Que font les psychologues ? C’est une question qu’on peut se poser à bien des niveaux. Pour les étudiants, c’est d’abord un problème de débouchés, d’orientation professionnelle, de décisions à prendre en cours d’études ; il leur est nécessaire d’identifier les différents secteurs d’activité ouverts aux psychologues, les tendances du marché de l’emploi, mais aussi de pouvoir s’orienter en fonction d’une représentation précise de leurs pratiques quotidiennes, des compétences nécessaires, de l’impact de chaque choix de formation sur l’insertion professionnelle future. Pour les enseignants, il s’agit surtout d’adapter continûment la formation à l’évolution des pratiques professionnelles réelles, des contextes de travail, aux difficultés rencontrées sur le terrain.
Pour amorcer une réponse, nous avons souhaité vous présenter un état des lieux des écrits concernant la profession de psychologue.
Les sources
Les textes utilisés pour réaliser cette synthèse sont pour l’essentiel des articles issus de revues professionnelles, principalement le Bulletin de psychologie, et Pratiques psychologiques, des études d’insertion professionnelle et quelques ouvrages généraux à orientation professionnelle (cf. bibliographie), parus dans les années 1990-2000, et portant sur la France. L’ensemble, n’est pas exhaustif et compte 6 ouvrages et 59 articles/rapport d’études, ce qui peut déjà nous indiquer une production régulière et assez développée. Une bibliographie générale sur la psychologie et les psychologues va dans ce sens, réalisée sous la direction de G. Pithon en 1992, elle compte 1 162 références dont 1 072 en langue française, la moitié d’entre elles publiées entre 1980 et 1988.
Ces différents textes ne sont pas homogènes. Ils peuvent être regroupés en trois catégories inégalement représentées selon les thèmes abordés. Ce sont des témoignages et descriptions de pratiques (présentation des métiers, psychologie clinique), des analyses fondées sur une recherche ou une pratique (histoire, formation, pratiques dans le secteur social), plus rarement des résultats d’enquêtes (psychologie du travail et études d’insertion).
Les analyses qui s’expriment dans ces écrits émanent soit d’enseignants-chercheurs partant de leur recherche, de leur pratique d’enseignant ou de psychologue, soit, plus rarement, de praticiens psychologues. Ce sont des positions situées, dépendantes des places, des opinions et des modèles de référence de chacun, ce sont aussi des points de vue privilégiés parce qu’internes. Ils sont vus ici comme ce qui s’exprime de la profession, dans la profession.
Leur problématique…
Les axes d’analyse abordés par ces textes sont déjà parlants pour comprendre certaines caractéristiques essentielles de la profession, et certains des problèmes rencontrés.
Un premier axe est historique. Globalement, les auteurs s’accordent à penser que le métier de psychologue a des naissances multiples. Deux modèles s’articulent constamment : le modèle médical, du soin, de la clinique « au lit du malade », et le modèle scientifique, de la recherche, le développement d’une discipline universitaire ; le développement des pratiques et celui de la théorie se répondent et s’enrichissent constamment l’un l’autre. Il s’agit d’une place socialement construite, dans des négociations constantes entre les psychologues et les acteurs sociaux du champ qu’ils investissent, une dynamique de l’offre et de la demande en somme ; au fil de cette dynamique d’alliances, l’identification (subjective) et/ou l’assimilation (par les autres acteurs sociaux) des psychologues à ceux dont ils s’occupent est une hypothèse toujours utile pour comprendre l’évolution de leur identité professionnelle.
Combien de psychologues sont formés chaque année ? (Source AEPU –2000)
On peut avoir une approche à partir du nombre de places ouvertes en DESS et DEA.
À la rentrée 1999, 93 DESS habilités correspondant à 97 sites (co-habilitations) proposent 2 718 places en formation.
31 DEA proposent 755 places qui ne constituent pas systématiquement une formation professionnalisante. Une étude de l’AEPU sur 3 ans montre des situations très variables de ce point de vue selon les DEA (taux variable de 0 % à 66 %) avec une moyenne de 34 % de titres de psychologue.
En 6 ans, le nombre de DESS a augmenté de 45 %.
La répartition de ces DESS reste largement en faveur du domaine de la santé avec 59 %, 26 % en travail et vie sociale et 15 % en développement et éducation.
L’analyse se présente, à de rares exceptions près, par secteur (une exception marquante est un article canadien qui propose une liste des compétences nécessaires pour tous les psychologues, quel que soit leur domaine d’intervention). Ces textes construisent davantage la diversité de la psychologie que son unité. Aux trois secteurs traditionnels de la santé, du travail et de l’éducation, semble s’ajouter plus récemment celui du lien social, qui se présente pour l’instant comme un terrain à investir, un enjeu stratégique, dans les domaines de la prévention, de l’insertion et de la formation. La psychothérapie tient dans tout cela une place particulière, elle fait référence, comme modèle idéalisé pour les uns, comme repoussoir pour d’autres…
Combien y a-t-il de psychologues en exercice en France ?
Les chiffres les plus fréquents oscillent entre 30 000 et 40 000. Le SNP (Syndicat National des Psychologues) estime ce nombre entre 35 000 et 45 000.
Ce qui frappe, c’est bien sur l’imprécision de ces chiffres. En l’absence d’enquête spécifique, plusieurs facteurs d’imprécisions voire d’erreurs peuvent se cumuler, notamment :
• Le nombre important de postes à temps partiel, de vacations dans la Fonction Publique et de cumul de postes voire de statuts (ex : salarié et profession libérale).
• La dispersion des postes de psychologues dans de multiples structures et de nombreux secteurs d’activités.
• Le non usage du titre fréquent dans certains secteurs (social, conseil et ressources humaines), pour des fonctions qui sont accessibles à des psychologues mais aussi à des praticiens non psychologues (par exemple : dans le recrutement, le SYNTEC (syndicat professionnel des activités de conseil) estime à 30 % le nombre de consultants diplômés en psychologie, un gros tiers des effectifs comprenant des praticiens issus de formations commerciales et économiques).
… et leurs limites
Globalement, l’analyse du métier de psychologue a donné lieu à une publication importante depuis dix ans, mais elle comporte des manques tout aussi importants. Bien des chantiers restent à ouvrir.
Analyser les pratiques réelles
Du point de vue des pratiques professionnelles, les témoignages, les analyses ou les études statistiques permettent d’avoir une vision d’ensemble. Toutefois, cette vision ne permet pas d’approcher les pratiques sous l’angle de leur mode de construction. Le psychologue a une autonomie dans le choix de ses modes d’intervention. Deux personnes dans un même domaine pourront choisir de conduire leur activité de manière différente. Les témoignages rendent présents une pratique, mais n’offrent que peu d’éléments sur la manière dont elle est construite ou sur les régularités existant entre les pratiques.
Plusieurs aspects entrent en jeu qui doivent être reliés. D’une part, les orientations personnelles et la formation du psychologue, d’autre part un contexte institutionnel, les demandes adressées au psychologue, les caractéristiques des publics visés. Quelles sont les formes et les sources de prescription du travail du psychologue ?
Comment s’articulent dans la pratique, les techniques utilisées, les modèles théoriques de référence, la réflexion éthique ou déontologique ? Comment intervient le fait d’être ou non intégré dans une organisation, d’y assurer un plein temps ou un temps partiel voire des interventions ponctuelles ?
L’adaptation voire la « création » de dispositifs techniques adaptés sont également des points d’interrogation sur le travail du psychologue. L’évolution des contextes, des publics, la création de nouvelles formes d’activité dans des lieux où le psychologue est peu implanté traditionnellement nécessite de choisir des formes d’intervention adaptées mais aussi de pouvoir les faire évoluer.
Quelles sont les évolutions récentes du marché du travail des psychologues ? (source : ONISEP et SNP)
• Un marché traditionnel stagnant :
Le secteur sanitaire et social qui représente 65 % des emplois semble engorgé avec peu de créations de poste. L’insertion qui a constitué un débouché important dans les années 90 apparait en régression. Le secteur entreprise et cabinet conseils est en progression (recrutement, formation et études appliquées au marketing mais le psychologue y rencontre une forte concurrence de professionnels issus d’autres cursus de formation, notamment en gestion et commerce).
