La fonction et les modalités d’intervention clinique d’un psychologue d’entreprise entre créativité et paradoxe

DOI : 10.35562/canalpsy.3441

p. 61-65

Plan

Texte

J’occupe depuis huit ans la fonction de « psychologue d’entreprise » au sein d’un organisme de sécurité sociale. La spécificité de cette fonction est que le clinicien qui l’assure exerce comme salarié de cette entreprise, « interne » à l’institution.

Il intervient « au chevet » de tous les salariés, donc au chevet de ses collègues, quel que soit leur statut ou fonction dans l’entreprise ; au chevet des salariés non pas dans un lieu externe (cabinet, hôpital, Ephad, école, etc.) mais bien « là où le travail se réalise », sur les lieux même de la mise en tension, de la souffrance qui se manifeste ; au chevet du salarié, des équipes, de l’institution elle-même et donc au chevet du travail (comme phénomène individuel et collectif). Il prend soin du sujet et du travail qu’il réalise.

Je rappelle que pour Dejours (2011), ce n’est pas le fait de travailler qui fait mal, mais plutôt les conditions dans lesquelles on travaille, la façon dont cette activité humaine se réalise. Cette référence me permet d’indiquer que je travaille avec le référentiel psychodynamique (Dejours, Molinier, Gaillard) mais tout en m’appuyant sur les apports de la psychosociologie du travail (Clot, Lhuillier, Gollac).

Avant d’aller plus loin, je voudrais dire un mot de mon parcours. Après un Master 2 en gestion, j’ai exercé pendant une dizaine d’années comme manager. Puis la trentaine passée, j’ai désiré me former à la psychologie « à partir de la pratique ». Et lorsqu’autour de moi j’évoquais cette reprise d’étude, j’en soulignais spontanément l’aspect atypique, peu conventionnel. Rétrospectivement, et à la faveur de ce colloque, je pourrais qualifier mon parcours de « bricolé ». Pourtant en rédigeant l’intervention de ce matin, j’ai voulu dépasser l’esthétique très « Lyon 2 » du terme « bricolage » en interrogeant sa définition. Pour le Petit Larousse (1995), le bricolage désigne « une activité manuelle non professionnelle consistant en travaux de réparation, d’installation ou de fabrications effectués dans la maison ». Mon parcours de formation de psychologue « à partir de la pratique » relevait bien d’une activité non professionnelle : conformément au pari pédagogique de FPP, j’analysais des situations « à dimension clinique » en utilisant les outils théoriques et pratiques du psychologue mais sans l’être. Le Larousse insiste sur les caractéristiques du résultat du bricolage : « travaux de réparation ».

Dans mon cas, ce qu’il s’agissait de réparer, c’était la sensation d’incompréhension des situations professionnelles que je devais « gérer » (puisque j’étais manager) et vis-à-vis desquelles les concepts et méthodes des sciences de gestion m’aidaient de façon très incomplète. En me formant à la psychologie, je cherchais à réparer une non-compétence, à combler une ignorance. Le Larousse parle aussi de « travaux d’installation effectués dans la maison ». Mon parcours de formation a participé à installer une nouvelle professionnalité « hybride ».

Quelques années plus tard, après avoir obtenu le diplôme d’état de psychologue, j’ai pu réintégrer cette entreprise d’origine pour y exercer ma nouvelle professionnalité. Avec l’accord et l’aide de ma direction, j’y ai fabriqué cette fonction inédite de « psychologue d’entreprise ». Je voudrais souligner deux spécificités de la topique de l’entreprise (parmi beaucoup d’autres) :

  • La vocation de cette entreprise est de produire. En l’occurrence, il s’agit de produire un service de conseil aux administrations et entreprises en matière de calcul et de déclaration de leurs charges sociales ; puis de collecter et de contrôler ces charges.
  • Et comme de nombreuses entreprises, celle où j’exerce organise le travail de ses professionnels en s’appuyant sur des procédures. Pour le Larousse, une procédure définit « la succession d’opérations à exécuter pour accomplir une tâche déterminée ». La production des services proposés par cette entreprise étant complexe, on comprend bien pourquoi elle a recours à des procédures. Et ces procédures trouvent majoritairement leur source dans des normes. Le terme de norme définit « la règle fixant les conditions de la réalisation d’une opération ». La norme a donc une fonction essentielle dans l’organisation du travail : celle d’établir le repère d’une « bonne pratique professionnelle ». Ces définitions nous signalent en passant à quel point les concepts de norme et de procédure sont proches (au point d’être souvent confondus, à tort1). Je postule donc que les procédures et les normes ont une utilité incontestable dans les institutions ; sous réserve de n’être ni fétichisées (en limitant la pensée) ni asservissantes (en empêchant la pensée, comme Diet [2003] l’a démontré).

