Joe Biden et le 117e Congrès : le pari réformateur

  • Joe Biden and the 117th Congress: Bidding for Reform?

DOI : 10.35562/rma.740

Abstracts

Cet article tente un premier bilan de l’administration Biden au moment des cent jours. Tout en présentant les mesures réformatrices de la nouvelle équipe présidentielle, il s’interroge sur la marge de manœuvre dont bénéficie le 46e président face à un 117e Congrès dont l’équilibre partisan est fragile. Si la réforme est particulièrement contrainte dans un contexte polarisé, l’article montre que Biden semble avoir tiré les leçons des tentatives d’ouverture d’Obama et joue pleinement la carte majoritaire et partisane, en dépit de sa rhétorique modérée.

This article discusses the governing tactics of the Biden administration in light of its record three months after Biden’s inauguration. Considering the extent of polarization in the 117th Congress, the 46th President has a limited leeway. The Obama “post-partisan” precedent illustrated the limits of reaching across the aisle. Despite their centrist rhetoric, Biden and his team seem to have drawn the conclusion that the only way to move things forward is to stick to a majoritarian and partisan political momentum.

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Joe Biden est entré en fonction dans un contexte sans précédents, qui va de la crise sanitaire à la prise d’assaut du Capitole à quelques jours de la cérémonie d’investiture, sans oublier une seconde tentative de destitution contre le président sortant, Donald Trump. Aucun président avant lui ne s’est trouvé dans une situation similaire, qui bouleverse tous les schémas d’analyse traditionnels. Avant la prise d’assaut du 6 janvier 2021, une date qui, sans nul doute, « restera marquée par l’infamie », comme le déclarait Franklin Roosevelt dans un contexte bien différent, les pronostics quant aux futures relations entre l’administration Biden et le 117e Congrès étaient pessimistes. Le nouveau président, un modéré historique resté dans l’ombre d’Obama pendant ses deux mandats, allait lui aussi se heurter à une opposition républicaine implacable, à l’image de celle qu’Obama avait connue, surtout à partir de 2010, et échouer dans une politique de la main tendue perdue d’avance. Mais le chaos de la transition présidentielle en 2020‑2021 semble avoir créé une dynamique fort différente, confirmant à nouveau à quel point une crise est aussi une opportunité à saisir.

Les cent premiers jours de l’administration Biden ont en effet été caractérisés par une série de propositions qui ont frappé non seulement par leur ampleur mais par leur progressisme : des dépenses publiques qui se chiffrent en milliards de dollars, un projet de loi protégeant l’exercice du droit de vote, un autre pour l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, un autre encore encadrant les forces de police, un renforcement du contrôle de la vente des armes à feu, une nouvelle version du Dream Act en matière d’immigration, etc. Si l’ensemble de cet arsenal législatif était adopté, il aurait le potentiel, à lui seul, de remodeler la société américaine. Les commentateurs ne s’y sont pas trompés qui évoquent un nouveau « New Deal » mené tambour battant par une équipe qui semble avoir tiré les leçons de la présidence Obama et des limites de sa recherche du consensus. Est‑ce à dire que la promesse progressiste tant espérée à gauche depuis Obama serait sur le point de se réaliser ? Profitant d’un Parti républicain en pleine crise d’introspection post‑Trump, l’administration Biden peut‑elle espérer imposer les éléments-clés d’un programme démocrate aussi ambitieux ?

Dans le cadre de la séparation constitutionnelle des pouvoirs, où l’exécutif et le législatif sont maintenus face-à-face, dans un affrontement permanent que l’un des tous premiers observateurs français de la vie politique américaine, l’Abbé Siéyès, qualifiait « d’absurde combat de gladiateurs1 », il y a un gigantesque fossé entre succès électoral et gouvernement, bien plus vaste que dans un régime parlementaire. Cette difficulté consubstantielle à la vie politique américaine se double ici d’un équilibre partisan bien fragile pour les démocrates. Certes le 117e Congrès leur est favorable. Ils y détiennent une majorité de 219 élus (contre 211 républicains) à la chambre basse2 ; au Sénat, les démocrates détiennent 50 sièges (en incluant deux indépendants, Bernie Sanders, Vermont, et Angus King, Maine), de sorte qu’ils contrôlent la chambre haute grâce au vote de la vice-présidente, Kamala Harris, selon la règle instituée par la constitution. Mais la majorité politique du Sénat n’est pas sa simple majorité numérique. Non seulement une majorité extraordinaire de soixante voix est nécessaire pour mettre un terme aux obstructions procédurales et adopter une législation, mais la moindre vacance au Sénat peut bouleverser la configuration actuelle en instituant un « Congrès divisé » (divided Congress) qui serait dès lors paralysé.

C’est à partir de ces éléments que cet article s’interrogera sur la capacité d’action de la présidence Biden au 117e Congrès. Avec la montée de la polarisation partisane, le modèle classique du présidentialisme progressiste tel qu’un John M. Blum le présentait dans un court ouvrage de référence en 1980, The Progressive Presidents, est considérablement affaibli3. La présidence Obama a montré que l’on peut être élu brillamment et sous les meilleurs auspices, tout en échouant à faire bouger les lignes de fracture partisane au Congrès. Les travaux de science politique, par exemple ceux de George C. Edwards, ont souligné que l’influence présidentielle au Capitole était extrêmement limitée dans un contexte polarisé et qu’il était inutile, notamment pour un président démocrate, de tenter de convaincre des républicains opposés à toute réforme. Il est au contraire préférable de mobiliser ses soutiens tout en conservant leur unité, et utiliser les quelques opportunités existantes sans chercher à en créer de nouvelles. Dans le cas présent, les républicains n’ont aucune raison de permettre aux démocrates de remporter une quelconque victoire législative en s’alliant avec eux. La quasi‑parité des deux groupes au Sénat, ainsi que la crainte d’être contestés par la base trumpiste lors des primaires de 2022 les en dissuadent. Et Mitch McConnell, le Minority Leader au Sénat, a bien compris depuis les années Obama que l’obstruction est une stratégie payante qui finit par se retourner contre le président en place. C’est dans ce repli des républicains sur eux‑mêmes, qui s’ajoute à l’échec de l’ouverture sous Obama, que réside la principale opportunité stratégique de Biden. En d’autres termes, le président a tout intérêt à inscrire son action dans une pure et simple logique majoritaire qui fonctionne pour l’instant à son avantage. Il prend ce faisant le contrepied de Barack Obama lors de son premier Congrès, le 111e. Massivement dominé par les démocrates, ce Congrès avait été marqué par des tentatives répétées d’ouverture aux républicains, en vain. Néanmoins, l’enjeu global, pour Biden comme pour son prédécesseur démocrate, est identique et il n’est pas mince : tenter une gouvernance qui soit une réinvention du présidentialisme progressiste face à la dérive droitière des républicains au Congrès. Son slogan de campagne — Build Back Better prend là tout son sens.