• Une diversification des activités :
De nouveaux emplois apparaissent dans des secteurs traditionnels : par exemple à l’hôpital avec des créations de poste dans des services non psychiatriques ou dans un autre domaine l’activité générée par le développement des bilans de compétences. De nouveaux secteurs d’intervention se développent : autour de la prévention, de l’aide aux victimes… Mais les données manquent pour qualifier plus précisément ces évolutions, ou quantifier ces différents débouchés qui se caractérisent aussi par une dispersion des emplois.
• Des données qui devraient évoluer :
L’impact de la mise en place de la Réduction du Temps de Travail et surtout les départs en retraite qui devraient s’intensifier à partir de 2005 ou 2010 (selon les sources) viendront modifier cette situation.
Qu’est-ce qui réunit et qu’est-ce qui différencie ces professionnels au-delà d’une formation commune (au moins en partie), d’un titre commun utilisé ou non ?
Il s’agit de penser le ou les métiers de psychologues à partir de ce qui en fait l’unité et la diversité sur le terrain des pratiques.
Ces questions qui mériteraient d’être développées et complétées notamment à partir des difficultés rencontrées par les praticiens pourraient constituer une première orientation pour des études approfondies de pratiques réelles dans les différentes situations de travail.
Caractériser les secteurs et domaines d’intervention du psychologue
À un autre niveau, apparaissent également le flou des chiffres et les difficultés de structuration des différents domaines d’intervention, et secteurs d’activités dans lesquels travaillent des psychologues.
Les présentations des métiers de la psychologie peinent à rendre compte de domaines d’interventions plus récents, cités sans être définis, de l’importance quantitative des différents débouchés et de l’articulation de ces différentes pratiques entre elles.
Une première caractéristique évidente est la diversité des lieux de pratique. Des psychologues travaillent aussi bien dans les trois fonctions publiques, dans le secteur commercial, dans le secteur associatif, et dans des organisations aussi différentes entre elles qu’une entreprise de production de biens ou de service, un hôpital ou un organisme de formation. Ce n’est certes pas le seul métier qui associe une telle diversité de lieux d’exercice, mais, et c’est un second aspect qui apparaît, la pratique d’un psychologue ne s’organise pas autour des mêmes objets selon son champ d’activité. La dénomination des postes qu’ils occupent est elle aussi sujette à grande variation, les postes de psychologues sont surtout présents dans le champ de la santé, alors que les postes dans le champ du travail sont structurés autour d’autres dénominations.
Comment, en partant du terrain, peut-on caractériser le marché du travail ouvert aux psychologues, ses caractéristiques, son découpage, les situations de monopole ou de concurrence avec d’autres professionnels non psychologues, la manière dont ils se répartissent dans différents secteurs d’activité en fonction des formations initiales, des activités exercées et des statuts.
Quel est le poids des incitations politiques et le poids des initiatives et opportunités rencontrées par les individus dans l’apparition de nouveaux lieux de pratiques ?
Une manière d’aborder ces questions pourrait être de conduire une étude longitudinale à partir des sorties des différents DESS, qui ne porte pas seulement sur les modalités d’insertion professionnelle mais qui ouvre sur une catégorisation des pratiques et sur l’identification de trajectoires « atypiques » susceptibles d’informer sur les évolutions de l’emploi.
Analyser l’usage de la psychologie professionnelle dans le corps social
C’est sous la forme du regret ou de la revendication qu’apparaît le thème d’une reconnaissance sociale toujours insuffisante vis-à-vis des services que pourraient apporter les psychologues. La psychologie serait « une discipline convoitée », mais « un métier déprécié » (Pithon, 1992).
Les débats internes notamment autour des dénominations, de ceux qui seraient plus ou moins psychologues, impliquent d’importants enjeux narcissiques.
Le fait qu’une profession ne se développe pas seulement à partir d’un savoir mais s’ancre dans un processus social de division du travail semble négligé. Le développement d’un savoir sur une question ne suffit pas à définir une compétence, ni son usage dans le corps social.
Quels sont les compétences, les « services », le rôle social autour duquel s’organisent les différentes places des psychologues et la place de la psychologie dans le champ des professions ?
Comment comprendre la perte du nom de psychologue dans l’industrie ?
Comment s’organisent les « frontières » du métier notamment dans la concurrence avec d’autres professions fondées sur d’autres positions sociales et utilisant, à partir d’autres domaines de savoir, des connaissances plus ou moins issues de la psychologie ?
Formation initiale et pratiques professionnelles
Une insertion globalement satisfaisante, mais progressive
Toutes les études n’ont pu être dépouillées et croisées pour l’instant. Quelques résultats apparaissent convergents pour lesquels nous nous appuierons sur les articles de P. Coslin et al. (1999) et de S. Collette et N. Lelard, (2000).
La plupart des titulaires d’un DESS ont accès au premier emploi dans les six mois suivant l’obtention du diplôme. Trois sur quatre sont en activité avant un an et même l’ensemble des diplômés dans certaines régions. L’étude sur les quatre DESS de Nanterre Paris X, indique que 92 % ont trouvé du travail dans la première année, mais ce chiffre ne prend en compte ni le volume horaire travaillé ni la rémunération associée. Les 8 % restant se partagent pour moitié entre demandeurs d’emploi et autres situations (poursuite d’études, congé maternité…).
Le mode d’obtention du premier emploi donne une place privilégiée aux relations personnelles, aux stages et aux candidatures spontanées. On retrouve ce résultat dans l’étude de Paris X (les relations personnelles : 21,4 % et les stages : 17,1 %) mais avec une précision intéressante, ces emplois sont en grande majorité des CDD et interviennent dans la transition entre études et insertion stable comme des tremplins ou une préparation à la vie professionnelle. Les changements d’emploi sont fréquents dans les premières années, effet de contrats à durée déterminée ou de la possibilité d’accéder à un meilleur poste. L’étude de Paris X trouve un taux de départ important avant un an (54,5 %). Si 60 % des personnes ont quitté leur poste pour accéder à un meilleur poste, 40 % l’ont fait sans avoir la perspective d’un nouvel emploi.
Du point de vue du nombre d’emploi, du salaire et du statut, des situations contrastées se retrouvent dans l’étude de S. Colette (2000).
Les sortants d’un DESS Travail ont en majorité un seul emploi à temps plein (93 %) avec un salaire moyen net de 10 425 F. Pour les DESS de l’Enfance des emplois cumulés (78 %) qui font pour 71,5 % un plein temps avec un salaire moyen net de 6 225 F. Les DESS clinique ont en général un emploi (53,5 %) mais qui correspondent seulement à 43 % de temps plein pour un salaire moyen net de 5 260,00 F. Enfin, les DESS chargé d’étude ont majoritairement un emploi pour 93 % et 77 % de temps plein avec un salaire moyen net de 9 000,00 F.
Les statuts :
Travail : 53,3 % de CDI, 40 % de CDD et 6,6 % de vacations
Enfance : 36 % CDI, 50 % CDD et 92 % vacataires
Clinique : 38 % CDI, 55 % CDD et 48 % vacataires
Chargé d’études : 38,5 % CDI, 69 % CDD pas de vacataires
L’articulation entre l’emploi et la formation suivie
Dans les critères de recrutement
Dans la Fonction Publique, les critères de recrutement intègrent parfois une spécification du diplôme.
Dans la Fonction Publique Hospitalière, les critères de recrutement réfèrent à une liste établie (arrêté du 26 août 1991) qui comprend les DESS dans les domaines de la psychologie clinique, psychologie pathologique, psychologie de l’enfance et de l’adolescence, psychologie gérontologique, psychologie appliquée à la formation de formateurs d’adultes et de formateurs d’enfants.
B. Schneider (2000) relève toutefois des pratiques qui ne sont pas toujours en conformité avec cette liste relativement ouverte et des ambiguïtés nées de l’existence de plusieurs textes fonctionnant en parallèle (décrets du 22 avril 1994 et du 1er août 1996 reprennent les listes de diplômes complémentaires aux DESS permettant de faire usage du Titre sans abroger la liste de 1991). La Fonction Publique Territoriale dont les statuts se sont inspirés de la FPH présente une situation proche. La PJJ comme les autres ministères relevant de la Fonction Publique d’État ne fait pas de distinction dans les textes entre les différents DESS mais B. Schneider (2000) précise que le bureau du personnel de la PJJ indique « la lecture attentive et critique des intitulés de diplôme dans la préoccupation de recruter des psychologues cliniciens et de respecter la lettre de la loi relative au Titre ».
