C’est avec émotion que je saisis l’occasion de cet éditorial pour rendre hommage à René Kaës.
Comme beaucoup d’entre nous, j’ai suivi son enseignement. Je partage avec plusieurs d’entre nous le privilège d’avoir assisté à ses séminaires et d’avoir bénéficié de son aide, de son éclairage et de son soutien dans mes travaux de recherche. Moins nombreux sont, peut-être, ceux qui parmi nous ont rencontré René Kaës comme intervenant auprès d’un groupe institutionnel.
Toute expérience de séparation s’accompagne toujours d’une retrouvaille avec un point d’origine ; c’est ainsi que je me souviens de ma première rencontre avec René Kaës. Fraîchement diplômé d’une école paramédicale, rempli d’illusions et de fausses vérités, j’intégrais une jeune institution, où j’étais immergé brutalement dans le monde traumatique de la maladie mentale. Cette institution s’était donnée, d’emblée, comme exigence interne de se soumettre à un travail d’analyse institutionnelle. Et c’est là que je rencontrai, à un rythme mensuel je crois, et pendant quelques mois, un homme d’une étonnante sagesse, qui jonglait avec les mots et les métaphores, qui pouvait écouter avec sérénité la violence des émotions qui habitaient le groupe, qui pouvait même essayer d’en comprendre quelque chose, qui prenait discrètement quelques rares notes sur une petite fiche cartonnée qui excitait ma curiosité, etc. J’étais impressionné.
Plusieurs années plus tard, pénétrant pour la première fois et avec angoisse l’univers labyrinthique de l’Université de Bron, je vois René Kaës s’engageant, face à moi, dans le couloir que j’empruntais. Rassuré par la rencontre d’une figure connue, dans ce lieu oppressant, j’étais en même temps quelque peu sidéré par cette rencontre : allait-il me reconnaître ? Oserais-je lui parler ? Qu’allais-je lui dire ? Mon malaise fut rapidement apaisé par l’accueil chaleureux que me fit René Kaës, et l’intérêt sympathique qu’il porta à ma présence en ces lieux. Depuis, je n’ai cessé de découvrir la sensibilité de cet homme, qui sait si bien allier une exigeante rigueur et une remarquable souplesse, qui sait si bien penser à la fois la précision et la tolérance, qui n’est jamais dupe de la moindre dérive idéologique. Je salue son intelligence, sa grande culture, sa générosité.
Le départ de René Kaës m’attriste. Les perspectives qu’ouvre pour lui – et pour nous qui suivons ses travaux – cette nouvelle étape de sa vie me font plaisir. Je sais que sa nouvelle vie est déjà chargée et riche de projets en cours et d’autres à venir. Je lui souhaite de pouvoir réaliser sinon tous du moins suffisamment de ses « rêves de désir » non encore « mis à exécution ». Toute l’équipe de Canal Psy et du Département s’associe à moi pour souhaiter une bonne continuation à René Kaës.
Nous adressons également à Jean-Claude Sagne, autre personnalité de l’Université qui nous quitte, une très cordiale pensée.