« It was land merely, no land in particular » : le dépaysement à l’œuvre dans Between the Acts (1941) de Virginia Woolf

DOI : 10.35562/textures.252

p. 107-119

Abstract

Alors que la menace d’une invasion allemande fait planer sur l’Angleterre le spectre d’un dépaysement radical, Virginia Woolf choisit d’ancrer son dernier roman, Between the Acts (1941), dans la fausse familiarité du « pays », au sens local du terme, dans un petit « coin de terre », où par une après-midi de juin 1939 la communauté assemblée assiste comme chaque année au pageant qui rejoue l’Histoire nationale. Ce lieu rendu délibérément abstrait, impossible à situer, réduit à quelques aplats colorés sans lignes de fuite et maintenu dans le suspens d’une éradication imminente, est rendu étranger à lui-même par la violence prête à sourdre en lui et la menace constante d’une régression à son état le plus primitif. Erigé en scène de théâtre pour les besoins du spectacle, le paysage anglais, devenu littéralement « représentation du pays », n’ouvre plus que sur son propre redoublement spéculaire et contraint les spectateurs assemblés face au récit constamment interrompu de la geste nationale à devenir « les contemplateurs de leur infini dépaysement » (J-L. Nancy). Précisément parce qu’elle suspend sa lisibilité immédiate, cette épreuve de l’étranger que Woolf fait subir au pays et, à travers lui, à la langue de la communauté, participe de cette alliance fructueuse entre localisme et abstraction qui caractérise la production des artistes anglais des années 1930-40, de ce « paysagisme abstrait » ou « figural » qui « transgresse les oppositions entre figuration et abstraction » (M. Collot) et se fait « l’allié et non plus l’antithèse de l’innovation formelle » (A. Harris). Dans Between the Acts, l’écriture retourne ainsi à la langue commune, fragmentée et défamiliarisée par des effets d’écho et de juxtaposition incongrus, comme à une boue primitive infiniment fertile, où se mêlent proverbes, truismes, comptines, poèmes, légendes locales et bribes de textes canoniques, et qui, déposée au fond de l’esprit, devient le terreau d’un renouveau créatif et d’une œuvre à venir.

Text

Alors que la menace d’une invasion allemande plane sur l’Angleterre, Virginia Woolf choisit de situer ce qui sera son dernier roman, Between the Acts (1941), dans la fausse familiarité du « pays », au sens local ou régional du terme, dans un petit coin de terre, situé au cœur de l’Angleterre, où par une après-midi de juin 1939 les jardins de Pointz Hall, demeure de la famille Oliver, accueillent le traditionnel pageant, le spectacle historique qui y est donné chaque été depuis sept ans. Woolf revisite ici au second degré le genre du pageant nationaliste, popularisé par Louis Napoleon Parker (1852-1944) au début du vingtième siècle, un spectacle musical ou « folk-play1 » mobilisant des acteurs amateurs parmi la communauté de la ville ou du village, toutes classes sociales confondues, dans la célébration de l’histoire locale. Les pageants conçus par Parker, tous joués in situ dans un cadre naturel2, le premier donné à Sherborne dans le Dorset en 1905, puis à Warwick (1906), Bury St Edmunds (1907), Dover (1908), Colchester (1909) et York (1909), participent dans les années précédant la Première Guerre à la propagande contre l’Allemagne, en décrivant depuis les origines les grandes étapes de la constitution du pays, le partage et la délimitation d’un espace commun au fondement de l’identité nationale.

Le lieu-dit (château de Sherborne ou de Warwick, jardins de Bury St Edmunds ou de York) y est élevé au rang de scène mythique, « lieu exemplaire de monstration et de révélation3 », où se rejoue une partition symbolique de l’espace : de la fondation de la ville jusqu’à un tableau final triomphaliste. Plusieurs des pageants mis en scène par Parker s’originent ainsi dans un espace indifférencié, forêt primitive ou lieu de culte païen, occupé par les premières tribus autochtones, quand « le propre ou l’approprié, pas encore le possédé ni l’exploité, se confond avec l’occupé de l’occupation4 ». Puis, ils décrivent les tout premiers mouvements d’appropriation et de délimitation de l’espace : l’occupation romaine et la construction du Mur d’Hadrien5, la christianisation, l’unification du territoire par les rois saxons contre les vagues d’invasion danoises, la conquête normande et le premier cadastrage du pays dans le Domesday Book, la redéfinition des règles de la propriété avec la Magna Carta, l’édification des villes gagnées sur les forêts.

