Quelques réflexions sur la recherche bibliographique

DOI : 10.35562/canalpsy.3221

p. 7-8

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On ne peut entreprendre sérieusement une recherche sans avoir fait le point sur le corps de connaissances établi au fil des années sur un thème particulier. C’est l’objet de la recherche bibliographique.

La recherche bibliographique est un élément de la formation théorique universitaire au long cours. Elle concerne les démarches qui accumulent et classent l’information dans la structuration des problématiques, c’est-à-dire du point de vue épistémologique. On s’y trouve toujours à la frontière du pratique et du théorique. Aussi ses démarches ne peuvent-elles se résumer dans l’énoncé de quelques conseils pratiques.

En vue de poser quelques repères dans un apprentissage a priori tâtonnant et fastidieux, il peut être utile cependant d’en formuler certains, même s’ils paraissent banals ou comme allant de soi tout en indiquant des principes de base, applicables d’une manière plus ou moins empirique, personnelle, non obligatoirement ordonnée chronologiquement, mais aboutissant à une démarche organisée.

Il s’agit pour un étudiant, à partir d’une question particulière qu’il se pose, par intérêt ou par nécessité, sur le lieu de son activité professionnelle ou au cours d’études théoriques, de recueillir les références d’ouvrages, d’articles, ou autres écrits traitant de la question, de les sélectionner, puis de se procurer les documents correspondants, de les étudier, les critiquer, les confronter avec sa réflexion personnelle étayée sur ses observations.

Les questions pratiques qui se posent tout d’abord peuvent être les suivantes : quelles sont les sources d’information ? Où et comment les trouver ? Où trouver les documents ? On se demandera plus tard qu’en faire, comment les exploiter.

Quelles sont les sources d’information en psychologie ?

  • Les guides documentaires, les revues de recension des articles de revues (Pascal Bibliographie internationale CNRS, Psychological abstracts, Current contents, Grinstein, Index of psychological writings).
  • Les bibliographies rétrospectives.
  • Les tables des matières des grandes revues spécialisées.
  • Les bibliographies des ouvrages traitant du sujet à étudier.
  • Les bibliographies communiquées par les enseignants.
  • Les bibliographies des thèses et de travaux universitaires.
  • Les index auteurs et les index notions des manuels.
  • Les dictionnaires et encyclopédies (généraux ou spécialisés), leur consultation apporte des éléments toujours utiles : définitions pour les premiers, articles de synthèse exposant les principales théories ou écoles de pensée pour les secondes.

Comment chercher ?

On peut rechercher manuellement ou interroger les banques de données informatisées. La première démarche est nécessairement préalable : elle permet de mieux cerner les limites de la question, de la préciser, de la rendre plus pointue afin d’éviter d’être ensuite submergé par une masse de références inexploitables. Elle demeure indispensable tout au long de la recherche, en particulier pour les ouvrages, les banques de données ayant pour objet principal la recension signalétique et analytique des articles des revues.

Il existe, dans toutes les bibliothèques (la documentation avait fait l’objet d’un dossier dans Canal Psy en 92-93), des fichiers auteurs et matières, informatisés ou non, que l’on interroge d’abord à partir des mots-clés principaux. Par exemple, si la question posée est celle de la violence à la préadolescence, les deux mots-clés principaux sont violence et préadolescence.

Le fruit de cette première étape de débroussaillage est une bibliographie restreinte d’ouvrages, de manuels, d’articles, de travaux particuliers traitant assez directement de la question.

Une exploration plus large s’effectuera dans une seconde étape à l’aide de mots-clés associés issus de la première phase de la recherche (dans l’exemple choisi, par exemple développement de l’enfant, adolescence, violence externe, violence interne, agressivité, violence et culpabilité, violence et réparation, identification, etc.). Il s’agit alors d’approfondir la question par un inventaire des sous-questions concernant le sujet lui-même, découvertes par analyse des premiers résultats et de l’élargir en la resituant dans un ensemble plus vaste de questions. L’analyse conceptuelle conduit à des regroupements associatifs, les concepts sont joints dans un réseau de relations qui représente le champ théorique de la question. L’analyse conceptuelle donne des orientations à la recherche bibliographique comme les découvertes bibliographiques stimulent et alimentent la réflexion théorique qu’elles font progresser.