Le titre de psychologue est-il protégé ?
La loi du 25 juillet 1985 (n°85-772, art 44) et ses décrets d’application ont institué une protection du titre de psychologue : « L’usage professionnel du titre de psychologue, accompagné ou non d’un qualificatif, est réservé aux titulaires d’un diplôme, certificat ou autre titre sanctionnant une formation universitaire fondamentale et appliquée de haut niveau en psychologie préparant à la vie professionnelle et figurant sur une liste fixée par décret au Conseil d’État ou titulaire d’un diplôme étranger reconnu équivalent aux diplômes nationaux exigés.[…] L’usurpation du titre de psychologue est punie des peines prévues à l’article 259 du code pénal ».
Les décrets paraissent au début des années 90. Figurent dans cette liste, hors diplômes étrangers, les titulaires :
• De la licence et de la maîtrise de psychologie qui justifient en outre de l’obtention soit d’un DESS en psychologie, soit d’un DEA comportant un stage professionnel dont les modalités sont fixées par arrêté du ministre chargé de l’Enseignement Supérieur (un arrêté du 26 décembre 1990 fixe les modalités de ce stage).
• Du diplôme d’État de psychologie scolaire (avec un titre de psychologue scolaire).
• Du diplôme de psychologue du travail délivré par le Conservatoire des Arts et Métiers.
• Du diplôme de psychologue délivré par l’École des psychologues praticiens dépendant de l’Institut Catholique de Paris.
En complément de cette loi, des personnalités et des organisations représentatives des psychologues proposent en 1996 un nouveau code de déontologie pour la profession. Si celui-ci n’a pas valeur juridique, il a pour but, à travers une diffusion et un consensus large, « de servir de règles professionnelles aux hommes et aux femmes qui ont le titre de psychologue quel que soit leur mode d’exercice et leur cadre professionnel, y compris leurs activités d’enseignement et de recherche ».
Cette spécification de la formation peut avoir des effets limitatifs sur le développement des pratiques. B. Schneider (2000) au sujet de la FPT, cite l’exemple d’un psychologue du travail contractuel dans une direction des ressources humaines municipale empêché de se présenter à un concours car « ne présentant pas le DESS requis à orientation clinique ».
Dans le secteur privé, cette spécification existe moins et l’on peut rencontrer des psychologues issus de formations différentes.
Ces secteurs correspondent aussi à des marchés du travail moins « fermés », moins réglementés. Ainsi les programmes publics orientés sur l’insertion professionnelle et sur les publics en difficultés sociales ont fourni un des principaux débouchés pour les psychologues cliniciens dans les années 90 (Avenirs) concerne aussi (cf. étude maitrise, Grosjean, 2001) des psychologues du travail. Il faudrait une approche plus fine pour voir comment les différentes fonctions se répartissent.
Dans l’insertion professionnelle
Une étude de Nanterre Paris X a pour sous-objectif d’analyser l’adéquation des emplois trouvés avec les études suivies (2 cohortes suivies pendant 3 ans). Elle porte sur les 4 DESS (psychologue chargés d’étude, consultants et formateurs en psychologie sociale, psychologie de l’enfance et de l’adolescence, psychologie du travail, psychologie clinique et pathologique).
L’étude distingue dans les emplois trouvés des emplois « palliatifs » sans rapport avec la formation suivie, des emplois « d’attente » dans le secteur social et éducatif mais non ciblés par la formation et des emplois ciblés qui sont ceux auxquels la formation prépare.
Globalement les pourcentages sont de 15 % d’emplois palliatifs, 27 % d’emplois attentes et 58 % d’emplois ciblés. Les chiffres d’emplois ciblés varient selon les DESS de 47 % pour la psychologie clinique et pathologique jusqu’à 72 % pour la psychologie du travail.
Comment les psychologues s’insèrent-ils sur le marché du travail ? (source : S. Collette, N. Lelard, 2000)
Résultats de l’étude d’insertion professionnelle d’une promotion de diplômés de DESS de psychologie de l’université de Nanterre. (DESS de chargés d’études, Consultants et Formateurs en Psychologie sociale, DESS de Psychologie de l’Enfance et de l’Adolescence, DESS de Psychologie du travail, et DESS de Psychologie Clinique et Pathologique). La période observée se situe entre l’obtention du DESS en Juin-septembre 1996 et la réception du questionnaire en novembre 1997.
Ont trouvé un emploi (quel qu’il soit : nombre d’heures, fonction…) | 92 % |
Nombre d’emplois tenus (y compris jobs alimentaires) | Entre 1 et 8 |
Emplois « attendus/ciblés » Auxquels les formations des DESS préparent effectivement |
58 % |
Emplois « sociaux-éducatifs » Qui concernent des professions gardant un rapport avec la psychologie |
27 % |
Emplois « palliatifs » Qui n’ont à peu près rien à voir avec la formation en psychologie |
15 % |
C’est le premier emploi qui est observé. Malgré les variations enregistrées entre les DESS, on note un taux assez important de premier emploi adéquat à la formation suivie.
Du point de vue des salaires et du volume horaire, l’étude distingue deux situations :
A | Relativement bien rémunérés | Un fort taux d’emplois à plein temps |
DESS de psychologie du travail | Moyenne premier emploi : 8 360 F net Moyenne après un an : 10 425 F net |
93,3 % |
DESS chargé d’études | Moyenne premier emploi : 7 400 F net Moyenne après un an : 9 000 F |
77 % |
B | Des rémunérations plus modestes | Un cumul d’emplois à temps partiel plus fréquent |
DESS de psychologie de l’enfance et adolescence | Moyenne premier emploi : 4 236 F Moyenne après un an : 6 225 F |
78,5 % cumulent de 2 à 3 emplois |
DESS de psychologie clinique et pathologique | Moyenne premier emploi : 4 220, F Moyenne après un an : 5 260 F |
46,5 % cumulent de 2 à 4 emplois |
On observe un nombre de départ significatif (54,5 %) au cours de la première année, départs d’origines diverses (fin de CDD, mais aussi départ pour un emploi plus valorisé pour 60 %).
Le salaire noté est le salaire total perçu, quel que soit le temps de travail, le volume horaire peut contribuer à expliquer en partie les variations observées.
Les postes de psychologues : Des chiffres différents selon les DESS, respectivement 0 % et 5,5 % pour les chargés d’études et travail, 28,5 % et 39,5 % pour enfance et clinique semblent significatifs de débouchés différents selon les DESS.
Comment les psychologues s’insèrent-ils sur le marché du travail ? (Suite) (source : X. Poulard, 1995, L’insertion professionnelle des étudiants en psychologie de la région Rhône-Alpes, OURIP)
L’OURIP (Observatoire Universitaire Régional de l’Insertion Professionnelle), a réalisé en 1995 une étude auprès des étudiants des universités de la région Rhône-Alpes entrés sur le marché du travail en 1990. Les chiffres concernent les étudiants sortis avec un diplôme de 3e cycle de psychologie.
Situation 3 ans après | 98 % sont en emploi |
dont | 20 % ont deux emplois simultanés |
et | 10 % ont trois emplois et plus |
Les secteurs d’activité | |
Le secteur public, exception faite de l’Éducation Nationale | 30 % des emplois |
Les types d’activité | |
Formation des adultes et formation continue | 25 % |
Santé (secteur non marchand) | 22 % |
Santé (secteur marchand) | 7 % |
Action sociale (secteur non marchand) | 20 % |
Services divers aux entreprises | 10 % |
Enseignement (secteur non marchand) | 9 % |
Enseignement (secteur marchand) | 6 % |
La rémunération totale perçue (avec un ou plusieurs emplois, temps plein cumulé ou non) | |
Moins de 7 000 F | 9 % |
Entre 7 000 F et 9 000 F | 49 % |
Entre 9 000 F et 10 000 F | 12 % |
Entre 10 000 F et 15 000 F | 29 % |
Ces chiffres sont en augmentation, en fonction des changements d’emploi et représentent, à la fin de la première année, 50 %, les plus nombreux cliniciens représentent 40 %. Au bout d’un an, plus d’un tiers des diplômés ont eu au moins 2 emplois depuis leur DESS.
