form together, and found wrapped in my arms her azure robe […] which I had caught hold of in hopes of detaining her […]. (1218)

                                            
 
I thought I saw Elizabeth, in the bloom of health, walking in the streets of Ingolstadt.
 
Delighted and surprised, I embraced her; but, as I imprinted the first kiss on her lips, they became livid with the hue of death; her features appeared to change, and I thought that I held the corpse of my dead mother in my arms. A shroud enveloped her form, and I saw the grave-worms crawling in the folds of the flannel.
 
I started from my sleep with horror […]. (52)
 
 
 

Ces deux cauchemars sont construits sur la même trame : les deux amants, ravis par le spectacle de la femme aimée dans toute sa beauté, souhaitent l’étreindre. La volonté d’étreinte prend ensuite une tournure inattendue puisque la femme meurt et disparaît des bras du rêveur, le laissant seul et désespéré. Les deux cauchemars se soldent par un réveil douloureux source d’une angoisse intense pour le rêveur. Le cauchemar de Victor peut également être compris comme une forme de parodie horrifique de celui de Lovelace car il fonctionne comme une image inversée de celui‑ci. Chez Lovelace, la femme aimée disparaît dans toute sa splendeur, dans un mouvement ascendant, escortée par des angelots, de la terre aux cieux. Dans Frankenstein, la femme aimée disparaît dans toute l’horreur d’un cadavre en putréfaction, entourée de vers de terre qui évoquent non plus l’éther du Paradis, mais l’humus de la tombe, dans un mouvement descendant, de la terre au monde souterrain des Enfers7.

Cette parodie horrifique du cauchemar de Lovelace peut être attribuée à une volonté de recourir aux conventions du roman gothique dans un roman qui se présente originellement comme une « histoire de fantôme »8. Le respect par Mary Shelley de la logique interne du cauchemar tel qu’il se présente dans le texte de Samuel Richardson inscrit néanmoins Victor dans une tradition littéraire qui fait du rêve une figuration de l’incapacité d’assouvir sur un plan physique un désir complexe et polymorphe (Weber 73). Le respect de la trame du cauchemar de Lovelace indique que le rapport que Victor entretient vis-à-vis de la femme aimée se caractérise, tout comme le rapport qui unit Lovelace à Clarissa, par une volonté de captation de l’autre qui se soldera par la mort. Frankenstein peut alors être lu dans la veine du roman sensible comme la dénonciation des conséquences terribles de l’égocentrisme.

La vie fantasmatique de Victor et de Lovelace est marquée par la figure du Même. Tandis que Lovelace rêve d’une Clarissa allaitant les jumeaux qu’elle pourrait lui donner (706), Victor rêve que le cadavre d’Elizabeth se transforme en celui de la femme qui lui est la plus proche : sa propre mère. Le caractère incestueux de l’étreinte qui unit Victor à sa mère lors de son cauchemar est redoublé par le lien de parenté qui unit Victor et Elizabeth, cousins germains, lien qui disparaîtra du Frankenstein de 1831 en faisant d’Elizabeth une orpheline recueillie par la famille Frankenstein, comme s’il fallait gommer le potentiel sulfureux d’une telle relation. L’inceste fait également partie intégrante de l’économie fantasmatique de Lovelace : rêvant que le fils qu’il aurait de Clarissa et la fille qu’il aurait d’Anna Howe finiraient par se marier (922), il propose, cette fois bien éveillé, la possibilité d’entretenir une relation incestueuse à l’une de ses cousines (1024).