S’il organise le cadastrage progressif du pays, le pageant nationaliste préside aussi à la « fondation poético-religieuse6 » de la communauté, en opérant « les partages ou les partitions qui [la] distribuent, qui la distinguent pour elle-même et qui l’articulent en elle-même7 ». Le récit des origines, porté par une voix unanime, celle du chœur ou du récitant, à laquelle répond à l’unison la voix des figurants issus de la ville ou du village, s’y veut « parole pleine, originelle, […] fondatrice de l’être intime d’une communauté8 », « grand parler9 » mythique forgeant l’identité collective. Par essence étiologique, les pageants procèdent au baptème symbolique des lieux « dits » par les figures locales et légitiment la distribution de l’espace entre les grandes familles en faisant du toponyme le garant de la stabilité des lignées. Selon le mot emprunté par Jean-Luc Nancy à Coleridge, on pourrait dire que le pageant nationaliste est « tautégorique10 », puisqu’il repose sur « la pure mytho-logie d’une parole absolument fondatrice, symbolisatrice ou distributrice11 », qui convertit « sa propre fiction en fondation ou en inauguration du sens lui-même12 ».

Dans sa lecture de Between the Acts, Chantal Delourme a mis en évidence la manière dont le roman de Woolf interrompt précisément la scène mythique des pageants nationalistes et lui oppose un nouveau mode d’« être-en-commun13 », lié à une conception du littéraire comme « interruption du mythe14 ». En juin 1940, Woolf dénonce en effet, dans les pages de son journal, la collusion qui existe entre la nostalgie communielle d’une première « humanité mythante15 » et les dérives fascistes (« the myth making stage of the war we’re in16 »). Dans un essai de 1940, « Thoughts on Peace in an Air Raid », elle fait de l’écriture un instrument de lutte contre « l’hitlérisme inconscient », la violence patriarcale qui est aussi pour elle à la source du nationalisme anglais17. Pour organiser cette résistance de l’écriture à la célébration des lieux communs qui fondent les sentiments douteux d’appartenance18, Woolf ancre elle aussi son roman, Between the Acts, au plus profond du « pays » au sens le plus local du terme (« this remote village in the very heart of England19 », « that one corner of the world20 »), mais pour lui faire subir d’autant plus radicalement encore l’épreuve de l’étrangeté ou du dé-paysement, en suspendant la lisibilité immédiate du paysage et en introduisant un écart, infime, mais signifiant, au sein de ce qui semble le plus familier21.

Contrairement aux pageants traditionnels, ancrés dans une localité identifiable, Woolf situe son roman dans un entre-lieu, un lieu familier mais impossible à situer, créant le paradoxe d’un ancrage non localisable. La région où se situe Pointz Hall présente des caractéristiques du Sussex, où Woolf vécut par intermittence les premières années de la Seconde Guerre mondiale et les dernières années de sa vie, mais de nombreuses incertitudes planent sur sa géolocalisation et le village lui-même n’est jamais nommé. La distance qui le sépare de la mer varie selon le point de vue des personnages (une centaine de kilomètres selon Isa, une trentaine selon Bart Oliver). Gillian Beer, à partir des indices livrés dans le roman, le situe plutôt au nord, dans le Yorkshire, en face de la région allemande du Friesland (« across the gulf in the flat land which divided them from the continent22 »). Woolf mêle à dessein les référents géographiques réels à des toponymes fictifs, forgés à partir de suffixes communs, latins ou saxons (« Waythorn, Roddam, and Pyeminster23 »), qui semblent obéir à la seule logique de la libre association poétique, comme pour suggérer les lentes transformations ou germinations que subissent les signifiants enfouis au sein du terreau fertile de la langue.

À l’inverse des pageants traditionnels, qui racontent le partage de l’espace commun, l’aménagement progressif du territoire, le passage de l’indistinct au distinct, dans Between the Acts, Woolf rend délibérément le pays à son indistinction première et radicale. Dès les premières pages du roman, la menace tacite des bombardements allemands maintient le paysage dans le suspens d’une éradication imminente, d’un retour à un indifférencié primitif : « From an aeroplane […] you could still see, plainly marked, the scars made by the Britons; by the Romans; by the Elizabethan manor house; and by the plough, when they ploughed the hill to grow wheat in the Napoleonic wars24. » ; « At any moment guns would rake that land into furrows; planes splinter Bolney Minster into smithereens and blast the Folly25. » Un raccourci saisissant associe ici les reliefs archéologiques du paysage, le geste ancestral consistant à délimiter les parcelles, à labourer la terre (« plough the hill », « rake the land into furrows »), la lente émergence des contours du pays au fil des âges, avec les mutilations (« scars ») des guerres de conquête passées et des bombardements aériens à venir. Comme l’a signalé Alexandra Harris, la perspective aérienne adoptée ici par Woolf rappelle le « paysagisme abstrait26 » du peintre anglais John Piper (1903-1992) dans ses tableaux des années trente, comme Avebury (or Archaeological Wiltshire) (1936). S’inspirant des photographies aériennes de l’archéologue O.G.S. Crawford, Piper supprime les lignes de fuite qui structurent traditionnellement la perspective, aplatit les volumes en procédant à un collage de formes juxtaposées27, pour révéler les contours d’un partage primitif du territoire et rendre ce paysage archaïque à son étrangeté d’origine :

Piper’s contribution to this high altitude history was to demonstrate that the earth from the air was not a rationalized system of relating shapes, but a complex network of field boundaries, green lanes and lost villages. As the historian Kitty Hauser explains in her brilliant study of photography and “the archaeological imagination”, the aerial view revealed the shadows of ancient settlements: secrets from the past that could only be seen from the sky28.

