Mein Hiddensee de Ulrike Draesner. Un exemple allemand de « Nature Writing »?

  • Ulrike Draesner’s Mein Hiddensee. A German Example of “Nature Writing”?
  • Ulrike Draesners Mein Hiddensee. Ein deutsches Beispiel für „Nature Writing“?

DOI : 10.35562/textures.1179

L’article s’intéresse au livre d’Ulrike Draesner Mein Hiddensee et étudie la manière dont l’écrivaine s’y livre à la fois à une réflexion sur et à une mise en pratique de ce que peut être une écriture de la nature qui dépasse la traditionnelle dichotomie nature/objet, humain/sujet. Il s’interroge sur son inscription dans la tradition du « Nature Writing » et suggère que la place qu’il fait aux traces de la présence humaine le rapproche du « New Nature Writing » qui apparaît depuis les années 2000 en Grande-Bretagne.

This article looks at Ulrike Draesner’s book Mein Hiddensee and examines the way in which the writer both reflects on and puts into practice what it means to write about nature in a way that goes beyond the traditional nature/object, human/subject dichotomy. It looks at how her work fits into the “Nature Writing” tradition, and suggests that the place it gives to traces of the human presence brings it closer to the “New Nature Writing” that has been emerging in Britain since 2000.

Im Artikel wird das Buch Ulrike Draesners Mein Hiddensee (2015) behandelt. Untersucht wird, wie die Schriftstellerin sich darin mit dem auseinandersetzt, wie ein Naturschreiben, das die Dichotomie Natur/Objekt, Mensch/Subjekt überwindet, gestaltet werden kann und wie sie dieses in die Praxis umsetzt. Hinterfragt wird auch, inwiefern es sich in die Tradition des « Nature Writing » einordnen lassen kann. Angedeutet wird, dass der Platz, den es den Spuren des Menschen in der Natur macht, es in die Nähe des seit den Nuller Jahren in Großbritannien entstehenden « New Nature Writing » rückt.

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Text

Après son grand roman sur les migrations forcées de la fin de la Seconde Guerre mondiale, Sieben Sprünge vom Rande der Welt (2014), Ulrike Draesner1 publie en 2015 Mein Hiddensee2, un livre qui, contrairement à ce que son titre pourrait laisser croire, n’est pas une sorte de guide touristique contenant des conseils de visites insolites. L’écrivaine y décrit l’île d’une manière originale, mêlant éléments autobiographiques3, recherches documentaires4 et réflexions théoriques5. Après avoir succinctement présenté le texte dans ses aspects thématiques et formels et après avoir donné une définition générale du « Nature Writing », nous nous intéresserons à la manière dont Ulrike Draesner elle-même interroge ce genre et cette tradition littéraires, avant d’aborder plus précisément les moyens qu’elle expérimente pour le mettre en pratique.

Brève présentation de Mein Hiddensee

Pour donner une première idée du livre, on peut le rapprocher d’un journal de vacances. Il repose en effet en grande partie sur un séjour datant de 2003 où l’autrice se rend sur l’île, accompagnée de sa fille âgée d’environ sept ans (à qui le livre est dédié6). C’est à partir des excursions qu’elle entreprend et à partir des paysages qu’elle découvre à différents moments de la journée et dans différentes conditions météorologiques qu’elle décrit aussi bien la géologie, la géographie, l’histoire que la flore ou la faune de l’île. Les excursions évoquées qui se font toutes à pied ou à vélo concernent en effet l’ensemble de l’île qui se caractérise par une grande variété de biotopes. On peut énumérer, du nord au sud, les falaises où nichent les hirondelles des rivages (p. 160‑162), le paysage de collines du Dornbusch (p. 21, 51) avec le point culminant de l’île (p. 21, 25) et le phare du même nom (p. 307) ainsi que la lande qui s’étend entre Vitte et Neuendorf (p. 90) – tout le sud, Gellen, étant une réserve ornithologique dont l’accès est interdit (p. 96). À l’ouest, côté mer, on trouve les plages de Kloster, protégées par de gros blocs de granit et, au nord-est, les cordons littoraux de l’Altbessin et du Neubessin formés à partir de l’érosion par la mer des falaises calcaires du nord. Ajoutons que la nature y est restée très préservée, car l’île a longtemps abrité des réserves de chasse et des zones militaires, notamment du temps de la RDA. Elle présente ainsi une grande biodiversité et un caractère intact qui attire les amateurs de nature. Ulrike Draesner cependant récuse l’idée de l’existence d’une nature pure, vierge de toute action humaine8 et considère la nature comme un artefact. Dans l’un de ses essais9, elle qualifie ainsi la nature d’invention de la culture européenne (« Mehrfach-Erfindung der europäischen Kultur ») et sur la page consacrée sur son site au « Nature Writing », elle élargit de manière significative la notion à celle de « Nature and Space Writing10 » Dans Mein Hiddensee, elle s’intéresse, comme on le verra, aux relations entre l’homme et la nature, le livre faisant une place à l’histoire de l’île et aux traces laissées par ses habitants, du Moyen-Âge à l’époque actuelle11.

Si le livre évoque donc Hiddensee dans ses différents aspects et sous des angles multiples, il frappe aussi par l’hybridité de sa forme. Il est composé d’un grand nombre de chapitres de longueur variée (d’une page composée de deux lignes [p. 175] à des chapitres d’une petite dizaine de pages) qui relèvent de genres littéraires extrêmement divers. Outre des chapitres plutôt narratifs qui relatent des excursions aux quatre coins de l’île et dont les titres mentionnent des lieux géographiques (p. 21 ; 51 ; 61 ; 90 ; 96 ; 133), le livre comprend aussi des chapitres plus descriptifs, comme le chapitre introductif sans titre qui évoque la manière dont l’île se présente à l’autrice à son arrivée (p. 7‑11), comme celui qui décrit une plage par grand vent (p. 39‑43) ou encore celui qui détaille, étape après étape, la manière dont le soleil levant éclaire peu à peu le paysage qu’elle voit depuis sa terrasse (p. 57‑60). Mais on y trouve aussi des chapitres, notamment ceux citant des documents d’archives12, qui invitent le lecteur à s’interroger avec l’autrice sur les relations entre l’homme et la nature. Cette variété de types de textes, qui va en outre d’un conte inventé par l’autrice pour sa fille13 à un chapitre où elle donne la parole à son chien, en passant par une série de brefs textes intitulés « Tableau en 100 mots » (« 100-Wörter-Bild ») qui s’apparentent à des poèmes en prose,14, ouvre également une réflexion sur la question des formes littéraires permettant d’évoquer la nature.

