Préambule : différents types d’établissement
Avant d’aborder le contenu du travail d’un psychologue en établissement spécialisé pour enfants et adolescents, il faut préciser qu’il existe bien sûr différentes sortes d’établissements spécialisés dont la spécificité varie suivant la nature des troubles ou des handicaps traités. Ce qui peut aussi conditionner les pratiques des psychologues dans certains secteurs de leurs activités.
Parmi les principaux types d’établissements, on retiendra :
- les établissements pour handicapés moteurs et IMC (Infirmes Moteur Cérébraux) ;
- les établissements pour handicapés sensoriels (sourds, aveugles ou amblyopes) ;
- les établissements pour déficients intellectuels (avec en principe des troubles associés : troubles de la personnalité, du caractère, troubles sensoriels à minima, etc.). Il s’agit des IMP (Institut Médico-Pédagogique) pour les enfants de 5 à 12 ans et des IMPRO (...PROfessionnel) ou IME (...Éducatif) pour les adolescents et jeunes adultes.
Un sujet pouvant présenter plusieurs troubles sera dirigé sur l’établissement qui pourra traiter le trouble principal, ce qui complique bien sûr la prise en charge dans l’institution.
Les enfants et adolescents sont orientés dans les établissements par la CDES (Commission Départementale de l’Éducation Spécialisée) composée pour moitié de personnels de la Santé et de l’Éducation nationale.
Qui gère ces établissements et comment ils sont financés ?
La plupart sont gérés par des associations loi de 1901. Ces associations sont en principe spécialisées dans le traitement d’un seul type de troubles ou de handicap et regroupent plusieurs établissements. Exemples :
- L’Association des Paralysés de France (APF) qui s’occupe de handicapés moteur et l’Association des Infirmes Moteur Cérébraux…
- L’ADAPEI (Association Départementale des Amis et Parents d’Enfants Inadaptés) ;
- L’ALGED (Association Lyonnaise Gestion Enfants Déficients) et l’APAJH (Association Pour Adultes Jeunes Handicapés) qui s’occupent des déficients intellectuels profonds.
- L’OVE (Œuvre des Villages d’Enfants) accueille principalement des déficients intellectuels légers et moyens avec troubles associés, mais fait exception à la règle en s’occupant aussi de sourds et de troubles du caractère dans des établissements distincts.
Comme le secteur hospitalier, ces établissements, qui sont des établissements de soins, sont financés suivant le principe du prix de journée. Les tutelles et organismes payeurs (DDAS et Sécurité Sociale) demandent aux établissements de se mettre en conformité avec les textes officiels publiés conjointement par les ministères de la Santé, de la Solidarité et de l’Éducation qui régissent le secteur de l’Enfance Inadaptée. Ces textes encore appelés « annexe 24 » (du Code de la Santé) qui dataient de 1956 ont été profondément remaniés en 1989 dans le sens de la demande d’un réel travail interdisciplinaire autour de l’enfant pour répondre au plus près à ses besoins en associant au maximum sa famille au Projet Pédagogique, Éducatif et Thérapeutique (PPET).
Beaucoup d’associations ont aussi des protocoles d’accord avec l’Éducation Nationale qui détache dans les établissements des enseignants spécialisés possédant des techniques pédagogiques adaptées aux troubles et aux handicaps. Ces enseignants restent salariés de l’Éducation Nationale et sont les seuls à ne pas « émarger » au prix de journée de l’établissement.
En ce qui concerne les autres salariés, tous relèvent en principe des conventions collectives nationales auxquelles ont adhérées les associations ; pour la majorité à celle de 1966 dite de l’Enfance Inadaptée ; pour quelques-unes à celle de 1951 (secteur hospitalier).
Contenu du travail du psychologue
Exerçant pour ma part essentiellement auprès d’enfants et d’adolescents déficients intellectuels moyens/légers présentant des troubles associés, je m’appuierai sur mon expérience en IME pour parler du travail de psychologue en établissement spécialisé. Ce travail s’oriente autour de quatre grands axes :
- L’évaluation.
- La préparation du soin et le travail thérapeutique.
- Le travail institutionnel.
- Le travail avec les familles.