Dans Between the Acts, Woolf déconstruit elle aussi le cadastrage progressif qui structure le paysage des pageants et constitue le pays en nation, pour faire apparaître les vestiges d’un système d’organisation plus élémentaire de l’espace, mais aussi les traces de la violence immanente qui marqua les premiers mouvements d’appropriation du territoire. Elle fait alors du paysage le cadre paradoxal d’une expérience du dé-paysement :

Le pays est d’abord l’espace de terre pris dans un certain coin ou angle […]. Déjà c’est un cadastre qui s’esquisse : partitions, partages, délimitations de cultures ou de passages, de circulations et de séjours. Mais c’est un cadastre sans administration. Nul besoin d’invoquer aussitôt la propriété comme un acte impérieux de mainmise qui extorque (« ceci est à moi ») : elle viendra plus tard, pour le moment on peut imaginer que le propre ou l’approprié, pas encore le possédé ni l’exploité, se confond avec l’occupé de l’occupation. […] Ce qui fait un pays échappe à une détermination claire et distincte – qu’elle soit géographique, juridique ou politique. Car un pays n’est pas une nation, ni une patrie, ni un État29.

Le paysage qu’elle évoque est pris dans une temporalité qui n’est pas seulement régressive mais tendue vers l’imminence d’une destruction prochaine, suspendue entre deux formes de barbarie, comme si la violence de ces premiers partages du territoire inscrite dans le sol anglais menaçait de se raviver30. En juin 1938, après une excursion avec Leonard sur le Mur d’Hadrien, alors qu’elle est engagée dans la rédaction de ce qui deviendra Between the Acts, Woolf consigne dans son journal l’impression que fait naître en elle ce paysage réduit au partage le plus élémentaire de l’espace, le mur séparant l’armée d’occupation étrangère et les populations autochtones :

Sunday [19 June] at Housesteads [Northumberland]. Thorn trees; sheep. The [Roman] wall and whiteheaded boys in front. Miles and miles of lavender campagna. One thread coloured frail road crossing the vast uncultivated lonely land. […]
Sunday [19 June]. Sitting by the road under the Roman wall while L. cleans sparking plugs. […] Cows moving to the top of the hill by some simultaneous sympathy. One draws the others. Wind rocks the car. Too windy to climb up and look at the lake. Reason why the hills are still Roman—the landscape immortal… what they saw I see. The wind, the June wind, the water, and snow. Sheep bedded in the long turf like pearls. No shade, no shelter. Romans looking over the border. Now nothing comes. […] The outpost feeling though from the little watchtowers remains. Forts to fight from; the wall to look from31.

De l’autre côté du mur défensif, Woolf guette, elle aussi, les manifestations imminentes de la barbarie, la menace d’un retour à l’indifférencié, à un espace au sein duquel la présence humaine serait effacée et qui serait rendu aux seuls éléments (l’air, la terre et l’eau) 32. Dans Between the Acts, ce premier partage du territoire est incarné par le pan de mur qui prolonge une aile de Pointz Hall, vestige d’un projet d’expansion inabouti, motif représenté en abyme dans les vers d’Isa et diverses scènes du pageant de Miss La Trobe, notamment par la fortification en trompe-l’œil symbolisant la « civilisation en ruines33 ».

Plusieurs des personnages du roman sont eux aussi absorbés par une rêverie régressive, telle Lucy Swithin, la sœur de Bart Oliver, dont le patronyme évoque l’appartenance (within) et dont le prénom, chargé d’échos wordsworthiens, rappelle l’inhumation, le retour du corps humain à la terre (« Rolled round in earth’s diurnal course,/ With rocks, and stones, and trees34. »), mais aussi les affinités secrètes de la langue avec la matérialité du sol. Plongée dans la lecture d’un ouvrage de H.G. Wells, The Outline of History: Being a Plain History of Life and Mankind (1919‑1920), qui raconte l’Histoire de l’humanité des origines jusqu’à la Première Guerre, elle est transportée vers les temps préhistoriques où l’Angleterre et l’Allemagne formaient un seul continent (« when the entire continent, not then, she understood, divided by a channel, was all one […]35 »), un tout indifférencié, couvert de forêts et de marécages : « “England,” she was reading, “was then a swamp. Thick forests covered the land36”. » La même rêverie régressive anime son petit-neveu George, encore enfant, qui creuse la terre pour y déterrer une fleur (« The little boy […] was grouting in the grass » ; « George grubbed » ; « Down on his knees grubbing he held the flower complete37 »), ou encore sa nièce, Isa, poètesse amateure, souffrant des contraintes imposées par la vie domestique et l’oppression patriarcale, dont les vers traduisent aussi une vision primitive de la terre associée à l’expérience d’un dé-paysement radical : « Isa dragged her chair across the gravel, muttering: “To what dark antre of the unvisited earth, or wind-brushed forest, shall we go now ? […]38”. »