Le « Nature Writing » : éléments de définition et interrogations théoriques

Ce caractère hybride du livre qui mêle narration, description et réflexion15 évoque la tradition anglo-américaine du « Nature Writing » qui peut être défini comme un mode d’écriture « non fictionnel à la première personne décrivant l’exploration non seulement “physique”, mais aussi “mentale” d’un environnement principalement non-humain16 », qui semble se faire une place ces dernières années dans le paysage littéraire allemand.17 Ulrike Draesner elle-même (qui connaît bien la littérature anglophone) s’interroge ainsi, aussi bien dans le livre que dans des essais18, sur ce que recouvre cette notion difficilement traduisible en allemand19 (et plus encore en français !). Nous nous interrogerons avec elle sur ce que peut être une écriture de la nature. Est‑ce une écriture sur la nature (ein „Schreiben über Natur“) (définition thématique) ? Est‑ce une écriture de la nature (ein „Natur-Schreiben“, ein „Schreiben der Natur“) dans toute l’ambiguïté de l’expression, dans laquelle le génitif peut être compris de deux manières : comme un génitif objectif (la nature est l’objet qu’on [d]écrit, sur lequel on écrit : on revient à la définition thématique), mais aussi comme un génitif subjectif (la nature étant alors le sujet de l’écriture, au sens où ce serait la nature elle-même qui écrit20) ? Comment alors le rendre par l’écriture ? Cela est‑il par ailleurs nécessairement une écriture « après » la nature (« Schreiben nach der Natur ») au sens temporel de « nach » (on écrit après avoir observé la nature)21 ? Cela ne peut‑il être qu’une écriture « vers, en direction de » la nature, comme lorsque l’on court après quelque chose d’inaccessible, « nach » étant alors entendu dans un sens spatial ? Autrement dit, ne peut‑on qu’approcher la nature, sans pouvoir jamais l’atteindre ? Ne peut‑on en outre l’écrire/la décrire que d’après une image, que d’après la représentation (culturellement marquée) que l’on s’en fait, dans un troisième sens plus notionnel de « nach » (« nach einem Bild von „Natur“ schreiben »), ce qu’est la nature restant d’ailleurs à définir, comme le suggère l’emploi des guillemets22 ! Comment surtout le livre lui-même explore-t-il et met‑il en œuvre ces différents aspects du « Nature Writing » ? Nous montrerons tout d’abord comment Ulrike Draesner tente d’inventer une écriture sur la nature dans laquelle la nature ne soit pas qu’objet. Nous étudierons ensuite les expériences auxquelles elle se livre à la recherche d’une écriture qui s’approche au plus près de la nature, malgré les contraintes liées à l’emploi du langage verbal. Et nous évoquerons pour finir la manière dont elle interroge les relations entre l’homme et la nature.

Ne pas réduire la nature au statut d’objet

La lecture de Mein Hiddensee met tout d’abord en évidence que, dans sa manière de décrire les éléments de la nature, Ulrike Draesner expérimente différentes formes d’écriture, oscillant entre une écriture objectivante et une écriture subjectivante. Si l’on s’intéresse par exemple à la manière dont elle évoque la flore de l’île, on constate qu’elle peut mentionner une fleur « qui ressemble à un chardon » sans en donner le nom précis (nommer la fleur en ferait un objet), mais en détaillant très précisément les éléments qui la constituent de sorte que le lecteur puisse peu à peu se l’imaginer : « une couronne de pétales jaune clair entourée de six sépales lilas » (p. 153). Cette façon de faire peut rappeler celle d’un botaniste qui l’observerait pas à pas pour la déterminer à l’aide d’une flore scientifique. Elle y associe celle de quelqu’un qui apprend à lire et qui procède par étapes successives, « trébuche », « épelle », déchiffre les mots, alors que quelqu’un qui sait lire utilise sa mémoire et va plus vite (p. 153). Tout se passe comme si l’autrice voulait donner au lecteur le temps de voir la fleur, voulait peut-être même l’inciter à prendre le temps de l’observer. Nommer trop vite pourrait en effet avoir pour conséquence que le lecteur s’approprie les choses en court-circuitant les étapes de l’observation, voire de la contemplation. En ce qui la concerne elle, en tout cas, elle constate que même si, sur l’île l’« automatisme » de l’appropriation, de la maîtrise ne disparaît pas complètement, quelque chose semble « se détendre », « s’assouplir », ne serait‑ce que parce qu’elle en prend conscience (p. 153‑154).

Elle peut aussi combiner les deux approches, donnant d’emblée le nom de la fleur (de sorte que le lecteur qui la connaît peut aussitôt s’en faire une image), tout en en détaillant ensuite les éléments les plus caractéristiques : « Un chardon dresse en direction des nuages son candélabre de feuilles dentelées et de corolles dorées » (« Eine Distel streckt ihren Kandelaber scharf gezähnter Blätter und goldener Kronen wolkenwärts » ; p. 723), tantôt dans cet ordre, tantôt dans l’ordre inverse : « les calices odorants se développant par paires à partir d’une tige de la finesse d’un cheveu du gaillet gratteron » (« die paarweise aus einem haarfeinen Stängelchen dringenden Duftkelche des Labkrauts » ; ibid.), de sorte que le lecteur se représente la plante avant de découvrir son nom. Dans d’autres cas encore, le nom se trouve entre les éléments descriptifs : « l’éclat du lilas clair des jasiones des montagnes aux éventails d’étamines largement ouverts » (« helllila strahlende Bergjasionen, weit gebreitet die Fächer der Staubblätter » ; ibid.).

Mais il arrive aussi et surtout que l’écrivaine, qu’elle est avant tout, allie à la description botanique une forme de description poétique qui, par certains procédés littéraires, permet de faire des éléments de la nature des sujets24. Elle a ainsi recours à des personnifications, faisant des végétaux le sujet de verbes d’action, comme le montrait déjà l’exemple du chardon : « Un chardon dresse son candélabre en direction des nuages […] » (« Eine Distel streckt ihren Kandelaber […] wolkenwärts »), mais on peut mentionner aussi celui des molènes qui se dressent au‑dessus d’un tapis de minuscules fleurs roses (« Über den Teppich pinkfarbener Miniaturblüten ragen Königskerzen » ; p. 8) ou des ronces qui colonisent un rocher (« Ein Brombeergebüsch streckt seine Dornenranken über den nächsten Stein » ; p. 9) ou encore de plantes ou de fleurs sans nom précis qui s’agrippent au sol (« Pflanzen und Pflänzchen krallen sich in den Boden » ; p. 23) ou qui cherchent la lumière (« unter ihnen fassen niedrige, grünlila Blümchen nach Licht » ; p. 134). Certaines comparaisons ou métaphores parfois surprenantes témoignent par ailleurs de l’impression que fait la plante (sujet) à l’observatrice (qui devient objet) : les molènes sont comparées à des points d’exclamation (« aufrecht wie Ausrufezeichen » ; p. 8), les feuilles de certains chardons à des escrimeurs tout armés (« silbergoldene Disteln mit Blättern wie Fechter in voller Rüstung » ; p. 23) et les chardons eux-mêmes sont, comme on l’a vu, assimilés à des candélabres.

