Introduction

Regards sur l’Italie

p. 5-11

Texte

Ce volume réunit des communications d’un séminaire du laboratoire LCE (Lettres et Civilisations Étrangères) de l’Université Lumière – Lyon 2, qui s’est déroulé au cours de l’année 2017-2018, puis d’un colloque international qui s’est tenu à la Maison Internationale des Langues et des Cultures de Lyon les 22 et 23 juin 2018. Ces manifestations entraient dans le cadre d’un programme de recherche quinquennal mené par le laboratoire LCE sur le récit de voyage dans plusieurs pays européens. Marquée par les nombreux récits de voyages imaginaires parus au cours des périodes moderne et contemporaine, la littérature critique en français sur le récit de voyage en Italie s’est beaucoup concentrée sur les récits de voyages fictionnels1. Le terme de littérature de voyage comporte d’ailleurs une ambivalence en ce sens qu’il renvoie aussi bien à un genre référentiel qu’à des textes intégrant une part plus ou moins importante de fictionalité2.

Les textes ici rassemblés traitent quant à eux du genre du récit de voyage à dimension référentielle, et prennent pour objet d’étude des œuvres qui se présentent comme des récits à la première personne assumés par des personnes réelles, issues de pays extérieurs à l’Italie, et dont le statut social a pu considérablement varier d’un individu ou d’une époque à l’autre. Ce trait énonciatif commun, le récit référentiel à la première personne, ne les empêche pas de présenter une grande diversité de formes et de supports depuis le XVIIe siècle : le récit de voyage peut s’énoncer tour à tour dans des journaux intimes, dans des mémoires, dans des correspondances, dans des compilations, dans des traités et même dans des œuvres iconographiques, autant de situations qu’on retrouvera déclinées dans les articles proposés ici.

La perspective retenue dans ces diverses interventions a consisté à privilégier la dialectique entre deux pôles : d’une part, la force de l’héritage culturel que constituent les témoignages accumulés sur l’Italie, qui en viennent immanquablement à influer sur la perspective des voyageurs, à orienter leur regard ; d’autre part, l’impératif de faire œuvre originale, que ce soit par la mise en avant d’une expérience vécue singulière ou par l’élaboration d’un discours nouveau sur l’Italie ou l’une de ses régions. Ce discours peut être de nature esthétique, mais aussi « statistique » – pour reprendre un mot en vogue au XIXe siècle –, ou encore présenter une dimension plus sociologique, comme dans nombre de récits des XXe et XXIe siècles.

L’Italie est sans conteste le pays sur lequel se sont écrits le plus de livres dans les diverses langues des voyageurs européens et américains. Dès lors, tout n’est-il pas déjà dit et ne vient-on pas trop tard ? Dès le XVIIe siècle, la question se pose : dans l’Angleterre de Jacques Ier, comme le montre la contribution d’Anne Geoffroy, le regard d’un voyageur comme James Howell (ca. 1594-1666) est lourdement lesté de la référence aux sources qu’il a emmagasinées avant de gagner Venise3. Dans son récit de voyage épistolaire Epistolae Ho-Elianae (1645), le poids de l’héritage livresque de ses prédécesseurs, tels que John Florio ou Thomas Coryate, semble dans un premier temps contraindre l’auteur à n’offrir qu’un « catalogue de stéréotypes ». Cependant, Howell parvient peu à peu à faire entendre une voix originale qui témoigne de son expérience de voyageur, et à proposer un authentique éloge de Venise, où « le souvenir de voyage s’émancipe progressivement de l’héritage des topiques classiques pour donner naissance à une voix personnelle, mêlant discours esthétique et discours scientifique ».