Si Woolf suspend la lisibilité immédiate du « pays », en le rendant à son étrangeté et à sa violence d’origine, elle libère également des échos primitifs dans les lieux communs de la langue, en déconstruisant les catachrèses, les proverbes et les formules toutes faites qui en constituent le paysage familier, en fouissant et retournant la langue comme la terre (« grouting », « grubbing39 »), pour exhiber la matérialité sonore des signifiants et révéler leurs résonances secrètes. Elle soumet ainsi le lecteur à l’épreuve du dépaysement linguistique, lorsque les lieux communs se désagrègent et exposent leurs revers primitifs ou inquiétants, comme un sillon de terre retourné ou une tranchée ouverte. Ainsi, au détour d’une conversation sur la pluie et le beau temps, par l’entremise du signifiant « hammer » (marteau, marteler), le geste bien innocent de Lucy Swithin, qui placarde comme chaque année les affiches du pageant, libère soudain, dans l’esprit d’Isa, les échos insoutenables d’un viol dont elle vient de lire le récit dans la presse, le viol d’une jeune femme par des soldats dans une caserne près de Whitehall :

“I’ve been nailing the placard on the Barn,” she said, giving him a little pat on the shoulder.
The words were like the first peal of a chime of bells. As the first peals, you hear the second; as the second peals, you hear the third. So when Isa heard Mrs. Swithin say: “I’ve been nailing the placard on the Barn,” she knew she would say next:
“For the pageant.” […]
Every summer, for seven summers now, Isa had heard the same words; about the hammer and the nails; the pageant and the weather. Every year they said, would it be wet or fine; and every year it was—one or the other. The same chime followed the same chime, only this year beneath the chime she heard: “The girl screamed and hit him about the face with a hammer40.”

En libérant ces échos primitifs au sein de la conversation familière, Woolf, par l’intermédiaire d’Isa, met l’agentivité poétique de la langue au service d’une interrogation systématique des lieux communs, révélant leur collusion avec le modèle patriarcal et la violence sourde qu’ils contiennent. De même, lorsque Lucy Swithin, touchant du bois par superstition, s’interroge sur la signification convenue de cette expression :

“Touch wood,” she added, tapping the table.
“Tell me, Bart,” said Mrs. Swithin turning to her brother, “what’s the origin of that? Touch wood… Antaeus, didn’t he touch earth?” […]
“Touch wood; touch earth; Antaeus,” he muttered, bringing the scattered bits together. Lemprière would settle it; or the Encyclopædia. […] Lucy rapping her fingers on the table said:
“What’s the origin—the origin—of that?”
“Superstition,” he said41.

Alors que Bart Oliver se tourne vers le dictionnaire pour assigner à l’expression une origine fixe, Lucy Swithin réinvente l’origine en l’associant de manière totalement fantaisiste au mythe d’Antée, mythe de l’enracinement fondateur, dont elle détourne le sens42. Elle retourne ainsi au terreau fertile de la langue (« her mind touched ground now and then with a shock of surprise43. »), au fond commun partagé qui s’y est déposé avec le temps, et puise dans la matérialité poétique des signifiants des effets de sens nouveaux.

Dans « Craftsmanship », un essai lu à la BBC le 20 avril 1937, Woolf explique que l’art de l’écrivain consiste précisément à susciter une expérience de désorientation fertile au sein du paysage familier de la langue. Au lieu de chercher, par souci de confort, à ramener les mots à une transparence référentielle illusoire, semblable à la signalétique des guides Michelin ou Baedeker, il convient de suivre les chemins de traverse de la libre association poétique :

Now, this power of suggestion is one of the most mysterious properties of words. Everyone who has ever written a sentence must be conscious or half-conscious of it. Words, English words, are full of echoes, of memories, of associations—naturally. They have been out and about, on people’s lips, in their houses, in the streets, in the fields, for so many centuries. And that is one of the chief difficulties in writing them today—that they are so stored with meanings, with memories, that they have contracted so many famous marriages. […] How can we combine the old words in new orders so that they survive, so that they create beauty, so that they tell the truth44?

L’écrivain doit jouer de ces alliances et mariages ancestraux, mais parfois convenus, entre les mots, les déstabiliser pour créer des associations nouvelles. Comme George, qui creuse la terre pour y déterrer une fleur parfaite, ou Lucy Swithin qui interroge l’origine des lieux communs, l’écrivain doit retourner le sol de la langue, creuser pour trouver les mots enfouis derrière les mots, libérer leurs résonances primitives pour permettre un nouveau partage.