On retrouve ces phénomènes d’expérimentation avec les positions d’objet et de sujet dans la manière dont Ulrike Draesner rapporte ses rencontres avec des animaux. Celle avec la vipère qui rappelle celle d’Annie Dillard avec le serpent cuivré25 occupe un chapitre entier du livre et est particulièrement exemplaire de la manière dont elle renouvelle un mode de description traditionnel dans lequel un sujet sachant décrirait un objet, en mêlant poésie et imagination aux données scientifiques26. Le serpent est en effet d’abord évoqué de manière métaphorique comme un bâton (p. 114). Son nom scientifique précis, vipère péliade (« Kreuzotter »), vient seulement après une description détaillée du corps de l’animal : « Son corps gris clair est marqué par une bande de losanges arrondis d’un gris plus foncé » (« Den hellgrauen Körper zeichnet ein Band abgerundeter Rhomben in dunklerem Grau » ; p. 114). L’attention y est attirée sur l’élément significatif qui permet de l’identifier, la ligne plus sombre qui parcourt son corps en formant des sortes de zigzags. La description visuelle est ensuite complétée progressivement par des connaissances apportées par différentes personnes qui se sont également arrêtées pour observer l’animal (elles ne sont pas le monopole d’une seule personne). Quelqu’un explique par exemple que le serpent n’est dangereux que pour les enfants et les personnes âgées (ibid.). Ulrike Draesner elle-même mentionne un souvenir personnel lui permettant d’enrichir l’évocation du serpent par des éléments concernant les sensations tactiles que produit l’expérience de toucher un reptile et de le tenir dans sa main : l’impression de froid que l’on ressent et celle de constater à quel point le corps d’un serpent est ferme et musculeux (p. 115)27. Le regard s’arrête ensuite sur la tête et sur le V qui se trouve entre la tête et le reste du corps (p. 116). Cette description est également complétée par une information sur la localisation des glandes à venin que quelqu’un lit sur son portable et par une explication sur la raison qui faisait paraître la vipère si grosse : les côtes des serpents s’écartent quand ils prennent le soleil (ibid.). Et l’autrice raconte en outre avoir cherché, le soir, encore d’autres informations sur internet et avoir notamment pu admirer les pupilles verticales des serpents de la famille des vipères qu’elle n’avait pu voir puisque le serpent dormait (ibid.).

Mais ce qui frappe également dans la description du serpent, c’est que l’on n’a pas seulement l’évocation de l’objet observé, on a également la description du sujet observant, avec ses perceptions, mais aussi avec les sentiments et les questions qu’éveillent en lui la rencontre de l’animal, le sujet humain devenant pour ainsi dire objet de l’effet que le serpent sujet produit sur lui. Le texte fait ainsi mention de l’étonnement qui s’empare de la mère et de la fille (p. 114). Elles se taisent, pour ne pas effrayer le serpent, mais aussi parce qu’elles sont saisies d’une sorte de sentiment de respect, de crainte face à cet événement inattendu qui les laisse sans voix (ibid.), et elles contemplent ensemble cet extraordinaire spectacle. La rencontre avec le serpent fait également surgir tout un questionnement quant aux limites d’une appréhension exclusivement anthropocentrée du monde et du vivant et quant à la relativité des perceptions humaines qui pourrait illustrer les concepts de « dé‑hiérarchisation » et de « décentralisation » proposés par Evi Zemanek et Anna Rauscher28. L’autrice interroge par exemple le vocabulaire employé pour décrire le serpent qui se chauffe au soleil : « Ce quelque chose étendu là dort‑il ? Les serpents dorment-ils ? » (« Schläft das Etwas, das hier liegt? Schlafen Schlangen? » ; ibid.) ou pour décrire sa bouche : « Son museau – ou plutôt sa gueule – ou plutôt sa bouche » (« Die Schnauze – oder doch : das Maul – oder doch : der Mund » ; p. 115). Et elle cite le philosophe américain Thomas Nagel, auteur d’un livre intitulé Qu’est‑ce qu’être une chauve-souris ? (What Is It Like to Be a Bat?), qui explique que chaque être vivant perçoit le monde à sa façon, en fonction des organes sensoriels dont il dispose. « Nous n’avons aucune idée, pense-t-elle, de ce que l’on ressent à devenir vivant rempli de la lumière du soleil, à ne rien être d’autre qu’un corps-soleil. » (« Keine Ahnung haben wir, denkt sie, wie es sich anfühlt, angefüllt mit Sonnenlicht lebendig zu werden, ausschlieβlich Sonnenkörper zu sein », p. 117), conclut-elle, proposant par là même au lecteur d’essayer de sortir de son univers et de s’imaginer, au sens propre, dans la peau de l’animal, c’est-à-dire, d’expérimenter par l’imagination une forme de fusion avec un être non humain.

Cette ouverture à des modes d’appréhension plus empathiques du vivant peut aussi s’observer dans la manière dont est décrite la rencontre avec le renard (p. 135‑137). Elle est en effet présentée comme un véritable échange entre deux êtres qui se regardent et s’observent mutuellement29. Le renard est personnifié, présenté même comme un être d’une intelligence supérieure à celle de l’être humain qu’elle est (le renard l’a vue avant qu’elle ne le voie)30. Il est aussi parfaitement maître de lui-même que maître de la situation : c’est lui qui, au bout d’un moment, décide de s’en aller31. Poussant encore plus loin la remise en question de la traditionnelle et exclusive attribution de la position de sujet à l’homme, Ulrike Draesner, reprenant peut-être l’idée du Rollengedicht32, va même par ailleurs jusqu’à offrir à son chien un chapitre entier où il s’exprime à la première personne et décrit le monde de l’île tel qu’il le perçoit, c’est-à-dire principalement à partir du sens de l’odorat et principalement comme pourvoyeur potentiel de nourriture. On le voit ainsi poursuivre des chevreuils (p. 183‑185), avaler la pâte faite par la voisine (p. 185), s’attaquer aux oies d’un des habitants du village (p. 186). À la manière d’un adolescent rebelle, il proteste même contre le fait que ses maîtres lui imposent d’être tenu en laisse et se plaint de passer des heures à la plage où il a trop chaud (p. 187).

La manière dont Ulrike Draesner décrit les oiseaux s’inscrit également dans sa façon de se rendre attentive à la forme d’intelligence propre qui caractérise chaque espèce animale. Elle admire ainsi l’intelligence collective des alouettes venant boire dans une flaque d’eau saumâtre qui, bien que très nombreuses et semblant voler de manière assez anarchique, ne se heurtent pas. Elle est également émerveillée par la manière dont les hirondelles des rivages retrouvent leur nid dans la falaise du nord de l’île dont elles utilisent les trous pour y pondre leurs œufs33 et se surprend à utiliser le mot « begriffen », dont l’un des sens peut renvoyer à l’idée d’une forme d’intelligence abstraite34.

S’approcher au plus près de la nature

Si Ulrike Draesner expérimente donc différentes formes d’écriture tendant à questionner la traditionnelle conception du monde selon laquelle l’homme est sujet et la nature objet, elle est aussi à la recherche d’une écriture qui s’approche au plus près de la nature. Afin de mettre à l’épreuve l’idée que l’on ne pourrait écrire la nature (« Natur schreiben ») qu’après coup (« nach der Natur schreiben » au sens temporel), elle tente de s’enregistrer sur son portable en train de décrire ce qu’elle voit et entend sur la plage afin de retenir « des mots, des ambiances, des rythmes » (p. 101), à la manière d’un peintre qui griffonnerait une esquisse35. Mais elle s’aperçoit le soir que ce qu’elle a enregistré est inaudible – on n’entend que le souffle du vent – et que la seule possibilité qui lui reste est de s’appuyer sur sa mémoire et de tenter de reconstituer après coup ce qu’elle a vu et entendu, au risque de le déformer36. À un autre moment, elle tente de décrire un lever de soleil depuis sa terrasse, à la manière d’un peintre qui peindrait sur le motif. Détaillant aussi bien la succession des éléments du paysage qui sortent de l’ombre que l’ordre des bruits et des cris d’oiseaux qu’elle entend (p. 57‑60), elle s’efforce de représenter la nature en direct en s’affranchissant des biais liés à la reconstruction a posteriori. Elle y expérimente en outre une forme de passivité en focalisant la description sur ce qu’elle perçoit. Même si elle n’y parvient pas parfaitement parce qu’elle est tout de même assaillie par des pensées ou des souvenirs, elle se réjouit que sa fille lui dise que cela n’est pas son œuvre : « Ce n’est pas toi qui as fait cela. Cela soudain la réjouit. Pas toi qui as fait. Rien fait. Elle se repose. Est tout simplement là. » (« “Du hast das nicht gemacht” […]. Mit einem Mal ist sie froh. Nicht gemacht. Nichts. Sie hat Pause. Ist einfach da », p. 60).