Une « révolution Biden » ?

Les trois premiers mois de l’administration — les fameux « cent jours » qui remontent au premier New Deal de Franklin Roosevelt entre mars et juin 1933 — ont été marqués par une intense activité gouvernementale. En quelques semaines, l’équipe présidentielle s’est lancée dans une campagne d’ampleur qui suit pour l’essentiel un mémo que le nouveau secrétaire général (Chief of Staff) de la Maison‑Blanche, Ron Klain, faisait circuler en amont de l’entrée en fonction de Biden et qui mettait en avant quatre priorités : le Covid‑19, la crise économique et sociale qui en résulte, le changement climatique et l’égalité raciale4. Ceci s’apparente à un programme qui peut aussi se comprendre comme la gestion des urgences, l’effacement de l’héritage Trump et le renforcement de celui d’Obama.

Le covid fut naturellement le centre des préoccupations de la nouvelle administration et affiché comme tel dès la période de transition, offrant ainsi un contraste clair avec l’administration sortante. La crise sanitaire fut donc un équivalent fonctionnel de la crise économique des années 1930, car la priorité accordée à la vaccination a été, comme la lutte contre le chômage de masse par FDR, un puissant facteur dans la légitimation de la nouvelle administration à un moment des plus propices. L’enjeu des cent jours est en effet de fixer le ton de la nouvelle administration en remportant au moins un succès visible afin de créer une impulsion positive. Et c’est précisément ce que la campagne de vaccination a enclenché. Au moment de l’entrée en fonction de la nouvelle administration, plus de 24 millions d’Américains avaient été contaminés et plus de 400 000 étaient décédés ; seuls 4 % des Américains avaient été vaccinés et l’administration Trump envisageait simplement de laisser les États gérer la distribution. L’administration Biden, elle, a pris les choses en main et a considérablement accéléré le rythme des vaccinations. Au printemps 2021, 150 millions de doses ont été distribuées et 55 % des plus de 65 ans ont bénéficié des deux doses nécessaires (contre 8 % le jour de l’entrée en fonction) ; tous les Américains étaient éligibles pour bénéficier du vaccin avec quinze jours d’avance sur le calendrier initialement prévu5.

Juste après l’urgence sanitaire, celle des conséquences économiques et sociales de la crise était une priorité. Le PNB s’était contracté de 3,5 % en 2020 et dix millions de personnes étaient sans emploi en 2021, soit 6,3 % de la population active (le taux se situait à 3,5 % un an plus tôt). Biden héritait aussi d’un niveau d’endettement sans équivalents depuis la Seconde guerre mondiale à 21 600 milliards ; quant au déficit budgétaire créé à la fois par les baisses d’impôts fédéraux de 2017 et la crise économique, il atteignait 3 100 milliards de dollars en 2020. Le gigantesque plan de relance contre le covid, le American Rescue Plan d’un montant de 1 900 milliards de dollars constitue le principal succès de la nouvelle administration6. Ce plan de financement, en dépit de ses manques (les démocrates progressistes n’ont pas réussi à faire adopter au Sénat une augmentation nationale du salaire minimum à 15 $ de l’heure et la plus grande partie de ses dispositions sont temporaires) est un soutien massif aux classes moyennes et populaires qui vont bénéficier d’un chèque (1 400 dollars par personne), de crédits d’impôts pour les plus faibles revenus, d’aides familiales, d’un meilleur accès à l’assurance-maladie, d’un prolongement de l’assurance-chômage, etc. Sans surprise, ce plan a été adopté à la chambre basse par un vote de 219‑212 (deux démocrates ont rejoint l’ensemble des républicains pour voter contre). Pour anticiper les manœuvres dilatoires au Sénat, les démocrates ont utilisé la conciliation budgétaire (reconciliation), qui permet de légiférer sur les impôts, les dépenses et le niveau de la dette avec une majorité simple7. Une fois validée, cette procédure a permis une adoption 50‑49 sans l’augmentation du salaire minimum, de sorte qu’un nouveau vote à la Chambre des représentants fut nécessaire avec 220‑211 (un seul démocrate était encore dans l’opposition, Jared Golden, Maine). La loi fut promulguée dans la foulée, le 11 mars.

Dans le même temps, Biden a signé un grand nombre de décrets (executive orders) et a utilisé toute la panoplie d’instruments administratifs à sa disposition pour opérer un virage à 180 degrés par rapport à son prédécesseur immédiat, dont le bilan se ramenait justement à un grand nombre d’actions administratives8. Un décompte mené par CNN indiquait qu’au 15 avril 2021, Biden avait signé plus de décrets et de mémorandums (49) que ses trois prédécesseurs (36 pour Trump, 34 pour Obama et 12 pour Bush). La plupart d’entre eux avaient trait à la crise du covid (par exemple pour imposer le port du masque dans les bâtiments fédéraux ou pour l’obligation de fournir un test négatif au covid à l’arrivée aux États‑Unis), mais d’autres annulaient purement et simplement les décisions de Trump : fin de la construction du mur à la frontière mexicaine, fin de l’interdiction faite aux ressortissants de certains pays musulmans d’entrer aux États‑Unis, fin de la séparation des familles à la frontière, fin de l’interdiction aux transgenres d’intégrer l’armée, réintégration des Accords de Paris sur le climat, etc.9. Bien loin du tapage médiatique et des mises en scène de la précédente administration, cette réorientation complète s’est faite avec une grande économie de communication10, ce qui est là aussi une autre manière de rompre avec un Trump omniprésent et dégainant constamment des messages sur Twitter.