Loin d’offrir une scène fondatrice à la constitution de la communauté, le pageant mis en scène par Miss La Trobe provoque une désorientation similaire chez les spectateurs. Bien que la terrasse de Pointz Hall, érigée en scène de théâtre, soit naturellement prédisposée à accueillir la pièce jouée en plein air, le public assemblé n’éprouve aucun sentiment de communion face à un paysage qui n’ouvre plus que sur son propre redoublement spéculaire :

They were silent. They stared at the view, as if something might happen in one of those fields to relieve them of the intolerable burden of sitting silent, doing nothing, in company. Their minds and bodies were too close, yet not close enough. We aren’t free, each one of them felt separately, to feel or think separately, nor yet to fall asleep. We’re too close; but not close enough. So they fidgeted.
The heat had increased. The clouds had vanished. All was sun now. The view laid bare by the sun was flattened, silenced, stilled. The cows were motionless; the brick wall, no longer sheltering, beat back grains of heat. […] The flat fields glared green yellow, blue yellow, red yellow, then blue again. The repetition was senseless, hideous, stupefying45.

Sous l’effet des variations de la lumière et du passage des nuages, le paysage sur lequel se découpe la scène de théâtre, encore vide, se fait « lieu de l’étrangeté ou de l’étrangement46 », « suspens d’un passage », « évidement de la scène ou de l’être47 », et contraint les spectateurs assemblés à devenir « les contemplateurs […] de leur infini dépaysement48 ». Woolf inverse ici la perspective : les spectateurs se trouvent exposés, mis à nu, assignés à comparaître devant le paysage vide, suspendu dans l’attente de sa destruction prochaine, comme placés face à leur part de responsabilité collective dans la catastrophe à venir. Remontant à l’origine étymologique commune (le terme munus en latin) qui unit la « communauté » à la notion de « spectacle public », Georges Didi-Huberman rappelle la nécessité d’exposer les peuples, d’assigner au regard porté sur eux une fonction non plus seulement médiatique, mais politique, pour définir « un lieu du commun » qui ne se réduise pas à un simple « lieu commun » :

Exposer les peuples : interminable recherche de la communauté. À quiconque s’interroge aujourd’hui sur le destin social des images, l’exposition des peuples apparaîtra d’abord comme une quête impossible : le lieu du commun ressemble trop souvent, en effet, à un lieu commun. […] Or, c’est à notre regard […] qu’il revient de ne pas laisser les lieux communs affaiblir ou même détruire les figures du commun. C’est notre regard, notre volonté de regard, qu’il faut investir de cette responsabilité politique élémentaire consistant à ne pas laisser dépérir le lieu du commun en tant que question ouverte dans le lieu commun en tant que solution toute trouvée49.

Le pageant de Miss La Trobe n’aura pas pour effet de créer un utopique sentiment de communion, mais bien de confronter le public assemblé aux apories de sa condition, à sa propre part de violence, en interrogeant les lieux communs du pays et de la langue.

Si le spectacle est donné sur la terrasse, les coulisses où œuvre Miss La Trobe sont elles situées en contrebas, non loin de l’étang, dans une déclivité du sol (« that dip of the ground50 »), propice à la sédimentation et à la germination des idées et des mots. Au premier acte du pageant, les villageois, qui jouent leur propre rôle, chantent les origines du pays, accompagnés par le son grinçant (« grinding ») d’un gramophone, mais le souffle du vent disperse leurs paroles et rend leur chant indistinct :

The villagers were singing, but half their words were blown away.
Cutting the roads… up to the hill top… we climbed. Down in the valley… sow, wild boar, hog, rhinoceros, reindeer… Dug ourselves in to the hill top… Ground roots between stones… Ground corn… till we too… lay under g-r-o-u-n-d…
The words petered away. Chuff, chuff, chuff, the machine ticked. Then at last the machine ground out a tune51!

Le souffle du vent, le mugissement des vaches puis une ondée conspirent pour interrompre le spectacle inscrit dans l’espace de la nature, pour empêcher « le cosmos [de se structurer] en logos52 », et pour faire régresser la parole humaine vers son indistinction et son étrangeté première. Le mouvement naturel d’expansion du territoire et d’aménagement de l’espace, consistant à tracer des routes (« cutting the roads »), à délimiter des parcelles, à cultiver les champs (« ground corn »), à « distinguer l’indistinct53 », se convertit, sous l’effet de la perturbation sonore, en un mouvement de régression (« up to the hill top… down in the valley »), qui au contraire « indistingue le distinct54 », jusqu’à l’enfouissement et l’inhumation finale (« till we too lay under ground »). Ici, le polyptote qui associe le nom « ground » (le sol) au participe passé du verbe « to grind » (moudre, broyer, écraser), mais aussi à l’expression « to grind a tune » (jouer un air de musique), manifeste dans la matérialité même des signifiants ce retour aux racines de la langue (« ground roots ») et à ses potentialités poétiques. Par le jeu de l’homophonie, Woolf transforme la terre en matière sonore fertile et la langue en terreau offert à de nouvelles germinations incongrues.

Ce que Woolf fait entendre entre les actes du pageant, lors des interludes ou dans les interstices du spectacle, n’est donc plus la voix fondatrice du mythe, mais la voix de l’interruption du mythe :

Lorsqu’une voix, ou une musique est interrompue soudain, on entend à l’instant même autre chose, un mixte ou un entre-deux de silence et de bruits divers que le son recouvrait, mais dans cette autre chose on entend à nouveau la voix ou la musique, devenues en quelque sorte la voix ou la musique de leur propre interruption : une sorte d’écho, mais qui ne répéterait pas ce dont il serait la réverbération55.

