Les 11-12 et 13 juin 1993, le CIRPPA1 organisait à Auxerre son IVe congrès de psychothérapie de groupe d’enfants sur le thème : Cadre psychanalytique et dispositif groupal en psychothérapie de groupe d’enfants. Durant ces trois jours se succédèrent 17 orateurs dont les exposés furent tous de bonne tenue. L’après-midi du samedi, les participants se séparèrent dans 11 ateliers différents dont l’attrait du thème proposé dans chacun rendait le choix difficile.
Compte tenu de la densité de ces journées, je ne me hasarderai pas ici à en faire un exposé détaillé (les « minutes » du Congrès paraîtront dans la revue de Psychothérapie psychanalytique de groupe – Éditions Erès) mais je m’attacherai seulement à rendre compte des interventions à mon avis les plus marquantes. Pour ce faire, je suivrai les trois axes autour desquels se sont articulées ces journées. La première était consacrée à des exposés que je qualifierai de généralistes, bien que largement centrés sur le psychodrame. La seconde s’attachant à la question des « médiations dans les groupes d’enfants » et la troisième, à « groupe et formation ».
Dans son exposé préliminaire, le professeur Pierre Ferrari, qui présidait le Congrès, rappela les différentes techniques de thérapies groupales et la diversité des références théoriques y afférant. S’appuyant sur les théories de J. Bleger, il centre sa réflexion sur les notions de processus et de cadre. La première renvoyant à la dimension individuelle, dans la cure, la seconde, constituée d’un ensemble d’invariants préfixés et permettant au processus d’advenir. Pierre Ferrari rappelle que le cadre ne peut se résumer à la stabilité des éléments temporo-spatiaux et que déjà pour Freud il était constitué aussi des règles (de libre association du patient, d’abstinence de l’analyste qui s’oblige à ne pas donner satisfaction aux mouvements transférentiels du patient).
À la suite de cet exposé introductif, René Roussillon approfondit ce thème du cadre, en soulignant que le sens d’une psychothérapie c’est d’optimiser la symbolisation d’une expérience vécue et que le cadre doit servir de support à ce travail d’optimisation de la symbolisation. L’enjeu du cadre, pour reprendre ses propos, c’est de parvenir à symboliser la symbolisation. Pour cela, il va devoir contenir un certain nombre de contraintes (environnement neutre, place de l’analyste hors du champ visuel, interdit du toucher…). R. Roussillon met l’accent sur le fait qu’il n’y a pas de cadre issu d’un génie. Tous les bons cadres ont une histoire : se sont construits petit à petit. Avant tout, le cadre doit être rationnel, raisonnable, chaque élément doit avoir sa signification. Pour qu’il y ait processus thérapeutique il faut que le patient puisse utiliser le cadre (sinon c’est une thérapie en « comme si »). Utiliser le cadre c’est transférer sa capacité de symbolisation interne sur lui, mais tout le monde ne symbolise pas la symbolisation de la même manière, en fonction de la pathologie (psychotique, névrotique…) mais aussi de l’âge.
Parmi les autres exposés théoriques de cette première journée, je retiendrai ceux de J.-B. Chapelier et Francois Sacco intitulés respectivement : « De la théorie psychanalytique à la clinique des groupes » et « L’identification dans le psychodrame ».
J.-B. Chapelier s’interroge sur les distorsions que peuvent accepter les concepts psychanalytiques pour s’appliquer au travail de groupe. Élargissant sa réflexion à l’utilisation de groupes thérapeutiques dans d’autres sociétés, cela permet de se demander si les concepts techniques émanant de la cure type – comme par exemple, celui du transfert – peuvent s’appliquer à d’autres dispositifs et à d’autres cadres culturels.
François Sacco rappelant qu’à l’adolescence l’identification est la clef de voûte du réaménagement psychique, se pose la question de savoir jusqu’à quel point le psychodrame de groupe permet à l’adolescent de remanier ses identifications touchant là, la question de l’indication de cette technique. Parmi les exposés plus cliniques de cette première journée, nous retiendrons plus particulièrement, celui d’Aline Saurer, intitulé « Des petits enfants en quête de symbolisation » où elle souligne la nécessité d’élaborer une technique appropriée à des enfants chez lesquels il y a tout un travail à fournir au niveau du contenant avant d’interpréter des contenus fantasmatiques. Le travail mis en œuvre allant plus dans le sens d’une aide au refoulement que dans celui de l’interprétation du refoulé.
De la seconde journée consacrée pour moitié à « La question des médiations dans les groupes » je retiendrai en particulier l’intervention de Geneviève Haag intitulée « Composantes autistiques d’un groupe et leurs transformations au regard du cadre ». Il s’agit de l’analyse de l’évolution durant trois ans d’un groupe de quatre enfants autistes de 5 à 8 ans. G. Haag étudie l’évolution des composantes autistiques de ce groupe en fonction des avatars du cadre (séances annulées, départ d’une co-thérapeute, son remplacement, etc.) et met en évidence les mouvements régressifs et agressifs, notamment lors des changements et aussi les progressions dans les échanges émotionnels.
À propos de ce thème, signalons encore les interventions d’Édith Lecourt « De la médiation à l’objet médiateur » (qui s’interroge sur ce que l’on nomme « médiation » dans les pratiques de groupes d’enfants), de Dominique Quelin « De l’objet médiateur au groupe à médiation » (où il est question de ce qu’introduit la médiation dans le domaine relationnel et transférentiel), enfin de Pierre Privat « De la fonction pare-excitation du dispositif » (où il traite de l’excitation pulsionnelle en groupe – notamment avec des enfants très perturbés et des aspects contre-transférentiels qui interviennent autant dans le choix que dans l’utilisation de ces dispositifs).
Troisième axe de réflexion au cours de ce Congrès « Groupe et Formation » (formation de thérapeute de groupe).
Particulièrement intéressante : l’intervention de Simone Urwand intitulée « Supervision de groupe ; supervision en groupe » où elle fait l’hypothèse que les supervisions en groupe trouvent leurs origines dans « Les séances du mercredi soir » chez Freud. Rappelant que la supervision de groupe en groupe implique non seulement superviseur et supervisé mais un groupe d’enfants sur lequel porte la supervision, le groupe de supervisés ainsi que les institutions concernées, celle des supervisés et celle du superviseur. Au travers de ces emboîtements successifs S. Urwand questionne les processus psychiques inconscients intervenant dans ces groupes et constate que l’on retrouve dans ces groupes de supervision les mêmes attaques du cadre que dans d’autres groupes.
À propos de ce thème retenons enfin l’exposé conjoint de Régine Castaing et Danielle Reviriego « Articulations entre formation-supervision et groupe thérapeutique à partir du changement de dispositif » où elles interrogent les liens entre leur travail thérapeutique en institution auprès d’un groupe d’enfants très régressés et ce qui se passe dans leur groupe de supervision.
Pour conclure, le Professeur Ferrari insista sur la fonction pare-excitation du cadre et ouvrit certains questionnements, notamment à propos de la notion de transfert dont l’on trouve des éléments en situation groupale, sans pour autant pouvoir parler de névrose de transfert comme dans la cure-type.
Quant à savoir si l’on ne doit considérer l’expérience groupale qu’à la lumière exclusive de la psychanalyse, laissons peut-être le mot de la fin à René Roussillon qui est tenté de la considérer plutôt comme une expérience autre qui n’aurait pas forcément à être interprétée à la lumière de l’histoire de l’enfant.