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La maladie mentale existe-t-elle encore ? La souffrance est-elle à l’origine de dysfonctionnements mentaux ou en est-elle la cause ? Le symptôme est-il à supprimer, ou est-il un panneau d’indication, ou bien un épouvantail ? Le traitement des maladies mentales (et beaucoup d’autres) ne peut se réduire à la médication pour estomper les symptômes que les patients manifestent, il s’accompagne aussi d’une considération approfondie des causes et des retentissements des symptômes dans la vie passée et présente des sujets. La prise en charge des malades mentaux implique la pluralité des compétences au sein des équipes de soins psychiatriques et la pluralité des lieux de rencontre du malade et de ses proches.

Un service de psychiatrie est un dispositif composé de différentes structures de dimensions variables qui assurent des missions de prévention, de soins et de post-cure. La psychiatrie de secteur, ainsi que l’avait préconisé la circulaire de mars 1960, s’exerce sur une zone géographique délimitée. Le nombre et la variété des structures qui y sont installées dépendent en grande partie de la densité de la population. Ces structures sont le plus souvent :

  • L’unité ou les unités d’hospitalisation à temps complet, mixtes, qui accueillent les personnes à partir de 16 ans en hospitalisation libre, à la demande d’un tiers ou en hospitalisation d’office.
  • L’Hôpital de Jour.
  • Le Centre Médico-Psychologique – CMP.
  • Le Centre d’Accueil Thérapeutique à Temps Partiel – CATTP.
  • L’appartement thérapeutique ou de transition.
  • Le service de consultation psychiatrique à l’hôpital général.
  • Les soins en visite à domicile ou en accompagnement au plus près du domicile des patients.

En outre, la psychiatrie s’ouvre actuellement à des formes de soins telles que le psychodrame, les thérapies familiales ou groupales en dehors ou après une hospitalisation.

Dans tous ces lieux le psychologue est amené à intervenir soit seul, comme clinicien, soit en collaboration avec une équipe soit comme superviseur. Le psychologue se situe au sein d’un tel regroupement de structures ce qui le conduit à avoir une pratique diversifiée et l’amène à s’articuler avec celles d’autres soignants, psychiatres et infirmiers et celles des travailleurs sociaux.

Une équipe de psychiatrie adulte se compose d’un chef de service, de praticiens hospitaliers et d’assistants psychiatres, d’internes en psychiatrie et en médecine générale, de cadres infirmiers, de psychologues, d’assistantes sociales, d’infirmiers sans oublier les secrétaires médicales et les agents de service hôtelier et d’entretien.

En dehors du CMP, où se pratique un travail de consultations et de psychothérapies individuelles où est engagée la responsabilité clinique personnelle du psychologue dans le cas des demandes individuelles qui lui sont adressées, le psychologue est amené à travailler en équipe pluridisciplinaire que ce soit dans une unité de soins hospitalière ou dans une des structures précédemment citées.

Dans ces structures le psychologue est rarement sollicité directement par le patient et même quand il l’est, son intervention n’est pas isolée, elle est resituée dans une prise en charge d’équipe en accord avec les différents membres de l’équipe. Le plus souvent la contribution du psychologue est sollicitée par les membres de l’équipe et les médecins pour des suivis individuels ou en co-thérapie, pour des bilans psychologiques avec passations de tests projectifs ou de niveaux. Notons que les tests de niveaux comportent des éléments projectifs intéressants à exploiter pour des compléments de diagnostics. Le psychologue participe à l’élaboration du plan de soins, il s’y intègre ensuite et assure un apport progressif à la compréhension des troubles mentaux des patients.

À l’hôpital, le médecin responsable du traitement et de la globalité des soins dans l’unité, est celui qui « tient » en priorité le cadre de soins élaboré en équipe, il en est, comme les autres membres de l’équipe la « mémoire » et le surveillant, celui qui veille, entre autres, à l’application rigoureuse des soins dans les meilleures conditions.

Il n’est pas rare que des entretiens familiaux puissent se mettre en place lors d’une hospitalisation : ceux-ci sont favorisés par la présence (trop rare il faut le souligner) d’un second psychologue dans l’unité. Dans ce cas, l’un se préoccupe plus particulièrement du patient, l’autre de l’écoute des personnes de son entourage, parents ou conjoint.

Lorsque le diagnostic est établi, le plan de soins conçu, le soin institutionnel est déjà un peu commencé. À noter que le psychologue n’est pas toujours sollicité pour contribuer systématiquement à toutes les prises en charge de patients surtout en début d’hospitalisation. Lorsqu’il l’est, il choisit d’articuler sa méthode de travail avec l’ensemble du plan de soins : ce peut être une prise en soin individuelle par des entretiens réguliers dont la durée et la fréquence peuvent être variables selon la pathologie du patient, ou bien des activités médiatisées avec des infirmiers ou bien une supervision d’activités.

Le plan de soins est rythmé par des réunions cliniques dans lesquelles le psychologue participe à la synthèse et à l’élaboration des contenus des activités et des vécus du personnel dans sa rencontre avec le patient. Ces réunions enrichissent la connaissance de la souffrance du patient et permettent une évolution de la compréhension de sa problématique.

