Une éducation artisanale : fragments d’idées à mi-chemin entre le bricolage et l’ingénierie de formation

DOI : 10.35562/canalpsy.3439

p. 56-60

Plan

Notes de la rédaction

Christian Hanser est intervenant pour l’approche des histoires de vie en formation et l’éducation informelle hors les murs à travers une roulotte/Tiny House itinérante. Après des courtes expériences de formation en psychologie en Allemagne et en France dans le régime général, il est inscrit en FPP depuis 2017. Il est actuellement en dernière année d’un doctorat (Édimbourg) sur une méthodologie de recherche artisanale et « vagabonde » qui met en valeur des parcours d’apprentissage non-linéaires. Contact : c.hanser@ed.ac.uk.

Texte

Ce texte se compose des notes prises sur le vif et des liens que je percevais lors de ma présence au colloque « Éloge du bricolage dans un monde en voie de standardisation : formation, travail, institution » à l’Université Lumière Lyon 2. Le colloque était l’occasion d’explorer le voisinage conceptuel du bricolage, sans prétention de bien ranger mon bric-à-brac d’idées inspiré par les discussions à Lyon. Ce texte est obligé de « faire du bricolage », plutôt que de parler théoriquement du bricolage dans un « discours savant, produit par les savants, dans leurs espaces sacralisés de savants » (Omay et Henri, 2011, p. 71). Le savoir doit céder sa place au savoir-faire avec les moyens du bord. Cela implique que le produit fini n’est qu’une écriture en devenir.

La pratique d’enseigner en ligne

En janvier, je pouvais être témoin d’un renouveau du bricolage. Une résistance au marché mondial qui cible le formatage des formations ne semblait pas seulement être possible, lors du colloque elle était bien en route. Plusieurs semaines après, en mars 2020, ce rêve laissait place à une urgence sans précédent. En tant qu’enseignant dans un Master universitaire en Écosse, je vivais la crise liée à Covid-19 « à distance », dans un format virtuel comme tous mes collègues. La différence : j’avais commencé cette activité d’enseignement en ligne quelques mois auparavant, en octobre 2019, parce que le Master existait dans un format virtuel depuis des années déjà. Avant la crise de Covid-19, j’étais très positivement surpris par la flexibilité que permettait l’enseignement virtuel. Il semblait possible d’intégrer une vraie vision du bricolage dans un tel format, puisque les 28 étudiants venaient de 12 pays, dispersés sur tous les continents, donc de différents fuseaux horaires. Il n’était pas possible de construire une cohérence pédagogique sans accueillir la singularité de chacune et de chacun. C’était l’adaptation et l’improvisation, pas la schématisation, qui faisait la richesse de ma pratique virtuelle. Fin mars 2020, je continuais toujours à accompagner les discussions virtuelles pour ce petit groupe, une méthodologie lente à l’échelle humaine et porteuse de sens. Pourtant, autour de moi, un tout autre bricolage prenait une ampleur époustouflante. Mon employeur, comme la plupart des universités dans le monde, demandait aux enseignants de transférer leur cours en présentiel vers un format en ligne, dans la précipitation et sans le recours aux ressources et aux transitions graduelles vers l’enseignement en ligne dont j’avais bénéficié quelques mois auparavant. La capacité d’improvisation de mes collègues était impressionnante. Mais l’échelle sur laquelle devait s’organiser cette relocalisation écrasait mon idée romantique d’un bricolage émancipateur et toujours résistant à la standardisation. Le bricolage amené à la plus grande échelle, imposé par les évènements, était également et parallèlement une grande action d’ingénierie de crise de la part des instances de gouvernance des universités. Les universités au Royaume-Uni, qui génèrent une très large partie de leurs revenus grâce aux frais de scolarité (autour de 9 000 € par année d’études en Licence, et au-delà en Master) ne pouvaient pas se contenter d’un bricolage de crise, mais en quelques semaines seulement l’importance d’une excellence virtuelle remplaçait le discours de la survie avec les moyens du bord. Mais qui devait assurer ce bricolage d’excellence, cette nouvelle ingénierie de l’improvisation ? Le mariage précipité entre le bricolage et l’ingénierie pour préparer l’université (virtuelle ou non) post-Covid-19 me frappait dans les communications sur l’évolution des modes d’enseignement. Ce néo-bricolage attendu des salariés allait-il dans le sens d’une singularisation de l’offre universitaire (et d’une mise en valeur de ces enseignants qui venaient de faire l’impossible avec des moyens extrêmement réduits), ou est-ce que le bricolage individuel cheminait plutôt dans le sens de la massification des formations ? Il est possible que le bricolage ne se constituait pas par la résistance et opposition qui caractérise la construction dichotomique dans l’œuvre de Lévi-Strauss, mais que les frontières entre les ingénieurs et les bricoleurs deviennent plus floues dans cette situation extrême. Pour faire sens de cette ambiguïté et surtout pour démêler les nœuds dans cette étrange formule de brico-ingénierie envisagée dans les universités britanniques, il fallait donc trouver une nouvelle méthodologie afin de recéler la singularité. Le bricolage purement résistant et idéalisé qui m’avait nourri lors du colloque ne suffisait plus dans l’entre-deux confus qui s’était installé dans les précipitations existentielles récentes.