Les postes formateurs-études-recherche-GRH représentent 36,4 % des premiers emplois. Ils représentent 66,5 % pour le DESS du travail (dont 38,8 % GRH), 57 % pour le DESS chargé d‘études (dont 28,5 % formateurs) et 37,5 % enfance (postes formateurs, études, recherche). Ce dernier chiffre, étonnant pour les DESS de l’enfance est pour les auteurs un effet de cohorte.
Globalement on observe une bonne adéquation des formations avec professions prioritairement investies par les étudiants.
Les emplois ciblés sont plus conservés et en augmentation au cours de la première année. Les emplois d’attente décroissent mais plus lentement soulevant une hypothèse des auteurs. Ceux-ci pourraient correspondre à « de nouvelles vocations inattendues » et se composeraient de professions intermédiaires préférables au chômage en l’absence d’alternative professionnelle. Les emplois palliatifs sont tous quittés sauf pour le groupe des psychologues cliniciens où ils sont autant conservés (17 %) que quittés (21 %). Les hypothèses explicatives en sont la découverte de nouveaux débouchés atypiques ou le manque de débouchés traditionnels qui pérennisent les situations alimentaires.
Les emplois
Des chiffres approximatifs
On doit d’abord souligner que les chiffres sont extrêmement approximatifs et variables selon les sources : si, le plus souvent, on estime le nombre de psychologues en exercice entre 20 et 30 000, la revue Sciences humaines (Bert, Rommel, 1997) donne une fourchette de 37 000 à 41 000 psychologues en exercice. C’est pourquoi notre premier encadré, « Combien y a-t-il de psychologues en exercice en France ? » est très vague. Dans le second, « Où exercent-ils ? », nous pouvons être plus précis car nous acceptons l’hypothèse de l’ONISEP… mais ce n’est qu’une hypothèse !
À partir d’une estimation de 30 000 psychologues, l’ONISEP (1999) suggère donc que :
- 65 % d’entre eux travaillent dans le secteur sanitaire et social. D’après les chiffres du Secrétariat d’État à la Santé : 5 600 dans les hôpitaux publics (essentiellement en psychiatrie) dont 380 à temps plein ; 1 480 dans les hôpitaux privés, 8 900 dans les différentes institutions pour handicapés… dont 88 % à temps partiels.
- 4 000 psychologues travaillent dans la Fonction Publique Territoriale dont 1 500 titulaires.
- La justice compte quelques centaines de psychologues (PJJ et administration pénitentiaire).
- Les entreprises et cabinets conseils regroupent 5 000 psychologues dont 600 pour l’AFPA.
- L’Éducation Nationale compte 3 500 psychologues scolaires, et 4 700 conseillers d’orientation psychologues.
- 2 000 à 5 000 psychologues, selon les sources (sic) seraient installés en profession libérale. On peut remarquer que ce dernier chiffre outre son caractère vague énonce un statut mais ne mentionne pas les activités associées : soins, conseil…
Où exercent-ils dans la Fonction Publique ? (source : ONISEP 1999)
Dans la Fonction Publique d’État ont été inclus les Psychologues Scolaires et Conseillers d’Orientation, Psychologues exerçant dans les premiers et second cycles de l’Éducation Nationale dans la mesure où ils ont le titre de psychologue. Quantitativement, ils représentent une fraction importante des psychologues dans ce secteur mais il convient de préciser que le recrutement et le cursus de formation sont spécifiques, distincts de la filière universitaire.
Fonction Publique D’État | 50 % |
Fonction Publique Hospitalière | 29 % |
Fonction Publique Territoriale | 21 % |
Total | 100 % |
Une progression des interventions dans le secteur social et dans les entreprises
Selon la même analyse, le secteur sanitaire et social apparaît « engorgé », avec peu de création de postes à l’hôpital et des effectifs stagnants dans les institutions accueillant des handicapés et le domaine de l’aide sociale à l’enfance. Avec une moyenne d’âge autour de la quarantaine, les départs en retraite ne devraient pas être massifs avant 2010.
C’est l’insertion avec les différentes mesures d’accompagnement vers l’emploi, qui aurait, dans les années 90, constitué un des principaux débouchés pour les cliniciens, avec toutefois une offre qui apparaît en régression.
Avenirs relève également une progression des emplois dans les entreprises et cabinets conseils pour le recrutement, la formation, les études qualitatives appliquées au marketing, ainsi que des « poches d’emploi » créées autour du bilan de compétence ou de la réorganisation interne de société.
Il n’y a pas de chiffres concernant le chômage, mais on insiste sur la nécessité pour le psychologue d’avoir une démarche « offensive » de recherche d’emploi.
Quels sont les principaux lieux d’exercice ?
1. FONCTION PUBLIQUE
Fonction Publique d’État
Éducation Nationale, premier et second degré (voir remarque tableau « les secteurs d’exercice »), enseignement supérieur
Recherche
Justice : Protection Judiciaire de la Jeunesse, administration pénitentiaire
Défense : Services hospitaliers
Police nationale
Fonction Publique Hospitalière
Centres hospitaliers spécialisés en secteurs psychiatriques (Hôpitaux de jour, foyers, appartements thérapeutiques, centres de crise, centre d’activité thérapeutique à temps partiel)
Hôpitaux généraux et CHU (services de psychiatrie, de pédiatrie, de maternité, de chirurgie, de gériatrie, gérontologie et maisons de retraite, d’alcoologie et plus généralement de toxicomanie)
Fonction Publique Territoriale
Aide Sociale à l’Enfance (agences, pouponnières, foyers, maisons et hôtels maternels, dispensaires de consultation pédiatrique, centres spécialisés d’action médico sociale précoce, crèches)
Protection Maternelle Infantile (dispensaires de consultations pédiatriques, centres spécialisés d’action médico-sociale précoce, crèches
2. SECTEUR ASSOCIATIF ET SOUS CONVENTION
Externats et internats prenant en charge des enfants et des adolescents, catégorisés par types de situation, de troubles et/ou handicaps (EMP, IMP, EMpro, Impro, maison d‘enfants…)
Centres accueillant des adultes (plus de 20 ans) pour fournir un travail assisté (Centre d’Aide par le travail…)
Centres accueillant des enfants et des adolescents dans le cadre de consultations ambulatoires
Hôpitaux privés
Organismes de formation : formation et actions d’insertion en direction des demandeurs d’emploi, bénéficiaires du RMI…
Associations d’aides caritatives et humanitaires
Enseignement et orientation
3. ENTREPRISES ET CABINETS CONSEIL
Cabinets conseil en gestion des ressources humaines, recrutement, marketing
Entreprises privées et semi-publique : recrutement et formation, gestion des carrières, ressources humaines, ergonomie
Organisme de formation continue pour des personnels d’entreprise
4. PRATIQUE LIBERALE
Cabinet créé par un psychologue pour l’exercice libéral de thérapie, formation, conseil.
Beaucoup de temps partiels, des statuts précaires
Ces chiffres montrent une proportion importante de statuts précaires, au moins dans le secteur sanitaire et social où l’on trouve les chiffres les plus précis, et un fort taux de temps partiel dans certains secteurs (88 % dans le secteur de l’enfance inadaptée). On sait par ailleurs que de nombreux psychologues exercent simultanément plusieurs temps partiels. De façon assez remarquable, cette situation n’est pratiquement jamais commentée sous l’angle des conditions de travail ; une seule exception, Colette Chiland (1997), qui estime que « La situation aurait depuis longtemps été explosive si 80 % des étudiants en psychologie n’étaient pas des étudiantes, femmes qui se marient, ont des enfants, et se contentent de faire quelques vacations ».
Des environnements organisationnels variés
Si beaucoup de psychologues travaillent dans la Fonction Publique (d’État, Territoriale, Hospitalière), ils travaillent également nombreux dans des associations du secteur conventionné, des associations et des entreprises privées à but commercial ou encore en exercice libéral. Bien que dans des proportions différentes, ces différents contextes de travail peuvent concerner des interventions de même nature et contribuent à une diversification des pratiques (règles de droit du travail, définition de postes et de mission, reconnaissance du titre et de la formation, organisation du travail). Le lien entre le type de DESS et la fonction occupée peut être fort dans certains secteurs (cf. Fonction Publique Hospitalière et Territoriale) beaucoup moins systématique dans d’autres.
