Temps de l’amour, temps du chagrin, temps du chant
« Plaisir d’amour ne dure qu’un moment, chagrin d’amour dure toute la vie » : chacun a en tête la mélodie de Martini devenue inséparable de ces deux vers de J.-P. Claris de Florian, et qui nous permet, à chaque fois que nous y songeons, d’égrener lentement dans nos têtes ces deux mots (ou maux ?) associés à celui d’amour, le plaisir et le chagrin ; et d’imbriquer ainsi les unes dans les autres de multiples formes du « temps ».
En effet, au-delà de l’opposition temporelle thématisée, et sans doute utopique, entre les durées affectées à ces deux états, au-delà encore de la nécessité « chronologique » qui place l’un en amont (comme la cause) et l’autre en aval (comme l’effet), c’est encore et plus profondément dans un rapport déterminé au temps que nous place ce refrain, et ce, parce qu’il est musique. Boucourechliev (1993) définit la musique comme « un système de différences qui structure le temps sous la catégorie du sonore ». Quand la musique vient s’ajouter aux mots dans une mélodie, c’est ainsi le temps de leur énonciation « réelle » qui se trouve contraint. C’est d’ailleurs ce qui est fondamental dans l’effet de « ritournelle » : que la mélodie soit réitérée à l’identique, porteuse d’un temps extérieur au sujet qui l’énonce, et auquel il doit impérativement s’ajuster. C’est la durée d’expression du sentiment mis en mots et en musique qui se trouve ainsi régulée – au double sens d’une régularité et d’une loi – par la mélodie.
Or, parce que la mise en musique des mots est également une mise en voix, la temporalité que les mots chantés donnent à l’expression du sentiment est aussi en quelque sorte (à l’émission bien sûr mais tout autant à l’écoute) une temporalité « vécue », et l’expression symbolique de l’émotion est associée à un certain régime corporel, tant pour celui qui chante que, par empathie, pour celui qui écoute. Sans cela, l’étonnant amour de la répétition qui met sur toutes les lèvres les airs dits à succès serait peut-être inexplicable : ce que l’on supporte facilement avec une musique qui nous plaît, et même ce que souvent l’on cherche, c’est-à-dire une rediffusion inlassable, est très difficilement imaginable avec un texte (du moins à un tel degré) – sauf peut-être s’il s’agit d’un poème : dans ce cas on peut avoir besoin de retrouver, et de se répéter, l’exacte formulation, au mot près. Le point commun, c’est sans doute que l’élaboration esthétique offre dans les deux cas au sujet de retrouver, plus qu’un sens, une sensation, qu’il pourra épouser et ré-épouser, associée qu’elle est au sens dans la chair même - pour ainsi dire - des signifiants qu’il (re)produit ou (ré)écoute.
En cela l’opéra est à la fois exemplaire par rapport à la « parole quotidienne », tout en en demeurant distinct – et il est tout aussi significatif par ce en quoi il s’en démarque que par ce qu’il y pointe.
Exemplaire d’abord, dans la mesure où il radicalise le fait que toute parole est incarnée, que le verbe y est toujours chair, et que tout discours s’accompagne toujours d’effets rhétoriques produits par la voix et qui font si l’on veut que - indépendamment de la théorie des actes de langage - dire est toujours en même temps, véritablement, faire.
Mais aussi distinct parce que l’opéra, au même titre que les chansons et poèmes, en tant que forme culturelle (c’est-à-dire historique, déjà produite, préexistante, « collective ») introduit une distance – comme tout ce qui met en œuvre des signes. En somme le paradoxe ou la richesse du chant, c’est qu’il unit le symbolique (texte et musique) au corps en acte (par l’usage de la voix) : il devient alors un lieu privilégié, non certes le seul, de l’« incarnation » du sujet dans sa parole – ainsi peut-être l’opéra nous ferait-il miroiter, de manière hyperbolique, l’improbable et toujours désirable union du dire et du vivre.