Cette quête de l’originalité, transposée sur le plan pictural, inspire également l’œuvre de Claude Gellée dit le Lorrain (1600-1682), célèbre aujourd’hui pour avoir peint la campagna environnant la ville de Rome où il résida jusqu’à sa mort. Les tableaux de Claude Gellée, explique Lucie Ratail4, représentent une Italie « sous la forme d’un paysage glorieux, harmonieux, idéalisé », dans la mesure où le peintre se livre à un « assemblage de dessins d’après nature ». À l’instar de la romancière anglaise Anne Radcliffe au siècle suivant, à qui l’on doit notamment un roman gothique, The Italian (1797), comportant des données picturales disparates mais reliées les unes aux autres par la force de l’imagination, Claude Gellée part d’éléments de décor existants et familiers pour les recomposer dans une œuvre singulière au réalisme « illusoire » mais « vraisemblable ». Fait remarquable, les tableaux du Lorrain ont suscité à leur tour un engouement touristique au siècle suivant, où des adeptes du Grand Tour n’ont eu de cesse de retrouver dans la campagne romaine des scènes « dignes de Claude ».

Ce sont également les voyageurs du Grand Tour qui intéressent Jordan Girardin dans son analyse de l’« espace alpin narratif » aux XVIIIe et XIXe siècles5. Les voyageurs gagnant l’Italie depuis le nord de l’Europe, contrairement à nombre de leurs prédécesseurs du XVIIe siècle qui semblent avoir éludé ou contourné le massif alpin, font de plus en plus état de leur expérience du franchissement de cette frontière naturelle magnifiée par l’âme romantique, pour promouvoir « une géographie plus cognitive, personnelle, émotionnelle que scientifique ». De fait, la traversée de l’espace alpin devient le lieu où s’annonce une subjectivité qui suscitera l’émulation de nombre de lecteurs, invités à devenir à leur tour des « voyageurs-écrivains ». Il semble ainsi qu’au siècle des Lumières puis à l’aube du XIXe siècle, certains voyageurs du Grand Tour se désintéressent progressivement des ruines de l’Antiquité et des canaux de la Sérénissime pour se concentrer sur « une visite plus modeste du nord de l’Italie », cadre où a pu s’exprimer une expérience esthétique nouvelle.

À l’inverse, Le Voyage à l’isle d’Elbe (1808) d’Arsène Thiébaut de Berneaud (1777-1850) se signale par des ambitions plus directement scientifiques6. Lucia Lo Marco montre que la visée de cet écrivain géographe est d’offrir un « panorama intégral d’Elbe », entreprise sans précédent, puisque le livre de Thiébaut est le premier à avoir été écrit sur le sujet. L’auteur propose un ensemble de données empiriques, statistiques et historiques, ainsi qu’une carte qu’il qualifie de « première exactement vraie qui paraisse », dans une démarche à vocation en apparence purement scientifique. Malgré la controverse avec Guiseppe Ninci, qui affirme dès 1814 dans sa Storia dell-isola d’Elba n’y avoir rien trouvé de nouveau, l’œuvre a connu une faveur immédiate et fut rapidement traduite en allemand, anglais et suédois. Lucia Lo Marco remarque par ailleurs que l’originalité de cette œuvre ne se limite pas à l’aspect scientifique des données qu’elle porte à la connaissance du public, mais qu’elle se signale aussi par l’expression d’une certaine subjectivité, un lyrisme occasionnel et le « projet d’une révolution libératrice et civilisatrice ».

L’Italie des voyageurs du XIXe siècle n’en demeure pas moins, pour les artistes de l’époque, comme les poètes britanniques Elizabeth Barrett Browning (1806-1861) et Robert Browning (1812-1889), l’écrin des joyaux de la Renaissance7. Lors de leurs pérégrinations à travers la Toscane et leur séjour sans retour (Elizabeth mourra à Florence et Robert à Venise), les époux s’éprennent d’une Italie pour laquelle ils cultivent une véritable passion. Jean-Charles Perquin précise d’emblée que les deux poètes ont tout d’abord « une connaissance et une pratique principalement littéraire de l’Italie », mais c’est précisément la fréquentation de ses œuvres accumulées qui permet à leur poésie d’atteindre à une véritable « renaissance » ; cette dernière comporte une dimension politique chez Elizabeth qui s’engage, dans Casa Guidi Windows (1851), pour la cause italienne. En toile de fond, leur voyage en Italie acquiert une profondeur tragique, puisque les futurs époux qui gagnent la Toscane espèrent y trouver un refuge qui permettrait à Elizabeth d’échapper au destin auquel la condamnait la tyrannie paternelle, et qui accula les deux poètes à une « fuite éperdue ».