Pour cet élargissement, une excursion dans les disciplines connexes de la psychologie : la sociologie, l’ethnologie, la linguistique… et dans la littérature vulgaire propose de nouvelles pistes.

Ce faisant, la curiosité mise en alerte permettra le repérage dans les bibliographies consultées de travaux dont le titre à lui seul ne révèle pas immédiatement le contenu recherché. Parcourir, avec une attention ouverte, les bibliographies d’ouvrages, d’articles, de la littérature grise (travaux non publiés), les revues signalétiques diverses, c’est se rendre familier le monde des publications, les populations d’auteurs, les titres, les éditeurs, etc., monde dans lequel on apprend relativement vite à se diriger avec aisance, sans avoir le sentiment d’être perdu. Cette démarche a priori fastidieuse et coûteuse en temps se révèle vite, à l’expérience, être un gain de temps et un bénéfice pour la pensée.

Par le croisement de mots-clés associés ciblant la question avec plus de précision, l’interrogation de banques de données informatisées peut se faire à ce stade de la recherche. Elle apporte des références d’articles français et étrangers.

Le chercheur se trouve alors muni d’une bibliographie étendue : la question concrète du départ se trouve d’un côté exploitée dans ses développements et ses associations, d’un autre côté insérée dans des questions plus larges, ce qui permet d’en discuter la validité et d’en découvrir la portée.

Comment, en même temps que l’on fait ce travail, sélectionner les références recueillies, les hiérarchiser, les classer, éliminer celles qui ne seraient pas pertinentes ?

Le matériel recueilli se révélera parfois trop abondant. Un premier tri porte sur la forme : classement par auteur, par date, par mot-clé.

Comment choisir sur le fond, comment décider de la valeur des références recueillies ? Comment dégager pour les documents les critères d’importance qui orienteront le choix des lectures ?

La date récente d’un écrit n’en atteste pas pour autant qu’il se situe à la pointe du progrès scientifique, pas plus que l’ancienneté d’un autre n’est garante de sa vénérabilité, ou ne détermine son obsolescence, pas plus que la fréquence d’occurrences d’un auteur n’assure sa valeur scientifique. Qu’il s’agisse des anciens ou des modernes, il est toujours un moment où il importe de soumettre les écrits à sa propre analyse critique : comparer des explications ou points de vue divergents, repérer les courants de pensée, la filiation des auteurs, confronter les textes à sa réflexion personnelle : on se forme à cette lecture critique des textes dans les enseignements magistraux et les séminaires. C’est la périlleuse démarche de théorisation qui est ici en œuvre.

Pour terminer, en vertu du souvenir que j’ai gardé de longues années d’accompagnement d’étudiants débutants ou avancés dans les difficultés qu’ils rencontraient dans leur travail de recherche bibliographique, j’énumérerai ces quelques conseils, situés, comme on dit, « au ras des pâquerettes ».

Parce qu’en un premier temps, on accorde peu d’importance à la prise de notes bibliographiques, on griffonne une référence sommaire : on est pressé, on y reviendra plus tard, et aussi on croit garder une bonne mémoire des lectures récentes, pour une question qui paraît encore claire…

Afin d’éviter de perdre des heures au moment de la rédaction de la bibliographie d’un mémoire ou d’une thèse, comme on le voit si souvent faire des étudiants de maîtrise ou des doctorants exaspérés d’avoir à retrouver les références de documents qu’ils ont cités :

  • Noter… obsessionnellement, sur des fiches papier, ou sur ordinateur, les données signalétiques des documents consultés, au moment même de la consultation.
  • Comment prendre rapidement contact avec un livre : voir les sous-titres, le plan, la table des matières, les index, l’introduction et la conclusion.
  • Vérifier les références bibliographiques recueillies à partir des documents eux-mêmes, ne pas reprendre sans méfiance des bibliographies de première, deuxième ou même troisième main…

References

Bibliographical reference

Huguette Journet, « Quelques réflexions sur la recherche bibliographique », Canal Psy, 8 | 1994, 7-8.

Electronic reference

Huguette Journet, « Quelques réflexions sur la recherche bibliographique », Canal Psy [Online], 8 | 1994, Online since 22 juin 2021, connection on 23 juillet 2025. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=3221

Author

Huguette Journet

Psychologue, ingénieur d’études, responsable de la bibliothèque du Laboratoire de Psychologie clinique de 1976 à 1993

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