Rêves et contes : à propos d’un atelier d’écriture

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Texte

En passant de travaux individuels à des travaux de groupe, on est passé tout naturellement des rêves aux contes, ce qui est conforme à leurs implications, plus individuelles pour les premiers, plus collectives pour les seconds, comme le dit bien B. Bettelheim dans sa Psychanalyse des contes de fées :

« Le rêve est l’expression la plus personnelle de l’inconscient et l’expérience d’un individu en particulier, tandis que le conte (populaire) est la forme imaginaire que des problèmes plus ou moins universels ont prise à mesure que l’histoire se transmettait de génération en génération. »

Comme le dit encore R. Kaës dans le livre Contes et divans :

« Le conte va fonctionner comme une sorte de récit d’un rêve commun. Chacun va y développer certaines lignes associatives, et le groupe va en faire un récit unificateur. Les contes sont le récit du rêve partagé des membres du groupe et chaque conte renvoie à chacun son rêve : un réseau de rêve et un réseau de contes se créent. »

Le conte et sa structure formelle permettaient aussi d’intégrer les idées de chacun selon un canevas partagé par tous sur lequel elles venaient s’insérer plus facilement dans le travail de groupe.

L’aspect ludique des contes, la régression à l’enfance qui les caractérisent, sont des facteurs qui favorisent la créativité.

La possibilité de s’exprimer de cette façon et non selon les schémas plus classiques de la dissertation, ou des développements logico-déductifs cultivés à l’université, a du en un sens paraître « magique », et on en a profité à juste titre. Occasion aussi de s’exercer en même temps à l’écriture poétique, où contenu et contenant, les idées et le style pour les présenter, s’associent en un tout très condensé. Style qu’on pourrait très bien transposer à la rédaction de rapports et travaux variés.

Quelle que soit la façon dont on passe de l’un à l’autre, rêves et contes facilitent la prise de conscience des problèmes rencontrés aux différents âges de la vie.

Ils les décrivent de façon métaphorique, tout en suggérant des moyens (symboliques) de les surmonter.

Les rêves donnent sans doute une vue plus personnelle des difficultés et angoisses qui risquent de nous envahir, et des ressources dont nous disposons pour les affronter.

Les transcrire et les transposer en images et poèmes, en textes plus littéraires dont les contes sont l’une des formes les plus appropriées, va vers une mise à distance d’affects parfois peu assumables, enclenche tout un travail de compréhension et de réélaboration des désirs et des pulsions, sous-jacents, un travail de reliaison entre le monde de l’imaginaire et celui de la réalité quotidienne, un peu trop séparés dans nos sociétés (sauf chez les jeunes enfants qui « confabulent » et prolongent souvent leurs rêves dans la vie éveillée).

Ils permettent d’élaborer ces romans familiaux, mode de transition, qui facilitent l’adaptation aux caractéristiques parentales désagréables, ou d’affirmer son identité culturelle, quand on a quitté son pays.

En les mettant en œuvre par soi-même, chacun peut se familiariser avec le langage de l’inconscient, en général, et le langage de l’art ou de l’imaginaire, ce qui présente de l’intérêt pour tous quel que soit leur âge ou leur orientation de vie.

J’ai à plusieurs reprises suggéré de s’inspirer du Château des destins croisés d’Italo Calvino, pour réaliser un travail à deux ou à plusieurs sur les rêves. Château des songes croisés où le rêve de l’un(e) répondrait ou rencontrerait le rêve de l’autre pour inspirer de nouveaux rêves qui se retrouveraient au rendez-vous suivant au prochain épisode d’un roman onirique où le féerique et le fatidique donnerait la main au destin le transformerait, enfin ?

Mais aucun de mes étudiants ne s’est lancé dans l’entreprise ; peut-être tentera-t-elle quelque Italien(ne) qui trouverait au carrefour de ces chemins qui mènent tous à Rome ou à l’homme (en tant qu’être humain à part entière), un homme, une femme, qui comme lui, comme elle, aurait réunifié rêve et réalité, réel et imaginaire.

Citer cet article

Référence papier

Annick Drevet-Tvermoës, « Rêves et contes : à propos d’un atelier d’écriture », Canal Psy, 31 | 1997, 8.

Référence électronique

Annick Drevet-Tvermoës, « Rêves et contes : à propos d’un atelier d’écriture », Canal Psy [En ligne], 31 | 1997, mis en ligne le 20 janvier 2021, consulté le 22 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=2253

Auteur

Annick Drevet-Tvermoës

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