On l’aura compris : l’examen de quelques chagrins d’amours d’opéra conduit ici, sous la rhétorique effective que met en œuvre l’énonciation des formes symboliques, à l’inépuisable question de la constitution de l’identité.
On s’est permis avec le terme très polysémique d’« aspect » une allusion à des terminologies tant linguistiques que sémiotiques, qui n’est pas tout à fait gratuite, mais à laquelle on souhaite garder un sens très général : il s’agit de la manière dont se trouve construite en discours une structuration du temps, par rapport à laquelle se positionne le sujet d’énonciation. Par « aspects du chagrin d’amour à l’opéra » on n’entend donc pas seulement la diversité des formes que peut prendre l’expression « lyrique » du chagrin, mais encore un certain nombre d’oppositions structurantes qui construisent pour le sujet son sentiment par rapport à un axe temporel, par exemple :
- ponctuel vs duratif, comme le prétend la chanson de Florian/Martini citée plus haut (et on verra que le chant a par rapport à la parole un pouvoir de « dilatation » qui peut d’une certaine manière suspendre le temps) ;
- mais encore inchoatif vs terminatif (puisque le chagrin clôt une séquence qu’a inaugurée la déclaration d’amour, et l’on verra que les deux sont souvent traités en reflet) ;
- et enfin un certain nombre d’oppositions telles que prospectif vs rétrospectif ou actuel vs inactuel qui peuvent créer des tensions énonciatives dans l’établissement desquelles l’opéra exploite toute la richesse de sa polysémioticité.
Avant de les envisager brièvement, un mot néanmoins sur les « aspects » du chagrin au sens le plus courant du terme. Dans les livrets on rencontre plusieurs cas de figure :
- (a) chagrin de l’amour impossible, parce qu’il n’est pas réciproque ou que l’autre (quoiqu’amoureux) se refuse : Charlotte/Werther, Salomé/Jochanaan, etc. Ce chagrin-là est celui d’un amour qui n’a jamais commencé ; il n’est pas tourné vers le passé (disparu) mais plutôt vers l’avenir (interdit) – cela n’est pas une moindre impasse. L’amoureux peut être conduit au suicide (Werther), mais aussi, moins tragiquement, aux pleurs : et dans ce cas le chagrin peut même rejoindre les séquences inaugurales de l’amour, les pleurs fonctionnant soit comme déclaration involontaire, soit comme instrument pour fléchir l’inflexible (ce qui représente à la fois un petit chantage affectif, et une utilisation de l’empathie : le chagrin est « communicatif » et il est difficile de ne pas être ému à la vue de quelqu’un qui pleure) ;
- (b) chagrin par « répudiation », par inconstance ou trahison de l’aimé(e) : Elvire/Don Giovanni, Didon/Aeneas, Butterfly/Pinkerton, etc. – et bien sûr le personnage féminin de La voix humaine. Le chagrin en ce cas est à la fois rétrospectif, puisqu’il entérine une séparation sans consentement mutuel (le passé est remis en cause en une crise à la fois fiduciaire et identitaire puisqu’il faut réviser aussi bien ses croyances que le statut que l’on pensait occuper dans une relation), et éventuellement prospectif, lorsque l’éconduit « réagit » (autrement bien sûr que par le suicide : Didon) ; la manifestation de ce chagrin ne s’arrête alors pas aux pleurs, mais conduit à des formes plus ou moins vindicatives de vengeance, allant jusqu’au meurtre passionnel (Don José) ; le chagrin ici est donc un temps à la fois de bilan, de transition et de relance ;
- (c) chagrin par deuil, du fait de la disparition de l’être aimé : Tosca/Mario, Isolde/Tristan, Salomé/Jochanaan, Mimi/Rodolfo, etc., sans oublier bien sûr le cas emblématique d’Orphée. Le chagrin ici confine à la détresse. Ce n’est plus le passé remis en cause, mais le passé disparu, scandale d’une lutte inégale entre le nécessaire (l’amour) et le contingent (la vie), ou si l’on ose dire, de l’existence qui gagne contre l’essence. Le chagrin d’amour vaut ici comme emblème de tous les deuils irréparables : perte définitive, rétrospection sans prospection possible.