Enfin, l’administration s’est engagée dans une vaste tentative de réforme tous azimuts qui justifie à elle seule les parallèles prévisibles avec Franklin Roosevelt (sur les questions économiques) ou même Lyndon Johnson (sur les questions sociales) et qui éloigne d’autant le danger que Biden ne fasse qu’un troisième mandat d’Obama, pétri de modération et aux réalisations fragiles. Même si le nombre de lois adoptées pendant les trois premiers mois d’une nouvelle administration est en régulière baisse depuis Franklin Roosevelt11 et si l’administration Biden ne déroge pas à la règle, son bilan législatif a le potentiel pour faire évoluer en profondeur la société américaine : nombreux sont en effet les commentateurs à y voir une restauration de la légitimité de l’action publique — notamment fédérale — qui s’inscrit en rupture complète avec les perceptions dominantes, conservatrices, héritées de Reagan, pour qui le gouvernement n’était pas la solution aux problèmes, mais était lui‑même le problème. L’administration a en effet envoyé au Congrès un autre plan de relance, le American Jobs Plan, d’un montant de 2 300 milliards de dollars, qui vise à rebâtir les infrastructures de l’économie américaine — routes et ponts, transports urbains, Internet, eau potable, réseau électrique, transport de marchandises, école publique, logements — tout en prenant à bras le corps le changement climatique ainsi que la prise en charge des personnes âgées et des handicapés. Financé par une augmentation de l’impôt sur les entreprises, qui passerait de 21 à 28 % et de la global minimum tax (un impôt créé en 2017 qui vise à décourager les délocalisations), qui passerait de 13 % à 21 %12, le plan revient sur les baisses d’impôts de Trump en 2017 ; le texte comporte également un volet important (580 milliards) consacré à la recherche et développement ainsi qu’à la formation professionnelle. La loi appelle aussi au passage d’un autre texte, destiné à faciliter le droit des employés à se syndicaliser, le Protecting the Right to Organize Act, qui a été déjà adopté par la chambre basse, mais dont les chances de survie au Sénat sont quasi inexistantes en l’état actuel. Le American Jobs Plan est en revanche en meilleure posture car son adoption à la Chambre des représentants ne fait guère de doute et, au Sénat, la Parliamentarian chargée d’interpréter les règles de la chambre haute, a accepté que la conciliation budgétaire soit invoquée une seconde fois en 2021, permettant ainsi un simple vote majoritaire. Enfin, Biden a présenté, lors de son premier discours au Congrès, un troisième plan de relance, le American Families Plan, dont l’objectif est de rattraper le retard des États‑Unis en matière de santé et d’éducation. Le montant est là aussi astronomique — à 1 800 milliards de dollars (1 000 de dépenses et 800 de crédits d’impôts) — et d’une ampleur révolutionnaire. Non seulement il pérennise de nombreuses mesures du American Rescue Plan, mais il comprend aussi la généralisation des écoles maternelles — un confort jusqu’à présent limité aux ménages favorisés —, la création d’un programme fédéral de douze semaines de congés maladie, la gratuité des deux années passées dans les Community Colleges (un équivalent des IUT en France), sans condition de ressources, ainsi que des aides pour les étudiants des universités noires historiques. Ces propositions comprennent également de nouvelles dépenses fédérales pour lutter contre la pauvreté. Tout ceci serait financé par une augmentation des impôts des 1 % les plus riches : la tranche la plus élevée de leurs revenus serait imposée à 39,6 % (contre 37 % actuellement) et l’impôt sur les revenus du capital pour ceux qui gagnent plus d’un million par an serait augmenté.

Biden n’hésite pas plus pour utiliser les moyens administratifs, législatifs ou politiques à sa disposition pour faire avancer des propositions démocrates traditionnelles. L’administration a ainsi relancé la réglementation sur les armes à feu à l’occasion de récentes tragédies en appelant le Congrès à agir, notamment en instituant des contrôles des antécédents (background checks) plus stricts que ceux qui existent pour tout nouvel acheteur d’armes à feu. Sur les questions raciales, Biden a évoqué à de nombreuses reprises la lutte contre un « racisme systémique » au sein de la société américaine, reprenant de ce fait une thématique chère à la gauche13. Il a d’ores et déjà mis en place un cabinet qui comprend plus de femmes et de minorités que n’importe quel président auparavant, et 58 % des 1 500 hauts fonctionnaires qu’il a nommés sont des femmes, tandis que la moitié s’identifient comme « non-Blancs14 ». Sa campagne avait aussi un plan très complet liant équité économique et raciale et, dès son discours d’entrée en fonction, Biden a fustigé le « suprématisme blanc15 » tout en mettant en avant des mesures destinées à rompre avec la division raciale sur laquelle Trump a prospéré. Ainsi, les dispositions du plan de relance covid et le American Families Plan incluent des financements qui sont dans les faits spécifiquement ciblées sur les minorités (indemnités chômage ou généralisation des maternelles par exemple). La restauration du Patient and Affordable Care Act (Obamacare) va dans le même sens. Sur ce plan, Biden a déclaré vouloir rétablir le « mandat individuel » supprimé par Trump en 2017, tout en créant une « option publique », soit un programme gouvernemental d’assurance-maladie qui serait disponible sur les marchés fédérés créés par Obama par sa loi de 201016. L’administration soutient par ailleurs le George Floyd Justice in Policing Act visant à encadrer les pratiques policières pour éviter le profilage ethnique et limiter les « bavures » des forces de l’ordre. Catherine E. Lhanon, présidente de la Commission sur les droits civiques et chargée des questions de justice et d’équité raciale au sein de l’administration annonce par ailleurs des mesures en termes de logement et d’éducation, dont l’impact attendu concernera là aussi en priorité les populations minoritaires. Biden a aussi signé un décret dans les premières heures de sa présidence afin de lutter contre les discriminations sexuelles ou de genre faites à la communauté LGBT, suivant en cela une décision de la Cour suprême de juin 2020, Bostock v. Clayton. Dans la même perspective, l’égalité salariale entre hommes et femmes était l’objectif du Paycheck Fairness Act, un projet régulièrement introduit, puis rejeté, depuis les années 1990 ; il a été adopté par la Chambre des représentants (217‑210) mais rejeté au Sénat. Enfin, l’administration a lancé au Congrès une vaste réforme de l’immigration, le Citizenship Act, qui ambitionnait de légaliser les quelques douze millions d’immigrants sans-papiers ; mais la chambre basse a adopté à la place deux lois plus mineures : le American Dream and Promise Act, qui vise à protéger les « Dreamers », ces enfants emmenés par leurs parents, immigrés illégaux, et éduqués aux États‑Unis, et le Farm Workforce Modernization Act qui vise à donner un statut légal aux nombreux clandestins qui constituent la main‑d’œuvre agricole saisonnière. Le premier texte a été adopté par une majorité de 228-197 (9 républicains ont soutenu les démocrates) et le second par une majorité plus large encore, 247‑174 (30 républicains ont rejoint les démocrates qui n’ont eu qu’une seule défection). Reste pour finir le sujet du changement climatique : Biden a réintégré les Accords de Paris tout en annonçant quelques semaines plus tard que les États‑Unis s’engageaient à doubler leur effort en réduisant les niveaux d’émission de carbone à 50 % de ce qu’ils étaient en 2005. La transition énergétique est d’ailleurs une autre priorité des plans de relance car la compétition avec la Chine sur ce plan est un des enjeux majeurs des prochaines années. Ce manteau d’arlequin de mesures, projets, déclarations a pourtant une cohérence : il s’agit de renforcer ce qui reste de l’héritage Obama après quatre années de présidence Trump, et d’amplifier certaines de ses orientations. Au total, il semble s’agir de restaurer l’esprit inclusif et tolérant qui présidait aux campagnes de Barack Obama en 2008 et en 2012.