Mais si je viens de légitimer normes et procédures dans les entreprises, je veux aussi témoigner de la richesse, de la « productivité » des démarches « bricolées » dans les institutions (par opposition aux démarches normées, standardisées). Je vais déployer mon argumentation en trois temps :

  • Je voudrais d’abord évoquer la notion de « réel du travail » ; concept central de la clinique du travail et qui me semble intéressant de faire résonner avec celui de bricolage.
  • Puis je présenterai les dispositifs sur lesquels je fonde mes interventions de psychologue salarié d’une entreprise avant d’en dégager quatre caractéristiques témoignant de leur nature bricolée.
  • Enfin, je proposerai quelques conditions et limites à fixer à la dynamique du bricolage (pour éviter certains phénomènes que j’estime risqués).

La dialectique « travail prescrit-travail réel » comme élément central de l’expérience du travail

La psychodynamique du travail (à travers les travaux de Dejours et de Clot) et la sociologie du travail aboutissent au constat commun que le bricolage, l’invention, l’écart à la règle constituent un élément subjectivant et épanouissant au travail.

La psychodynamique du travail postule que la raison d’être du travail, sa substance même, c’est de s’adapter au réel, à l’imprévu, à ce qui n’était prescrit par aucune procédure. Pour Davezies « le travail, c’est l’activité déployée par les hommes et les femmes pour faire face à ce qui n’est pas déjà donné par l’organisation prescrite du travail ». C’est un peu le prolongement du fameux aphorisme du philosophe Maldiney, « le réel est toujours ce que nous n’attendions pas » (Paquot et Younès, 2009). Le sens du métier, son contenu et sa raison d’être, c’est donc de faire face à l’imprévu, à ce qui n’est pas prescrit.

Pour Canguilhem (2002), « je me porte bien dans la mesure où je suis capable de porter la responsabilité de mes actes, de porter des choses dans l’existence et de créer entre les choses des rapports qui n’existeraient pas sans moi ». On pourrait donc dire que je me porte bien au travail dans la mesure où je réalise des choses qui ne sont pas prescrites par les normes ou les procédures.

Je vous propose de détailler avec Dejours et Gernet (2016) ce qui peut rendre heureux ou malheureux un être humain au travail.

  • Ontologiquement, l’acte de travailler caractérise l’engagement d’un sujet pour réaliser des tâches dans des contraintes matérielles et sociales.
  • Mais depuis les années 1980, le travail traduit la capacité d’un sujet à trouver des solutions aux imprévus, pannes, incidents, anomalies, tensions. Je fixe un virage dans les années 1980 parce qu’elles marquent le point de départ du développement exponentiel et irrépressible de l’informatisation du travail. Progressivement, les tâches et circuits logiques sont traités par les logiciels ; il reste à l’être humain la prise en charge des activités complexes et non logiques.
  • Poursuivons ; dans son expérience quotidienne du travail, l’homo faber se trouve donc confronté à la résistance du réel et à l’échec de la procédure ; « rien ne se déroule comme prévu ». Le coup de génie de Dejours est d’identifier que le plaisir au travail découle de cette résistance du réel. Constant déroutant : il faut que ça résiste pour que je me sente utile, vivant au travail !
  • Le retentissement affectif de cette résistance permet au sujet de passer de la tension à la souffrance ; ceci dans un délai forcément variable et en fonction de la fréquence et de l’intensité de ces cycles « résistance – adaptation – plaisir ». Lorsque l’épreuve du réel est surmontée, l’individu éprouve sa capacité d’agir, ce qui génère le plaisir.

Et si Dejours a ainsi décrit une sorte de « boucle vertueuse » du plaisir au travail, il rejoint Clot dans le constat que le travail peut devenir insoutenable et le plaisir empêché lorsque le sujet ne trouve aucune ruse pour contourner la résistance du travail.

On pourrait donc postuler que selon la psychodynamique du travail, un travailleur bien portant est un travailleur qui bricole, c’est-à-dire un travailleur qui effectue un travail de réparation. Réparation des zones imprévues du réel de l’activité professionnelles ; réparation des trous, des manques dans les procédures de travail.