Dilatation énonciative : durativité « conduite »
On le sait, la mise en mélodie des mots peut retoucher considérablement le débit articulatoire de la parole simplement dite, non pas tellement dans le sens de l’accélération (car le nombre maximal de syllabes énonçables à la seconde est déterminé par des limites physiques indépassables) que dans celui de la dilatation : une simple syllabe peut en effet être étirée sur plusieurs mesures. Cela se produit dans le cas où le sentiment exprimé par le mot est émotionnellement fort : déclarations d’amour par exemple, et aussi lamentations du chagrin. On peut ainsi prolonger – tout autant que les « je t’aime » – l’énoncé du prénom de l’être aimé, ou de sa propre peine. Dans sa lamentation finale, « When I am laid in earth… », Didon chez Purcell étire ainsi le mot « laid » (ce qui déjà, d’une certaine façon, en mime le sens) et produit en lui une lente mélodie dont le rythme et la « pente intonative » évoquent les sanglots : mais ces sanglots, loin d’être des effusions sans contrôle, sont calibrés par la carrure rythmique qui leur assure une prévisibilité de direction et une stabilité de poursuite ; le chagrin est ainsi énonciativement « tenu » ; et en quelque sorte le sujet ne s’y perd pas, mais il s’y installe et s’y investit. La Salomé de Strauss dilate sur un nombre considérable de mesures le prénom de Jochanaan, qui se refuse à elle : c’est un moyen sans doute de se l’approprier malgré lui en se le mettant longuement en bouche et de combattre l’impossibilité de la relation en créant au cœur de la parole une sorte de hic et nunc de l’union, étirée dans un temps suspendu. Dans l’allongement des syllabes (c’est-à-dire en fait des voyelles, restaurées dans leur qualité totale de sons et non plus simples éléments appelés à disparaître dans un tout signifiant), c’est la linéarité du langage qui est déjouée. Le mot n’est plus fugace. Les paroles ne s’envolent plus. Au contraire, elles collent. Elles collent à un sentiment qui atteste son élan, sa durée, sa pérennité ; d’une certaine manière le rythme du dire cherche à rejoindre celui du vivre, et il le construit ce faisant.
Prospection et rétrospection : les ambivalences de la ré-énonciation
« Je t’aime » : contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, la formule de déclaration n’est pas réservée à l’instauration ou à l’entretien de l’amour, mais peut également servir d’ultime adieu – épitaphe, ou cri du cœur se révoltant contre la séparation imposée : l’amour réaffirmé, tel est le dernier mot de l’amante délaissée et inconsolable de La voix humaine au moment où elle accepte de couper le lien qui la fait vivre.
On souffre parce que l’on aime encore : il y a dans le chagrin une conjonction, dans une douloureuse contradiction, entre l’absence de l’autre (que cette « absence » soit due à une fin de non-recevoir – présence refusée –, à une rupture ou à la mort) et la présence du sentiment éprouvé encore alors qu’il ne peut plus être vécu dans les faits. La douleur naît de la ré-évocation de l’autre, comme intérieurement présent bien que le monde l’ait dérobé, ce qui fait de l’amoureux éploré, répudié, ou seul survivant, une sorte de cénotaphe : le chagrin n’est que l’amour qui « déborde » en perdurant au-delà de sa possibilité empirique.
Rien d’étonnant dès lors à ce que son expression rejoigne celle de l’amour. « Je t’aime » mis à part, une autre formule récurrente est l’apostrophe par le prénom : appel dans l’air « Che faro senza Euridice » de l’Orfeo de Gluck ; cri du cœur de Tosca sur le cadavre de Cavaradossi, trois fois répété, comme pour réveiller le mort ; constat désespéré de Rodolfo, sinon sans voix, à la fin de La Bohème : « Mimi !».
