Centre de soins conventionné spécialisé pour toxicomanes et leurs familles

Centre A3

p. 11-12

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L’Association d’Aide aux Adolescents, le Centre A3, est une association de type 1901 qui a débouché sur la création d’un centre de soins et de consultations.

Historiquement, elle a été déclarée en mai 1973 et fondée initialement pour venir en aide aux jeunes en situation marginale et plus spécifiquement aux toxicomanes dans une perspective de soins en ambulatoire. Ceci, sur l’initiative de soignants travaillant au sein d’un hôpital général. Il leur apparaissait qu’il n’était pas systématiquement souhaitable et inévitable de passer par une hospitalisation pour un sevrage.

Sur le plan financier, l’association est subventionnée par le Département des Affaires Sanitaires et Sociales, sur le budget Toxicomanie du ministère de la Santé, en référence à la loi du 31 décembre 1970, déterminant la possibilité de mesures applicables à des personnes en dehors de toute poursuite judiciaire ou non, dans l’anonymat et la gratuité des soins.

Ainsi, s’est mis en place ce centre d’accueil et de consultations pour toxicomanes, dispositif où des soins ambulatoires gratuits (sevrage par exemple) et des aides de type médical, psychologique, éducatif peuvent être fournis par une équipe. Ce service s’adresse à une classe d’âge bien plus vaste que celle des adolescents (terme figurant dans l’intitulé de notre association) à partir des éléments de réalité qui nous sont donnés. En fait, nous avons surtout affaire à des adultes (moyenne d’âge 27 ans environ) consommant pour la plupart des produits psychotropes, de l’héroïne (ou autres produits de substitutions de l’héroïne).

Bien sûr nous recevons des consommateurs occasionnels ou non d’autres produits psychotropes (tels que haschich, cocaïne, ecstasy, etc.). Nous sommes principalement en contact avec des usagers de drogues licites ou illicites, qui ont pour particularité d’être dans une relation de dépendance (psychologique et/ou physique) au produit.

À côté des toxicomanes, l’équipe a aussi pour mission de recevoir des parents, des éducateurs, du personnel médical ou paramédical, etc., d’une manière générale, toute personne en prise plus ou moins directe à des problèmes, des interrogations ou des angoisses suscités par l’usage d’un proche de produits psychotropes.

Le cadre administratif est assuré par deux plein-temps : une directrice (éducatrice de formation) et une secrétaire comptable. L’équipe, en contact avec la clientèle, est constituée de quatre psychologues, d’un médecin psychiatre, d’un médecin de formation psychanalytique et d’un éducateur (ce dernier embauché en décembre 1996). Seul un collègue psychologue et l’éducateur travaillent à temps plein.

Dans les locaux du centre sont instaurés des temps de permanence où les cliniciens reçoivent la clientèle « imprévue », au téléphone ou venant spontanément au centre, ainsi que les consultants qui ont rendez-vous avec un thérapeute. La permanence d’accueil fonctionne du lundi au vendredi de 10 heures à 12 heures et de 14 heures à 17 heures.

Les temps de permanence, où s’effectuent l’accueil ainsi qu’une grande partie des consultations (d’autres possibilités de consultations à 9 heures et après 17 heures), s’étalent sur ces horaires sauf des mardis de 13 h 30 à 16 heures, heures pendant lesquelles nous participons à des réunions.

En effet, nous avons une réunion technique (pour parler des problèmes de type institutionnel) et une réunion « élaboration de la pratique » où nous abordons des situations cliniques. Ce groupe réunit les cliniciens en présence d’un intervenant extérieur psychologue et analyste de formation.

L’accueil du public se pratique dans un espace intermédiaire qui n’est ni une salle d’attente, ni une pièce de consultations, mais un espace ouvert où le nouveau venu peut exprimer ou éclaircir une demande. Le temps de l’accueil est primordial, lieu d’écoute et d’élaboration qui pourra déboucher sur des entretiens pour des sujets en souffrance à titre individuel (usagers et toxicomanes) ou à titre familial et amical (parents, proches des usagers).