Dans la suspension de la parole communielle, dans « le bruissement de la communauté exposée à sa propre dispersion56 », s’ouvre alors un espace de résonance, qui constitue, pour Woolf, l’essence même du littéraire, et où se loge la possibilité d’un nouveau partage. Si la communion est constamment brisée par les interférences de la nature ou le son discordant du gramophone, la communauté de l’écoute qui se crée involontairement pendant la pièce dessine les contours d’un lieu du commun, en faisant émerger chez chaque spectateur un fond littéraire partagé. À chaque scène ou épisode du pageant, qui livre une version iconoclaste de l’Histoire anglaise, les récits de mésalliances et d’héritages détournés, pastichant tour à tour la poésie de Spenser, les comédies de Shakespeare, les comédies de la Restauration ou le roman victorien, deviennent la métaphore de ces alliances contre nature entre les genres, nobles ou moins nobles (épopée, tragédie, comédie, refrains populaires ou comptines) et entre les mots que Woolf orchestre par l’entremise de Miss La Trobe, la marginale et l’étrangère. Les vers de Miss La Trobe suscitent en effet chez chaque spectateur, qui les rapporte à sa propre condition, d’autres échos littéraires (Shakespeare, Swinburne), qui en retour viennent alimenter la pièce elle-même. Depuis les coulisses, Miss La Trobe écoute les voix désincarnées de son public et intègre leurs paroles vagabondes au dernier acte de sa pièce, « Le Temps présent57 ». Entre les actes, Woolf représente ainsi ce qui constitue, pour elle, le littéraire comme « être-en-commun », la résonance prolongée des œuvres du passé, sa contribution à la création des œuvres du présent, la circulation dialogique des voix et des textes, qui prend la forme dans son roman d’une énonciation collective, inspirée par celle du chœur grec58. Parce qu’elle ouvre cet espace intérieur dans lequel les échos de la pièce se prolongent, l’interruption devient alors condition de possibilité de la création :

La littérature n’achève pas à l’endroit même où elle achève : sur son bord, juste sur la ligne du partage – une ligne tantôt droite (le bord, la bordure du livre), tantôt incroyablement contournée ou brisée (l’écriture, la lecture). Elle n’achève pas à l’endroit où l’œuvre passe d’un auteur à un lecteur, et de ce lecteur à un autre lecteur ou à un autre auteur. Elle n’achève pas à cet endroit où l’œuvre passe à une autre œuvre du même auteur, et à cet autre endroit où elle passe à d’autres œuvres d’autres auteurs. Elle n’achève pas là où son récit passe à d’autres récits, son poème à d’autres poèmes, sa pensée à d’autres pensées, ou au suspens inévitable de la pensée ou du poème. C’est inachevée et inachevante qu’elle est littérature59.

Chaque personnage, pourtant isolé dans ses pensées (« dispersed are we60 », clame le gramophone depuis les coulisses), se trouve ainsi lié aux autres par la résonance que la pièce a suscitée en lui : « Giles muttered to the same tune. Words came to the surface […]61 » ; « It didn’t matter what the words were; or who sang what62. » ; « “It’s the play,” [Isa] said. “The play keeps running in my head.”63 » Le spectacle crée alors une communauté éphémère, fondée sur un imaginaire poétique commun caché derrière les mots et dessine comme les contours d’un « arrière-pays » poétique : « As they listened and looked—out into the garden—the trees tossing and the birds swirling seemed called out of their private lives, out of their separate avocations, and made to take part64. » ; « For I hear music, they were saying. Music wakes us. Music makes us see the hidden, join the broken. Look and listen65. » ; « Like quicksilver sliding, filings magnetized, the distracted united66. »

Après la fin du spectacle, Miss La Trobe restée seule dans les coulisses contemple le paysage qui plonge lentement dans l’obscurité et retourne à son indistinction première : « It was growing dark. Since there were no clouds to trouble the sky, the blue was bluer, the green greener. There was no longer a view—no Folly, no spire of Bolney Minster. It was land merely, no land in particular. She put down her case and stood looking at the land. Then something rose to the surface67. » Face au paysage dont les contours s’effacent, Miss La Trobe a la vision de sa prochaine pièce, de son œuvre à venir, mais les mots lui échappent encore. Dans le pub local, elle se laisse absorber dans la communauté de l’écoute et bercer par les voix des paysans autour d’elle, aux manteaux couleur de terre (« earth-coloured jackets68 ») :

She turned the handle of the public house door. The acrid smell of stale beer saluted her; and voices talking. They stopped. They had been talking about Bossy as they called her—it didn’t matter. […] She raised her glass to her lips. And drank. And listened. Words of one syllable sank down into the mud. She drowsed; she nodded. The mud became fertile. Words rose above the intolerably laden dumb oxen plodding through the mud. Words without meaning—wonderful words69.