Outre les contraintes de la temporalité et de la présence d’un sujet qui ne peut complètement suspendre son activité et simplement être, l’écriture de la nature pose évidemment la question du langage37. Le simple fait de mettre ses perceptions en mots n’est‑il pas en effet nécessairement une traduction38 ? Le langage ne fait‑il pas écran entre la nature et le sujet qui veut la décrire ? Même si l’on n’en a généralement pas conscience tant la chose est familière, Ulrike Draesner invite à s’y rendre attentif, à se méfier des automatismes39, des expressions toutes faites que propose la langue40 et à s’efforcer de mettre de l’espace entre le monde et soi. D’un autre côté, elle se rend compte, comme d’autres écrivains de la tradition du « Nature Writing », que le fait de mettre ses perceptions en mots aide à percevoir et que le langage peut aussi être un outil41, à condition de le concevoir comme une réalité plurielle. C’est ainsi en tout cas que le pratique Ulrike Draesner qui, dans Mein Hiddensee, recourt, comme on l’a vu, à différentes formes littéraires et à différents types de langage, auxquels il faut ajouter le bégaiement, le silence, la discontinuité, la suspension42. Elle souligne en effet l’importance de ne pas tout nommer, de laisser certaines réalités dans une sorte d’obscurité pour les ouvrir à d’autres formes d’appréhension que la seule appréhension conceptuelle, « le sentir », « l’imagination » (p. 47), qualifiant l’île d’espace qui permet précisément cet apprentissage43. Et elle insiste aussi, d’une part, sur le fait que les choses et la perception qu’on peut en avoir ne se laissent de toute façon pas prendre dans le filet des mots, qu’elles résistent44 et, d’autre part, que la langue ne se laisse fort heureusement pas parfaitement dompter45.

Interroger les relations de l’Homme à la nature

Mais le livre ne contient pas seulement une réflexion sur les modes d’écriture de la nature, il aborde également, plus largement, la question des relations entre l’homme et la nature. Ulrike Draesner met ainsi en évidence la prise de conscience (récente) de la nécessité de protéger la nature dont témoigne la création sur l’île d’espaces protégés permettant de maintenir une certaine biodiversité (p. 152). Elle explique notamment que tout le sud de l’île est une réserve ornithologique interdite d’accès (p. 96). Et elle note que la décharge où avaient été abandonnés les restes des installations liées à la recherche de pétrole sur l’île a été nettoyée et que la zone a été intégrée au Parc national de protection du paysage du Bodden de Poméranie occidentale (Nationalpark Vorpommersche Boddenlandschaft ; p. 150)46. Elle rappelle cependant que l’action de l’homme, que l’exploitation de la nature par l’homme peut aussi mettre cette dernière en danger. Elle évoque par exemple les dangers d’une surexploitation de ses ressources, opposant une pêche respectueuse, destinée à la consommation personnelle et immédiate (p. 49‑50), à la chasse aux œufs de mouette à des fins purement lucratives telle qu’elle était pratiquée au début du xxe siècle sur le Bessin et le Gellen (p. 141), et à la chasse au « gibier à plumes »47. Et elle mentionne à plusieurs reprises les dégâts environnementaux causés par les prospections pétrolières déjà évoquées, menées à plus de 4000 mètres de profondeur sur le Dornbusch du temps de la RDA (p. 53). Indépendamment des forages proprement dits, le projet avait en effet donné lieu à la construction d’une voie bétonnée en direction de Grieben et de baraquements à proximité de Kloster (p. 80).

Mais en cohérence avec sa remise en question de la conception simpliste d’une nature objet face à un homme sujet (pour le meilleur et pour le pire), Ulrike Draesner met en évidence que la nature peut aussi se montrer active. La mer, par exemple, peut être dangereuse, ainsi que l’illustrent les chapitres « Les marins » (« Die Seefahrer » ; p. 164‑167) et « Cas de morts accidentelles sur terre » (« Fälle zu Land » ; p. 168‑169) qui, se fondant sur le registre de la paroisse de Kloster, évoquent respectivement des cas de naufrages et de noyades. La nature, surtout, est présentée comme vivante, comme en constante évolution. La forme de l’île en effet se modifie en permanence sous l’effet des phénomènes d’érosion (p. 68) : si la force de l’eau, notamment des vagues, use et sape les falaises du nord de l’île, de sorte que des pans entiers s’en détachent, les débris vont s’accumuler sur le Bessin, formant ainsi des cordons littoraux. Et de même qu’elle avait confié un chapitre à son chien, Ulrike Draesner consacre un chapitre entier au vent. Ce dernier qui n’est nommé que dans le titre, « Vent sur la plage » (« Wind am Strand »), est désigné par le pronom « IL » (« ER » en majuscules dans le texte comme pour souligner que c’est lui le maître de l’île) qui n’apparaît qu’au nominatif, en position de sujet et de sujet de verbes qui sont tous des verbes d’action. Il peut ainsi amener des nuages qui cachent le soleil (p. 39) ou au contraire les faire disparaître (p. 40), les poussant parfois violemment (p. 39). Il fait voler le sable, le varech et même les pierres (p. 41). Il fait gicler l’écume (ibid.), crée des vagues de plus en plus rapides, de plus en plus rapprochées qui submergent les brise-lames construits par l’Homme (p. 41‑42). Il couche la végétation (p. 39), empêche les arbres de pousser normalement (p. 39‑40). Et l’être humain qu’elle est se sent complètement impuissant contre lui. Elle a l’impression qu’il va lui arracher les oreilles, le sable qu’il soulève lui cingle le visage, lui brûle les yeux, pénètre dans son nez, l’empêche de respirer et d’avancer et elle a l’impression qu’il est une force qui se joue d’elle48, comme s’il était doué d’une volonté quasi humaine.

 

Dans Mein Hiddensee Ulrike Draesner propose donc, à partir de l’expérience de ses différents séjours sur l’île, une réflexion sur et une mise en pratique de ce que peut être une écriture de la nature qui dépasse la traditionnelle dichotomie nature/objet, humain/sujet. L’originalité du livre réside dans son extrême hybridité. Associant narration, description (aussi bien scientifique que poétique) et réflexion (aussi bien métalinguistique que philosophique), il s’inscrit bien dans la tradition du « Nature Writing » qu’il renouvelle cependant par l’extrême diversité des formes littéraires auxquelles l’écrivaine a recours, du récit d’excursion à l’instantané en 100 mots, de passages essayistiques à des documents d’archives, en passant par des chapitres dont les sujets peuvent être le vent ou son chien. S’intéressant également aux traces de la présence humaine et concevant la nature dans un sens plus large que dans la tradition américaine d’origine où il s’agissait essentiellement de décrire la nature sauvage, l’autrice se rapproche du « New Nature Writing » qui apparaît depuis les années 2000 en Grande-Bretagne, avec des auteurs qui explorent aussi les zones urbaines et périurbaines49. Elle poursuit entre-temps son exploration de l’« espace »50, l’abordant aussi bien à partir d’une ville qu’elle connaît bien, Londres51, qu’à partir d’un territoire extrême, le Grand Nord, comme dans son texte Radio Silence diffusé en décembre 2020 sur la Norddeutscher Rundfunk et non encore publié pour lequel elle a obtenu en 2020 le Deutscher Preis für Nature Writing.