Au début de l’activité du centre, le travail avec les toxicomanes a pu être, pendant un temps, assez frustrant à certains égards pour le psychologue car le soin dans le centre passait très souvent par une prise en charge médicale ; les clients effectuaient une éventuelle démarche psychothérapeutique auprès du médecin-psychiatre qui les avait aidés dans le temps du sevrage. Ainsi le psychologue avait peaufiné toute une approche de l’accueil dans son analyse de la demande et de la démarche mais, revers de la médaille, risquait d’être cantonné à ce rôle qui avait pu être qualifié par l’intervenante extérieure du groupe clinique (psychologue) comme celui d’une hôtesse ou encore comme celui de la jeune fille de la maison.

Dans une phase intermédiaire, les psychologues ont travaillé pour la plupart proportionnellement davantage avec les tiers et les professionnels que leurs autres collègues cliniciens.

Si la position du psychologue n’a pas toujours été bien facile (elle ne l’est de toute façon toujours pas et heureusement), elle s’est toutefois renforcée dans l’institution.

Le soin a pour visée d’aider les patients à élaborer un projet qui leur soit propre en dehors de la dépendance (aide au sevrage, à l’intériorisation des limites par rapport aux contraintes sociales, à l’apprentissage de soi-même, etc.). Parfois, la prise en charge débute avec un médecin, dans une demande de sevrage, le toxicomane bénéficie d’une aide chimiothérapeutique. Un suivi à caractère plus psychothérapeutique ne débouchera éventuellement que dans un deuxième temps.

Relevons que l’ensemble des thérapeutes que nous sommes partage des idéaux concernant l’approche de notre clientèle : la démarche psychothérapique est l’outil visé pour envisager avec les toxicomanes un travail en profondeur. Bien sûr, ce n’est pas un objectif gagné d’avance, parfois des contacts ou des entretiens préliminaires peuvent s’étaler sur une longue période avant que cela puisse se mettre véritablement en place.

La tentative de solution qu’ont essayé, de façon chronique, nos consultants (l’absorption de produits anesthésiants, psychotropes sur des années le plus souvent) s’écarte radicalement de l’abord que nous proposons (élaboration des angoisses). Notons aussi une difficulté que nous gérons quotidiennement : s’il ne s’agit pas pour nous de soigner des gens guéris, la consultation que nous offrons à notre clientèle exige cependant qu’elle soit « à jeun ». Quand nous formulons cet aspect à nos patients, ils comprennent l’inutilité d’un entretien où, sous l’emprise du produit, ils ne seraient pas psychiquement capables de se mobiliser, rencontre du reste dont ils ne se souviendraient vraisemblablement pas. Lorsque le thérapeute et le patient, s’étayant sur l’institution, arrivent enfin à créer cet espace, un grand pas dans le soin est franchi.

Plusieurs intervenants peuvent être appelés à s’occuper dans une même période d’un même consultant qui sollicite une aide à des niveaux différents.

Dans un bon nombre de cas, nos patients peuvent également se présenter d’emblée avec une demande déjà élaborée de l’ordre d’une aide psychothérapique. Les cliniciens, dont les quatre psychologues, de par leur référence et formation psychanalytique, sont à même d’y répondre dans le cadre de leurs consultations.

D’une façon très pragmatique, il va de soi que lorsqu’un patient, porteur de symptôme, vient seul formuler une demande de soin, il sera vraisemblablement orienté vers une consultation individuelle.

Depuis septembre 1985, le centre A3 s’est ouvert de façon plus manifeste au questionnement des parents et des familles. Bien que notre structure se soit toujours intéressée à cet aspect du soin, et de la prévention, elle a pu bénéficier alors d’une enveloppe budgétaire complémentaire pour développer le travail auprès des familles de toxicomanes.