Tout comme l’égocentrisme de Lovelace provoque la mort de Clarissa, c’est également l’égocentrisme de Victor qui provoquera la mort d’Elizabeth. Victor est en effet incapable de comprendre que la menace du Monstre (« I will be with you on your wedding-night » (181)) fait référence à Elizabeth et non à lui‑même. Victor semble alors, au même titre que Lovelace, être incapable de montrer de l’amour pour la femme qu’il désire par ailleurs. Il matérialise ainsi l’absence d’amour qui s’entend dans le nom de famille du débauché de Samuel Richardson. Dans Frankenstein comme dans Clarissa, le personnage égocentré finit par mourir seul en laissant derrière lui un observateur d’abord fasciné puis horrifié par cette fin tragique. Cet observateur va finalement tirer profit de l’exemple offert par la déchéance de son ami pour abandonner toute tentative d’imitation de cet homme et mener une vie tournée vers l’autre. Dans Clarissa, John Belford, d’abord admiratif de la beauté, de la vivacité d’esprit et du culot de Lovelace finit par adopter un style de vie marqué par la vertu et la probité. Le Capitaine Walton, qui est lui aussi d’abord fasciné par la beauté et la puissance intellectuelle de Victor9, se range à l’avis de son équipage et rentre en Angleterre pour y retrouver sa sœur entourée de ses enfants, symbole d’une domesticité joyeuse10.

Le recours à une affection de type sororal comme contrepoint à un désir égocentré est également un emprunt à Clarissa : lorsqu’Elizabeth rend visite à Justine après son procès, elle qualifie la jeune servante, qui souhaite se résigner à la sentence qui lui a été infligée, de « my more than sister11 ». Ce dernier témoignage d’affection qui apporte une forme d’apaisement aux deux jeunes femmes fonctionne comme un contrepoint à une justice (masculine) violente et injuste, mais aussi à l’égocentrisme de Victor, alors prostré dans l’ombre de la cellule, qui l’empêche de se rendre aux autorités. Or, ce même « my more than sister » se retrouve sous la plume d’Anna Howe lorsqu’elle se lamente de la perte à venir de son amie, due selon elle à l’égoïsme masculin12. La référence directe à la relation qui unit Clarissa et Anna Howe, relation qui est l’aboutissement de l’esthétique de l’émotion à l’époque de la parution du roman de Samuel Richardson (Hagstrum 202), réaffirme le caractère exemplaire d’une économie émotionnelle héritée du roman sensible dans Frankenstein13. Avec le retour à la sœur, les dangers d’un désir échappant à toute contrainte sont tant bien que mal contenus à la fin du roman : la finalité édifiante du roman sensible semble ainsi l’emporter.

Frankenstein présente pourtant des moments où l’émotion est désarticulée. Une fois qu’il a été rejeté par les De Lacey, le Monstre, jusqu’alors parfait représentant du héros sensible, décide d’abjurer une bonté qui semblait naturelle pour embrasser l’exercice d’une violence totale envers autrui. C’est dans le passage d’une économie émotionnelle très codifiée à la désarticulation de l’émotion que l’on peut appréhender l’émergence d’un nouveau type de héros romanesque qui deviendra le héros romantique.

L’homme sensible représente en réalité le stade embryonnaire du héros romantique (Kaplan 33). Les poètes romantiques anglais de la seconde génération vont en effet ériger l’inadéquation fondamentale du héros sensible à la dureté du monde qui l’entoure en caractéristique essentielle de la sensibilité romantique (ibid.). Tandis que le héros sensible, victime d’une sensibilité trop aiguë, finit par mourir sous le regard affligé d’autrui, le héros romantique va choisir de se détourner du monde et de laisser libre cours à son émotion dans la solitude. L’émotion n’est plus spectacle édifiant pour autrui ; elle perd son intentionnalité.

L’économie émotionnelle du Monstre est exemplaire du glissement du héros sensible vers une sensibilité romantique. Rejeté par un monde qui ne le comprend pas, le héros sensible qu’il était en puissance décide de se réfugier dans la solitude :

No sympathy may I ever find. When I first sought it, it was the love of virtue, the feelings of happiness and affection with which my whole being overflowed, that I wished to be participated. But now, that virtue has become to me a shadow, and that happiness and affection are turned into bitter and loathing despair, in what should I seek for sympathy? I am content to suffer alone, while my sufferings shall endure […]. (234)