Bibliography

Sites web

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Travaux

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DRAESNER Ulrike, Grammatik der Gespenster. Frankfurter Poetikvorlesungen, Ditzingen, Reclam, 2018.

DRAESNER Ulrike, « Das Zwitschern der Vögel im (nichtnationalen) Wald », dans Gabriele DÜRBECK et Christine KANZ (dir.), Deutschsprachiges Nature Writing von Goethe bis zur Gegenwart. Kontroversen, Positionen, Perspektiven, Berlin, Metzler, 2020, p. 335‑347.

DÜRBECK Gabriele et KANZ Christine, « Gibt es ein deutschsprachiges Nature Writing? Gebrochene Traditionen und transnationale Bezüge », dans Gabriele DÜRBECK et Christine KANZ (dir.), Deutschprachiges Nature Writing von Goethe bis zur Gegenwart. Kontroversen, Positionen, Perspektiven, Berlin, Metzler, 2021, p. 1‑37.

ERTEL Anna, « Zur Poetik Ulrike Draesners », Text+Kritik, no 201, Ulrike Draesner, dir. Susanne BROGI, Anna ERTEL et Evi ZEMANEK, 2014, p. 19‑26.

FISCHER Ludwig, Natur im Sinn. Naturwahrnehmung und Literatur, Berlin, Matthes & Seitz, 2019.

GERSTENBERGER Katharina, « Die Darstellung Alaskas in Peter Handkes Langsame Heimkehr (1979) unter dem Aspekt des Nature Writing », dans Gabriele DÜRBECK et Christine KANZ (dir.), Deutschsprachiges Nature Writing von Goethe bis zur Gegenwart. Kontroversen, Positionen, Perspektiven, Berlin, Metzler, 2020, p. 247‑263.

KOLBE Uwe, Mein Usedom, Hambourg, Mare, 2010.

ORTHEIL Hanns-Joseph, Die Moselreise. Roman eines Kindes, Munich, Luchterhand, 2010.

PROBST Simon, « Esther Kinskys Gelände-Texte: Ein „nicht-modernes“ Genre der vielen möglichen Ökologien », dans Gabriele DÜRBECK et Christine KANZ (dir.), Deutschsprachiges Nature Writing von Goethe bis zur Gegenwart. Kontroversen, Positionen, Perspektiven, Berlin, Metzler, 2020, p. 281‑298.

RUSCH Claudia, Mein Rügen, Hambourg, Mare, 2014.

SCHRÖDER Simone, « From Both Sides Now: Nature Writing auf Literaturfestivals », dans Gabriele DÜRBECK et Christine KANZ (dir.), Deutschsprachiges Nature Writing von Goethe bis zur Gegenwart. Kontroversen, Positionen, Perspektiven, Berlin, Metzler, 2020, p. 317‑333.

ZEMANEK Evi et RAUSCHER Anna, « Das ökologische Potenzial der Naturlyrik », dans Evi ZEMANEK (dir.), Ökologische Genres. Naturästhetik – Umweltethik – Wissenspoetik, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, Umwelt und Gesellschaft, vol. 16, 2018, p. 91‑118.

Notes

1 Née en 1962, Ulrike Draesner est une écrivaine dont l’œuvre se caractérise par une grande diversité. Elle englobe en effet aussi bien des recueils de poèmes que des romans, des essais que des œuvres intermédiales ou des traductions (essentiellement de l’anglais). Les thèmes qu’elle aborde touchent à l’ensemble des réalités de notre époque, de notre rapport à l’Histoire aux évolutions les plus récentes des sciences et des médias. Pour une approche générale, on peut se reporter à la présentation qu’elle en fait elle-même sur son site internet www.draesner.de, à l’article de Michael Braun, « Ulrike Draesner », Kritisches Lexikon zur deutschsprachigen Gegenwartsliteratur, Munzinger, https://www.munzinger.de/register/portrait/klg/draesner%20ulrike/16/669 [consulté en février 2025] ou encore au numéro de la revue Text+Kritik (no 201) qui lui a été consacré en 2014 par Susanne Brogi, Anna Ertel et Evi Zemanek. Return to text

2 Ulrike Draesner, Mein Hiddensee, Hambourg, Mare, 2015. Sauf indication contraire, les indications de pages renverront à ce livre. Les traductions sont de E. Aurenche Beau. Return to text

3 Même si le livre est rédigé à la troisième personne, la présence du possessif « mein » [mon] dans le titre peut être considérée comme un indice de pacte autobiographique. Ulrike Draesner justifie cette apparente contradiction en notant que l’emploi de la troisième personne, le recours à un « elle anonyme » lui sert de masque : Ulrike Draesner, « Vom zärtlichen Ernst der Welt. Nature Writing », dans Grammatik der Gespenster. Frankfurter Poetikvorlesungen, Ditzingen, Reclam, 2018, p. 173. Return to text

4 Ulrike Draesner le signale explicitement dans le texte et dans la note concernant les pages 164-169, c’est-à-dire les chapitres « Die Seefahrer » (« Les marins ») et « Fälle zu Land » (« Cas de morts accidentelles sur terre ») (p. 202). Elle remercie par ailleurs l’archiviste de l’île, Madame Jana Leistner (p. 203). Return to text

5 Le texte d’Ulrike Draesner se démarque en cela des autres livres publiés dans la même collection des éditions Mare qui n’ont pas cette dimension réflexive. Celui de Claudia Rusch, Mein Rügen ([Mon île de Rügen], Hambourg, Mare, 2010) est à dominante autobiographique, celui d’Uwe Kolbe, Mein Usedom ([Mon île d’Usedom], Hambourg, Mare, 2014), est essentiellement historique, pour ne comparer qu’avec ceux qui traitent des îles voisines. Return to text

6 Il n’en mentionne pas moins aussi d’autres moments passés sur l’île avec son ex-mari, sans, puis avec leur fille plus petite au cours des années précédentes. Le tout premier séjour date de 1997, son contexte plus précis est détaillé dans le chapitre « 1997 » (p. 77-83). Le séjour principal a lieu seize ans plus tard (p. 14). Entre-temps, Ulrike Draesner s’y est rendue presque chaque année (p. 17). Elle évoque un 31 décembre avec son mari sur le Dornbusch, (p. 23), de bons souvenirs avec lui (p. 192) et avec leur fille (p. 45), mais fait aussi allusion à son infidélité et à leur séparation. Return to text

7 La deuxième de couverture propose une carte de l’île qui permet de repérer les lieux cités. Return to text

8 Elle se distinguerait en cela d’une certaine tradition américaine du « Nature Writing » (celle de Henry David Thoreau et John Muir) qui oppose la nature à l’état « sauvage », « originel » à la civilisation ; Katharina Gerstenberger, « Die Darstellung Alaskas in Peter Handkes Langsame Heimkehr (1979) unter dem Aspekt des Nature Writing », dans Gabriele Dürbeck et Christine Kanz (dir.), Deutschsprachiges Nature Writing von Goethe bis zur Gegenwart. Kontroversen, Positionen, Perspektiven, Berlin, Metzler, 2020, p. 249. Return to text