Un bipartisanship en trompe-l’œil ?

Il est certes trop tôt pour faire des projections sur le reste du mandat à partir de cette effervescence. Certains présidents démocrates, comme Jimmy Carter, ont enregistré de nombreux succès pendant leurs cent premiers jours, sans réussir à transformer l’essai par la suite. Mais il est d’ores et déjà certain que Biden a partiellement réussi à satisfaire la base du Parti démocrate, dont le glissement à gauche, déjà clair sous Obama, n’a fait que s’accélérer sous Trump17. C’est là aussi un tour de force qui n’avait rien d’évident. Lors de la campagne 2020, Biden n’a commencé à dominer le champ des primaires démocrates qu’après une série d’échecs cuisants18. Choix « par défaut », « peu enthousiasmant », « trop vieux », Biden incarne en effet un type de démocrate qui semble en porte-à-faux avec la nouvelle génération d’électeurs du parti. Élu en 1972 à la chambre haute, il incarne cette ligne modérée que Bill Clinton a portée au pouvoir dans les années 1990 et qu’Obama a poursuivie pendant huit ans, notamment en choisissant Biden comme vice‑président. Joe Biden a par ailleurs mené toute sa campagne en expliquant la nécessité de réunir le pays, de rassembler les électeurs des deux partis, et de mettre un terme aux divisions que Trump n’avait pas hésité à aggraver pour son propre bénéfice politique. Sa volonté affichée de reconstruire les normes de la démocratie américaine après les outrances trumpistes va exactement dans le même sens. Ainsi est‑il délibérément resté à l’écart de la seconde procédure de destitution contre Trump. On est donc dans une configuration qui n’est pas sans rappeler la démarche post‑partisane d’Obama, ce qui explique que Biden a d’abord été perçu comme son héritier.

D’autant que l’entourage de Biden apporte une confirmation supplémentaire de son centrisme pragmatique. Aucun des ténors de gauche ne fait partie de la nouvelle équipe. En revanche, nombreux sont ceux passés par l’administration Obama ou avec qui Biden a déjà une longue relation de travail. Il a ainsi désigné Susan Rice, ancienne National Security Adviser d’Obama comme présidente d’un conseil de politique intérieure, chargée de superviser une grande partie du programme politique du 46e président. Merrick Garland, désigné par Obama pour remplacer Antonin Scalia à la Cour suprême mais humilié par Mitch McConnell, qui refusa de considérer sa candidature au Sénat, est devenu secrétaire à la Justice. Denis McDonough, secrétaire général (Chief of Staff) d’Obama pendant son second mandat, est secrétaire aux Vétérans. Jake Sullivan, déjà conseiller de Biden lorsqu’il était vice‑président, est devenu National Security Adviser. Gina McCarthy, qui a dirigé l’Environmental Protection Agency entre 2012 et 2016, est devenue la conseillère présidentielle sur les questions climatiques. Il a aussi nommé Tom Vilsack comme secrétaire à l’Agriculture, un rôle que cet ancien gouverneur de l’Iowa avait tenu pendant les huit ans de présidence Obama. Alejandro Mayorkas, un avocat d’origine cubaine, a été choisi à la Sécurité intérieure et Avril Haines comme directrice de la CIA. Comme secrétaire d’État, Biden a désigné Antony Blinken, un professionnel reconnu, et Janet Yellen, directrice de la Fed de 2014 à 2018, comme secrétaire au Trésor. Le nouveau président puise ainsi largement dans les anciens responsables de l’administration Obama. Antony Blinken, Alejandro Mayorkas et Avril Haines ont chacun été le numéro deux des départements ou de l’agence qu’ils dirigent respectivement désormais. Le secrétaire général de Joe Biden, Ron Klain, a pour sa part coordonné la réponse de la Maison‑Blanche à la crise Ebola en 2014, et John Kerry, nommé émissaire spécial du président sur le climat, a servi comme secrétaire d’État. Enfin, Jen Psaki, qui est la porte‑parole de la Maison‑Blanche a, de son côté, joué plusieurs rôles dans l’administration Obama, dont celui de directrice des communications. Ces nominations ont été confirmées par le Sénat, ce qui s’explique essentiellement par la simplification des procédures décidée en 201319.

Cette administration « centriste » a multiplié les déclarations d’ouverture vis-à-vis des républicains. Mais les accomplissements des cent jours montrent à nouveau à quel point les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. Biden et ses alliés au Congrès ont manœuvré sans essayer d’intégrer les républicains, malgré des rencontres avec certains. Autrement dit, nulle trace de démarche « post‑partisane » jusqu’à présent20. Par exemple, le American Jobs Plan, à l’inverse du plan de relance d’Obama en 2009, ne comporte aucune baisse d’impôts et, bien au contraire, accroît la ponction fiscale sur les entreprises. Si les cent jours sont une fenêtre sur les modalités de gouvernement d’une nouvelle administration, la conclusion est ici sans appel : la présidence Biden a adopté une pure et simple logique majoritaire.