Ces mots portés par des voix anonymes se déposent lentement au fond de l’esprit comme une boue primitive, dans laquelle Miss La Trobe tracera son sillon. Woolf souligne ici la jonction entre l’écriture et la terre, la manière dont la création s’origine dans cet espace de résonance, seul pays véritable, constitué par l’écho ou le bruissement de la communauté désœuvrée. Le roman se conclut sur la constitution de cet éphémère lieu du commun, alors que résonne dans l’esprit de chacun des personnages l’écho que la pièce a éveillé en eux, ce paysage intérieur que la communauté de l’écoute a dessiné et que Woolf compare à un ciel constamment balayé par les nuages, un ciel qui « se dépayse incessamment70 » : « Down in the hollow, at Pointz Hall, beneath the trees, the table was cleared in the dining room. […] The play was over, the strangers gone, and they were alone—the family. Still the play hung in the sky of the mind—moving, diminishing, but still there71. »

Bibliography

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Yoshino Ayako, « Between the Acts and Louis Napoleon Parker—the Creator of the Modern English Pageant », Critical Survey, vol. 15, n°2, 2003, p. 49-60.

Notes

1  Ayako Yoshino, « Between the Acts and Louis Napoleon Parker—the Creator of the Modern English Pageant », Critical Survey, vol. 15, n°2, 2003, p. 52. Return to text

2 Shilarna Stokes, « Authoring the Environment: Landscapes, Crowds and Communality in Louis Napoleon Parker’s Edwardian Pageants », Theatre Notebook, vol. 72, n°3, 2018, p. 143. Return to text

3 Jean-Luc Nancy, La Communauté désœuvrée, Paris, Christian Bourgeois, 1986, p. 113. Return to text

4 Jean-Luc Nancy, « Paysage avec dépaysement », Au fond des images, Paris, Galilée, 2003, p. 102. Return to text

5 Voir The Book of the York Pageant, 1909: A Dramatic Representation of the City’s History in Seven Episodes, from B.C. 800-A.D. 1644, York, Johnson, 1909. Return to text

6 Jean-Luc Nancy, La Communauté désœuvrée, op. cit., p. 115. Return to text

7 Ibid., p. 128. Return to text

8 Ibid., p. 122. Return to text

9 Ibid., p. 124. Return to text

10 Ibid., p. 124. Return to text

11 Ibid., p. 131. Return to text

12 Ibid., p. 135-136. Return to text

13 Ibid., p. 161. Return to text

14 Voir Chantal Delourme, « Between the Acts : lire le temps, écrire la communauté », Études britanniques contemporaines, numéro hors-série « Woolf lectrice/Woolf critique », automne 2007, p. 125-146. Return to text

15 Jean-Luc Nancy, La Communauté désœuvrée, op. cit., p. 114-115. Return to text

16 Virginia Woolf, The Diary of Virginia Woolf (1936-1941), vol. 5, Anne Olivier Bell et Andrew McNeillie (éd.), New York, Harcourt Brace, 1985, p. 292. Return to text

17 « Thoughts on Peace in an Air Raid » [1940], The Essays of Virginia Woolf (1933-1941), vol. 6, Stuart N. Clarke (éd.), Londres, The Hogarth Press, 2011, p. 242-245. Return to text

18 Le 2 décembre 1939, Woolf écrit à sa nièce Judith Stephen : « I’m more and more convinced that it is our duty to catch Hitler in his home haunts and prod him if even with only the end of an old inky pen » (The Letters of Virginia Woolf (1936-1941), vol. 6, Nigel Nicolson et Joanne Trautman (éd.), Londres, The Hogarth Press, 1980, p. 372). Return to text

19 Virginia Woolf, Between the Acts [1941], Stella McNichol (éd.), Gillian Beer (intro.), Londres, Penguin, 1992, p. 13. Return to text

20 Ibid., p. 19. Return to text

21 Dans le pageant donné à Abinger Hammer, un petit village du Surrey, en juillet 1934, et dans « England’s Pleasant Land », donné à Milton Court en juillet 1938, E.M. Forster remet lui aussi en cause le cadastrage progressif du territoire et l’exploitation économique qui en découle. Return to text

22 Virginia Woolf, Between the Acts, op. cit., p. 30. Return to text

23 Ibid., p. 21. Return to text

24 Ibid., p. 5.  Return to text

25 Ibid., p. 34. Return to text

26 Michel Collot, La Pensée-paysage, Arles, Actes Sud/ENSP, 2011, p. 63. Return to text

27 Alexandra Harris, Romantic Moderns: English Writers, Artists and the Imagination from Virginia Woolf to John Piper, Londres, Thames & Hudson, 2010, p. 25. Dans Between the Acts, le paysage est décrit à plusieurs reprises sous la forme d’aplats colorés : « the very flat, field-parcelled land had changed only in this—the tractor had to some extent superseded the plough » (p. 34) ; « The view laid bare by the sun was flattened, silenced, stilled. » (p. 41) ; « The flat fields glared green yellow, blue yellow, red yellow, then blue again. » (p. 42). Return to text