Depuis qu’il leur est signifié et explicité notre rôle auprès d’eux, les parents ne nous traduisent plus ce sentiment d’être un peu à la place de leurs enfants, ou encore de nous prendre du temps que l’on pourrait consacrer à d’autres clients, voire de nous empêcher de soigner leurs enfants. Ils saisissent mieux d’emblée l’intérêt que nous accordons à leur demande.

Chaque membre de l’équipe est susceptible de recevoir ces parents et d’envisager avec eux comment dépasser leurs difficultés mais nous sommes les deux seules psychologues à être formées (durant plus de trois ans) à la Thérapie Familiale. Nous sommes amenées à conduire ainsi des consultations parentales, conjugales ou familiales.

D’une manière générale, nous pensons que la conduite toxicomaniaque ne se résume pas à témoigner des conflits individuels intra-psychiques, mais doit également être comprise, dans notre perspective, comme étant la résultante (comme bien d’autres symptômes) de dysfonctionnements sévères des relations entre l’individu et ses environnements familiaux et sociaux. Dans un premier temps, notre approche est essentiellement pragmatique : son objectif premier est de rendre déjà la vie possible pour la famille et ses différents membres. Pour cela, le porteur de symptôme est perçu par nous, comme étant l’élément d’un système. Il s’agira pour nous, de se centrer sur la problématique familiale pour favoriser un changement opérant.

Depuis de nombreuses années déjà, nous observons que dans leur démarche, la plupart des familles qui viennent nous consulter n’allèguent aucun autre symptôme que la toxicomanie d’un de leurs enfants.

L’exploration du système familial permet de mettre en évidence relativement souvent, de graves problèmes psychologiques dans la fratrie et/ou chez les parents, problèmes dont la pathologie s’inscrit en alternance ou en concomitance avec la symptomatologie évoquée préalablement. Il n’est pas rare de recevoir des parents ou une mère consultant pour un adolescent qui consomme épisodiquement du haschich et de se rendre compte au cours du premier entretien que cet aspect de la pathologie familiale reste tout à fait mineur par rapport à d’autres problématiques en cours, telle que le suicide, l’anorexie, la violence, etc., chez d’autres membres de la famille.

Dans d’autres cas où le reste de la famille semble tout à fait « sain », il nous paraît intéressant de maintenir l’approche familiale dans un travail thérapeutique, car elle permet une action de prévention notamment au niveau de la fratrie (risque de décompensations psychologiques dans la fratrie quand le porteur de symptôme est guéri).

Cliniquement, on observe chez ces familles de consommateurs de toxiques, toxicomanes ou pas, que nous avons rencontrées, un certain nombre de caractéristiques communes mêmes si elles ne sont pas pathognomoniques. Les parents consultants se présentent toujours dominés par un sentiment de culpabilité énorme suscité par ce qu’ils envisagent comme un échec de leur éducation qu’ils décèlent à travers le symptôme qui les mobilise dans leur démarche vers nous.

Il est à noter que nous souhaitons entretenir un maintien permanent de relations structurelles avec les autres institutions intervenant sur la même population, que ce soit avec les hôpitaux ou d’autres instances spécifiques. Ceci permet en effet de mieux coordonner le travail entrepris.

References

Bibliographical reference

Annie Bonnefoy and Véronique Mussard, « Centre de soins conventionné spécialisé pour toxicomanes et leurs familles », Canal Psy, 29 | 1997, 11-12.

Electronic reference

Annie Bonnefoy and Véronique Mussard, « Centre de soins conventionné spécialisé pour toxicomanes et leurs familles », Canal Psy [Online], 29 | 1997, Online since 02 septembre 2021, connection on 06 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=2726

Authors

Annie Bonnefoy

Psychologue clinicienne

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Véronique Mussard

Psychologue clinicienne

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CC BY 4.0