Bricoleur-complice ?

L’observation de cette complexité de l’enseignement en ligne transformait mon envie de me réfugier dans une idée bien cadrée et épurée du bricolage qui résiste. Théoriquement, Derrida avait déjà critiqué le mythe de l’ingénieur

« en défaisant du même coup l’opposition que Lévi-Strauss a tracée entre ce dernier et le bricoleur. Si tout ingénieur est à sa façon un bricoleur, si l’ingénieur et le savant sont eux-mêmes des espèces de bricoleurs, la portée de l’idée de bricolage s’en trouve menacée dans sa différence stricte vis-à-vis de l’idée de l’ingénieur […] “L’idée de l’ingénieur qui aurait rompu avec tout bricolage est donc une idée théologique” »
(Mélice, 2009).

En 2020, l’opposition que fait Lévi-Strauss entre le bricoleur et l’ingénieur a cédé la place à une hybridité dans laquelle la direction du projet commun est à renégocier. Le bricolage est moins identifiable comme résistance à la standardisation, aussi il est possible qu’en étant obligé d’être bricoleur d’une digitalisation urgente, je porte déjà une certaine standardisation dite inévitable et il faut se confronter à cette complicité au-delà des catégories dualistes. Mélice (2009) se positionne dans une telle perspective non-binaire et souligne ainsi la position liminale, avec l’importance « des personnages de l’entre-deux, comme ces prophètes-bricoleurs d’Afrique, souvent anciens catéchistes ou séminaristes », dont la position rappelle, ajouterais-je, celle de ces individus placés « hors système ou entre deux ou plusieurs systèmes irréductibles », chargés, selon l’introduction de Claude Lévi-Strauss à l’œuvre de Marcel Mauss, « d’incarner des synthèses incompatibles » (2009).

Dans les fragments suivants qui seront à approfondir dans mon cursus de formation en psychologie à partir de la pratique (FPP), j’élabore une position intermédiaire entre le bricolage et l’ingénierie de formation, afin de rendre compte des interdépendances et des concomitances plus que des dichotomies. Le brouillon d’une posture d’artisan de la formation indiquera mon chemin envisagé de l’entre-deux. Il n’est pas question de créer une nouvelle catégorie, mais plutôt d’alimenter un espace de pensée permetteur (« enabling » space) dans un monde en perpétuel mouvement qui dépasse les catégorisations et les dichotomies : « “Permetteur” : celui qui permet, qui donne liberté, qui donne la possibilité de dire, de faire quelque chose. Néologisme créé par Fernand Deligny, afin de se soustraire à une certaine économie, une certaine approche idéologique : le permetteur s’oppose au producteur, au prescripteur. » (Simms, 2015, p. 150). Au cœur de ma recherche se pose la question d’une liaison entre le monde de la production qui est passé en mode de vitesse d’urgence, et le monde qui ose encore respirer face à ces standardisations d’urgence. Autrement dit : quelle nouvelle création, quel nouvel art d’enseigner émergera dans la fissure entre ces oppositions longtemps cultivées.