Le ou la disparu(e) ne revivra pas ; mais l’amour, lui, est revécu dans l’expression du chagrin, autant par la thématisation explicite (dans l’énoncé) que par l’« incarnation » du sens dans la voix (dans l’énonciation comme dans la ré-énonciation). Dans Salomé les déclarations et l’adieu sont construits en reflet, par les motifs musicaux comparables, par le recours au prénom, et par le texte dans son ensemble : « Ton corps était une colonne d’ivoire sur un socle d’argent. C’était un jardin plein de colombes et de lys d’argent. Il n’y avait rien d’aussi blanc que ton corps, rien d’aussi noir que tes cheveux. Dans le monde entier il n’y avait rien d’aussi rouge que ta bouche, etc. », tel est le discours que Salomé adresse à la tête de Jochanaan après la décollation, discours qui est tout entier rappel d’un désir qui ne s’est pas assouvi, et qui, aussi longuement que lors des déclarations, avec un incroyable étirement des syllabes qui pousse dans leurs derniers retranchements aussi bien l’interprète que les auditeurs suspendus à son souffle, s’épanche dans sa ré-énonciation. La déclaration d’amour et le chagrin d’amour seraient comme le recto et le verso d’une même feuille.
La représentation spéculaire du désir et de la peine fait ainsi que l’expression du chagrin quitte le pur ordre du syntagme – de l’enchaînement possession (réelle ou rêvée) / dépossession (en tous les cas avérée), où les instants se succèdent et s’abolissent les uns les autres ; et produit une équivalence paradigmatique qui maintient dans le présent un autre temps : l’amour perdu, s’il n’a plus aucune chance d’être vécu dans l’avenir, peut du moins encore être « éprouvé » dans le présent. Ici les effets de la voix ont leur rôle à jouer : l’expression « incarnée » installe le sujet dans un rapport in praesentia avec sa sensation, rapport qui complète, compense ou contredit la distance instaurée tant par la perte elle-même que par le passage au symbolique dans l’ordre du discours : la réminiscence se fait en quelque sorte reviviscence. Redire, dans la temporalité « prescrite » que fait retrouver le chant, c’est ré-éprouver, avec un corps qui se coule dans le rythme de l’énonciation. Ou encore : la ré-énonciation ici serait l’actualité (« énonçante ») de l’inactuel (« énoncé ») – forme de dénégation, à la limite, qui place le chagrin en amont du deuil.
Tension et plaisir du chagrin exprimé
Plaisir du chagrin ? Oui. Chez celui qui l’éprouve, déjà : plaisir de l’épanchement, du soulagement expressif. Mais aussi plaisir pris au chagrin d’autrui, non par cynisme s’entend, mais par une sorte de communion qui à l’opéra s’étend à la salle – et ce plaisir n’est pas le moins intéressant. Plaisir de l’épanchement : « Va, laisse couler mes larmes ! Elles font du bien. Les larmes qu’on ne pleure pas dans notre âme retombent toutes », déclare Charlotte. Mais au-delà de ce libre abandon à une vérité intime, il y a aussi ce plaisir que l’on vient d’évoquer, celui du souvenir qui en s’énonçant renoue le lien tranché : les pleurs, tant qu’ils se répandent, nient (ou plutôt diffèrent) le caractère terminatif de la perte en replaçant le sujet à l’intérieur même de la relation amoureuse dont la réalité le prive désormais. Pause avant le deuil : rien sans doute de plus courant, ni de plus nécessaire.