L’expérience de l’Italie telle qu’elle est restituée à travers les regards croisés d’Hippolyte Taine (1828-1893) et de Henry James (1843-1916) témoigne au même moment d’une conscience aiguë de la difficulté dans laquelle se trouve tout visiteur de faire œuvre originale en cette deuxième moitié du XIXe siècle8. Marie-Odile Salati précise qu’aux yeux des deux auteurs, il est pourtant encore possible de renouveler le genre du récit de voyage, en portant notamment intérêt aux petits détails, à la subjectivité, aux impressions d’ensemble que donne la découverte d’une ville comme Venise, point d’orgue du récit de Taine, ou de Naples, apothéose du périple de l’Américain Henry James. Dans la recension qu’il donne du Voyage en Italie (1865) de Taine, ce dernier approuve ainsi, selon le mot de Marie-Odile Salati, la « picturialité » du récit du critique français. Les deux auteurs s’intéressent aux mêmes villes, à propos desquelles ils « revendiquent la subjectivité et la littérarité de leur entreprise », sans être dupes de la difficulté dans laquelle le voyageur se retrouve pour trouver les mots qui rendront justice à une expérience jugée en général indicible. Dans les deux cas, c’est par la restitution des « anecdotes vécues » que l’auteur du récit de voyage pense pouvoir prétendre à atteindre la nouveauté.

Toute autre est la perspective d’un Mark Twain (1835-1910), qui, dans son Voyage des Innocents (1869), prend ironiquement le contrepied des intuitions esthétiques de son compatriote Henry James en adoptant résolument et sans vergogne la pose du béotien9. Certes, la découverte de Venise est pour lui source d’émerveillement, et Gênes lui apparaît, selon le mot de Frédéric Dumas, comme un « lieu paradisiaque », mais Twain entend avant tout se présenter comme un « voyageur inculte et généralement imperméable à l’altérité culturelle ». Ainsi, il dresse du pays un « portrait au vitriol », fustige son catholicisme jugé rétrograde, décrit son itinéraire jusqu’à Milan comme étant peuplé de visions cauchemardesques, déplore la décrépitude dans laquelle Venise semble avoir sombré. Ce faisant, il révèle aussi en creux les préjugés ethnocentriques dont sont pétris ses compagnons de voyage : n’est-ce pas là précisément faire œuvre originale ? Après tout ce qu’on a pu écrire d’inédit sur l’Italie, Twain semble réussir le tour de force de faire œuvre nouvelle en prenant une posture qui n’avait peut-être guère été mise en avant jusque-là : celle du philistin.

Avec le Dantes Spuren in Italien (1897) d’Alfred Bassermann (1856-1935), l’héritage de la culture classique revient au premier plan au sein de la littérature de voyage10. Cet ouvrage, selon la formule de Marco Sirtori, devient l’occasion d’une vaste quête de la « topographie dantesque ». Bassermann s’inspire du Voyage dantesque (1839, 1848) de Jean-Jacques Ampère, déjà fort différent de la littérature de voyage alors en vogue, puisqu’Ampère s’ingénie à reconstruire un voyage « a posteriori en adaptant son matériau à un itinéraire qu’il tire de la vie et des ouvrages du poète italien ». Procédant de la même manière, Bassermann utilise tout un « bagage de lecture sur Dante », comprenant des essais d’érudition récents ainsi que des commentaires plus anciens, et l’ouvrage est pour lui l’occasion de retrouver des traces du passé dans le présent. La poésie de Dante devient alors la meilleure introduction à l’Italie, et Bassermann laisse au poète italien le soin de faire entendre sa voix en reproduisant les vers dantesques, jugés indépassables dans l’évocation de la nature italienne : « Aujourd’hui encore, écrit Bassermann, on ne pourrait mieux décrire les forêts de la Maremme que par les vers de Dante ».