L’art, un interstice ?

Dans La pensée sauvage, l’art est mentionné dans sa fonction de liaison entre différentes catégories :

« L’art s’insère à mi-chemin entre la connaissance scientifique et la pensée mythique ou magique ; car tout le monde sait que l’artiste tient à la fois du savant et du bricoleur : avec des moyens artisanaux, il confectionne un objet matériel qui est en même temps objet de connaissance. Nous avons distingué le savant et le bricoleur par les fonctions inverses que, dans l’ordre instrumental et final, ils assignent à l’événement et à la structure, l’un faisant des événements (changer le monde) au moyen de structures, l’autre des structures au moyen d’événements. »
(Lévi-Strauss, 1962, p. 33.)

Lors du colloque de janvier 2020, il était question de discuter les résistances aux standardisations à partir de l’art. Est-ce que la créativité suffit pour changer le monde ? Est-ce que l’art peut établir un lien entre l’ingénierie d’une urgence (Covid-19) et la nécessité de respirer le droit à l’art de former face à cette crise ? Les formations avec une forte dimension artistique portent en elles une incohérence :

« Comme le rappelle en effet Vandenbunder (2015), l’aspect le plus saillant de l’enseignement artistique consisterait de façon paradoxale en sa dénégation, au sens où la transmission des savoir-faire propres au domaine ne pourrait être l’objectif principal de la formation sans risquer de nuire à un caractère fortement attendu dans le monde de l’art : l’originalité. »
(Chopin et Saladain, 2017, p. 43.)

Dans cette logique, l’intégration d’un bricolage original dans un système d’ingénierie de formation représente un risque. Dans le contexte actuel je vois un plus grand risque dans le fait de maintenir cette opposition. Le risque de l’interstice porte un sens de création et production.

Au Canada, deux chercheurs ont développé une méthodologie qui tente de dépasser l’opposition entre originalité émancipatrice et transmission standardisant. L’art dans son souci d’esthétique et de l’originalité ne peut pas structurellement s’engager dans une finalité prescrite qui viserait la transformation des structures sociales (Vannini et Vannini, 2011). L’artisanat, par contre, comme posture philosophique et pratique porte une vision proche de l’art, mais qui permet d’ancrer plus directement la singularité dans des processus de transformation et de la production. La non-standardisation peut coexister avec une certaine finalité de production, qui veille à ne pas prescrire les processus :

« Not the manifestation of a preconceived design. In an itinerant fashion, it occurs without a script, without a preplanned path. It unfolds not as a study of but rather as a way of learning-as-you go: an itinerant journey of learning along with things, people, and materials which is constantly unfolding in often unexpected directions2. »
(Vannini et Vannini, 2011, p. 4.)

Les chercheurs ainsi encouragent à ne pas seulement s’approcher de l’artisanat en tant qu’objet de leurs recherches scientifiques détachées, mais à eux-mêmes incarner une vision active et alternative pour la construction des savoirs. Une formation se laisse constituer de manière artisanale. Il s’agit ici de faire sens du monde à partir d’une posture scientifique et également artisanale, comme on peut être entrepreneur et au même temps artisan d’art avec des valeurs innégociables de non-standardisation de productions. Je propose d’investiguer si la posture artisanale est compatible avec le monde académique et si elle pourrait devenir une partie intégrale dans ma pratique de l’enseignement (virtuel ou non) :

« There is, of course, plenty of ethnographic research on artisans, but a review of these studies shows that artisans are subjects of ethnographic analysis rather than sources of epistemological and aesthetic inspiration for ethnographers. And interestingly enough, even those authors who have referred to various research methodologies as a “craft” (e.g., Atkinson, 2013; Booth, Colomb, Williams, Bizup, & Fitzgerald, 2016; Kvale & Brinkmann, 2009) have used that expression more as a metaphor than something more akin to an episteme, a paradigm, or a techne3. »
(Vannini et Vannini, 2011, p. 2.)