Concepts qui étaient au cœur du roman sensible, la sympathie et la vertu sont devenues inopérantes dans le monde dans lequel évolue désormais le héros romanesque. La souffrance n’est plus spectacle édifiant pour celui qui en est le témoin ; elle est désormais tournée exclusivement vers le sujet qui en fait l’expérience. L’économie lacrymale du Monstre est également exemplaire de cet effacement de l’intentionnalité de l’émotion. À partir du moment où il a été rejeté et violenté par la famille De Lacey, puis par l’homme dont il a sauvé la fillette de la noyade, le Monstre ne versera plus aucune larme et tuera un à un les proches de son créateur. À l’humidité de larmes jusqu’alors porteuses de probité morale succède et s’oppose le feu d’une colère qui mène au meurtre, c’est-à-dire à l’acte qui refuse toute relation à l’autre par excellence. Les larmes ne sont plus satisfaisantes pour représenter l’état de désespoir dans lequel se trouve le Monstre : la représentation codifiée de l’émotion, arrivée à saturation, vole en éclats. Le Monstre mettra d’abord le feu à la chaumière des De Lacey et la danse solitaire et macabre, dictée par ce qu’il nomme « la furie » (144), qu’il exécute devant la chaumière en feu matérialise une forme de désarticulation extrême du corps. Il continue d’utiliser des images faisant référence au feu et aux flammes pour rendre compte de son état psychique après le rejet dont il a été victime. « Enflammé de douleur » (146) après avoir reçu une balle dans l’épaule, le sang « bouillant » au souvenir des injustices dont il a été victime (235) il parcourt les montagnes avec une « passion brûlante » (149) que seul Victor pourra éteindre en lui concevant une compagne. L’identification du Monstre au Satan de John Milton concourt à filer cette métaphore de l’émotion désarticulée comme feu inextinguible. Signe d’une rage sadique, le feu devient jouissance masochiste à la fin du roman lorsque le Monstre décrit son avenir : « I shall ascend my funeral pile triumphantly, and exult in the agony of the torturing flames. » (237) L’émotion atteint son apogée non plus dans le partage avec autrui, mais dans cet acte ultime de la solitude qu’est le suicide.

Tandis que l’émotion disait l’élévation morale de l’individu dans le roman sensible, elle dit désormais le mépris de soi. L’intentionnalité de l’émotion, cette fois‑ci tournée vers le sujet, est encore négative en ce qu’elle est destructrice. Le Monstre porte le sentiment du mépris de soi à son paroxysme. D’abord mépris physique lorsqu’il aperçoit son reflet dans un plan d’eau, la haine de soi est exprimée au Capitaine Walton dans toute sa force à la fin du roman lorsque le Monstre évoque les meurtres qu’il a commis : « You hate me. But your abhorrence cannot equal that with which I regard myself. » (235) Héros romantique en train de se faire, le Monstre pourrait plus précisément être considéré comme un héros byronien. La haine de soi est en effet un des traits distinctifs du héros byronien, que l’on pense par exemple aux personnages du Giaour publié en 1813 ou de Manfred paru en 1817, tous deux hantés par leurs actes meurtriers. D’autre part, le Monstre fait preuve de capacités physiques spectaculaires, ce qui est non seulement un des traits distinctifs des héros de Lord Byron, mais aussi des héros de type plus explicitement byronien qui se retrouveront dans chacun des romans suivants de Mary Shelley (Lovell 165).

Le héros byronien souffre par amour, et plus précisément parce qu’il est un amant maudit. L’amour-passion n’est plus un danger contre lequel il faut mettre le lecteur en garde (Harley dans The Man of Feeling et Clarissa meurent tous les deux en raison de leur abandon à la passion amoureuse) ; le texte se concentre désormais sur les tourments que le héros endure face à cet amour. Les lamentations de Victor Frankenstein font écho à celles des premiers héros de Lord Byron. Le rêve d’un baiser qui tuerait Elizabeth n’est pas sans rappeler l’exclamation de Manfred : « my embrace was fatal » (Levine 261) et la dernière étreinte qui unit Victor à Elizabeth mêle également amour et mort :

I rushed towards her, and embraced her with ardour; but the deathly langour and coldness of the limbs told me, that what I held in my arms had now ceased to be the Elizabeth whom I had loved and cherished. The murderous mark of the fiend’s grasp was on her neck, and the breath had ceased to issue from her lips. (208)

Ce passage pourrait se conclure par d’autres mots de Manfred : « I loved her, and destroyed her! » (Levine 264) On peut saisir dans cet entremêlement du désir et de la mort un point de bascule esthétique entre le roman sensible et le texte romantique : l’érotisme morbide dont le débauché du roman sensible, antagoniste du héros ou de l’héroïne sensible, pouvait se réclamer (Lovelace souhaite que le cadavre de Clarissa soit vidé de ses organes puis embaumé (1383)) devient un trait constitutif de la dynamique émotionnelle du nouveau héros littéraire qui est en train d’émerger14. En provoquant la mort de l’être aimé, c’est le désir érotique, condamné à pleurer son objet pour l’éternité, qui perd son intentionnalité.