Federica Frediani rappelle dans sa contribution que la fin du XIXe siècle a inauguré pour les femmes la possibilité de voyager plus facilement et plus confortablement, grâce à l’évolution des moyens de transport qui facilitent l’émergence du tourisme11. Pour l’écrivaine et essayiste anglaise Vernon Lee (1845-1935), autrice d’un Sentimental Traveller (1908) et de The Spirit of Rome (1910), qui voyage dans l’Europe tout entière, l’Italie constitue « la destination idéale du voyage ». La critique anglaise pratique « un voyage d’introspection », tirant parti de la malléabilité du genre, où formes et structure se prêtent à d’incessantes métamorphoses, pour promouvoir « un mouvement vers la culture de l’autre, mais aussi vers une culture qu’elle reconnaissait comme sa propre culture, comme une culture partagée ». Federica Frediani insiste aussi sur l’importance et la place prises par la culture iconographique, dimension qui n’est pas contradictoire avec l’introspection, dans la mesure où la découverte des hauts lieux du tourisme italien « provoque l’émergence de souvenirs accumulés dans le temps où paysages réels et livresques se superposent ».

Walter Benjamin (1892-1940) a fait état d’un voyage en Italie dans son journal, pendant la Pentecôte de l’année 1912, puis dans un article consacré à Naples12. Barbara Hudin-Klaas précise que le journal de voyage de Benjamin n’échappe pas aux « lieux communs associés à cette littérature », comme la crainte de se faire voler, la paresse associée aux Napolitains, etc. Pourtant Benjamin n’en renonce pas pour autant à aller à l’encontre des descriptions qu’on trouve dans les guides touristiques de l’époque, au premier chef le Baedeker, qu’il ne manque pas de citer à plusieurs reprises pour s’en démarquer. Ainsi, le panorama de Naples « déconcerte l’auteur : il ne faut pas croire les récits de voyage qui ont peint la ville en couleur, tout y est gris ». De façon plus générale, « les sites évoqués prennent toujours le contrepied de l’imaginaire commun », et Benjamin fait œuvre originale en « questionn[ant] les clichés ».

À l’ère du tourisme des débuts du XXe siècle, les deux écrivains polonais Stefan Żeromski (1864-1925) et Jarosław Iwaszkiewicz (1894-1980) perpétuent chacun la tradition du Grand Tour, visitant Venise, Florence, Rome et Naples, une fois franchi le Frioul, porte d’entrée de l’Italie pour les Polonais13. Ils tirent de leurs voyages des poèmes, des nouvelles et des romans. Comme pour nombre de leurs contemporains, ainsi que le précise Anne-Marie Telesinski, « l’Italie, de pays d’abord imaginé à travers les sources historiques et littéraires, devient concrète, et même familière ». En proie à des problèmes de santé, Żeromski se plaint des sérénades nocturnes de Florence et s’étend sur la vie quotidienne dans cette ville, proposant un point de vue nouveau, « peu orienté par les écrits de ses prédécesseurs sur l’Italie ». Cette quête de l’originalité caractérise aussi Iwaszkiewicz, qui se propose de « ne pas répéter ce que d’autres ont déjà dit, et donc [d’] écrire autre chose », en se concentrant par exemple sur les lieux moins touristiques de Venise, ou, s’agissant de la Toscane, de « donner une alternative aux poncifs du tourisme italien ».