L’artisanat représente ainsi une épistémologie du singulier qui résiste et dépasse la standardisation, mais sans s’opposer à la logique dominante de production des sociétés occidentales : « Si, selon leur conception du métier, les artisans d’art ne valorisent pas exactement les mêmes dimensions du travail productif, ils partagent néanmoins l’idée selon laquelle la qualité d’un objet d’artisanat d’art repose sur la particularité de son processus de fabrication. » (Jourdain, 2010, p. 19.) Cette posture dans l’interstice entre pressions sociétales et idéaux intrinsèques se manifeste aussi dans le témoignage professionnel d’une éducatrice :

« On peut définir l’artisanat comme la production de produits ou services grâce à un savoir-faire particulier et hors contexte industriel. Dans le monde industriel, le processus de travail est fondé sur la hiérarchisation des tâches et la réalisation d’objectifs ordonnés par l’ingénierie, mis en œuvre par les acteurs de terrain ne participant guère à la réflexion. Le risque pour les éducateur-trice-s spécialisé-e-s de demain serait de connaître une telle évolution dans l’action sociale et d’être consignés à la place de l’ingénieur, voire du contremaître du système classique de production industrielle. S’ils y gagneraient peut-être en évolution salariale, en reconnaissance universitaire, ils pourraient se voir réduits en revanche à la perte de la démarche humaine, conceptuelle et analytique qui a toujours été la leur. »
(Calamy, 2017, p. 53.)

Cette pratique à contre-courant qui est ancrée dans l’artisanat du relationnel protège le sens dans le métier. À mon tour, en tant qu’artisan-formateur, mon but, pour la création d’une formation professionnelle, serait ainsi de permettre aux individus d’ancrer cette notion d’artisanat dans leur propre activité. Il me faudra explorer les chemins afin de continuer cette approche en ligne.

Alors qu’on ne sait pas trop si le bricoleur est un créateur ou un réparateur, l’artisan travaille dans les deux sens : un créateur de sens à partir de la singularité, mais aussi un réparateur des liens sociaux qui se sont atomisés. C’est une singularité vécue au pluriel : « Richard Sennett (2010) souligne les avantages du travail artisanal, lequel nécessite des valeurs primordiales comme la coopération, le soin, l’attention et une concentration sur sa réalisation plutôt que sur soi-même. » (Jourdain, 2010, p. 18.) Dans une formation pressée envers la standardisation massive, il n’y aurait pas le temps de faire une distinction importante sur le travail en groupe : « Le sujet est non pas singulier et pluriel, mais solidairement singulier pluriel. Il tient sa singularité de sa pluralité. » (Kaës, 2013.) Cette singularité plurielle, nécessitant une focalisation sur la complexité d’une personne plutôt que des fragments isolés, se trouve aussi dans le fonctionnement du dispositif de la Formation à Partir de la Pratique (FPP) dont je fais partie depuis 2017. Il y a un dialogue constant entre le dossier individuel et les groupes de base qui invitent à cheminer envers une posture cohérente mais soigneusement artisanale de futur psychologue. Alors qu’Alain-Noël Henri fait surtout référence au bricoleur, il se trouve une mention précise d’un travail artisanal à partir de la formation FPP évoquée par Oguz Omay dans un entretien avec Henri :

« L’idée que la théorie pourrait être perçue comme une forme de pratique, qu’elle se construit en permanence, détail par détail, par un travail artisanal, et qu’elle n’existe pas comme un bloc en béton qui sécuriserait tout le monde. Pour le nouvel étudiant qui arrive, le fait d’entendre tout cela permet, à mon avis, de ne pas sortir de cette première rencontre avec l’université, écrasé par je ne sais quel “savoir” inaccessible. »
(Omay et Henri, 2011, p. 72.)