Si l’être aimé est la première victime d’un amour maudit chez Lord Byron, le héros romantique peut également finir par mourir du fait de la non‑réciprocité des émotions qu’il ressent. Il a alors recours à cet acte de la solitude émotionnelle ultime qu’est le suicide. Par contraste avec l’agonie du héros sensible qui doit à tout le moins servir d’exemple de pureté morale au lecteur, la détresse émotionnelle et l’agonie du héros romantique n’ont plus de destinataire. Le Monstre s’identifie immédiatement au Werther de Goethe après en avoir lu les Souffrances :

But I thought Werter [sic] himself a more divine being than I had ever beheld or imagined; his character contained no pretension, but it sunk deep. The disquisitions upon death and suicide were calculated to fill me with wonder. I did not pretend to enter into the merits of the case, yet I inclined towards the opinions of the hero, whose extinction I wept, without precisely understanding it. (133)

Le suicide du Monstre, qui met un terme au roman, suggère qu’il a finalement compris ce qui a poussé Werther au suicide, c’est-à-dire une soif émotionnelle restée sans réponse : « I shall die. I shall no longer feel the agonies which now consume me, or be the prey of feelings unsatisfied, yet unquenched. » (236‑237) Les sentiments insatisfaits auxquels le Monstre fait référence sont ceux qu’il a recherchés avant de sombrer dans la rage meurtrière : la sympathie des êtres humains et l’amour qu’il aurait pu vivre si Victor avait conçu une compagne pour lui. Condamné à voir ses émotions rester sans destinataire, le héros romantique n’a d’autre choix que de disparaître.

La mort de Victor pourrait par contraste s’apparenter à la mort du héros sensible. Victime de fortes émotions et de crises nerveuses à répétition, le jeune homme meurt d’épuisement devant un Capitaine Walton éploré :

His voice became fainter as he spoke; and at length, exhausted by his effort, he sunk into silence. About half an hour afterwards he attempted again to speak, but was unable; he pressed my hand feebly, and his eyes closed for ever, while the irradiation of a gentle smile passed away from his lips. Margaret, […] My tears flow […]. (231‑232)

Une dynamique corporelle et émotionnelle très similaire se retrouve dans la mort de Harley, le héros de The Man of Feeling, qui pousse son dernier soupir devant une Miss Walton elle aussi en larmes :

Her tears were now flowing without controul [sic]. […] He seized her hand—a languid colour reddened his cheek—a smile brightened faintly in his eye. As he gazed on her, it grew dim, it fixed, it closed—He sighed, and fell back on his seat. (96)

L’être que Victor a créé et qui lui succède, disparaissant dans les ténèbres sans personne pour assister à sa mort et la pleurer, ouvre la voie à une nouvelle représentation de l’émotion dans la littérature.

Après Frankenstein, Mary Shelley va s’employer à représenter une héroïne romantique. Elle produira en 1819 Matilda que William Godwin refusera de publier en raison du traitement de la passion amoureuse — incestueuse — qui y est proposé. Malgré ses nombreuses demandes, Mary Shelley ne récupérera jamais le manuscrit de son deuxième roman, qui ne sera retrouvé et publié qu’en 1959.

La suite de l’œuvre romanesque de Mary Shelley soulignera l’importance de la relation à autrui : si les romans qui suivent Matilda représentent bien des personnages passionnés, ce sont en réalité les personnages dont l’économie émotionnelle est plus retenue et plus codifiée qui triomphent au terme de ces romans. On peut voir dans ce triomphe de la maîtrise de l’émotion l’influence durable que le roman sensible a eu sur Mary Shelley. On peut aussi y voir l’annonce de la période victorienne, qui se caractérise par une plus grande retenue dans la représentation l’émotion. Cette coexistence de la passion et de la retenue sous‑tend l’œuvre de Mary Shelley, notamment dans la relation que cette œuvre entretient avec le courant romantique.