C’est encore Rome, Milan et Venise que visitent les autrices de récits de voyage est-allemandes Christine Wolter (née en 1939) et Waltraut Lewin (1937-2017), dans le contexte d’une RDA où le voyage en Italie fait figure de rareté : pour leurs compatriotes d’Allemagne de l’Est, ces récits constituent « une fenêtre vers un ailleurs inaccessible »14. Les deux voyageuses s’extasient devant la lumière italienne, les expériences gustatives, l’élégance vestimentaire et la luxuriance de la végétation, « source d’émerveillement » pour l’une et l’autre, comme le note Emmanuelle Aurenche-Beau, qui s’intéresse tout particulièrement aux conditions de publication et à la réception des récits de Wolter et Lewin, dans une Allemagne de l’Est où l’évocation de la dolce vita risque d’exposer les lectrices à rien moins qu’un « supplice de Tantale ». Il est cependant à noter que Wolter et Lewin ont à proposer à leurs compatriotes des analyses d’une portée sociologique sur la condition féminine en Italie, avec une nuance d’humour et de mesure en ce qui concerne Wolter, et davantage de véhémence indignée dans le cas de Lewin. Toutes deux élargissent leur peinture de la société italienne en évoquant la mendicité, la prostitution et la corruption, ainsi que le tourisme venant de l’étranger capitaliste.

Avec Julien Gracq (1910-2007) et Henri Calet (1904-1956), Chantal Michel révèle deux « regards irrévérencieux sur le voyage »15. Pour le romancier géographe qu’est Gracq, « écrivain des paysages », la découverte de Rome sous l’égide de Montesquieu, de Chateaubriand et de Stendhal, est source d’une vive déception : la Rome qu’il décrit dans Autour des sept collines (1988) n’est plus celle des Romantiques, et ne mérite que dédain, et la description devient prétexte à un autoportrait. Venise en revanche, comme chez beaucoup d’autres avant lui, trouve grâce à ses yeux. Dans L’Italie à la paresseuse (1950), sorte d’« anti-guide » de voyage, Henri Calet traite tout aussi cavalièrement les attentes des lecteurs en faisant de ce pseudo-journal de voyage un prétexte à l’introspection. Pour lui comme pour Gracq, Rome est source de déception (il y fait « si noir » qu’il ne voit rien) tandis que Venise suscite son émerveillement. Le voyage s’apparente à une déconvenue, et s’inscrit dans « une longue lignée d’écrits qui tournent en dérision les voyages et l’Italie ». La singularité du regard de ces deux auteurs passe ainsi, conclut Chantal Michel, par l’humour, un humour « féroce » dans le cas de Gracq, et « léger » en ce qui concerne Calet.

Ce recueil se clôt sur une contribution de Maryse Vuillermet qui porte sur trois fictions contemporaines décrivant des voyages en Italie : un récit de Robert Piccamiglio (né en 1949), Le Voyage à Bergame (1996), un roman de Maryline Desbiolles (née en 1959), Primo (2005), et un roman de Philippe Fusaro (né en 1971) L’Italie si j’y suis (2010)16. Maryse Vuillermet démêle les raisons du départ des personnages vers l’Italie des ancêtres, qui consistent respectivement à enterrer un père au pays, à en apprendre davantage sur une aïeule, et à vagabonder en compagnie d’un fils suite à une déception amoureuse. « Dans ces trois textes, les motivations du départ ne sont pas culturelles ou touristiques, elles sont plus profondes, graves, affectives et existentielles ». On quitte ici le champ du récit de voyage référentiel pour entrer dans le domaine de la fiction, mais ce faisant, les narrateurs de ces trois romans se heurtent à d’autres écueils, propres à certains sous-genres du récit de voyage non fictionnel, comme « l’antivoyage humoristique » ou « le voyage [qui] n’a pas de but précis », et proposent une réflexion sur des questions esthétiques qui traversent les autres contributions de ce volume.

Ainsi, selon les périodes de l’histoire et les parcours individuels, le récit de voyage en Italie se prête à de multiples et d’incessantes métamorphoses. Celles-ci naissent de la nécessité de faire du nouveau avec de l’ancien ou de questionner les idées reçues de ses propres compatriotes. Au gré de ces expériences transcrites en écrivant son journal, un poème, une lettre, voire une simple carte postale, en élaborant une carte géographique ou en peignant un tableau de maître, on peut parfois identifier des thèmes récurrents, comme la fréquente déception devant le spectacle que livre la capitale romaine, ou l’émerveillement que suscite l’entrée dans Venise. Mais au-delà des invariants, il semble que le souci qui préside à l’écriture de ces récits de voyage soit surtout de dire ce qui n’a encore jamais été formulé : loin d’ignorer les topoi du genre, les voyageuses et les voyageurs d’Italie s’y réfèrent pour mieux en jouer ou les contester. La traversée de l’Italie devient alors le matériau d’une écriture.

