Heureux lecteur, que celui qui n’a pas encore croisé cette écriture jubilatoire et va y engager ses pas. Cheminer aux côtés de Nicolas Bouvier c’est se livrer au voyage, À cet éblouissement d’un monde qui s’offre à nous et nous transforme.
« Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous prête ses couleurs. Puis se retire et vous replace devant ce vide qu’on porte en soi, devant cette espèce d’insuffisance centrale de l’âme qu’il faut bien apprendre à côtoyer, à combattre, et qui paradoxalement est peut-être notre moteur le plus sûr1. »
Riche d’une stupéfiante mémoire et d’un colossal appétit de savoir, c’est à l’exultation du vivre sur les sentiers du monde que ce jeune suisse s’est livré dans les années 50, avec son ami peintre Thierry Vernvet. Une Fiat Topolino les conduira de Genève à la Khyber Pass, qui relie les plateaux afghans au subcontinent indien. Le voyage comme L’usage du monde (titre de l’ouvrage qui l’a promu comme écrivain) ; le voyage comme mutation et l’écriture comme balancier qui permet d’asseoir l’équilibre et de poursuivre la progression au fil de la route. Il en partage le suc, nous enivre de poussière et de bière, et les noms s’égrènent Saïmichte, Erzerum, Tabriz, Shahrah, Quetta, Zebak ; et Trémizonde d’où il écrit ces mots :
« Ce midi-là
la vie Était si égarante et bonne
que tu lui as murmuré
“Va-t’en me perdre où tu voudras”
Les vagues ont répondu “Tu n’en reviendras pas2” »
L’ensemble de l’écriture de Nicolas Bouvier est rassemblé en Quarto Gallimard Œuvres complètes, pour ceux qui auraient un moindre appétit, vous pouvez déguster L’usage du monde, ou les délicieuses Chronique japonaise (Paris, Payot, 1991).