Le fait est que l’état du Parti républicain au Congrès n’incite pas à la collaboration « bipartisane ». Sa « trumpisation » semble se poursuivre. Ainsi, à titre d’exemple, les appels se sont multipliés pour mettre en place une commission d’enquête au Congrès à propos de l’invasion du Capitole du 6 janvier 2021. Mais le House Minority Leader, Kevin McCarthy (Californie), insiste pour que la commission couvre la violence politique en général, pour inclure les manifestations de Black Lives Matter et des mouvements d’extrême gauche dits « antifa21 ». Cet épisode est la toute dernière illustration du combat qui se joue actuellement à propos de l’avenir du Parti républicain. Les résultats électoraux ont été les pires possibles pour le Leadership du GOP, car Trump a reçu le plus grand nombre de voix de n’importe quel candidat — républicain ou démocrate — à 74,2 millions (46,8 %) à l’exception de Joe Biden bien sûr (81,2 millions soit 51,3 % des voix) avec un taux de participation exceptionnel à 66,7 % (le plus haut depuis 1900 à 73,7 %)22. La possibilité d’une nouvelle candidature Trump en 2024 — à 78 ans, il aurait l’âge de Biden en 2020 — complique encore un peu l’équation, de sorte qu’une véritable guerre civile se déroule au sein du Parti républicain. Elle a commencé dès le lendemain des émeutes, le 7 janvier, lorsque le Republican National Committee (RNC) a réélu sa présidente, Ronna McDaniel, une fervente trumpiste, alors que dans le même temps, la plupart des responsables républicains au Congrès prenaient leurs distances vis-à-vis de l’administration. Certes, Trump a quitté la présidence avec un taux d’approbation désastreux — de l’ordre de 35 % —, mais les sondages indiquent également que plus de 70 % des électeurs républicains continuent d’approuver son action, tandis qu’un niveau équivalent (6 électeurs républicains sur 10) considère que l’élection de 2020 a été une fraude massive23. Dans ces conditions, le parti oscille entre les tenants d’une ligne trumpiste — tels Marjorie Greene (Géorgie), Matt Gaetz (Floride), Paul Gozar (Arizona), qui ont essayé de monter un America First Caucus pour donner une base aux loyalistes de l’ancien président — et les opposants, comme Liz Cheney (Wyoming), Mitt Romney (Utah) ou Ben Sasse (Nebraska). S’il est impossible d’anticiper à moyen terme l’avenir du parti, il est indéniable qu’à court terme il ne peut constituer un partenaire fiable pour l’administration. Aucun républicain, quel que soit son positionnement vis-à-vis de Trump, ne prendra le risque de collaborer avec une administration démocrate dont la légitimité même est mise en cause par une majorité d’électeurs républicains. La crainte d’être contesté lors des primaires, qui deviendra de plus en plus vive au fur et à mesure que se rapprochent les midterms de 2022, et d’être stigmatisé comme un « RINO » (Republican in Name Only) sont suffisants pour garantir que la survie électorale la plus élémentaire maintienne les républicains unis contre un bouc-émissaire idéal, une administration démocrate perçue comme illégitime par une majorité de leurs électeurs et qui, par ailleurs, lance toute une série d’initiatives qui l’identifient nettement à la gauche, à ces « tax-and-spend Democrats » vilipendés depuis Reagan.

C’est bien l’évidence de la rupture entre républicains et démocrates qui a été la caractéristique principale des cent premiers jours de l’administration Biden. Celui‑ci est le premier président démocrate depuis la montée de la polarisation au milieu des années 1990, qui fasse adopter son programme sans tenir compte des désidératas du parti minoritaire. L’évolution est d’autant plus marquée que la polarisation est fondamentalement « asymétrique », c’est-à-dire que les démocrates sont moins unis autour d’une idéologie commune que leurs collègues républicains24. Par ailleurs, la capacité d’influence de Biden sur les élus démocrates au Congrès est relativement faible, à tout le moins si l’on s’en tient à la mesure traditionnelle des « coattails » — littéralement, pour les québécois, les « queues-de-pie », c’est-à-dire l’effet d’entraînement de la présidentielle sur les élections locales et au Congrès. Or la campagne de Biden a eu un effet fort limité sur celles des autres démocrates, notamment à la Chambre des représentants où les démocrates ont reculé. La plupart ont été élus avec des scores plus élevés que Biden dans leurs circonscriptions et il faut remonter à 1960 pour avoir un résultat encore plus faible pour un nouveau président. On peut certes y voir d’abord un résultat du gerrymandering républicain depuis le recensement de 2010 ; mais il n’en demeure pas moins que Biden l’a emporté tout en étant incapable de créer un élan en faveur des démocrates pour tous les autres scrutins et pas seulement à la chambre basse. Il est dès lors difficile d’identifier un mandat puissant en faveur de Biden et des démocrates25. Nombreux sont les observateurs à avoir ainsi souligné que les électeurs qui ont voté Biden ont d’abord et avant tout rejeté Trump, sans pour autant adhérer aux options programmatiques du Parti démocrate.

Et pourtant, le ralliement des démocrates aux initiatives progressistes de l’administration Biden est frappant26. Pourquoi ? Deux raisons électorales viennent à l’esprit. D’abord, un phénomène similaire à celui aperçu chez les républicains est clairement à l’œuvre, c’est-à-dire une pression de la base qui pousse les élus à anticiper une contestation à gauche lors des primaires. Il y a également une forme de reconnaissance envers celui qui a réussi à battre Trump et à redonner le pouvoir aux démocrates. Mais un troisième facteur est sans doute le plus important : l’identité politique, voire symbolique, de Biden. Son positionnement a puissamment contribué à ce ralliement, confirmant à nouveau ce vieil adage de la vie politique américaine : « Only Nixon could go to China. » Figure emblématique de l’Establishment modéré, seul Biden a paradoxalement la légitimité nécessaire pour présider à une politique progressiste qui puisse unir les différentes factions du parti, car personne ne peut mettre en cause ses instincts profondément centristes. Ainsi, son identité politique rassure les plus modérés de sa coalition. En revanche, son mode de gouvernement, lui, rassure les progressistes qui y voient enfin une présidence qui ne recule pas27. Les démocrates ont aussi très certainement intégré que les résultats de la présidentielle de 2020 — que ce soit en nombre de voix ou au Collège électoral — illustrent un profond mouvement d’opinion. Les sondages à propos de l’administration et de ses initiatives sont d’ailleurs bons. Ceux de Gallup se maintiennent à 57 % pour Biden ; ils dépassent même les 95 % pour les seuls démocrates, mais restent faibles chez les républicains (à 11 %) et entre 50‑55 % chez les indépendants28. Au niveau de ses initiatives, les chiffres sont là aussi positifs. Ainsi, le plan de relance covid est approuvé à hauteur de 70 % (94 % pour les démocrates et 60 % pour les républicains)29. Bien loin du projet « post‑partisan » d’Obama, la présidence Biden repose donc sur le rassemblement des seuls démocrates. Ce faisant, elle a intégré la nouvelle donne polarisée qui caractérise la vie politique nationale depuis plus de vingt ans et démontre que la clé du succès, dans ce contexte, est bien la mobilisation de ses alliés et de ses soutiens sans tenter d’ouverture vers le camp d’en face.

Comment maîtriser le Sénat ?

Cette logique majoritaire résultant de la polarisation est une première chez les démocrates (au contraire des républicains dont le Caucus est plus uni). Mais elle pointe vers une difficulté à venir pour l’agenda de l’administration : l’obstacle sénatorial. En effet, dans le contexte partisan actuel à la chambre haute, toute entreprise législative est en danger. Et l’ampleur des ambitions de l’administration Biden augmente d’autant les difficultés en polarisant les enjeux. Cet obstacle sénatorial ne se résume pas aux seuls équilibres partisans. Le Sénat est aussi le lieu d’une pratique procédurale des plus controversées, la « flibuste » (filibuster), qui peut mettre en danger l’agenda législatif des démocrates30. Les règlements du Sénat rendent extrêmement difficile d’interrompre un sénateur s’exprimant en séance plénière car une majorité de soixante voix est nécessaire pour invoquer la « clôture » des débats et passer ainsi au vote. La majorité politique du Sénat est donc bien plus élevée que la majorité simple, mathématique, de cinquante et une voix ; elle est par ailleurs quasi impossible à atteindre dans le contexte actuel31.