Notes

1 Voir en particulier la synthèse de Marie-Madeleine Martinet, Le Voyage d’Italie dans les littératures européennes, Paris, Presses Universitaires de France, 1996. Un outil de travail de référence sur le voyage non fictionnel en Italie est l’ouvrage de Gilles Bertrand : Bibliographie des études sur le voyage en Italie, Grenoble, CRHIPA, 2000. Retour au texte

2 Par exemple, la Société d’Etude de la Littérature de Voyage du Monde Anglophone (SELVA) fondée par Jean Viviès publie et recense aussi bien des ouvrages sur les genres référentiels que des textes non référentiels. Retour au texte

3 Anne Geoffroy, « La Venise de James Howell : veine classique, voix personnelle et culture matérielle dans les Epistolae Ho-Elianae (1645) », infra, p. 13-24. Retour au texte

4 Lucie Ratail, « Entre nature réaliste et nature idéalisée – la représentation du paysage italien chez Claude Gellée », infra, p. 25-32. Retour au texte

5 Jordan Girardin, « Franchir les Alpes, une expérience transnationale, cognitive et spatiale : analyse des perceptions de l’espace alpin dans la littérature de voyage européenne (1750-1830) », infra, p. 33-42. Retour au texte

6 Lucia Lo Marco, « Le Voyage à l'isle d'Elbe d'Arsène Thiébaut de Berneaud et sa traduction italienne : un parcours de près de deux siècles », infra, p. 43-56. Retour au texte

7 Jean-Charles Perquin, « Le(s) Voyage(s) en Italie d’Elizabeth et Robert Browning, entre enlèvement, pèlerinage et exil (poétiques) », infra, p. 57-64. Retour au texte

8 Marie-Odile Salati, « Regards croisés de Henry James et Hippolyte Taine sur l’Italie : L’Histoire au prisme de l’esthétique pittoresque », infra, p. 65-78. Retour au texte

9 Frédéric Dumas, « L’Italie mortifère du voyageur Mark Twain », infra, p. 79-90. Retour au texte

10 Marco Sirtori, « Dantes Spuren in Italien/Sur les traces de Dante en Italie : le voyage d’Alfred Bassermann », infra, p. 91-104. Retour au texte

11 Federica Frediani, « Le Voyage en Italie de Vernon Lee », infra, p. 105-112. Retour au texte

12 Barbara Hudin-Klaas, « Walter Benjamin à Naples », infra, p. 113-122. Retour au texte

13 Anne-Marie Telesinski, « L’Italie du XXe siècle dans les récits de voyage de deux écrivains polonais : Stefan Żeromski et Jarosław Iwaszkiewicz », infra, p. 123-134. Retour au texte

14 Emmanuelle Aurenche-Beau, « L’Italie et la Sicile vues par deux voyageuses de RDA des années 1970-80 », infra, 135-144. Retour au texte

15 Chantal Michel, « Calet, Gracq : deux regards irrévérencieux sur le voyage en Italie », infra, p. 145-154. Retour au texte

16 Maryse Vuillermet, « Voyage de retour vers l’Italie des parents émigrés, chez quelques auteurs contemporains : entre quête d’un pays raconté et rêvé et réconciliation avec ses racines », infra, p. 155-164. Retour au texte

Citer cet article

Référence papier

Baudouin Millet, « Introduction », Textures, 26 | 2021, 5-11.

Référence électronique

Baudouin Millet, « Introduction », Textures [En ligne], 26 | 2021, mis en ligne le 30 janvier 2023, consulté le 20 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/textures/index.php?id=292

Auteur

Baudouin Millet

Université Lumière Lyon 2

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