9 Ulrike Draesner, « Vom zärtlichen Ernst der Welt », dans Grammatik der Gespenster, op. cit., p. 159. Return to text

10 http://www.draesner.de/nature-writing [consulté en février 2025]. Return to text

11 Une écrivaine comme Esther Kinsky, autrice notamment de Naturschutzgebiet (2013), Am Fluss (2014) et Hain. Ein Geländeroman (2018), qui a en outre obtenu en 2020 le prix allemand du Nature Writing (« Deutscher Preis für Nature Writing ») pour son recueil de poèmes Tagliamento s’intéresse particulièrement à cet aspect, aux lieux hybrides, aux zones de chevauchement où la nature n’est pas vierge, mais marquée par les traces de la présence humaine ; Simon Probst, « Esther Kinskys Gelände-Texte: Ein „nicht-modernes“ Genre der vielen möglichen Ökologien », dans Gabriele Dürbeck et Christine Kanz (dir.), Deutschsprachiges Nature Writing von Goethe bis zur Gegenwart. Kontroversen, Positionen, Perspektiven, Berlin, Metzler, 2020, p. 281-298. La revue Dritte Natur éditée par Steffen Richter et publiée par Matthes & Seitz en a fait sa spécialité : https://www.matthes-seitz-berlin.de/buch/dritte-natur-4-2021.html [consulté en février 2025]. Return to text

12 « Sommer 1962 » (« Été 1962 »), p. 36-38 contient un rapport de police, « Raketenapparat », p. 119-121, cite un article de journal de 1909 sur le sauvetage d’un bateau échoué près de l’île et décrit le dispositif utilisé appelé « Raketenapparat » qui ressemble à une pièce d’artillerie, « Seefahrer » (« Les marins »), p. 164-167 et « Fälle zu Land » (« Cas de morts accidentelles sur terre »), p. 168-169 citent les registres de décès de la paroisse de Kloster. Return to text

13 « Une promesse est une promesse » (« Versprochen ist versprochen »), p. 176-181. Return to text

14 À la manière de photographies instantanées, ces textes relèvent le défi de retenir des moments fugitifs. Return to text

15 Ajoutons que cette hybridité s’observe aussi à l’intérieur des chapitres eux-mêmes, qui peuvent associer aux récits ou aux descriptions des souvenirs personnels, des extraits de conversation ou des réflexions poétologiques. Return to text

16 Pour reprendre avec Claudia Albes la définition de Don Scheese dans son ouvrage Natural Writing. The Pastoral Impulse in America (New York, Londres, Routledge, 2002) : « Selon Don Scheese, la forme typique du “nature writing” est le récit non fictionnel à la première personne d’une exploration aussi bien physique (vers l’extérieur) que mentale (vers l’intérieur) d’un environnement essentiellement non humain, le protagoniste suivant le mouvement spatial du pastoralisme de la civilisation à la nature. » (traduction E. Aurenche-Beau) (« The typical form of nature writing, so Don Scheese, is a first person, non-fiction account of an exploration, both physical (outward) und mental (inward), of a predominantly nonhuman environment, as the protagonist follows the spatial movement of pastoralism from civilization to nature. »). Synthétisant les différentes définitions proposées ces dernières années, elle souligne : « Le terme de “Nature Writing” […] est cependant un terme hybride qui désigne non seulement le thème de textes littéraires, mais aussi un certain procédé de représentation littéraire qui oscille entre l’essai scientifique, l’autobiographie et le récit de voyage. » (« Indes stellt der Terminus ‘Nature Writing’ [...] einen Mischbegriff dar, der als Bezeichnung nicht nur für das Thema literarischer Texte, sondern auch für ein bestimmtes Verfahren literarischer Darstellung [...] aufzufassen ist, das zwischen naturwissenschaftlichem Essay, Autobiographie und Reisebericht changiert. » ; Claudia Albes, « Nature Writing: Zur Brauchbarkeit eines neuen Gattungsbegriffs für das Verständnis von Sebalds Prosa am Beispiel des Essays Die Alpen im Meer », dans Gabriele Dürbeck et Christine Kanz (dir.), Deutschsprachiges Nature Writing von Goethe bis zur Gegenwart. Kontroversen, Positionen, Perspektiven, Berlin, Metzler, 2020, p. 266 et 265-266. On peut citer aussi celle de Ludwig Fischer qui souligne sensiblement les mêmes points : « terme générique désignant des œuvres littérairement ambitieuses qui présentent une exploration précise de la nature et du paysage incluant souvent une réflexion sur le sujet connaissant et sur le rapport entre l’être humain et la nature » (« zusammenfassender Begriff für Werke, die eine genaue Erkundung von Natur und Landschaft auf literaturanspruchsvolle Weise vergegenwärtigen, was oft eine Reflexion auf das erkennende Subjekt und auf das Mensch-Natur-Verhältnis einschließt. ») ; Fischer, Natur im Sinn. Naturwahrnehmung und Literatur, Berlin, Matthes & Seitz, 2019, p. 45. Return to text

17 En témoignent notamment la création par l’éditeur Matthes & Seitz du « Deutscher Preis für Nature Writing » décerné chaque année depuis 2017 https://www.matthes-seitz-berlin.de/news/deutscher-preis-fuer-nature-writing-2021.html [consulté en février 2025] ou, en 2018, le choix par l’internationales literaturfestival berlin de la thématique de la littérature de la nature (Simone Schröder, « From Both Sides Now: Nature Writing auf Literaturfestivals », in Gabriele Dürbeck et Christine Kanz (dir.), Deutschsprachiges Nature Writing von Goethe bis zur Gegenwart. Kontroversen, Positionen, Perspektiven, Berlin, Metzler, 2020, p. 317-333), sans compter la parution en 2021 du livre de Christiane Dürbeck et Christine Kanz (voir note 8). Return to text

18 Comme le souligne Anna Ertel, une des particularités de l’œuvre d’Ulrike Draesner est de ne pas séparer écriture littéraire et écriture théorique (Anna Ertel, « Zur Poetik Ulrike Draesners », Text+Kritik, no 201, Ulrike Draesner, dir. Susanne Brogi, Anna Ertel et Evi Zemanek, 2014, p. 20). Return to text

19 Ulrike Draesner s’interroge sur l’existence d’un « Nature Writing allemand » et sur la nécessité de traduire le concept en allemand : « Cela a-t-il un sens d’introduire ce concept – en anglais ? Et/ou faudrait-il le traduire ? Si oui, comment ? » (« Ist es sinnvoll, diesen Begriff einzuführen – auf Englisch? Und/oder sollte man ihn übersetzen? Wenn ja: wie? ») ; « Das Zwitschern der Vögel im (nichtnationalen) Wald », in Gabriele Dürbeck et Christine Kanz (dir.), Deutschsprachiges Nature Writing von Goethe bis zur Gegenwart. Kontroversen, Positionen, Perspektiven, Berlin, Metzler, 2020, p. 339). Return to text