Bibliography

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Notes

1 Nous citerons le texte de 1818 tout au long de cet article. Les traductions françaises du texte sont les nôtres. Return to text

2 Concernant l’attachement de Mary Shelley à Clarissa, voir Pascoe (252‑253). Return to text

3 C’est ce qu’Ann Jessie van Sant appelle « les possibilités d’investigation » proposées par les scènes de souffrance (van Sant 54). Return to text

4 David Marshall note : « [The Monster’s] account of his sentiments while watching the De Laceys reads like a citation from any of numerous eighteenth century treatises on moral philosophy. » (196) Return to text

5 S’agissant de l’influence des écrits du Marquis de Sade sur les poètes romantiques de la seconde génération en général et de Mary Shelley en particulier, voir Praz (114). Return to text

6 Nous avons relevé dix-huit occurrences de ce terme dans le roman, et neuf occurrences de sa forme verbale. Return to text

7 Désir et morbidité s’entremêlent également chez Lovelace lorsqu’il souhaite que le cadavre de Clarissa soit embaumé (1383). Return to text

8 Voir la célèbre préface que Mary Shelley donnera à Frankenstein en 1831. Return to text

9 « He must have been a noble creature in his better days, being even now in wreck so attractive and amiable. […] He excites at once my admiration and my pity to an astonishing degree. […] He is so gentle, yet so wise; his mind is so cultivated; and when he speaks, although his words are culled with the choicest art, yet they flow with rapidity and unparalleled eloquence. » (23) Return to text

10 « But you have a husband, and lovely children; you may be happy […]. » (226) Return to text

11 « Yet you must die; you, my playfellow, my companion, my more than sister. I never can survive so horrible a misfortune. […] Yet heaven bless thee, my dearest Justine, with resignation, and a confidence elevated beyond this world. Oh! How I hate its shews and mockeries! » (83) Return to text

12 « If I lose you, my more than sister, and lose my mamma, I shall distrust my own conduct, and will not marry. […] Oh my dear, these men are a vile race of reptiles in our day, and mere bears in their own. » (1312) Return to text

13 L’expression « my more than sister » sera reprise deux autres fois dans le Frankenstein de 1831. Ces deux occurrences seront le fait de Victor Frankenstein. Si elle marque toujours l’apaisement émotionnel qu’Elizabeth apporte à Victor, cette expression revêt également une forte connotation ironique au regard de la négligence avec laquelle Victor traite Elizabeth à partir du moment où il part étudier à Ingoldstadt jusqu’à l’assassinat de la jeune femme. Return to text

14 Ainsi que le note Harold Weber : « Observed through and developed by other literary genres and conventions, the rake undergoes manifold transformations during the eighteenth century; by the nineteenth century important aspects of the rake characterize figures as diverse as Byron’s early Romantic heroes, the frightening villains of Gothic fiction, and the Wickhams and Crawfords of Jane Austen’s prose comedies of manners. » (184) Return to text

References

Electronic reference

Audrey Souchet, « Comment (se) représenter l’émotion : l’influence du roman sensible anglais sur Frankenstein », Représentations dans le monde anglophone [Online], 19 | 2018, Online since 15 décembre 2018, connection on 19 octobre 2025. URL : https://publications-prairial.fr/representations/index.php?id=1470

Author

Audrey Souchet

Audrey Souchet est agrégée d’anglais, auteure d’une thèse intitulée La représentation du baiser chez Mary Shelley : pour une éthique du corps, soutenue en 2013 à l’université de Caen. Sa recherche porte sur le rapport entre esthétique et éthique dans la littérature féminine du xixe siècle anglais. Un article traitant de l’influence de l’œuvre du Marquis de Sade sur Frankenstein va bientôt être publié dans l’ouvrage collectif Frankenstein, le démiurge des Lumières, fruit du colloque du même nom qui s’est tenu à Genève au mois de décembre 2016 (titre de l’article : « Justine ou les Malheurs de la Vertu : une source sous‑estimée »).

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