La question du double
Depuis son introduction dans la littérature psychanalytique, la compréhension du double s’est considérablement élargie, au point de recouvrir aujourd’hui de multiples formes, difficiles à rassembler sous la même notion. On assiste alors à une pluralité de modalités du double classiquement décrites autour de ses aspects défensifs et régulateurs, sans doute au détriment des formes potentiellement élaboratives et symbolisantes.
Par exemple, pour O. Rank (1922) qui en recense les catégories dans la culture, les mythes, les religions et la psychopathologie, le double est d’abord considéré comme une assurance contre la disparition du moi, un démenti énergique de la puissance de la mort. Pour autant, si le double constitue une défense pour le psychisme en proie à l’anéantissement, pour Freud (1919) il se modifie lors du dépassement du narcissisme primaire : « d’assurance de survie qu’il était, il devient l’inquiétant avant-coureur de la mort » (pp.236-237)
On passe ici d’un double garant narcissique à un double dont la charge d’« inquiétante étrangeté » menace potentiellement l’organisation du Moi : « le double est devenu une image d’épouvante de la même façon que les dieux deviennent des démons après que leur religion s’est écroulée » (ibid., p.239).
Néanmoins, dans la pensée de Freud, le double ne saurait se limiter au narcissisme primaire dans la mesure où il peut se trouver chargé d’un nouveau contenu en fonction des stades d’évolution du Moi.
Dans son article « Les motifs du double » (1995), C. Couvreur tente de dégager les fonctions du double en soulignant surtout son rôle de médiateur et d’articulation. Les motifs du double peuvent alors prendre des formes très différentes « aussi bien persécutives, intrusives, que bénéfiques et garantes ». De ces formes dépend alors « le sentiment de continuité narcissique et d’identité du sujet » (op. cit., p.26).
Le double se trouve donc fortement mobilisé au plan défensif, principalement au moment où une menace pèse sur l’identité. Cette situation signalerait un échec transitoire du système de défense du sujet, précipitant la figure du double comme ultime recours défensif destiné à lutter contre une menace de désorganisation. Comme ont pu le montrer C. et S. Botella (2001), le double surgirait face à la crainte de la mort psychique. Confronté à une menace traumatique, le double aurait pour fonction de protéger le Moi contre l’anéantissement, tout en cherchant à figurer ou à pallier, sur un mode hallucinatoire, l’échec de la perception et de la représentation. Dans sa critique du fantastique et de l’insolite, J. Goimard (2003) repère deux grandes modalités du double, mais néanmoins complémentaires : la perte du double, c’est-à-dire le double par division, renvoyant à la possibilité pour l’homme de perdre son âme, ce que symbolise le pacte avec le diable et, à l’inverse, le double en surnombre ou par multiplication que l’on trouve dans les figures gémellaires ou encore dans les histoires de monstre. Dans les deux cas il s’agit toujours d’un changement du Moi provisoire ou durable, lié à des phénomènes d’origine externe (possession) ou interne (métamorphose). On peut parler aussi de doubles par fission ou par fusion, de doubles subjectifs ou objectifs, naturels (les ombres, les reflets) ou artificiels (portraits, mannequins, etc.). Devant cette pluralité de formes de double et pour sortir de cette « captation fascinante » induite par les déclinaisons quasiment infinies de ses figures, J.J Baranes (2002) propose de penser le double, en l’articulant avec les autres concepts de la métapsychologie. Penser le double suppose alors de passer de la figure au concept, c’est-à-dire à l’étude du ou des processus de mise en forme du double dans ses différentes modalités. Pour cet auteur, le double s’inscrit au cœur même du processus de symbolisation primaire et comprend une dimension élaborative étroitement associée à la transitionnalité. Il contribue par ailleurs d’une façon centrale à la constitution de l’identité et à l’autoreprésentation, en réunissant les conditions indispensables à la rencontre avec l’altérité.
L’identité, la réflexivité et le double
Comme le double, l’identité est une notion complexe, difficile à saisir d’emblée, renvoyant là aussi à une pluralité de formes et de définitions. Dans le cadre d’une recherche sur ces deux notions menée depuis quelques années à l’Université Lumière Lyon 2, j’ai été amené à proposer l’hypothèse générale suivant laquelle l’identité est un processus dont la visée est de lier dialectiquement, au sein de la psyché des éléments psychiques (traces, affects, représentations) appartenant à des catégories ou à des ensembles opposés ou contraires comme le dedans et le dehors, le Moi et le non-Moi, le même et le différent, etc.