Pour la sociologie du travail (Crozier et Friedberg, 1977), toute organisation est soumise à de nombreuses incertitudes, celles-ci pouvant provenir de changements intervenus dans les techniques, le recrutement de nouveaux collègues, etc. Cependant ces incertitudes apparaissent comme des contraintes que les acteurs vont activement intégrer dans leur stratégie. Ces incertitudes entrent dans le jeu des acteurs où elles vont renforcer ou affaiblir leur autonomie et en conséquence leur pouvoir. Toute organisation, même celles où les fonctions, les techniques sont définies de la manière la plus rigoureuse, connaissent ces zones d’incertitude.

Les sociologues parlent de « marge de liberté » des individus ou des groupes d’individus ; elle réside dans la possibilité qu’a l’individu de refuser ou de négocier ce que l’autre lui demande. Cette possibilité découle du fait qu’un individu a réussi à préserver une zone que l’autre ne possède pas (un champ de compétence par exemple) et dans laquelle son comportement est par conséquent imprévisible.

Je signale enfin que les sciences de gestion s’intéressent elles-mêmes à l’enjeu du « bricolage » (même sans le désigner ainsi), au potentiel que représentent les inventions de terrain. Ainsi l’Agence nationale d’amélioration des conditions de travail (Anact) et la Haute autorité de santé font la promotion des « espaces de discussion sur le travail » auprès des entreprises. Leur vocation est de permettre aux salariés de « s’exprimer sur les aléas rencontrés au quotidien et trouver ensemble des arbitrages pour y faire face ». En d’autres mots, il s’agit de laisser un espace aux salariés pour qu’ils parlent des résistances de l’activité et des stratégies à déployer pour les contourner.

Les démarches bricolées du clinicien en entreprise

Je voudrais d’abord présenter les démarches bricolées par le psychologue salarié d’une entreprise de 1 600 salariés.

L’accompagnement psychologique que j’assure dans cette entreprise s’inscrit dans deux dimensions majeures : une dimension de traitement de la détresse psychologique d’une part individuelle et d’autre part collective.

Sur le plan psychopathologique, la clinique qui m’occupe relève d’une sémiologie comparable à celle que toute organisation professionnelle peut présenter : trouble anxieux (d’intensité et de pronostic variables), épuisement professionnel (burn out), comportements addictifs et syndromes dépressifs. L’étiologie n’est pas non plus spécifique : rapport douloureux au changement (pouvant aller jusqu’à des complications du deuil de forme mélancolique ou maniaco-dépressive), difficulté dans le lien et avec l’altérité (qui correspond à la notion de « tensions interpersonnelles »), harcèlement, surcharge de travail, etc.

Sur le plan individuel, la prise en charge de cette souffrance s’appuie sur des entretiens psychothérapeutiques et des médiations interpersonnelles. Et sur le plan collectif : des diagnostics d’équipe, des groupes de parole et groupes de régulation.

La fonction de psychologue clinicien salarié d’une entreprise étant encore peu développée, j’ai dû construire chacun de ces dispositifs.

Après les avoir trop rapidement présentés, je voudrais insister sur quatre caractéristiques communes qui me semblent relever d’un bricolage au sens noble du terme :

  • Même si l’entreprise ne disposait d’aucun de ces dispositifs avant que je les déploie, j’ai évidemment recherché des inspirations externes (dispositifs psychodynamiques, travaux du CNAM, ANACT, INRS, etc.). Et j’ai dû adapter ces références aux contraintes du cadre interne de l’entreprise. Par exemple, il semblait évident que la saisine du psychologue par un salarié devait rester confidentielle. Pour autant, l’article L 4121-1 du Code du travail fait peser une responsabilité majeure sur l’employeur : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. » Ce principe de confidentialité a donc été aménagé en accord avec les instances représentatives du personnel pour permettre à l’employeur de satisfaire à ses obligations légales.
  • Et pour que ces dispositifs s’adaptent au cadre interne institutionnel, j’ai dû les structurer a minima afin qu’ils s’inscrivent dans une véritable procédure et qu’ils respectent des normes déontologiques. Par exemple, la possibilité pour un salarié de saisir le psychologue est structurée autour d’une « note de procédure » ; elle garantit une information claire et connue de tous, et une possibilité équitable de recours à cet accompagnement psychologique. Par ailleurs, les normes déontologiques encadrent notamment la question de l’écrit professionnel du psychologue (par exemple lorsqu’il est question d’établir un psychodiagnostic).
  • Ces dispositifs à visée thérapeutique étant tellement spécifiques et sensibles, ils sont régulièrement revisités avec différents acteurs internes : élus du personnel, médecins du travail (externes), direction ; et surtout avec les salariés eux-mêmes, qui comme tout patient s’expriment directement ou non sur le cadre et l’effet des dispositifs. En outre, je prends appui sur une supervision à titre personnel. J’ajoute que la recherche doctorale que je consacre aux paradoxes de cette pratique témoigne de cette dynamique d’interrogation et d’analyse.
  • Les réalités cliniques qui justifient la création puis la mise en place de ces dispositifs relèvent parfois d’une véritable urgence.