Il est possible que le travail de bricolage se transforme en travail d’artisan pendant le cursus de la formation FPP, où le bricolage d’un sens personnel amène petit à petit à un produit final d’un parcours de psychologue accrédité au même niveau que le régime général, mais parcouru dans une temporalité qui résiste à l’industrialisation internationale modulable des formations universitaires.

Enseigner en ligne et/ou laisser émerger des singularités en ligne

Je reviens vers l’interrogation de ma propre pratique dans l’enseignement universitaire en ligne. Beaucoup de mes collègues ont discuté une peur légitime à travers la diffusion sur les réseaux sociaux. Dans le système managérial anglo-saxon, il y a une zone d’ombre sur la question de propriété intellectuelle quant à l’enseignement en ligne. Des enseignants déjà précarisés dans le marché de l’éducation ont été amenés à développer des conférences et d’autres outils pédagogiques en toute urgence, mais une fois que les vidéos se trouvent sur le site universitaire, c’est l’université qui peut en faire usage même si elle ne renouvelle pas le contrat (dans la plupart des cas déjà extrêmement précaire) du conférencier. Le bricolage de conférences virtuelles d’enseignants individuels pour faire face aux changements drastiques liés à Covid-19 risque paradoxalement de les fragiliser plutôt que de leur donner une reconnaissance pour « faire quotidiennement avec » les moyens limités et de les honorer dans leurs sacrifices (Farrelly, 2020). Une rediffusion des conférences virtuelles, déjà effectuée l’année précédente, pourrait radicalement modifier les perspectives d’embauche si l’enseignement en présence n’est plus une priorité. Dans ce climat actuel de méfiance et avec un danger palpable d’uniformisation et d’interchangeabilité, la possibilité d’une éducation artisanale rappelle la nécessité d’ancrer l’activité dans la valeur de l’individu, dans la dignité et dans le partage :

« La valorisation du processus de fabrication conduit les professionnels des métiers d’art à personnaliser leur production. En mettant en avant leurs savoir-faire spécifiques et le style de production propre à leur entreprise, ils inscrivent leur identité dans leurs produits. Ainsi personnalisés au cours du processus de production, les objets deviennent reconnaissables et identifiables comme étant les produits d’un artisan d’art particulier. La valeur de ces objets ne peut dès lors être détachée de la personne de leur fabricant. En cela, l’artisanat d’art porterait la marque de l’“esprit du don” propre aux sociétés primitives étudiées par M. Mauss [1925]. Dans ces sociétés, en effet, les choses ne sont pas séparées des personnes : “Présenter quelque chose à quelqu’un, c’est présenter quelque chose de soi.” »
(Jourdain, 2010, p. 18.)

Plutôt qu’augmenter la méfiance des enseignants face à leurs universités sous pression financière, l’approche artisanale pourra sensibiliser à la nécessité de créer des espaces de singularisation de l’enseignement en ligne, non pas malgré mais surtout à cause d’un contexte tendu et imprévisible. Alors que la digitalisation du bricolage peut accélérer des uniformisations dans les formations, des espaces virtuels alternatifs, comme dans ma propre expérience d’un cours virtuel qui avait pu émerger organiquement sur plusieurs années, ouvrent également des possibilités d’un tel don de soi généreux qui augmente la reconnaissance de la singularité d’individus plutôt que perpétuer le sacrifice.