Les secteurs d’activité
Dans les différents textes, trois grands secteurs apparaissent le plus souvent : la santé, l’éducation, le travail qui fournissent une première catégorisation des pratiques. On reconnaît les trois grands domaines historiques d’application de la psychologie
Il y a néanmoins des divergences d’interprétation. Les listes ne se recouvrent que partiellement et certains débouchés apparaissent alternativement sous l’une ou l’autre rubrique. Par exemple, la Protection Judiciaire de la Jeunesse sera isolée, intégrée dans le domaine de la santé (Ghiglione, 1998) ou de l’éducation (Pithon 1992). La formation sera intégrée dans le domaine du travail ou de l’éducation ou encore située hors du domaine de la psychologie (Ghiglione, 1998 ; Pithon, 1992 ; Reuchlin, Huteau, 1998).
La revue Avenirs fait le choix de ne pas mentionner la psychologie du travail mais des secteurs Relations Humaines, ergonomie, études marketing, le domaine de l’éducation étant limité aux fonctions de psychologue scolaire et conseiller d’orientation psychologue.
À ces trois grands secteurs sont généralement associés d’autres domaines moins significatifs et très variables d’un auteur à l’autre. En faire la liste amène à associer, outre la justice, l’armée, la police, le conseil conjugal et familial, la médiation familiale, les psychologues des rues (point accueil de municipalités), les psychologues du quotidien, associations d’écoute et d’aide, études de marché, urbanisme, sport, communication…
Ces activités « marginales » et fort disparates peuvent correspondre soit à des débouchés classiques mais quantitativement limités (justice, armée, police ou encore études de marché), soit à des secteurs plus ou moins nouveaux (Urbanisme, Écologie, Aménagement des villes…), mais dont il est difficile de dire s’ils sont anecdotiques ou en véritable émergence. On ne situe pas clairement les nouveaux débouchés ou les évolutions dans les secteurs déjà connus, ou dans de nouveaux secteurs.
Le croisement des méthodes (qui peuvent être transversales aux différents secteurs d’intervention) et des secteurs d’intervention peut être également source de confusion. Dans les textes, la description du domaine de la santé est logiquement référée au psychologue clinicien. Toutefois, le développement de nouvelles activités peut se situer à l’articulation de deux domaines, notamment entre problématiques sociales et santé par exemple. L’insertion constitue un débouché pour des cliniciens (Avenirs 1999) sans être pour autant dans le domaine de la santé. Elle est également un lieu d’exercice des psychologues « du travail » (cf. étude sur l’insertion professionnelle des diplômés du DESS de psychologie du travail).
Ainsi vouloir refléter la réalité et la diversité des emplois tenus par les psychologues semble se heurter non seulement au manque d’études chiffrées (qui seraient du reste très difficiles à conduire) mais aussi à des difficultés dans la définition même des différentes formes et contenus d’interventions des psychologues.
Il semble qu’on ne puisse faire l’économie de l’articulation de plusieurs critères pour caractériser les différentes pratiques : le domaine d’activité (santé, éducation, insertion, gestion des ressources humaines, conseil…), le type d’intervention assurée (soin, évaluation, accompagnement, formation…), le public (âges, caractéristiques, situation) la forme de travail (salarié, vacataire, contractuel, fonctionnaire ou profession libérale ; à temps plein, partiel, partiels cumulés).
Mais si à l’évidence, ces différents « segments professionnels » nécessitent des présentations séparées, reste la question de leur articulation, de la proximité et de l’éloignement des activités réelles des psychologues. Comment s’organisent ces différents segments professionnels ? Peut-on suivre, comme R. Ghiglione, l’affirmation du SNP : « quelle que soit la diversité des demandes, le métier est au fond le même, avec les mêmes fondements scientifiques, les mêmes références déontologiques, les mêmes missions ». Une autre question nous semble liée à celle-ci, comment un système de formation peut-il répondre à une telle diversité ?
Les fonctions
Le choix de textes inclut des présentations de ce que fait un psychologue. Comment sont formulées ses missions, de quoi se compose son activité, que nous apprennent-ils de ce qui peut constituer le métier, de son contexte de réalisation, de ses difficultés, seront nos principales questions.
Les articles et ouvrages repris ici sont regroupés selon les trois grands secteurs auxquels ils font référence, en incluant dans le domaine de la santé les évolutions récentes dans le domaine social, en limitant le secteur de l’éducation aux deux métiers de psychologues scolaires et de conseiller d’orientation professionnel et en intégrant la formation soit dans le secteur santé/social pour la partie programmes publics de formation en direction de demandeurs d’emploi, soit dans le secteur du travail pour la partie de la formation financée par les entreprises.
Dans notre présentation, nous ne reprendrons pas les données concernant l’éducation, car les textes sont moins nombreux et moins riches.
Dans le domaine santé/social
Dans ce secteur, les textes sont des témoignages sur une pratique ou des analyses plus globales produites à partir d’une pratique, un seul article se réfère à une enquête sur la pratique des tests. Ils comportent une description des activités, ou du contexte de travail, mais parfois aussi des données théoriques (ex. phénomènes psychologiques liées à l’adolescence ou au vieillissement).
L’unité du groupe se fait autour du « psychologue clinicien » défini par R. Ghiglione : « Le psychologue clinicien est construit par des savoirs (théoriques), des savoir-faire (techniques) et un savoir être portant sur sa capacité à contrôler son engagement dans la relation à l’autre ». Il a pour objectif d’aider des individus (enfant, adolescent, jeune adulte, adulte, vieillard, etc…), seuls ou en groupe, de traiter « la souffrance psychique » ou mieux encore, de la prévenir. Pour D. Fua (1997), l’unité repose sur un référentiel théorique commun :
« Quel peut être le ciment fédérateur de toutes les pratiques décrites ici ? Y a-t-il un ou plusieurs éléments, une sorte de colonne vertébrale qui ferait que, quelle que soit l’institution dans laquelle nous serions amené à travailler, nous y ferions sensiblement le même travail de psychologue ? Il semble bien que cet élément fédérateur, nous ayons à le trouver dans notre référent théorique commun qui est la théorie psychanalytique. »
Cette définition, qui tendrait à situer le psychanalyste comme Idéal du Moi du psychologue (et en soi, ceci mériterait déjà examen et commentaire !) peut sembler réductrice, et l’est sans doute, bien qu’il soit en effet difficile de trouver un reférentiel clinique aussi solide et cohérent pour faire concurrence à la psychanalyse.
Quelles sont les missions du psychologue ?
Bureau International du Travail (BIT) :
Le psychologue étudie le comportement humain et les processus mentaux, recommande le traitement des problèmes psychologiques dans les milieux médicaux, industriels et d’enseignements […], élabore le diagnostic, le traitement et la prévention des désordres émotionnels de la personnalité ainsi que des difficultés dues à la mauvaise adaptation de l’environnement social et situationnel, développe et administre des tests d’intelligence, d’attitudes, d’aptitudes et de capacités […].
Les psychologues ont une fonction de facilitateur de la communication et de catalyseur du changement dans une société en évolution constante.
Statut particulier des psychologues dans les Fonctions Publiques Hospitalière (décret N°91-129 du 31/1/91, art2) :
« Ils exercent les fonctions, conçoivent les méthodes et mettent en œuvre les moyens techniques correspondant à la qualification de la formation qu’ils ont reçue. À ce titre, ils étudient et traitent, au travers d’une démarche professionnelle propre, les rapports entre la vie psychique et les comportements individuels et collectifs afin de promouvoir l’autonomie de la personnalité. Ils contribuent à la détermination, à l’indication et à la réalisation d’actions préventives et curatives assurées par les établissements et collaborent à leurs projets thérapeutiques ou éducatifs tant sur le plan individuel qu’institutionnel ».