À titre d’exemple, j’ai eu à accompagner sur le dernier trimestre une situation individuelle de crise avec propos suicidaires, une situation interpersonnelle avec présomption de harcèlement sexuel et une situation de crise de nerfs avec menaces verbales contre autrui. Chacune de ces situations a nécessité une prise en charge à la fois rapide et cadrée, pour protéger les protagonistes et les témoins.

Quelques conditions et limites à fixer à la dynamique du bricolage

Pour finir, je m’interroge sur les limites, les garde-fous qui pourraient être imaginés pour éviter que le bricolage se transforme en du rafistolage ou, pire, du bidouillage.

D’abord, bien sûr, le strict respect du code de déontologie du psychologue. Ses 55 articles constituent un cadre d’intervention autant contraignant que protecteur pour tout psychologue souhaitant intervenir dans un lieu peu acclimaté aux enjeux du soin psychique.

Ensuite, le respect de certaines références théoriques me semble constituer une vraie protection contre le bidouillage. Si elle n’est pas dogmatique, la référence à une « école de pensée » contribue à garantir une cohérence d’ensemble aux dispositifs créés en entreprise.

Par ailleurs, je constate rétrospectivement que les dispositifs que j’ai « bricolés » en entreprise visaient autant à la compréhension des situations cliniques qu’à l’émergence de « marges de jeu » dans ces situations initiales irritantes ou figées ; je dis « marge de jeu » mais on aurait aussi pu évoquer la perspective du changement2

Enfin, je constate que ces dispositifs bricolés en entreprise se sont accompagnés de situations et phénomènes paradoxaux pour le clinicien. Quand il est salarié d’une structure, le psychologue d’entreprise doit prendre en charge les conséquences douloureuses du travail (c’est-à-dire la souffrance manifestée, décompensée) et l’une de ses étiologies : l’organisation institutionnelle et ses conditions de travail.

Je postule que la direction de l’entreprise qui fait appel à un psychologue pour ses propres salariés est parfois dans une position ambivalente vis-à-vis de cette volonté d’aider ses agents ; cette direction peut vouloir mettre en place une relation d’aide tout en craignant de le faire. Et le clinicien peut créer des dispositifs paradoxaux en réaction inconsciente à cette ambivalence… Dans ma recherche doctorale, j’ai identifié cinq paradoxes dans la pratique et les dispositifs professionnels du psychologue intervenant en entreprise :

