Françoise Guérin
Tendance éphémère ou transformation pérenne, on assiste, de plus en plus souvent, à un brouillage sémantique qui s’étend jusqu’au plus intime des discours, celui qu’on prononce chez le psy.
Rattrapés par le champ lexical de l’entreprise, patients et analysants n’en finissent plus d’être impactés par leurs déboires conjugaux. L’amant… (pardon ! le partenaire occasionnel) démasqué, il convient de négocier une sortie de crise pour éviter la délocalisation. Chacun se croit tenu de gérer sa vie comme une PME : un flux-tendu constamment menacé par une dead-line. Gare aux pertes sèches et aux bilans négatifs !
Côté famille, les rivalités fraternelles se muent en saine compétitivité. Rien ne doit entraver la croissance et, pour la nouvelle gouvernance parentale, le mot d’ordre est flexibilité !
On sait, depuis Georges Orwell, qu’il n’est pas de vocabulaire politiquement neutre. Le langage est un outil efficace d’assujettissement. Que le dire de l’analysant s’accoutre à la mode néolibérale et c’est le sujet singulier qui s’absente de sa parole. Il se fait ouvrier à la chaîne des signifiants confisqués par la libre entreprise et le management.
La novlangue orwellienne finira-t-elle par supplanter la « lalangue » chère à Lacan ?
La question reste ouverte…