Plusieurs options sont d’ailleurs actuellement sur la table afin de réduire l’obstacle du filibuster. La première a un long pedigree : il s’agit d’utiliser la procédure de conciliation budgétaire (reconciliation) du BICRA (Budget and Impoundment Control Act) de 1974, qui est un moyen de permettre au Congrès de légiférer sur les questions fiscales en immunisant les votes sur ces questions contre tout filibuster. Le BICRA dispose qu’il ne peut y avoir qu’une conciliation budgétaire par an, mais la décision de la Parliamentarian, Elizabeth MacDonough, d’autoriser un second vote au titre de 2021 par le biais d’une section obscure du BICRA — la 304 — permet d’envisager plus sereinement un vote à la chambre haute du American Jobs Act. Elle permet aussi de repousser des changements plus difficiles. Comme ajouter des sujets sur lesquels le filibuster ne peut être utilisé. C’est déjà le cas de nombre d’entre eux, en plus des questions budgétaires, et, dans le contexte actuel, nombreux sont les élus de gauche à évoquer le droit de vote et son exercice. La Chambre des représentants du 117e Congrès a en effet déjà adopté le For the People Act (220‑210), mais ce projet de loi sera très certainement victime d’un filibuster par les républicains du Sénat32. Une autre possibilité serait un changement du règlement sénatorial qui réduirait l’usage du filibuster sans l’éliminer, à l’image de ce qui avait été envisagé dès les années 1990. Les sénateurs pourraient ainsi décider de supprimer la possibilité de déclencher une flibuste contre un certain type de motion, par exemple celle qui ouvre le débat (motion to proceed), obligatoire avant de considérer un texte et qui offre donc une seconde possibilité de bloquer un texte, en amont du débat général. Mais en l’absence de la majorité extraordinaire de 67 sénateurs nécessaire, il est quasi impossible d’envisager son adoption. Dernière option, restaurer le filibuster dans sa version traditionnelle où le sénateur concerné devrait être physiquement présent pour faire son discours, ce qui revient à mettre un terme à la pratique actuelle selon laquelle la simple menace d’un filibuster (qualifiée de « hold ») suffit à arrêter le débat ; le changement serait d’autant plus aisé techniquement qu’à l’inverse du filibuster, la hold n’a aucune base réglementaire. Toutes ces évolutions sont évoquées, certaines sont débattues entre sénateurs, mais les chances d’une quelconque adoption sont minces au vu des équilibres partisans. Sur les 50 membres du Caucus démocrate de la chambre haute, au moins deux d’entre eux, Joe Manchin (Virginie-Occidentale) et Kyrsten Sinema (Arizona), se sont publiquement opposés à toute réforme qui mettrait un terme à la flibuste en y voyant le cœur de l’identité sénatoriale33, une identité qui a donné lieu à une véritable mythologie dont Frank Capra s’est emparé dans son film de 1939 Mr. Smith Goes to Washington pour célébrer, grâce à l’intensité dramatique de James Stewart, ce pouvoir propre à un seul sénateur de s’exprimer : ainsi, la voix de la minorité ne saurait jamais être étouffée dans « la plus grande assemblée délibérative au monde ». Sachant que les républicains, minoritaires, sont vent debout contre toute réforme du filibuster, les chances d’une évolution notable sous le 117e Congrès sont minces. D’autant que Joe Biden lui‑même ne semble pas convaincu de la nécessité qu’il y aurait à dépenser du capital politique sur une question procédurale qui reste peu connue du grand public. Et après avoir passé trente ans comme sénateur, Biden est certainement attaché aux traditions de cette chambre et se montre peu favorable à la suppression du filibuster. Mais une réforme n’est pas pour autant complètement hors d’atteinte. Même si les spectaculaires événements du Capitole en janvier 2021 ont été le fait d’une foule chauffée à blanc, ils ont bien illustré la perception détestable que l’opinion a du Congrès : sclérosé, paralysé par les divisions partisanes, emberlificoté dans des procédures complexes et incompréhensibles, pris en main par les lobbies, le Congrès a un taux d’approbation détestable (il oscille entre 10 et 15 % depuis 201034), ce qui traduit une profonde délégitimation des élites politiques. Les élus du Congrès, pourtant réélus dans leur écrasante majorité avec des résultats stratosphériques, incarnent la « classe politique » qui, dans son inefficacité et son caractère litigieux, semble distante, autocentrée et souvent corrompue. S’il est difficile d’envisager une évolution profonde de l’institution, la proposition de loi visant à accorder le statut d’État au District de Columbia, réintroduite en janvier 2021, est un pas dans cette direction. Le DC Admission Act résoudrait le problème de représentation des quelque 700 000 habitants de la capitale fédérale en leur octroyant une représentation à l’image des autres États au Congrès.

Plus précisément à propos du Sénat, une restauration des droits de la majorité aurait comme conséquence de pallier le déséquilibre actuel qui est à la limite d’une crise de légitimité. Plus de la moitié de la population américaine vit dans 9 États, représentés par 18 sénateurs ; moins de la moitié de la population contrôle 82 % du Sénat. Actuellement, les 50 élus du Caucus démocrate au Sénat représentent 42 millions personnes de plus que les 50 élus républicains. Et ces derniers n’ont 50 sièges que parce qu’ils bénéficient surtout des votes de petits États à faible population (par ailleurs essentiellement blanche). Il est donc parfaitement envisageable qu’une majorité de sénateurs républicains ne représentent qu’une minorité de la population, ce qui était le cas lors du 116e Congrès. La configuration, déjà problématique en soi, l’est d’autant plus lorsque l’on prend en compte ses conséquences sur la composition des cours fédérales. Les trois nominations de Trump (qui lui‑même avait perdu le vote populaire en 2016) à la Cour suprême ont été assurées par une majorité de 54 sénateurs républicains qui représentaient 20 millions de personnes de moins que les 46 démocrates.

Ces questions institutionnelles et procédurales sont certes bien éloignées des préoccupations quotidiennes des Américains et d’une présidence dont la communication repose sur l’empathie de l’exécutif et sa proximité avec les plus modestes. Mais elles constituent pourtant un aboutissement cohérent pour les mesures actuelles. Celles‑ci participent d’une logique qui n’est pas sans évoquer le précédent cycle progressiste qui va de Franklin Roosevelt à Lyndon Johnson et où la gestion des crises n’est qu’une première étape avant de s’attaquer aux problèmes structurels (infrastructure, fiscalité, racisme, discrimination), puis aux questions de procédure démocratique. Biden viendrait ainsi s’inscrire dans la lignée des grands présidents réformateurs qui ont construit l’État social et refondé les institutions démocratiques.