20 Ulrike Draesner affirme ainsi que la nature est aussi bien sujet qu’objet, « dass Natur geschrieben wird und dass Natur schreibt » et elle évoque la possibilité d’une « subjectivation de la nature qui amènerait à se laisser conduire par elle » (« eine Subjektivierung der Natur – ein sich von ihr führen lassen »), ibid, p. 341. Return to text

21 Ulrike Draesner décline elle-même les différents sens possibles de « nach » : « Ce “nach” qui n’a l’air de rien contient un après temporel et un derrière spatial. Il évoque aussi en même temps un but (départ pour X). […] “Nach” n’est pas un lieu fixe, nach évoque un procès. “Nach” a un rapport complexe à la proximité. Nach est de la presque proximité. […] Nach est une proximité manquée […] Nach est une direction. » (« Das unscheinbare ‘nach’ enthält ein temporales und lokales Hinter(her). Zugleich spricht es auch von einem Ziel (Aufbruch nach X). [...] ‘Nach’ ist kein fester Ort, nach ist ein Prozess. [...] ‘Nach’ hat ein komplexes Verhältnis zur Nähe. Nach ist Fastnähe [...] Nach ist verfehlte Nähe. [...] Nach ist eine Richtung. »), ibid, p. 339. Return to text

22 Récusant toute différence de nature entre l’homme et la nature, elle emploie l’expression « Mélanges-de-moi-et-de-ça-là-bas » (« Ich-Dasdadrauβen-Mischungen ») qu’elle commente ainsi : « la “nature” : comme elle est présente dans les deux (tissage indénouable, imbrication), ce qu’elle perçoit comme extérieur et intérieur » (« “Natur”: wie sie in beidem steckt (verwoben, unauflösbar, eingegangen), was sie als auβen und innen wahrnimmt. »), p. 145. Return to text

23 On a parfois juste l’indication de la couleur : « Potentille argentée » (« silbriges Fingerkraut »), « lilas soutenu des buglosses » (« tieflilafarbene Oschsenzungen »), p. 23. Return to text

24 Dans leur article sur « Le potentiel écologique de la poésie de la nature » (« Das ökologische Potenzial der Naturlyrik »), Evi Zemanek et Anna Rauscher énumèrent certains de ces procédés qu’elles nomment « dé-hiérarchisation » (p. 102), « empathie » (p. 103), « anthropomorphisation » (p. 104), « fantasmes de fusion » (p. 104-105) et « imitation de la nature dans le Rollengedicht » (p. 106). Elles explicitent ainsi les liens entre eux : « On a recours depuis longtemps à la personnification et à l’anthropomorphisation pour exprimer une attitude empathique de l’Homme à l’égard de son environnement non humain, car on peut ainsi attribuer une potentialité d’action propre à tout ce qui relève du non-humain. Dans les fantasmes lyriques de fusion qui expriment la fusion de l’Homme et de la matière à l’aide de concepts ambigus pouvant se référer aussi bien à l’un qu’à l’autre, la décentralisation de la position de l’Homme au sein de la nature va encore plus loin. » (« Schon früh wurden Personifizierung und Anthropomorphisierung verwendet, um eine empathische Haltung des Menschen gegenüber der nicht-menschlichen Umwelt auszudrücken, denn auf diese Weise kann man [...] allem Nicht-Menschlichen eigene Wirkmacht zusprechen. Noch einen Schritt weiter geht die Dezentralisierung der Position des Menschen im Haushalt der Natur in lyrischen Verschmelzungsphantasien, welche die Fusion von Mensch und Materie, mit doppeldeutigen, auf beides referierenden Begriffen artikulieren. ») (p. 114) ; Evi Zemanek et Anna Rauscher, « Das ökologische Potenzial der Naturlyrik », dans Evi Zemanek (dir.), Ökologische Genres. Naturästhetik – Umweltethik – Wissenspoetik, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, Umwelt und Gesellschaft, vol. 16, 2018, p. 91-118. Return to text

25 Annie Dillard, Pèlerinage à Tinker Creek, trad. Pierre Gault, Paris, Bourgeois, 1990 [1974], p. 325-331. Return to text

26 Ludwig Fischer souligne cette dichotomie typiquement occidentale dans laquelle l’être humain est le seul être auquel est conféré le statut de sujet face à l’ensemble du monde des objets (la nature) ; Ludwig Fischer, Natur im Sinn, op. cit., p. 71. Return to text

27 Elle explique avoir eu l’occasion de toucher une couleuvre lors d’un atelier organisé dans le jardin d’enfants de sa fille. Return to text

28 Zemanek et Rauscher, « Das ökologische Potenzial der Naturlyrik », op. cit. Return to text

29 « [...] hat sie [...] von ihrem Buch aufblickend, in die Augen eines Fuchses geschaut » (« levant les yeux de son livre, elle se retrouva nez à nez avec un renard »), p. 135 ; « sah die Fähe sie an » (« la renarde la regardait »), p. 135 ; « der Fuchs beäugte sie » (« le renard la dévisageait »), p. 136. Return to text

30 « Fast amüsiert sah die Fähe sie an, als hätte sie mit sich gewettet, wie lange sie, der Mensch, brauchen würde, um die füchsige Anwesenheit zu bemerken. / Offensichtlich: Das Tier kannte sie bereits. » (« La renarde la regardait, presque amusée, comme si elle avait fait un pari avec elle-même sur le temps que l’humain mettrait à remarquer sa renardesque présence. L’animal manifestement la connaissait déjà. »), p. 135. Return to text

31 « In voller Beherrschung seines Körpers und der Zeit strich er davon.  [...] Wie souverän er […] davonzog. […] In voller Sichtbarkeit wanderte er im Mittag der Insel dahin » (« Il s’éloigna, pleinement maître de son corps et du temps. […] Avec quelle majesté il disparut. […] Il s’en alla, pleinement visible en plein midi. »), p. 137. Return to text

32 On appelle ainsi un poème dans lequel le moi lyrique joue le rôle d’un personnage (souvent indiqué dans le titre) qui s’exprime à la première personne. Return to text

33 « Fliegen mit einer Bö an das Kliff heran, verharren kurz vor der Wand, suchen die richtige der zu Hunderten in den Stein gearbeiteten Brutröhren, schlüpfen passgenau in den höchstens untertellergroβen Eingang » (« S’approchent de la falaise à la faveur d’une bourrasque, s’immobilisent juste avant la paroi, cherchent le bon emplacement parmi les centaines d’emplacements de nidification creusés dans la roche, se faufilent avec précision dans le passage qui n’a même pas le diamètre d’une soucoupe. »), p. 160. Return to text

34 « Treffsicher schlüpft das nächste Tier in seine Röhre; die Kolonie, ständig im An- und Abflug begriffen (begriffen!) füttert die Zukunft. » (« Sûr de son coup, l’animal suivant se faufile dans son emplacement ; la colonie, sans cesse en train d’aller et venir, nourrit l’avenir. »), p. 161. Return to text