Des pratiques diversifiées
Dans Le métier de psychologue clinicien (1997) ouvrage collectif dirigé par Dominique Fua, différentes pratiques sont décrites de façon séparée qui couvrent globalement le secteur de l’Hôpital avec la psychiatrie de secteur, le champ somatique (chirurgie) et la gérontologie, La FPT avec ASE, les différents lieux d’accueil des adolescents, et un exemple dans le milieu judiciaire avec une association d’aide aux victimes. En outre une partie est consacrée à l’examen psychologique. Ce sont ces éléments que je vais reprendre complétés pour la partie gérontologique par deux autres articles (1991 et 2000) et pour le milieu judiciaire par des articles (1991 et 2000) et pour l’examen psychologique à un article portant sur la pratique des tests (1996).
Les différentes activités des psychologues peuvent être regroupées selon plusieurs dimensions.
Selon les niveaux d’intervention
- En relation directe avec le public accueilli/visé : dans une visée diagnostique : bilan, évaluation, enquête ; dans une visée de soutien psychologique qui va de l’accueil et du suivi psychologique à des activités thérapeutiques (modèles évoqués : psychanalytique, cognitiviste, dispositif construit).
- En relation avec le personnel de l’institution : formation des accueillants ou de personnes de l’institution (psychiatrie/justice) ; agrément de personnel ; travail institutionnel de prise en compte de la réalité psychique ; accompagnement/soutien psychologique de l’équipe soignante ; participation aux projets, organisation de manifestations ; activité de recherche.
- En relation avec des partenaires extérieurs : travail avec les familles (information, aide) ; relations et coordination avec d’autres institutions ; accueil de stagiaires.
Selon le but de l’intervention du psychologue
Birouste et Martineau (1991) évoquent les différentes orientations du travail du psychologue : bilan-diagnostic, conseil-formation, traitement psychologique, recherche.
Claire Marie Verdon, dans un article (2000) sur les demandes d’intervention du psychologue en gériatrie synthétise ces différentes interventions qui concernent essentiellement :
- le soutien psychologique (sous forme de psychothérapie ou non) aux patients et aux familles,
- un accompagnement des équipes soignantes,
- une collaboration aux projets de vie de l’institution,
- une fonction pédagogique par la possibilité de donner des informations sur le vieillissement,
- la contribution au diagnostic par l’évaluation psychologique.
Hormis les références au contexte du vieillissement, cette liste est proche de ce que l’on retrouve assez généralement comme types d’intervention, auxquels peuvent se rajouter de façon plus nette parfois l’intervention de formation ou la réalisation d’études (Police).
La recherche, occupe une place « à part », située en regard de sa pratique personnelle comme support ou soubassement de l’activité, elle peut être également une voie de reconnaissance du travail du psychologue dans l’équipe. Par exemple dans le contexte d’un service général, R. de Carmoy (1997) donne plusieurs sens à cette activité :
« [Elle] permet au psychologue clinicien engagé dans un service général de prendre une certaine distance par rapport à un travail clinique souvent harassant et dans lequel il risque de s’épuiser. La réflexion, la rigueur et la méthodologie qu’implique la recherche offrent une stimulation intellectuelle et un enrichissement personnel qu’on ne trouve pas dans le service. D’autre part, et ce n’est pas le moindre des avantages, la recherche signe l’appartenance et la participation effective du psychologue au service. Elle lui procure la reconnaissance dont il a besoin pour se sentir exister comme psychologue. Si le psychologue ne fait rien – et on le lui dit – lorsqu’il écrit, son expérience prend corps et peut être partagée par tous ceux avec lesquels il travaille. Cette expérience devient un message, un exemple, et l’image floue qui le caractérise prend des contours plus fermes. »
Selon les outils ou techniques utilisées
R. Ghiglione (1998) p.55-56 « Diverses méthodes constituent le socle sur lequel repose le savoir-faire du clinicien pour établir son diagnostic :
- Les tests, notamment projectifs, mais pas exclusivement.
- L’entretien clinique avec des modalités relationnelles qui diffèrent selon qu’il se situe davantage sur le versant thérapeutique ou sur le versant diagnostic.
- L’observation armée.
- L’extraction de données à l’aide des différentes techniques d’enquête, de l’analyse des conduites de jeux chez les enfants, des productions graphiques, des enfants ou des adultes, des traces diverses ».
- D’autres techniques, notamment thérapeutiques d’orientations diverses, individuelles ou groupales. Ces techniques peuvent se rattacher à des techniques existantes mises en œuvre, adaptées au contexte voire même construite en fonction d’une problématique.
Selon la place de la dimension collective
Outre l’insertion dans une équipe, les activités notamment thérapeutiques peuvent être élaborées, réalisées avec d’autres membres de l’équipe. En psychiatrie de secteur, l’auteur évoquant un dispositif thérapeutique « sortant du cadre des psychothérapies classiques » souligne l’importance du travail commun pour cette élaboration. Certaines activités sont menées conjointement avec le médecin ou d’autres intervenants.
Une activité à isoler : la conception de dispositifs
L’activité de conception de dispositifs thérapeutiques ou non se distingue de la simple application de techniques acquises. On la retrouve dans la mise en place de thérapies « sortant du cadre des psychothérapies classiques » ou en gérontologie dans le cadre d’interventions à domicile.
Cette dimension peut être accentuée par l’émergence de nouveaux lieux de pratique et pose la question des modalités de cette construction (relation à la théorie, à la dimension collective, au contexte), et de la formation à cet aspect de la pratique. L’émergence de formations « spécialisées » peut être un mode de réponse, qui n’exclut pas une autre prise en compte dans la formation.
La réflexion déontologique et/ou l’activité de recherche sont souvent évoquées dans ce contexte. (C. M. Verdon : « réfléchir au cadre déontologique qui doit être posé dans la mesure où la thérapie n’a pas lieu dans un endroit neutre » cf. plus haut R. de Carmoy pour la recherche).
Une activité peu prescrite
L’ensemble de ces éléments ne se retrouvent pas systématiquement. Ces pratiques sont construites dans une interaction entre le psychologue, le cadre statutaire (poste à temps plein, à temps partiel, vacations…), les demandes qui lui sont adressées.
L’intervention du psychologue est une intervention spécialisée, définie par la formation du psychologue mais très peu spécifiée en termes d’activité… « il est explicitement entendu que le travail des psychologues à l’éducation surveillée n’est défini ni dans sa forme, ni dans son contenu ». (Toscani-Merle, 1992). Cette autonomie, liberté de choix de méthodes conquise et qui définit les psychologues a des conséquences sur la pratique.
Cette activité peu prescrite dans les textes ne risque-t-elle elle pas d’être « trop » prescrite à d’autres égards, plus sensible aux attentes, demandes, mais peut être également à l’orientation d’un chef de service ou d’une structure. C’est ce qu’exprime Toscani-Merle en repérant « une disposition plus ou moins manifeste à signifier aux psychologues qu’ils sont dépendants des options exprimées par d’autres travailleurs qui souhaiteraient déterminer la position du psychologue, voire gommer sa spécificité ».
Les demandes adressées aux psychologues sont nombreuses : « celui qui va résoudre les problèmes, soulager les soignants de l’ommniprésence des familles angoissées et faire le médiateur vis-à-vis des difficultés institutionnelles » (Verdon, 2000), « trop souvent imaginé tout puissant […] il peut faire l’objet de sollicitations diverses et variées le mettant en demeure de réparer… l’irréparable » (Fua, 1997) et c’est une première tâche pour lui de savoir situer son intervention et ses limites et de le communiquer.
Dans les secteurs où le psychologue est moins bien implanté, ses domaines d’intervention peuvent être plus ou moins connus des autres acteurs, sa culture et son langage plus ou moins étranger. C’est une tâche difficile (surtout si l’on débute), consommatrice d’énergie :
« le désir de relever le défi, la volonté de nous faire reconnaître, nous ont fait progresser pas à pas dans la connaissance de ce monde étrange, hermétique par son vocabulaire, ses règles de fonctionnement, ses pratiques, son type de pathologie. Il fallait découvrir un mode de vie avec l’équipe, inventer une pratique en rapport avec notre spécificité de psychologue clinicien, et, accessoirement trouver du plaisir dans ce travail » (Carmoy).
Le recrutement peut être une autre manière de prescrire l’activité du psychologue décrite par Toscani-Merle dans la fonction publique, « certaines équipes éducatives ont jugé préférable de recruter encore, malgré le décret, des psychologues vacataires […]. Ces équipes sont ainsi assurées que “leur” psychologue correspondra à leur “idée” » .