L’artisanat invite à bricoler, mais rappelle également que les multiples crises sociétales nous obligent à façonner des produits pour une question existentielle dans un monde précaire. La confrontation inévitable avec une « caste des gestionnaires déboussolés » (Henri en Omay et Henri, 2011) peut trouver dans une posture d’artisan une boussole professionnelle qui rappelle le chemin à tracer sur mesure dans cet interstice. Situer ma pratique dans cet espace expérimental et fragile permet de le rendre habitable. À travers une transformation artisanale des parcours transversaux il est possible d’oser naviguer vers le savoir inédit et singulier, en itinérance entre improvisation et structuration.

Bibliographie

Calamy D. (2017). « Profession : éducatrice » in EMPAN, 2(106), p. 48-54.

Chopin M.-P. et Saladain L. (2017). « La formation des artistes, un “modèle” pour la formation des enseignants ? » in Recherche et formation, 3(86), p. 41-54.

Farrelly E. (2020). « The decline of universities, where students are customers and academics itinerant workers » inThe Sydney Morning Herald, https://www.smh.com.au/national/the-decline-of-universities-where-students-are-customers-and-academics-itinerant-workers-20200528-p54xbd.html.

Jourdain A. (2010). « La construction sociale de la singularité. Une stratégie entrepreneuriale des artisans d’art » in Revue française de socio-économie, 2(6), p. 13-30.

Kaës R. (2013). « Un singulier pluriel », in R. Kaës, Un singulier pluriel. La psychanalyse à l’épreuve du groupe, Paris, Dunod, p. 245-252.

Lévi-Strauss C. (1962). La pensée sauvage, Paris, Plon.

Mélice A. (2009). « Un concept lévi-straussien déconstruit : le “bricolage” » in Les Temps modernes, 5(656), p. 83-98.

Omay O. et Henri A.-N. (2011). Penser à partir de la pratique. Rencontre avec Alain-Noël Henri, Toulouse, Érès.

Simms I. (2015). « L’art, permetteur d’une tierce connaissance » in Hermès, La Revue, 2 (72), p. 150-156.

Vannini P. et Vannini A. S. (2019). « Artisanal Ethnography: Notes on the Making of Ethnographic Craft » in Qualitative Inquiry, 26, p. 865-874, https://doi.org/10.1177/1077800419863456.

Notes

2 Traduction inofficielle et « bricolée » de l’anglais : « Ce n’est pas la manifestation d’un design préconçu. D’une façon itinérante, il [l’artisanat] a lieu sans scénario, sans itinéraire prédéfini. Il ne se déroule pas en tant que « recherche sur » mais plutôt comme une manière d’apprendre-au-fur-et-à-mesure : un cheminement itinérant d’apprendre en même temps que les éléments, les personnes, et le matériel qui est constamment en devenir dans des directions qui sont souvent inattendues. »

3 Traduction inofficielle et « bricolée » de l’anglais : « Il y a, bien sûr, beaucoup de recherches ethnographiques sur les artisans, mais un examen de ces études montre que les artisans sont le sujet pour une analyse ethnographique plutôt que sources d’inspirations épistémologiques ou aesthétiques pour ces ethnographes. Il est intéressant de constater que même les auteurs qui ont fait référence à un certain “artisanat” pour décrire des méthodologies de recherche (e.g., Atkinson, 2013 ; Booth, Colomb, Williams, Bizup, & Fitzgerald, 2016 ; Kvale & Brinkmann, 2009) ont utilisé cette expression plutôt en tant que métaphore qu’en tant qu’épistème, paradigme ou techne. »

Citer cet article

Référence papier

Christian Hanser, « Une éducation artisanale : fragments d’idées à mi-chemin entre le bricolage et l’ingénierie de formation », Canal Psy, 128 | 2021, 56-60.

Référence électronique

Christian Hanser, « Une éducation artisanale : fragments d’idées à mi-chemin entre le bricolage et l’ingénierie de formation », Canal Psy [En ligne], 128 | 2021, mis en ligne le 13 juillet 2022, consulté le 16 septembre 2025. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=3439

Auteur

Christian Hanser

Intervenant en formation et éducation informelle hors les murs

étudiant FPP

doctorat (Édimbourg)

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