35 Cette manière de procéder pourrait rappeler ce que Hanns-Joseph Ortheil appelle ses « Tagesmitschriften » [notes quotidiennes prises sur le vif]. Il s’agit d’une façon particulière d’écrire non pas après coup, mais sur le vif : « Ich resümiere nicht [...], stattdessen geht es um das Festhalten des Augenblicks, um die Moment-Skizze, um das flackernde Denken und Fühlen » (« Je ne résume pas […], il s’agit plutôt de retenir l’instant, d’esquisser ce qui a lieu dans l’instant, les intermittences des pensées et des sensations. ») (Hanns-Joseph Ortheil, Die Moselreise. Roman eines Kindes, Munich, Luchterhand, 2010, p. 8). Elle pourrait rejoindre aussi ce que Ludwig Fischer appelle des « Pleinair-Niederschriften » (« notes de plein air, prises sur le motif ») qui, contrairement aux notations d’un journal intime ne sont pas rétrospectives et seraient donc a priori moins construites (Ludwig Fischer, Natur im Sinn, op. cit., p. 167). Return to text

36 « Also schreibt sie nach dem Gedächtnis auf, was sie sagte. Gesagt haben könnte. Die Finger sind keine Hilfe, sie haben nicht mitgemacht, erinnern sich nicht. Erst jetzt, bei der Nachschrift des Tages, wirken sie ein: formen? Fälschen? » (« Elle note donc de mémoire ce qu’elle a dit. Pourrait avoir dit. Ses doigts ne lui sont d’aucun secours : ils n’ont pas participé, ne se souviennent pas. C’est seulement maintenant, en relatant après coup la journée, qu’ils interviennent : forment ? falsifient ? »), p. 101. Return to text

37 Elle évoque ainsi, comme incidemment et en passant, mais non sans les remettre en question, les interrogations fondamentales de la tradition philosophique occidentale : « Wie Sprache und Körper zusammengehören? Mithilfe von Ludwig Wittgensteins Philosophischen Untersuchungen hat man versucht ihr beizubringen, dass es ohne Sprache kein Denken, kein Weltwissen, kein Empfinden gibt. Jacques Lacan sagt, selbst das Unbewuβte sei geformt wie eine Sprache. » (« Quels sont les liens entre le langage et le corps ? On a essayé de lui apprendre, à l’aide des Études philosophiques de Wittgenstein, que sans langage, il n’y a ni pensée, ni savoir sur le monde, ni capacité à ressentir. Jacques Lacan affirme que même l’inconscient est structuré comme un langage. »), p. 71. Return to text

38 Elle se définit ainsi : « Eine, die [...] darüber nachdenkt, inwiefern jedes Sprechen Übersetzung bedeutet. Wenn nicht von Gedanken [...], dann von wahrgenommener Wirklichkeit? Von Sinnes’daten’, Ich-Dasdadrauβen-Mischungen ? » (« Une personne [quelqu’un au féminin] qui se demande dans quelle mesure tout langage est traduction. Si ce n’est pas de nos pensées […], alors de la manière dont nous percevons la réalité ? Des “données” de nos sens, mélanges-de-moi-et-de-ça-là-bas ? »), p. 145. Return to text

39 Elle souligne les liens entre les automatismes cérébraux et les automatismes linguistiques : « Gehirnautomatismen (gern mit Sprachautomatismen verschmolzen) » (« automatismes cérébraux (qui aiment à fusionner avec des automatismes linguistiques) »), p. 42. Return to text

40 Elle donne ainsi l’exemple de l’expression « blitzendes Schwert » (« épée étincelante ») qui lui vient en voyant le soleil réapparaître entre les nuages. Elle la qualifie de « angelesen » (« fruit de ses lectures ») et poursuit : « Sie beschlieβt, mit allem Denken aufzuhören, nichts mehr zu übersetzen, nichts mehr einzufüllen in die Fächer und Raster, die ihre Muttersprache anbietet. » (« Elle décide de cesser de penser, de ne plus traduire, de plus rien mettre dans les cases et les grilles offertes par sa langue maternelle. »), p. 42. Return to text

41 « Wahrnehmen. Sprechen. Durch das Sprechen wahrnehmen. Sich mit Hilfe des Sprechens zwingen, die Augen aufzureiβen. » (« Percevoir. Mettre en mots. Percevoir en mettant en mots. Se contraindre à ouvrir les yeux en s’appuyant sur la mise en mots. »), p. 101. Return to text

42 « Stottern. Nichts sagen. […] Wenn Wahrnehmung stockt: ein Absatz. » (« Balbutier. Ne rien dire. […] Aller à la ligne quand la perception fait défaut. »), p. 101. Return to text

43 « Insel: kleiner Vokabeltrainer. Raum und Möglichkeit des Nicht-Begriffs » (« L’île : occasion d’exercer son vocabulaire. Espace et possibilité pour se passer des concepts »), p. 48. Return to text

44 « Weit und, wie es scheint, selbstverständlich übersteigt der Körper der sinnlichen Erfahrung immer wieder die Sprache […], quillt über Vokabeln und Grammatik hinaus. » (« Le corps de l’expérience sensible ne cesse de déborder largement la langue, d’une manière qui semble aller de soi […], il échappe au lexique et à la grammaire. »), p. 73. Return to text

45 « Als wäre Sprache nichts Eigenständiges, Widerspenstiges » (« Comme si la langue n’était pas une réalité autonome, rebelle »), p. 123. Return to text

46 Elle évoque aussi les restes d’installations laissées par les nazis à moitié dynamités par les Soviétiques qui défiguraient le Swantiland avant qu’on ne les fasse disparaître, p. 52. Return to text

47 Les représentants de la ligue de protection des oiseaux qui tentent de s’opposer à ces pratiques sont à l’époque traités de fous. Return to text

48 « Sie betrachtet das Schauspiel [...]; sie weiβ, dass ‘die Natur’ nicht spielt, weil es diese ‘Natur’ nur als kulturelles Artefakt gibt, als Menschenkategorie. Dessen ungeachtet hat sie den Eindruck, dem Spielen einer Kraft mit sich selbst beizuwohnen. » (« Elle contemple le spectacle […] ; elle sait que “la nature” ne joue pas parce que cette “nature” n’existe que comme artefact culturel, comme catégorie créée par l’Homme. Elle n’en a pas moins l’impression d’assister au jeu d’une force qui jouerait avec elle-même. »), p. 41. Return to text

49 Gabriele Dürbeck et Christine Kanz, « Gibt es ein deutschsprachiges Nature Writing? Gebrochene Traditionen und transnationale Bezüge », dans Gabriele Dürbeck et Christine Kanz (dir.), Deutschprachiges Nature Writing von Goethe bis zur Gegenwart. Kontroversen, Positionen, Perspektiven, Berlin, Metzler, 2021, p. 2. Ce n’est peut-être pas un hasard si une autre grande représentante allemande de cette tendance, Esther Kinsky, est également traductrice de l’anglais et a également vécu longtemps en Angleterre. Return to text

50 Le fait qu’elle utilise, comme on l’a vu, sur son site l’expression « Écriture de la nature et de l’espace » (« Nature and Space Writing ») est particulièrement significatif de cet élargissement de la notion d’origine. Return to text

51 Ulrike Draesner, London Lieblingsorte, Berlin, Insel, 2016. Return to text

References

Electronic reference

Emmanuelle Aurenche-Beau, « Mein Hiddensee de Ulrike Draesner. Un exemple allemand de « Nature Writing »? », Textures [Online], 29 | 2025, Online since 02 décembre 2025, connection on 08 décembre 2025. URL : https://publications-prairial.fr/textures/index.php?id=1179

Author

Emmanuelle Aurenche-Beau

Université Lumière Lyon 2, LCE (Lettres et civilisations étrangères), F-69007 Lyon, France

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