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Jean-Marie Besse, professeur de psychologie à l’Université Lumière Lyon 2, a profondément marqué l’institut de psychologie ainsi que la psychologie de l’éducation. Dans cet avant-propos, je voudrais souligner l’une des facettes de sa carrière, à savoir sa fonction de directeur du centre de formation au diplôme d’État de psychologie scolaire (DEPS), occupée pendant 15 années et dont j’ai l’honneur de porter et de cultiver l’héritage aujourd’hui, depuis plus de 10 ans, en tant que directeur du Centre de formation des psychologues de l’éducation nationale (PsyEN) de Lyon.

Le diplôme d’État de psychologie scolaire est le diplôme national qui habilitait, jusqu’en 2017, à devenir psychologue dans les écoles. Créé par un décret de 1989 et un arrêté ministériel du 16 janvier 1991, le DEPS répondait à une volonté politique de reconnaissance légale du titre de psychologue, formalisée par la loi du 25 juillet 1985 et mise en œuvre par les décrets de 1990. Cette formalisation suivait des années de débat quant au statut professionnel des «  psychologues scolaires  », qui jusqu’alors exerçaient sans cadre légal précis.

Aussi, cette formation portait en elle cette exigence avec un volume d’enseignement d’environ 700 heures, composée de 300 h de cours théoriques, de 240 h de stages sur le terrain et de 160 h consacrées à la recherche. En pratique, cette formation était confiée à plusieurs universités françaises (Aix-en-Provence, Bordeaux, Grenoble, Lille, Paris, Lyon), chacune portant un centre de formation au sein de son Institut ou département de psychologie.

À Lyon 2, le Centre de formation au DEPS a d’abord fonctionné sous la direction de Jean-Marie Dolle, puis Jean-Marie Besse en est devenu le directeur de septembre 1998 à juin 2013. Durant cette période, il a apporté une contribution essentielle à la professionnalisation et à la structuration de la psychologie scolaire. Sous sa direction, le Centre de formation DEPS de Lyon a été orienté selon une ligne pédagogique ouverte et pluridisciplinaire, vision qui continue aujourd’hui encore à infuser dans la formation des psychologues de l’éducation nationale (PsyEN).

Florence Borjon Sultan rappelle dans le texte qu’elle a rédigé pour ce numéro hommage que parmi ses convictions fortes, Jean-Marie Besse considérait l’exercice du psychologue scolaire comme «  une authentique pratique de psychologue  », pleinement conforme au code de déontologie du métier. Ainsi, dans la formation proprement dite, Jean-Marie Besse insistait sur la nécessité de couvrir tous les champs de la psychologie pour comprendre l’enfant à l’école. Aujourd’hui, j’ai le sentiment que cette notion de «  complémentarité  » a été un fil rouge de ce qu’il a développé lors des quinze années pendant lesquelles il a dirigé le centre de formation.

Tout d’abord, la possibilité de la complémentarité entre les différents champs de la psychologie a animé plusieurs discussions que j’ai eues avec lui alors que j’étais encore en doctorat. Il avait à cœur d’encourager les stagiaires à maîtriser les différentes dimensions cognitives, psychoaffectives, sociales et culturelles du développement de l’enfant, en se référant aux référentiels correspondant dans une grande et rare ouverture (cognition, socio-constructivisme, psychanalyse, etc.). Le futur psychologue scolaire devait, selon lui, être en mesure d’intégrer la complexité que représente l’école : prendre en compte la dimension subjective, le contexte social (familial et scolaire) et le contexte cognitif (mécanismes d’apprentissage) dans lesquels évolue l’élève.

Mais Jean-Marie Besse ne concevait pas la complémentarité uniquement sur le plan épistémologique. Il expliquait souvent qu’il fallait penser le travail des futurs psychologues scolaires comme un aller-retour permanent entre la théorie et la pratique clinique, entre l’école et les grands auteurs de la psychologie contemporaine. Il s’était d’ailleurs entouré d’une équipe qui intégrait des psychologues scolaires en exercice comme intervenants dans le DEPS, afin d’offrir aux étudiants ce retour d’expérience et un contact très concret et incarné avec la profession, la coordination et supervision des stages de DEPS étant confiée à une collègue psychologue scolaire, ce qui constituait une véritable interface avec l’institution scolaire.

Enfin, cette complémentarité, Jean-Marie Besse la concevait aussi avec la place qu’il a réservée à la recherche au sein de la formation. Les candidats au DEPS (professeurs des écoles licenciés en psychologie) avaient pour mission de mener un Travail d’Étude et de Recherche (TER), interrogeant les facteurs impliqués dans l’apprentissage en milieu scolaire. Ce TER était souvent redouté par les candidats qui, après plusieurs années de pratique professionnelle, se sentaient éloignés ou peu compétents sur cette activité de recherche. Mais là encore, il avait su transformer ce travail en un lieu de construction, d’échanges et de formation contribuant, in fine, à aider les stagiaires à revêtir les habits du psychologue à l’école.

Depuis 2017, le Centre de formation accueille des stagiaires psychologues de l’Éducation nationale (PsyEN). Aujourd’hui, le profil des stagiaires est très différent : tous sont psychologues diplômés et parfois expérimentés, provenant de formations en psychologie très diverses, et intervenant soit dans les écoles pour les PsyEN EDA, soit dans les collèges, lycées et universités pour les PsyEN EDO. Au contact de Jean-Pierre Bellier, inspecteur général de l’Éducation nationale, j’ai eu la chance de contribuer aux échanges préalables à la création de ce nouveau corps des psychologues de l’Éducation nationale, ainsi qu’à la mise en place de la nouvelle formation. Si le contexte a évolué, deux choses me semblent rester invariables. La première est la nécessité de continuer de porter, comme Jean-Marie Besse l’a fait pendant de nombreuses années avec force, l’importance de la présence d’authentiques psychologues au sein des écoles, collèges et lycées. Leur rôle oscille entre deux pôles : l’un clinique, à l’écoute de la souffrance psychique des élèves, et l’autre plus empreint de psychologie de l’éducation ou de l’orientation notamment. La rencontre avec les élèves et leurs problématiques se trouve sans doute d’ailleurs à l’articulation des deux. La seconde est de continuer de soutenir au sein de la formation, l’héritage de cette démarche de complémentarité et d’ouverture que Jean-Marie Besse a initiée entre différents courants épistémologiques, entre la pratique clinique et la théorie, et enfin entre les problématiques de terrain au sein de l’Éducation nationale et la recherche à l’Université. J’ai à cœur de continuer à faire vivre et promouvoir cette approche et cette philosophie en suivant ainsi la piste engagée il y a plus de 30 ans pour former des psychologues ouverts, compétents et authentiques, pour accompagner l’enfant dans sa globalité.

References

Electronic reference

Nicolas Baltenneck, « Avant-propos », Canal Psy [Online], 135 | 2025, Online since 19 novembre 2025, connection on 23 novembre 2025. URL : https://publications-prairial.fr/canalpsy/index.php?id=3651

Author

Nicolas Baltenneck

Maitre de conférences en psychologie du développement
Département de psychologie du Développement, de l’Éducation et des Vulnérabilités (psyDEV)

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