28 Ibid., p. 26. Return to text

29 Jean-Luc Nancy, « Paysage avec dépaysement », op. cit., p. 102-103. Return to text

30 Voir sur ce sujet Jackson Ayres, « The Planes Made One Think: Virginia Woolf’s Between the Acts and Invasion Literature », Modern Fiction Studies, vol. 63, n°4, 2017, p. 628-650. Return to text

31 Virginia Woolf, The Diary of Virginia Woolf (1936-1941), op. cit., p. 151. Return to text

32 Plus tard, le 22 octobre 1939, Woolf compare les rues de Londres, pendant le couvre-feu, à une forêt primitive où rôdent des animaux nocturnes : « You never escape the war in London. […] At night its so verdurous & gloomy that one expects a badger or a fox to prowl along the pavement. A reversion to the middle ages with all the space & the silence of the country set in this forest of black houses. » (Ibid., p. 242). Return to text

33 Virginia Woolf, Between the Acts, op. cit., p. 108. Return to text

34 William Wordsworth, « A slumber did my spirit seal » [1799, pub. 1800], Romantic Poetry, Paul Driver (éd.), Londres, Penguin, 1995, p. 39. Return to text

35 Virginia Woolf, Between the Acts, op. cit., p. 8. Return to text

36 Ibid., p. 129. Return to text

37 Ibid., p. 9-10. Return to text

38 Ibid., p. 33. Return to text

39 Ibid., p. 9. Return to text

40 Ibid., p. 15-16. Return to text

41 Ibid., p. 17. Return to text

42 « À la question de l’origine étymologique, il est répondu par le mythe qui est lui figure de l’origine et par celui d’Antée qui est lui-même loi du retour à l’origine terre d’où il puise sa force. L’origine s’abolit dans ces renvois spéculaires […]. » (Chantal Delourme, « Between the Acts : lire le temps, écrire la communauté », op. cit., p. 133). Return to text

43 Virginia Woolf, Between the Acts, op. cit., p. 71. Return to text

44 Virginia Woolf, « Craftsmanship » [1937], The Death of the Moth and Other Essays, Londres, The Hogarth Press, 1942, p. 129-130. Return to text

45 Virginia Woolf, Between the Acts, op. cit., p. 41-42. Return to text

46 Jean-Luc Nancy, « Paysage avec dépaysement », op. cit., p. 116. Return to text

47 Ibid., p. 118. Return to text

48 Ibid., p. 117. Return to text

49 Georges Didi-Huberman, Peuples exposés, Peuples figurants, L’Œil de l’Histoire 4, Paris, Les Éditions de Minuit, 2012, p. 98. Return to text

50 Virginia Woolf, Between the Acts, op. cit., p. 36. Return to text

51 Ibid., p. 49. Return to text

52 Jean-Luc Nancy, La Communauté désœuvrée, op. cit., p. 125. Return to text

53 Jean-Luc Nancy, « Paysage avec dépaysement », op. cit., p. 102. Return to text

54 Ibid., p. 102. Return to text

55 Jean-Luc Nancy, La Communauté désœuvrée, op. cit., p. 155. Return to text

56 Ibid., p. 156. Return to text

57  Christine Froula, « The Play in the Sky of the Mind: Between the Acts of Civilization’s Masterplot », Virginia Woolf and the Bloomsbury Avant-Garde: War, Civilization, Modernity, Columbia, Columbia University Press, 2005, p. 312. Return to text

58 Melba Cuddy-Keane, « The Politics of Comic Modes in Virginia Woolf’s Between the Acts », PMLA, vol. 105, n°2, 1990, p. 274. Return to text

59 Jean-Luc Nancy, La Communauté désœuvrée, op. cit., p. 162. Return to text

60 Virginia Woolf, Between the Acts, op. cit., p. 59. Return to text

61 Ibid., p. 53. Return to text

62 Ibid., p. 58. Return to text

63 Ibid., p. 64. Return to text

64 Ibid., p. 71. Return to text

65 Ibid., p. 73. Return to text

66 Ibid., p. 112. Return to text

67 Ibid., p. 124. Return to text

68 Ibid., p. 125. Return to text

69 Ibid., p. 125. Return to text

70 Jean-Luc Nancy, « Paysage avec dépaysement », op. cit., p. 118. Return to text

71 Virginia Woolf, Between the Acts, op. cit., p. 126. Return to text

References

Bibliographical reference

Marie Laniel, « « It was land merely, no land in particular » : le dépaysement à l’œuvre dans Between the Acts (1941) de Virginia Woolf », Textures, 24-25 | 2021, 107-119.

Electronic reference

Marie Laniel, « « It was land merely, no land in particular » : le dépaysement à l’œuvre dans Between the Acts (1941) de Virginia Woolf », Textures [Online], 24-25 | 2021, Online since 24 janvier 2023, connection on 05 septembre 2025. URL : https://publications-prairial.fr/textures/index.php?id=252

Author

Marie Laniel

Université de Picardie – Jules Verne

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