Dans ces réunions les dimensions globales de la personnalité sont considérées sous l’angle de sa réalité bio-psycho-sociale, c’est-à-dire avec la prise en compte des réalités pathologiques, somatiques et psychiques, des réalités personnelles et relationnelles, des réalités matérielles individuelles et socio-professionnelles.

L’assistante sociale, qui n’a pas de responsabilité clinique comme un membre de l’équipe soignante articule nécessairement son action auprès du patient avec celle des soignants. Il en est de même pour les soignants entre eux. L’assistante sociale participe donc aux réunions cliniques. Le psychologue est celui qui, pouvant fonctionner seul, ne fonctionne pas pour autant sans avoir en mémoire sa place dans l’équipe, sa place pour le patient, et la place des autres dans le soin. Dans l’équipe il est, comme les autres membres, dans le partage du secret professionnel ; pour autant il n’est pas contraint de donner le détail de tous les entretiens, il a toujours à apprécier ce qu’il est nécessaire de communiquer à l’équipe pour faciliter et éclairer la compréhension d’un patient. Parfois, et ce n’est pas si rare, il aura à reconnaître simplement qu’il est « en attente ».

Sachant qu’une hospitalisation dure en moyenne trois semaines, le psychologue est alors dans l’obligation de limiter ses objectifs. Aussi a-t-il tout juste le temps d’ouvrir un espace de parole au patient, un temps que le patient en général ne s’attend pas à trouver à l’hôpital psychiatrique. C’est un temps où il donne de lui-même alors que l’hôpital est généralement un lieu où est donné un soin, un traitement, un hébergement, un lieu dont on dit souvent qu’il remplit et satisfait tous les besoins. Le temps de parole donc, lui donne l’idée d’une possibilité d’être entendu sans « recourir » à un symptôme pour fuir une situation insurmontable. Le patient peut aussi décider avec l’équipe d’un temps d’hospitalisation séquentiel ou de jour après sa sortie. Quand cette possibilité est adoptée la poursuite du soin peut ensuite s’envisager au CMP ou au CATTP.

Les hospitalisations de longue durée entraînent l’équipe dans une prise en charge plus pointue, plus approfondie qui met en cause très souvent le fonctionnement institutionnel, les relations dans l’équipe, la persévérance, la capacité à (ne pas) se décourager, l’ambition et la modestie…

Le plan de soin accepté par le patient n’est pas une charge à exécuter mais un dispositif qui précise un engagement soignants-soigné, il arrive que cet engagement ne soit pas toujours respecté. C’est aussi et surtout ce qui se vit dans ces moments-là qui est à comprendre et à resituer, à prendre en compte pour l’élaboration du prochain plan de soin.

Dans ce cas encore le psychologue contribuera à favoriser la verbalisation des réactions de rejet de l’équipe vis-à-vis du patient difficile, réactions souvent significatives de ses craintes à lui à envisager le changement, une autonomie, un avenir. La peur de la chronicisation peut devenir un obstacle au dynamisme de l’équipe soignante et l’aide apportée par un intervenant extérieur dans le cadre des supervisions cliniques et institutionnelles est fondamentale.

Le fondement théorique sous-tend le soin au sein d’une équipe soignante, mais c’est aussi la cohérence et l’articulation des différents moments de l’engagement soignants-soigné, donc autant le fonctionnement institutionnel que la nature des soins qui peuvent avoir un retentissement thérapeutique sur les patients et aussi un retentissement instituant et évolutif pour les soignants. L’institutionnel ne devait pas se cliver du thérapeutique, puisqu’il en est à la fois le support et la condition.

Le psychologue peut se penser « psychothérapeute » mais c’est l’ensemble de l’équipe qui porte la fonction thérapeutique de l’hospitalisation sous la responsabilité du médecin de l’unité (lequel est responsable devant le médecin-chef).

Peut-être faut-il aussi aborder la question de la place du psychologue dans le cadre des « essais thérapeutiques » pratiqués parfois dans certaines unités de soins. En général il s’agit d’un projet médical et les psychologues ne sont pas toujours consultés. Pour autant, ils peuvent être amenés à suivre des patients sous « essai thérapeutique » (essais de médicaments) ; dans ce cas, il est bien utile qu’ils s’informent et qu’ils connaissent la loi (N 94-630 du 25 juillet 1994 – ART. L209-12, relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales).

Il est nécessaire de constater que la place du psychologue en psychiatrie adulte est délicate à maintenir, à la fois intégrée dans un soin médical tout en s’en dégageant. La pression médicalisante y est dominante de fait et l’interrogation à propos du sujet nécessite, pour rester vivante et ouverte, un soutien constant du psychologue qui en est plus particulièrement le garant.

Citer cet article

Référence papier

Claire Reynaud et Jacqueline Méchali, « Service de psychiatrie adulte », Canal Psy, 20 | 1995, 11-12.

Référence électronique

Claire Reynaud et Jacqueline Méchali, « Service de psychiatrie adulte », Canal Psy [En ligne], 20 | 1995, mis en ligne le 27 août 2021, consulté le 22 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=2515

Auteurs

Claire Reynaud

Psychologue clinicienne Hôpital de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or

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Jacqueline Méchali

Psychologue clinicienne

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