Mais également, à un autre niveau, plaisir dans la salle. Qu’est-ce qui fait que nous prenons plaisir à assister à la représentation de la douleur d’autrui ? Car plaisir il y a, en une sorte de frisson participatif ; et rares sont les spectateurs à n’être pas saisis d’un tel frisson à la fin d’une représentation de La Bohème, à un moment bien précis : celui où le ténor lance le prénom « Mimi ! ». L’expérience peut être répétée : on a beau connaître l’histoire, anticiper la phrase musicale, maîtriser tous les tenants et aboutissants de ce passage, s’attendre à l’effet : quelque chose n’en parcourra pas moins dans cet instant-là le corps même de celui qui écoute ; quelque chose qui, même s’il ne le surprend plus, le « prend » pourtant. D’une certaine manière ici l’énonciation saisit le vif. Il s’agit d’une forme de catharsis : le spectateur est plongé par procuration dans une expérience émotive ; la musique et la voix, nous les écoutons – comme sans doute toute parole réelle – de manière tactile, et ce d’autant plus fortement que l’opéra met par nature en avant cette chair même des sons, ordinairement peut-être plus en retrait derrière le sens (mais en sommes-nous sûrs ?). L’empathie narrative se double ainsi d’une empathie somatique, et le « régime corporel et émotionnel » associé à l’énonciation est de ce fait en partie recréé par l’écoute, sur un mode quasi stimulatoire. Dans le cas concerné, l’état transmis est celui d’une tension : tension ici polysémiotique, entre d’une part la brièveté de la parole (« Mimi ! »), son effet de rupture, bref son caractère ponctuel et irrémédiablement perfectif (achevé sitôt que commencé), à l’instar de la perte dont elle est l’aveu ; et d’autre part la longue ligne mélodique, à l’orchestre, à laquelle elle se superpose et dans laquelle elle s’inscrit, ligne durative, ligne imperfective, à l’instar de la douleur inconsolable que l’on éprouve sans en voir le début ni la fin.
Mais bien sûr l’empathie n’est pas totale : on ne souffre pas ; l’effet de participation se tempère par l’effet de distance – car il s’agit d’un art, non de la vie : au-delà de l’émotion (re)créée, il y a de la sorte une identité construite sur le vif, et si une telle chose est possible, c’est sans doute par la médiation du symbolique « en acte » dans la voix.
« Les plus désespérés sont les chants les plus beaux… »
Dans sa « représentation » (et ce qui est vrai d’une représentation opératique est sans doute généralisable aux situations « non spectaculaires » et authentiques où le chagrin s’exprimant donne l’occasion au sujet de sémiotiser le sentiment éprouvé) le chagrin d’amour se trouve donc « aspectualisé » : la durée vécue de l’énonciation se projette sur – voire construit – la durée vécue du sentiment.
C’est donc le dire, ainsi, qui « calibre » temporellement et aspectuellement le dit et l’éprouvé : douloureuse évocation d’une relation disparue ou refusée, et donc sans plus d’avenir, le chagrin en quelque sorte prolonge l’amour, soit qu’il refuse de tirer un trait sur l’amour impossible auquel on ne donne pas sa chance, soit qu’il manifeste dans les larmes où il le fait revivre l’impossibilité d’une existence normale sans l’autre. Le chagrin, c’est le deuil qui n’est pas encore fait ; il atteste que l’amour était vraiment l’amour, qu’il le demeure par-delà la contingence d’un refus ou d’une mort. Il fait perdurer dans une temporalité « essentielle » une relation à laquelle l’existence assigne scandaleusement une durée de vie arbitraire. Le refrain de Martini cité plus haut représente la limite extrême où – sous l’effet du chagrin – l’amour est devenu coextensif à la vie. Plus généralement, le début n’est pas étranger à la fin : l’amour et son chagrin, comme la déclaration d’amour et l’adieu à l’être aimé, semblent s’entrelacer dès l’origine. Ils peuvent s’épancher dans les mêmes mots, et tant que le chagrin peut se dire, c’est comme si l’on vivait encore un peu l’amour. L’amour en sort peut être conforté. Il y a un bonheur tragique du chagrin : on pleure à la hauteur à laquelle on a accepté d’aimer ; et peut-être écoute-t-on – de là viendrait notre plaisir – les chagrins lyriques à l’unisson de cette hauteur désirée.