Conclusion

Les premiers mois de l’administration Biden resteront comme un véritable paradoxe : un président âgé, incarnant l’Establishment démocrate des trente dernières années et dont le centrisme a été illustré à maintes reprises, qui tente de mener sans coup férir une véritable révolution sociale. Les plans de relance successifs ont mis en place une social-démocratie de l’urgence, tout en renforçant considérablement l’État-providence existant. Voilà donc une présidence qui accélère son mouvement vers la gauche en quelques mois et confirme l’adage, appliqué à un contexte bien différent, « Only Nixon could go to China » : dans le cas présent, seul un président aussi modéré que Biden pouvait aller aussi loin en quelques mois sur les plans sociaux et raciaux.

Reste à voir ce qu’il adviendra de cette effervescence. Si la logique majoritaire de l’administration Biden lui permet de remporter des victoires législatives au Congrès, les républicains, unis dans leur opposition, comptent déjà sur les prochains midterms en novembre 2022. Non seulement la « loi d’airain » de la vie politique américaine veut que les premiers midterms d’une nouvelle administration soient un échec, mais par ailleurs, les résultats du recensement de 2020 vont entraîner un redécoupage électoral qui sera favorable au GOP35. Du fait d’une croissance plus faible de leurs populations respectives, trois bastions démocrates, l’État de New York, l’Illinois et la Californie, vont ainsi perdre des sièges à la Chambre des représentants au profit du Texas, de la Floride et de la Caroline du Nord, où le redécoupage relève du monopole du Grand Old Party. Ce dernier pourrait ainsi gagner mécaniquement jusqu’à cinq sièges, alors que l’avance des démocrates à la Chambre n’est pour l’instant que de huit voix.

Bibliography

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Notes

1 Siéyès, Qu’est‑ce que le Tiers-État, Paris : Flammarion, 1988 (éd. orig. 1789), p. 16‑116, note 1. Return to text

2 En mai 2021, cinq sièges à la Chambre des représentants étaient vacants (3 démocrates et 2 républicains). Return to text

3 Sur ce point, on lira Stephen Skowronek, « Twentieth-Century Remedy », Boston Law Review, vol. 94, 2014, p. 796‑805. Return to text

4 Le mémo est disponible ici : <https://bluevirginia.us/2021/01/memo-from-incoming-white-house-chief-of-staff-ron-klain-on-the-first-ten-days-of-the-administration>. Return to text

5 Au printemps 2021, 575 000 personnes sont mortes de l’épidémie et 32,3 millions de personnes ont été infectées. CNN a une page dédiée au suivi de la crise sanitaire : <https://edition.cnn.com/interactive/2020/health/coronavirus-us-maps-and-cases/>. Return to text

6 Un an auparavant, au début de la crise, le 116e Congrès avait adopté le CARES Act d’un montant de 2 200 milliards de dollars. À titre de comparaison, le plan de relance d’Obama en février 2009 se chiffrait à 787 milliards de dollars, ce qui était plus important que l’ensemble des dépenses publiques engagées par le premier New Deal. Return to text

7 La conciliation budgétaire fait partie du Budget and Impoundment Control Act (BICRA) de 1974, mais ne fut employée pour la première fois qu’en 1980. Elle a servi à faire adopter un grand nombre de lois majeures, comme la réforme de l’assurance-maladie sous Obama en 2010, mais aussi les baisses d’impôts décidées par Trump en 2017. Return to text

8 La revue Politique américaine a consacré un numéro à Trump, la gouvernance du chaos, no 31, 2018. Return to text

9 Le décompte est disponible ici : <https://edition.cnn.com/interactive/2021/politics/biden-executive-orders/>. Return to text

10 La première conférence de presse officielle de Biden s’est déroulée 65 jours après son entrée en fonction, soit bien plus tard que ses prédécesseurs. Il s’adresse au Congrès à la fin du mois d’avril à l’occasion de ses cent jours. Return to text

11 Sur le nombre de lois adoptées (11 en mai 2021), on lira l’article de FiveThirtyEight, « What Have We Learned From Biden’s First 100 Days? » : <https://fivethirtyeight.com/features/what-have-we-learned-from-bidens-first-100-days/>. Lors du premier Congrès de FDR, le 73e, 76 lois furent adoptées, mais 7 seulement sous George W. Bush, 14 sous Obama et 28 sous Trump. Cette mesure quantitative ne doit pas effacer l’aspect qualitatif des lois. La National Public Radio (NPR) a consacré un article à la comparaison entre Biden, FDR et LBJ : Ron Elving, « Can Biden Join FDR and LBJ in the Democratic Party’s Pantheon » (17 avril 2021) : <www.npr.org/2021/04/17/985980593/can-biden-join-fdr-and-lbj-in-the-democratic-partys-pantheon>. Return to text

12 Chiffres tirés du « The Made in America Plan » (avril 2021, US Department of the Treasury) : <https://home.treasury.gov/system/files/136/MadeInAmericaTaxPlan_Report.pdf>. Return to text

13 En termes plus prosaïques, sa campagne des primaires de 2020 n’est repartie qu’à cause de la mobilisation de l’électorat afro-américain en Caroline du Sud. Return to text

14 15 % sont les premiers dans leur famille à avoir fait des études supérieures et 32 % sont naturalisés ou des Américains « de première génération ». On lira sur ce point : <https://thehill.com/homenews/administration/550894-biden-white-house-touts-diversity-of-appointees-after-100-days>. Return to text

15 Voir le site de campagne de Joe Biden : <https://joebiden.com/racial-economic-equity/>. Pour complément, on lira l’article de Jim Tankersley et Michael D. Shear, « Biden Seeks to Define His Presidency by an Early Emphasis on Equity », New York Times, 23 janvier 2021 : <www.nytimes.com/2021/01/23/business/biden-equity-racial-gender.html>. Return to text

16 Obama soutenait une option publique, mais elle fut abandonnée par le Sénat démocrate du 111e Congrès. Le coût de ce plan est estimé à 750 milliards de dollars sur dix ans. Return to text

17 Voir Maddie Sach et Yutong Yua, « Why the Democrats Have Shifted Left over the Last 30 Years », FiveThirtyEight, 16 décembre 2019 : <https://fivethirtyeight.com/features/why-the-democrats-have-shifted-left-over-the-last-30-years/>. Return to text

18 Biden reçut moins de 21 % des voix démocrates lors du Caucus de l’Iowa et 8,4 % des voix lors des primaires du New Hampshire. Incarnant jusqu’à la caricature le stéréotype du modéré de l’Establishment, il n’a pas convaincu les électeurs les plus jeunes et les plus progressistes. Return to text