Le travail d’évaluation
Il consiste à préciser de la manière la plus fine possible, les troubles que présente le patient. C’est le champ d’application des tests psychométriques (de niveau intellectuel, d’aptitudes) et des tests projectifs. Dans ce travail d’évaluation on peut inclure en premier lieu l’examen d’admission, où il s’agit d’apprécier la nature des troubles du « candidat » et si l’établissement peut apporter des réponses adaptées à ses difficultés et à ses besoins. Durant le cursus du jeune dans l’établissement (entre 5 et 6 ans en moyenne) il y a nécessité d’au moins trois examens d’évaluation. À l’entrée ou au moins dans les premiers mois, pour définir le projet le mieux adapté. À mi-parcours, pour évaluer la pertinence du diagnostic et du projet. L’avant-dernière année, pour préparer la sortie en milieu ordinaire ou protégé et orienter la recherche de stages préalables en fonction du pronostic de sortie.
Préparation du soin et travail thérapeutique
Dans les semaines qui suivent l’admission du patient, en général début septembre (ces établissements fonctionnant sur le rythme scolaire), il faut affiner le diagnostic afin de pouvoir proposer et discuter en équipe des « indications » de prise en charge (orthophonie, psychomotricité, psychothérapie individuelle ou psychodrame à l’intérieur ou à l’extérieur de l’établissement). Réflexion menée d’abord en équipe soignante avec médecin psychiatre, psychothérapeute, réeducateurs puis élargie aux enseignants et éducateurs.
Cette phase de préparation des soins implique aussi de prendre des contacts avec l’extérieur (CMP environnants, hôpitaux de jour). Bien entendu tout ne peut pas se faire à l’intérieur de l’établissement, à la fois pour des raisons de temps et parce que pour certains adolescents il est nécessaire de dissocier lieu de soins et lieu d’apprentissages ou de se mettre à plusieurs institutions pour les prendre en charge.
Passée la phase de préparation des soins, le travail psychothérapique proprement dit peut commencer pour les « nouveaux » (il a été repris dès la rentrée pour les anciens).
Il va de soi cependant que la fonction de psychologue « généraliste » de l’institution qui implique un travail et des décisions dans la réalité (ne serait-ce que les admissions et les sorties) n’est pas forcément compatible avec un travail psychothérapique. Il ne peut assurer une cure psychanalytique mais peut apporter un soutien psychologique au travers de séquences de durée variable, d’entretiens. Les cas nécessitant un cadre thérapeutique plus strict sont adressés au psychothérapeute ou à l’extérieur.
Le travail institutionnel
Il consiste à veiller à la maintenance de l’institution afin qu’elle reste performante et concurrentielle (même dans ce secteur il faut en tenir compte !!!) en initiant par exemple de nouveaux outils ou techniques, mais aussi de veiller avec le médecin psychiatre à la cohérence du discours et du fonctionnement institutionnel, afin que les jeunes puissent en retirer le maximum de bénéfices. Il s’agit de faire en sorte que l’établissement prenne soin des enfants et des adolescents, en particulier de ceux qui ne sont pas accessibles à un soin psychothérapique direct par défaut de capacité d’élaboration.
Ce travail de maintien de la cohérence de l’institution n’a de sens que s’il est lié à un travail de proximité avec les personnels qu’il faut soutenir dans leurs relations quotidiennes et éprouvantes à des jeunes perturbés. Cela se fait dans le cadre de réunions catégorielles (par exemple réunions d’éducateurs) ou interdisciplinaires où l’on essaye de donner du sens aux propos et comportements des jeunes rapportés par les personnels.
Le travail avec les familles
Il ne s’agit évidemment pas d’un travail psychothérapique direct, la mission de l’établissement étant de soigner prioritairement l’enfant. Mais si on ne peut pas prendre en charge la famille, il est toutefois indispensable de la rencontrer assez régulièrement. D’abord pour repérer la place qu’occupe l’enfant dans le psychisme familial, comprendre la nature des liens et l’investissement ou l’absence d’investissement dont il est l’objet, et tenir les parents au courant du travail thérapeutique mené pour leur enfant.
Il s’agit également en rencontrant les parents de retendre ou retisser des liens souvent distendus ou effilochés et d’obtenir éventuellement un effet thérapeutique en ricochet dans la famille.
Voici donc tracé à grands traits le travail du psychologue en établissement spécialisé pour enfants et adolescents. Il n’est pas très différent sans doute à certains égards de celui de collègues dans d’autres institutions. Mais ce qui fait l’originalité et la richesse d’une telle structure c’est la cohabitation sous un même toit, des soins, de l’éducatif et du pédagogique. Cette unité de lieu limite aussi la fonction de psychologue qui doit veiller à maintenir un équilibre entre ces trois secteurs dans l’institution et aussi dans ses propres investissements de chaque secteur.