Les doutes des débuts, la légitimité. Le poids du métier, les responsabilités

DOI : 10.35562/canalpsy.1870

p. 6

Texte

Juillet 2017. Le jury m’appelle. Le verdict est tombé : je suis psychologue de la santé, dans le champ du développement. Un grand moment : la fin de mon cursus universitaire ! Et… le début de ma vie professionnelle. Et des doutes, des remises en question, des réponses aux offres d’emploi. Puis… le premier contrat.

Aujourd’hui je suis donc psychologue du développement en libéral, dans deux cabinets distincts. L’un en tant que collaboratrice dans un cabinet de psychologie clinique et neuropsychologie, et l’autre en remplacement, dans le même type de cabinet.

Dans les deux lieux confondus me sont adressés des patients de tous âges et milieux, tous désireux de faire le point sur leur état cognitif et/ou psychoaffectif. Ainsi, si je suis mon principal outil dans ce travail, les évaluations psychométriques, neuropsychologiques, projectives et psychopathologiques font aussi partie de ma pratique. En effet, qu’est la cognition humaine sans la psyché, et inversement ?

Le problème qui se pose néanmoins, dans un début de pratique bien étoffé, c’est que le poids des responsabilités va justement plus vite que nous jeunes psychologues. Les patients apportent chacun une problématique différente, une vision de la vie différente, une énigme à résoudre. Autour du psychologue, les autres professionnels des cabinets et des institutions sont très demandeurs d’échanges et d’avis sur des patients qu’ils ont ou que nous avons en commun. Très intéressant, oui, mais… très éprouvant aussi. La question qui se pose est donc la suivante : comment ma parole peut-elle faire le poids devant celle de grands professionnels de renommée, en particulier quand je n’ai aucune preuve ni certitude ?

Qui dit psychologue dans le champ de la santé, dit en effet grand panel de situations. Qu’il s’agisse d’une suspicion de haut potentiel intellectuel chez un enfant, d’une suspicion de troubles « dys- », d’une dépression d’adulte, de troubles du comportement d’un adolescent ou de centaines d’autres problématiques, il se doit de savoir y répondre, et ce de manière adéquate. Parfois sans avoir pu s’y préparer. Non, les patients ne préviennent pas qu’ils vont livrer des choses difficiles à porter… Et non, le psychologue ne peut pas se permettre d’être démuni dans ce cas-là. Et pourtant…

La responsabilité et les doutes sont donc le premier fardeau du jeune psychologue. « Que dois-je faire s’il me parle de suicide ? Et si je dis une bêtise et que je l’induis inconsciemment ? » Ou encore : « ce professionnel est spécialiste dans ce domaine. Et si je dis une bêtise ? Je ne suis pas sûre de ma référence… J’ai une trentaine de sujets à approfondir ! »

Que faire de ces pensées parasites ? Eh bien, en tout premier lieu, comprendre que c’est légitime. Et attendre le premier retour positif d’un.e. patient.e. nous disant à quel point ça lui a fait du bien.

À partir de là, le jeune psychologue se sent « à sa place », se fait confiance afin que les patients et les professionnels puissent lui faire confiance à leur tour. Il peut enfin déployer ses capacités d’écoute et de mise en lien, aussi bien un lien entre les évènements de vie du patient que le lien avec les différents acteurs autour de ce patient. En effet le contact avec la famille, l’école, les autres professionnels, apporte un éclairage mutuel qu’il est important de mettre au premier plan du projet personnalisé de chaque patient. Cela renforce ses connaissances et son réseau, et sa confiance. Sans perdre de vue qu’il s’agit d’un contact humain avant tout, avec toute la fragilité et l’imprévisibilité que cela implique, et qui font toute sa richesse.

Citer cet article

Référence papier

Sofia Belkziz, « Les doutes des débuts, la légitimité. Le poids du métier, les responsabilités », Canal Psy, 122 | 2018, 6.

Référence électronique

Sofia Belkziz, « Les doutes des débuts, la légitimité. Le poids du métier, les responsabilités », Canal Psy [En ligne], 122 | 2018, mis en ligne le 01 janvier 2021, consulté le 28 mars 2024. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=1870

Auteur

Sofia Belkziz

Psychologue du développement et de la santé, spécialisée en neuropsychologie

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