Une pratique peu visible
M. Santiago Delefosse (1997) dans une approche inspirée de la psychodynamique du travail, évoque la reconnaissance dans le travail par les pairs et la hiérarchie. Tout en signalant que cela concerne aussi d’autres professions M. Santiago Delefosse (1997) parle
« d’un travail composé en grande partie de “savoirs faire discrets” (Molinier 1997), dont l’efficacité n‘est pas spectaculaire, et qui n’est repérée le plus souvent que dans ses ratages ou comprise comme effet magique. Sa représentation sociale entre soin maternant et pouvoir magique instrumentalisant les sujets met bien en évidence l’ambivalence que produisent les “savoir-faire discrets” : toujours pas assez (ça ne sert à rien, trop long, trop couteux) ou toujours trop (dangereux, manipula-teur) ».
De plus, « un inconvénient parmi d’autres […] c’est de n’être pas considéré comme un travail ».
Dans cette orientation, se pose la question de l’évaluation des pratiques des psychologues : qui évalue, selon quels critères ? Ces évaluations ont-elles un sens pour le psychologue et plus généralement comment peut-il soutenir son activité ?
D’autres exemples pourraient être rapportés à ce thème des décalages du psychologue, entre prudence et position défensive face à l’institution de référence.
Évoquons encore une position singulière du psychologue amené à intervenir aussi sur l’équipe dont il est membre et qui peut lui être possible dans la mesure où, « le psychologue est, dans son statut, un cadre sans pouvoir hiérarchique, ce qui peut lui permettre d’engager un travail, une réflexion institutionnelle avec des équipes tout en étant dégagé des enjeux de pouvoir réel, sinon symbolique » (J.-M Talpin, cité par C.M. Verdon).
Le développement de nouveaux champs d’activité :
Un constat fortement affirmé dans le dossier de 1992 (Bulletin de psychologie, Pithon, 1992) : la référence à la psychologie contraste avec les ouvertures de postes pour les psychologues. Dans un champ qui s’ouvrait alors aux psychologues cliniciens (1988), la gérontologie, les auteurs constatent qu’alors que se développe de façon très rapide l’appel à la psychologie dans ce domaine les emplois de psychologues ne se développent que de façon très lente. Toutefois, si l’on met en regard les deux articles sur la gérontologie de 1991 et 2000 (les demandes d’intervention du psychologue en gérontologie), on a l’impression d’un grand chemin parcouru qui justifie peut-être la conclusion d’un « vaste champ prometteur ».
En 1998, on retrouve dans l’exemple de l’association d’aide aux victimes ce thème d’une entrée « seconde », timide, des psychologues dans un monde marqué par l’approche juridique.
Par ailleurs, le développement de nouveaux champs d’activité ne peut être pensé sans référence aux politiques en matière de santé. Un document sur « la santé : enjeux de développement humain et source de développement économique » de mars 1999 issu d’une mission prospective et stratégie d’agglomération pour Lyon, peut illustrer cet aspect. On y trouve une définition large de la santé à partir d’une critique de la définition de l’OMS (46) négligeant « à la fois le psychisme et la dimension sociale de la santé ». Un ensemble de constats et de préconisations peuvent apparaître comme des opportunités de développement de la présence de psychologues (les difficultés institutionnelles liée à « la fracture entre le sanitaire et le social », l’orientation vers une démarche préventive, la question des pratiques relationnelles défaillantes dans le monde médical lorsque le malade devient aussi « un client », l’aide à la réduction de la dépendance des personnes âgées par le développement des techniques d’aide à la vie quotidienne). Pour autant, dans ce texte, le médecin reste une référence constante, bien que fréquemment élargie aux « professionnels de la santé ». Doit-il s’y inclure, est-il identifié comme tel dans la vision des « politiques » et « décideurs » ? Le mot psychologue n’est cité qu’une fois, à l’occasion d’un exemple.
Par ailleurs, M. Santiago Delefosse analyse les conséquences de « la sollicitation d’interventions cliniques » qui, sans être directement thérapeutiques, se développent en lien avec les besoins sociaux. Elle pose la question de la spécificité de la clinique des psychologues et de leur différenciation avec les autres intervenants institutionnels et sociaux (secrétaires, psychiatres, intervenants socioéducatifs) ou de la difficulté de l’exercice auprès de personnes au chômage et/ou en difficultés alors qu’eux-mêmes se trouvent dans des emplois précaires. Pointant les différences existant entre la clinique héritée de Lagache, celle du psychologue, celle du commanditaire, elle évoque les pièges de la clinique prescrite : violence, usurpation de position, confusion des demandes et des places ou encore « oubli » de la prise en compte du commanditaire payeur.
Une pratique entre « soin », prévention et traitement de l’exclusion qui peut aussi être refusée par les institutions de tutelle. A. Sirota (1997) en apporte un exemple dans un article évoquant la mise en œuvre d’un groupe de parole de « Eremistes » dans le cadre d’un dispositif d’insertion qui fonctionne « bien » mais s’arrêtera à la suite de « suspicions institutionnelles » « sans que l’on puisse établir de lien formel avec le fait qu’une partie d’entre eux ait entendu dire par un élu municipal, lors d’une réunion, que le groupe de parole était engagé dans une dérive thérapeutique ».
Des pratiques dont la construction reste mal connue
Les différents aspects relevés plus haut d’une pratique construite, d’activités de conception de dispositif ainsi que les difficultés rencontrées par des psychologues sur le terrain font souhaiter des études plus systématiques partant des pratiques réelles des psychologues.
Certaines questions posées par M. Santiago Delefosse semblent essentielles pour penser ces métiers ou leurs évolutions :
« Que font les psychologues, que pensent-ils faire, avec quels outils, quelles méthodes, quels référents théoriques ? Comment élaborent-ils le passage de la théorie à la pratique, comment prennent-ils en compte les implications de leur insertion dans le champ institutionnel et/ou entrepreneurial et, d’une manière plus large, dans le champ social ? »
Les témoignages rendent présents les résultats, mais n’offrent que peu de vue sur la manière dont la pratique se construit ou sur les régularités existant entre les pratiques.
De plus, quelles conséquences ces caractéristiques ont-elles sur les praticiens, comment les psychologues parviennent-ils à penser ces questions ou à faire face à la souffrance qu’elles peuvent comporter ?
Le développement de nouvelles modalités d’insertion professionnelles croise ce premier questionnement. Il semble qu’il y ait une sorte de triangle formé par les opportunités rencontrées/suscitées par des individus, les demandes « réfléchies » d’équipes/de structures et l’impact des politiques et orientations sociales. Même si du point de vue de la profession, les services potentiels de psychologues pourraient être élargis, les exemples donnés montrent aussi que les types d’interventions se diversifient sans que l’on puisse vraiment en tracer les contours. Prendre appui sur les ouvertures « politiques » et définir a priori les fonctions que pourraient assurer les psychologues à partir de leur spécialité est certes une réflexion intéressante mais une autre voie serait peut-être plus proche de ce qui apparaît comme une entrée « progressive », et qui nous amènerait à étudier de façon approfondie des situations d’insertion dans des fonctions « atypiques » pour analyser la place prise par le psychologue.
Dans le domaine du travail
Mis à part un article, les textes se rapprochent plus d’orientations générales ou de descriptions statistiques issues d’études que dans le domaine de la santé/vie sociale. Ce domaine inclut les psychologues « sociaux », notamment intervenant dans le secteur du marketing et de la publicité et des psychologues intégrés dans des entreprises ou dans des organismes de formation et de conseil.
Des emplois dans le secteur public et privé
Un premier groupe qui rassemble environ la moitié des emplois (Riffle, Moutou, Pithon, [1992]) se trouve dans le secteur public et semi public (administrations, entreprises nationales et grands organismes à caractère public hors recherche et université). Néanmoins, le statut de fonctionnaire semble dans ce groupe assez limité. Le secteur privé (entreprises privées, organismes de formation et de conseil) représente 30 à 40 % des emplois. Le secteur libéral est assez peu représenté (10 à 20 %). Des chiffres qui seraient à réactualiser (article paru en 1991 porte sur des enquêtes années 80) et à confirmer (enquêtes partielles ou locales, résultats pas homogènes). Le même article indique que les situations précaires ne sont pas rares et pourraient concerner un tiers des psychologues du travail.
