Marc-Antoine Buriez
Il convient d’abord de remercier les organisateurs de cet hommage1 bienvenu à Dominique Ginet, dont la disparition brutale, voilà désormais quinze mois, continue de nous peiner profondément.
C’est sans doute à l’ordre chronologique des circonstances dans lesquelles nous l’avons connu que je dois d’être le premier, ce matin, à évoquer sa mémoire. J’ai en effet rencontré Dominique en octobre 1967 – il y a donc 43 ans – à l’université de Lyon, où nous sommes, si j’ose dire, arrivés simultanément, lui comme étudiant en première année de DEUG, moi comme nouvel assistant de psychologie assurant un cours d’initiation à l’histoire de la psychologie. Mais c’est dans le groupe de travaux pratiques dont j’avais également la charge – et qui ne comportait qu’environ 25 participants – que je l’ai identifié. J’ai alors vite perçu la vivacité de son esprit, son intense curiosité intellectuelle, sa capacité d’assimilation, la fermeté de sa personnalité, son ouverture à autrui. 1967, vous le savez, s’est prolongée par mai 1968. Dans cette conjoncture tumultueuse, il a su, quant à lui, ne pas perdre la tête et poursuivre sa formation.
Lorsqu’il eut obtenu la licence, je l’ai engagé comme vacataire au laboratoire de pédagogie expérimentale de l’École pratique de psychologie et de pédagogie, à la direction de laquelle Jean Guillaumin venait de succéder à Monsieur Husson. C’est dans ce cadre qu’est née une longue et profonde amitié. C’est là aussi qu’il a préparé son mémoire de maîtrise sur l’échec en mathématiques, dont la qualité m’a convaincu de le publier dans un numéro du Bulletin de la Société Binet-Simon2…
J’ai aussi assez apprécié son sens de la recherche et son dynamisme scientifique pour lui conseiller de tenter une carrière universitaire, aussi étroites qu’en soient les portes et énigmatiques et aléatoires les conditions d’accès. Peu après, il a effectivement été élu assistant de psychologie. Cependant, dès 1970, je l’avais engagé comme chargé de cours en licence de Sciences de l’éducation, dont l’université venait d’ouvrir la préparation et associé, en outre, au jury constitué au titre de la convention avec l’Université Catholique de l’ouest, à Angers. À la même époque, je l’ai accompagné dans la préparation de sa thèse de doctorat de 3e cycle, qu’il avait commencé sur « Roger Cousinet et les pédagogies de groupe ».
Si les déplacements de frontières administratives au sein de l’université Lyon 2 et la diversification de nos charges respectives ont peu à peu espacé nos rencontres, celles-ci se sont toujours poursuivies à l’occasion de sessions ou colloques, notamment au Centre Tomas More de la Tourette, à l’IFD de Grenoble, ou ailleurs. D’autres parmi nous, pendant cette journée, évoqueront les thématiques de recherche auxquelles est due sa notabilité académique, comme les qualités relationnelles qui lui ont assuré l’estime dont il jouissait et l’influence qu’il a exercée sur beaucoup. Car, s’il est vrai que sa préférence n’allait pas à l’écriture, force était de remarquer la rigueur de sa pensée et l’autorité qui émanait de sa parole.
Pendant l’été, nous avions l’habitude de nous voir dans sa propriété de Sillignieu qu’il aimait beaucoup, où il vit maintenant son éternité. Nous y avions encore déjeuné ensemble le 21 août dernier. Je ne pensais pas, en le quittant, que je ne le reverrais plus.