  • Paradoxe de la conception : à sa création, le clinicien est amené à déterminer ce qu’il veut faire du dispositif, quel est l’objectif qu’il lui assigne. Or, à cette étape, il ne sait encore pas ce qu’il va découvrir avec le (ou les) patient(s).
  • Paradoxe du rythme : les dispositifs participent à créer un espace clinique hors du temps mais tenant compte du rythme institutionnel. Une des vocations de l’intervention du psychologue est d’intéresser les salariés à leur « monde interne » ; cela suppose un calme intérieur du soignant et surtout du soigné, et donc une suspension du rythme parfois maniaque de l’entreprise. Pourtant, le rythme institutionnel doit être globalement respecté (puisqu’il organise sa temporalité propre et participe à la réalisation de sa tâche primaire).
  • Paradoxe de l’effet : les dispositifs participent à créer un espace clinique délibérément non productif, non opératoire, à l’inverse des procédures et activités classiques de l’entreprise. L’objectif est de permettre au salarié de (re)trouver une capacité à se représenter et à élaborer ses activités pour pouvoir à terme penser différemment et sortir du conflit psychique, de la souffrance post traumatique ou de la répétition. Mais paradoxalement, le clinicien espère que ces dispositifs puissent avoir un effet. Il s’engage, fait vivre ces dispositifs pour changer le réel du travail, pour amener du jeu (au sens mécanique) dans des situations grippées, figées ou répétitives.
  • Paradoxe du doute : les dispositifs contribuent à créer un espace de doute, mais au cœur d’un environnement qui ne se pose pas de question, qui produit. Ce doute est d’ailleurs un des principaux instruments de travail du clinicien lorsqu’il est « au chevet » des salariés. Il maintient chez le clinicien une capacité d’étonnement. Ce doute et cette incertitude sont aussi éprouvés par le patient qui en est déstabilisé initialement. Mais paradoxalement, le psychologue doit apporter à cet espace clinique un cadre sécurisant ; ce cadre permet de calmer les excès de doute, les « inflammations » d’incertitude chez le salarié et chez le clinicien, en apportant des traces de connu, de familier, d’habituel. Autre dimension paradoxale : le psychologue travaille « avec le doute » tout en occupant une place, une fonction institutionnelle identifiée comme « experte ». C’est parce qu’il détient et mobilise des compétences exclusives et reconnues dans l’entreprise qu’il y trouve sa place et qu’il peut y intervenir.
  • Paradoxe de la subordination commune : à travers les dispositifs qu’il invente, le psychologue vise à occuper une place, une fonction « décalée » entre salarié et employeur. Par exemple, quand un salarié consulte pour se plaindre du comportement de son chef, le clinicien n’a pas à prendre parti pour le patient ou pour le manager. Pourtant, étant lui-même salarié de l’entreprise (donc intégré, incorporé à l’institution), le psychologue assure des activités participatives et non pas seulement d’observateur. En tant que psychologue salarié, il est mobilisé pour prendre soin de ses propres collègues. Cela induit des modalités transférentielles très spécifiques, mais aussi un effet sur les actes et les pensées du clinicien.

Je conclus mon propos en rappelant la fonction organisatrice des procédures dans les institutions. Ma pratique de psychologue clinicien salarié d’une entreprise me permet toutefois de témoigner de la fécondité des dispositifs bricolés au sein de ces organisations ; bricolées mais non bidouillées, certaines conditions devant à mon sens entourer la conception et le déploiement de ces démarches de soin. Cette pratique (relativement peu répandue jusqu’à présent) s’accompagne de paradoxes que le clinicien en entreprise s’efforce de contenir…

Bibliographie

Canguilhem G. (2002). Écrits sur la médecine, Paris, Seuil.

Davezies P. (1991). « Éléments pour une clarification des fondements épistémologiques d’une science du travail », communication au Colloque national de la Société française de psychologie, Clermont-Ferrand, le 6 décembre 1991.

Dejours C. (2011). Travail, usure mentale (3e éd.), Paris, Bayard.

Dejours C. et Gernet I. (2016). Psychopathologie du travail (2e éd.), Paris, Elsevier Masson.

Diet A.-L. (2003). « “Je ferai de vous des esclaves heureux” » in Connexions, 79, p. 69-80.

Paquot T. et Younès C. (2009). Le territoire des philosophes. Lieu et espace dans la pensée au xxe siècle, Paris, La Découverte.

Petit Larousse (1995). Paris, Larousse.

Widlöcher D. (1970). Freud et le problème du changement, Paris, Presses Universitaires de France.

Notes

1 Pour simplifier, on pourrait dire que la norme établit la « bonne façon de réaliser une tâche » alors que la procédure présente « l’enchaînement des opérations permettant d’accomplir cette tâche ».

2 « En réaffirmant sans cesse son intérêt pour les phénomènes de résistance, Freud ne fait rien d’autre que souligner qu’une théorie générale du changement est implicite à la réflexion psychanalytique. » Widlöcher, 1970.

Citer cet article

Référence papier

Vincent Charazac, « La fonction et les modalités d’intervention clinique d’un psychologue d’entreprise entre créativité et paradoxe », Canal Psy, 128 | 2021, 61-65.

Référence électronique

Vincent Charazac, « La fonction et les modalités d’intervention clinique d’un psychologue d’entreprise entre créativité et paradoxe », Canal Psy [En ligne], 128 | 2021, mis en ligne le 13 juillet 2022, consulté le 17 août 2025. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=3441

Auteur

Vincent Charazac

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