Des données statistiques recueillies par des étudiants de maitrise en 2000 à partir de l‘annuaire des anciens du DESS de psychologie du travail montrent, dans une décomposition différente, 22 % de psychologues du travail dans les ressources humaines, 21 % dans les centres de bilans, AFPA et SNCF, 16 % en formation, 14 % dans les métiers du conseil et 7,5 % dans les métiers de l’insertion.
Plusieurs domaines d’intervention
Moulin 1982 cité par Riffle, Moutou, Pithon, (1992), rejoint globalement les autres auteurs et identifie quatre domaines principaux d’intervention :
- organisation du travail, amélioration des conditions de travail et ergonomie,
- conseil en recrutement,
- gestion du personnel,
- formation.
Auxquels il faut ajouter, dans l’entreprise ou dans le secteur de la publicité et du marketing, les études qualitatives et la communication interne et externe.
Les activités les plus fréquentes (Riffle, Moutou, Pithon, 1992) sont la formation (68 %) et le diagnostic (sélection-orientation) (60 %) et les activités d’administration et de gestion du personnel (31 % et 22 %).
Les autres activités citées sont l’organisation du travail (29 %), l’information externe et interne (34 %) et 9 % pour conseil psychologique individuel, soutien, thérapie.
Dans le secteur public, le service de rattachement le plus fréquent est naturellement le service du personnel (recrutement, gestion prévisionnelle, formation…) mais l’on trouve aussi des psychologues dans des services de production (sécurité, conditions de travail…) et dans des services commerciaux, relation publique, étude et recherche, direction générale.
Ces praticiens semblent se spécialiser par leurs domaines d’intervention, les fonctions globales apparaissant comme des évolutions de carrière. Ceci répond peut-être à une plus grande sectorisation des types d’intervention que dans le champ de la Santé, mais reste à confirmer.
On ne trouve que peu ou pas d’éléments plus descriptifs des pratiques ou des outils et techniques utilisés. Seule une enquête de 1983, donne quelques éléments qui semblent liés au contexte du moment : entretien, questionnaire, observation, et conduite de réunion, animation et analyse de contenu, études de cas, études de créativité, jeux de rôles, techniques corporelles, psychodrame, expérimentation, bioénergie.
Psychologue, une dénomination rare
Une première caractéristique de ce domaine d’activité est que le terme psychologue ou ses dérivés n’apparaissent que très rarement dans les intitulés d’emploi. Les psychologues s’insèrent dans des métiers et des fonctions existantes.
En 1992, Riffle, Moutou, Pithon parlent de « psychologues clandestins » même s’ils sont des clandestins « de luxe » avec des titres hiérarchiquement assez élevés. Plusieurs hypothèses sont avancées pour ce changement de nom : une « image dévalorisée » du psychologue, un travail sans rapport avec la qualification, un titre refusé par les entreprises, une manière de se démarquer du psychologue de la Santé ou encore les habitudes des entreprises qui ne dénomment pas la formation possédée mais la fonction assurée dans l’entreprise.
Se pose un problème de définition, Moulin dans une enquête sur les psychologues du travail dans les services publics pose la question « mais qu’appelle-t-on un psychologue du travail ? » Ce qui l’amène à distinguer plusieurs situations :
- Le psychologue du travail joignant à une formation sérieuse attestée par un diplôme la totalité de son temps de travail consacré à des activités « incontestablement psychologiques » (il ne les définit pas).
- Le demi-psychologue ayant des fonctions mixtes
- L’ex-psychologue n’exerçant plus d’activité psychologique (mais, précise-t-il, sont-ils dépsychologisés ?),
- Les mini psychologues ayant une formation courte ou sur le tas (assistants, psychotechniciens, ingénieurs).
- Les psychologues non psychologues formés mais n’exerçant pas et n’envisageant pas d’exercer d’activité psychologique.
Une concurrence forte avec d’autres professions
La concurrence se pose dès lors de manière aigüe, soumise à l’orientation du marché du travail.
Toutes les fonctions citées accueillent également des professionnels issus d’autres cursus de formation. Les psychologues ne semblent pas constituer la majorité des personnes en poste dans ces fonctions. Dans le Monde du 28/03/2000, une estimation émanant du SYNTEC, indique sur un effectif d’un tiers de psychologues parmi les consultants en recrutement. Ils représentent le groupe le plus important (30,5 %) mais un autre groupe dont les effectifs sont en progression est composé de consultants issus d’écoles de commerce (21,4 %) et de formations en droit, sciences éco, sciences (14,6 %).
En 1991, Lemoine (2000), fait une étude du secteur de la formation des adultes et pointe « une pratique, un discours psychologique sans psychologue ». L’étude faite à partir de deux métiers : responsable de formation et formateur conseil montre une situation paradoxale. L’analyse des tâches « démontre que nous avons affaire à une fonction qui devrait être davantage investie par les psychologues et peut être plus particulièrement par les psychosociologues ». Mais ce sont les juristes, les économistes, gestionnaires, commerciaux et ingénieurs qui sont le plus représentés. Les offres d’emplois de responsable formation ne mentionnent pas toujours la formation demandée (49 %). Lorsqu‘elle l’est, très peu (7 %) portent sur la psychologie, les demandes sont très diversifiées et majoritairement situées hors des sciences humaines. Pour les formateurs conseils, pas de demande de psychologue (ce qui ne veut pas dire qu’il n’y soit pas représenté).
La référence à la psychologie intervient néanmoins dans ces offres d’emplois mais en termes de qualités personnelles à posséder.
La psychologie intervient aussi, massivement cette fois, dans les formations complémentaires proposées pour exercer ces métiers ce qui tendrait bien à montrer qu’elles ne s’adressent pas à des psychologues tout comme les critères de recrutement qui semblent privilégier la connaissance du monde de l’entreprise et des connaissances en droit du travail, en économie et en gestion.
Dans une autre perspective, une étude complémentaire faite sur les parutions d’un éditeur à forte diffusion dans le champ de l’entreprise (Éditions d’organisation) montre que les psychologues et psychosociologues sont numériquement minoritaires parmi les auteurs d’ouvrages traitant de la formation. Choisissent-ils dans d’autres maisons d’édition, ne s’investissent-ils pas dans ce domaine, ne sont-ils pas souhaités par les éditeurs, les questions restent ouvertes.
Des réticences à développer certaines pratiques
Le domaine de la publicité, la communication externe des entreprises est pour C. Lemoine un domaine sous exploité en psychologie. L’ombre de la manipulation, « des raisons hautement déontologiques, voire idéologiques » ont pu guider des choix professionnels en psychologie, en privilégiant le service aux personnes sur l’activité marchande. Pour autant, les compétences que le psychologue peut faire valoir sont identifiables, et la position qu’il serait susceptible d’y prendre induire une prise en compte différente des consommateurs ou des salariés dans le cadre de la communication interne des entreprises. Dans un autre article, centré sur l’exigence déontologique, il rappelle en conclusion que le psychologue du travail se trouve fréquemment « dans un milieu concurrentiel où il n’a pas l’exclusivité dans le domaine de son intervention : enquêter, évaluer, élaborer des représentations sur autrui sont des activités sociales non réservées et généralement déjà encadrées par des règles du droit commun » et de fonder une réflexion déontologique spécifique sur l’analyse « fine des situations et sur le repérage des compétences spécifiques du psychologue qui se développent dans le cadre d’enjeux relationnels ».
Cette revue des travaux sur les métiers de la psychologie ouvre de nombreuses pistes de recherche possibles, qui pourraient prendre plusieurs formes autour, par exemple :
- D’études centrées sur les pratiques réelles dans les différentes situations de travail.
- D’une enquête conduite sur plusieurs années, à partir des sorties des différents DESS, en dépassant la question de l’insertion professionnelle pour centrer le travail sur les pratiques, les trajectoires atypiques…
- D’études des stratégies d’utilisation de la formation en psychologie par les étudiants.
- D’études portant sur les utilisations de la psychologie par les praticiens du social qui ne sont pas psychologues, avec tout ce que ce recours peut mobiliser ou immobiliser.
Le chantier est ouvert…