19 Le seul échec de l’administration fut la nomination de Neera Tanden, qui devait présider le puissant Office of Management and Budget (OMB). L’administration a retiré cette candidature devant l’opposition républicaine (d’anciens commentaires visant nommément des élus républicains ont refait surface) tandis que les progressistes proches de Bernie Sanders la trouvaient trop centriste. CNN tient un décompte : <https://edition.cnn.com/interactive/2021/politics/biden-cabinet-confirmations-tracker/>. Return to text

20 Voir Perry Bacon Jr, « Does Biden Really Think Republicans Will Work with Him? And Could He Be Right? », FiveThirtyEight, 19 janvier 2021 : <https://fivethirtyeight.com/features/does-biden-really-think-republicans-will-work-with-him-and-could-he-be-right/>. Return to text

21 Et ce en dépit d’un rapport établi en 2020 par une ONG (Armed Conflict Location and Event Data Project – ACLED) et Princeton qui indique que 93 % des manifestations liées à Black Lives Matter furent pacifiques. Plus d’informations sur ce rapport sont disponibles sur : <www.theguardian.com/world/2020/sep/05/nearly-all-black-lives-matter-protests-are-peaceful-despite-trump-narrative-report-finds>. Return to text

22 Les résultats de la présidentielle de 2020 sont disponibles sur quantité de sites. Voici la page mise à disposition par CNN : <https://edition.cnn.com/election/2020/results/president>. Return to text

23 Voir sur ce point ce sondage Reuters-Ipsos d’avril 2021 : <https://fingfx.thomsonreuters.com/gfx/mkt/oakvelbwlpr/Topline%20Reuters%20Ipsos%20Trump%20Coattails%20Poll%20-%20April%2005%202021.pdf>. Par ailleurs, 147 membres du Congrès (8 sénateurs et 139 représentants) ont voté pour contester au moins un des résultats au Collège électoral le 6 janvier 2021, jour de l’invasion du Capitole. Pour une liste : <https://www.nytimes.com/interactive/2021/01/07/us/elections/electoral-college-biden-objectors.html>. Rappelons que Trump et ses alliés ont perdu 63 actions en justice — la plupart étant abandonnées par manque de preuves — depuis le scrutin. Return to text

24 Matt Grossman et David A. Hopkins, Asymmetric Politics. Ideological Republicans and Group Interest Democrats, Oxford University Press, 2018. Return to text

25 Le « mandat » est bien entendu le résultat d’une interprétation par les responsables politiques qui commence le soir des élections. La seule indication claire d’un scrutin est qui a perdu et qui a gagné. Pour le reste, l’élection relève de l’oracle : les messages sont confus et se prêtent à toutes les analyses. On lira sur ce point Lawrence J. Grossback, David A. M. Peterson et James A. Stimson, Mandate Politics, New York : Cambridge University Press, 2012 (2e éd.). Return to text

26 Il n’existe pas encore de chiffre indiquant le degré d’unité des Caucus au Congrès (party unity scores) pour le 117e Congrès. En mai 2021, GovTrack indique 11 lois adoptées par le 117e Congrès avec des votes caractérisés par un haut degré d’unité des Caucus : les votes sont disponibles en ligne pour chacun de ces textes. Voir aussi Lisa Lerer et Giovanni Russonello, « Democrats Were Lukewarm on Campaign Biden. They Love President Biden », New York Times, 15 avril 2021 : <www.nytimes.com/2021/04/14/us/politics/biden-polls-approval-rating.html>. Return to text

27 Même s’il semble avoir écarté une réforme de la Cour suprême qui élargirait le nombre de ses membres ou encore l’annulation pure et simple des 1 000 milliards de dollars que représente la dette étudiante. Return to text

28 Les sondages Gallup sont disponibles ici : <https://news.gallup.com/poll/329384/presidential-approval-ratings-joe-biden.aspx>. Le site FiveThirtyEight pour compléments : <https://projects.fivethirtyeight.com/biden-approval-rating/>. Return to text

29 Les sondages sont tirés de cet article : <https://news.yahoo.com/no-drama-biden-quietly-triumphs-013556361.html?>. Return to text

30 Le filibuster a été réformé en 2013 et 2017 d’abord par les démocrates puis par les républicains, afin de permettre que les nominations présidentielles soient confirmées à la majorité simple par le Sénat. À l’heure actuelle, la flibuste n’est donc possible que pour les débats législatifs. Return to text

31 Le dernier exemple récent d’une majorité de soixante voix fut au bénéfice des démocrates lors du 111e Congrès (2009‑2011) jusqu’à ce qu’une élection locale au Massachusetts en janvier 2010 fasse passer le Caucus démocrate à cinquante-neuf. Return to text

32 Par prudence, les démocrates n’ont pas encore présenté une loi similaire, le John Lewis Voting Rights Advancement Act, qui viserait à revenir sur la décision Shelby de la Cour suprême en 2013 qui affaiblissait la portée du Voting Rights Act. Return to text

33 Joe Manchin est néanmoins prêt à envisager une réforme du filibuster qui restaurerait son caractère exceptionnel. Ainsi, il soutiendrait une réforme qui viserait à rendre nécessaire de rassembler 41 sénateurs votant pour un filibuster, au lieu de trouver une majorité extraordinaire de 60 pour y mettre un terme. Cette idée est explorée par Norman Ornstein, « The Smart Way to Fix the Filibuster », The Atlantic, 4 septembre 2020 : <https://www.theatlantic.com/ideas/archive/2020/09/fix-filibuster/615961/>. Joe Manchin soutient les réformes proposées par son Caucus sur l’exercice du droit de vote, mais insiste pour l’inclusion de quelques républicains (son État, la Virginie-Occidentale, est un haut lieu du trumpisme). Return to text

34 Le site de Gallup est à consulter sur ce point : <https://news.gallup.com/poll/1597/confidence-institutions.aspx>. Return to text

35 Voir sur ce point, « How the 2020 Census May Help Republicans Regain Power in Washington », The Economist, 13 mai 2021 : <www.economist.com/united-states/2021/03/13/how-the-2020-census-may-help-republicans-regain-power-in-washington>. Return to text

References

Electronic reference

François Vergnolle de Chantal, « Joe Biden et le 117e Congrès : le pari réformateur », Représentations dans le monde anglophone [Online], 23 | 2021, Online since 15 décembre 2021, connection on 17 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/representations/index.php?id=740

Author

François Vergnolle de Chantal

François Vergniolle de Chantal est professeur de civilisation américaine à l’Université de Paris. Il a publié en 2016 L’impossible Présidence impériale (Éditions du CNRS) et a dirigé le collectif Obama’s Fractured Legacy. The Politics and Policies of an Embattled Presidency (Edinburgh UP, 2020). Il a co‑dirigé la revue Politique américaine de 2012 à 2019.

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