Cette perspective permet d’envisager l’identité comme une organisation réflexive, qui intègre et structure la dimension de l’altérité au sein d’une relation de soi à soi (soi/non-soi), elle-même issue de la relation à l’autre semblable. De façon spécifique, cette modalité de l’identité interroge la façon dont un sujet se saisit lui-même dans son rapport à l’autre, dont il organise un lien réflexif de soi à soi, à partir de sa rencontre avec l’objet conçu alors comme double de soi. Cette hypothèse permet a contrario d’envisager le double comme la figure à partir de laquelle l’identité se transitionnalise. En dérivant la problématique de l’identité sur celle du double, il s’agit de décaler l’identité par rapport à elle-même, en introduisant un écart suffisant pour commencer à penser l’identité dans une perspective paradoxale, comme étant à la fois identique et non identique à elle-même. Cette articulation permet de penser en outre le double et l’identité comme les deux faces d’un même processus.
Ainsi, l’exploration des figures du double telles qu’elles se déploient dans le champ de la clinique ou de la culture nous paraît constituer un axe privilégié pour approcher les processus identitaires par lesquels un sujet tente de se penser lui-même par l’intermédiaire du double.
Ces différentes conceptions nous amènent à situer le double à des niveaux plus ou moins différenciés du fonctionnement psychique suivant qu’il fait appel à la perception ou à une des modalités de la représentation. Suivant cette optique, le double constituerait une sorte de spectre allant d’un pôle perceptif/hallucinatoire à un pôle représentatif, du Moi au non-Moi, du narcissisme à l’objectal. Le double peut être alors considéré comme la première modalité d’investissement de l’objet (objet-double), qui sera trouvé-créé avant d’être découvert dans son extériorité comme séparé. Outre sa fonction défensive contre l’angoisse et l’émergence d’affects d’inquiétante étrangeté, le double peut remplir aussi une fonction élaborative et différenciatrice, qui rend notamment compte du passage du narcissisme primaire au narcissisme secondaire.
Cette double polarité du double, à la fois organisatrice par l’établissement d’une différence à soi et d’une relation d’objet différenciée, et défensive par la préservation unitaire, permet donc d’interroger la nature énigmatique et paradoxale de l’identité sous un angle dynamique et processuel. Représentant plus ou moins différencié de l’activité identitaire du sujet, la question du double introduit ici un écart qui permet de penser la différence et le rapport de soi à soi à partir de l’investissement de l’objet conçu à la fois comme autre et semblable.
La découverte des neurones miroir par G. Rizolatti (1996) et les travaux qu’ils ont inspirés depuis, nous éclairent sur les processus en jeu dans la constitution de l’identité par l’intermédiaire du double. Cette propriété des neurones miroirs de s’activer aussi bien lorsqu’un sujet réalise une action que lorsqu’il l’observe chez autrui, sont à l’origine de représentations partagées entre plusieurs individus, organisées à partir d’un codage commun entre perception et action.
Selon J. Decety (2002), ces représentations « sous-tendent l’empathie et permettent d’expliquer pourquoi ce qui affecte autrui est susceptible de nous affecter ». L’auteur évoque notamment l’existence dès la naissance d’un partage d’états émotionnels entre le nouveau-né et les personnes qui l’entourent sans pour autant qu’une confusion existe entre soi et l’autre. À partir de la découverte des neurones miroirs, deux points nous semblent importants à relever. Le premier concerne la mise en évidence d’une propriété transitive et spéculaire du cerveau permettant de générer des représentations analogues entre soi et l’autre à partir du champ moteur à savoir des représentations partagées (Georgieff, 2007).
Le second concerne, au-delà de cette propriété transitive et spéculaire du cerveau, la capacité du nouveau-né à distinguer d’emblée, au sein de ces différentes formes de représentations d’action et des représentations partagées issues de la relation transitive entre individus, ce qui vient de lui ou de l’autre sujet. Ces considérations nous renvoient à l’impasse théorique d’un narcissisme primaire défini par Freud successivement comme un état autarcique, indépendant de l’objet et comme un état anobjectal caractérisé par l’indifférenciation primitive sujet/objet.
Le double transitionnel
En écho avec la découverte des neurones-miroirs, l’hypothèse winnicottienne d’une fonction miroir de l’environnement (Winnicott, 1971) permet au contraire de commencer à envisager au sein du narcissisme primaire, la coexistence d’un investissement continu en double où l’objet est d’emblée constitué comme soi-même et d’un investissement objectal à visée différenciatrice.
Plus récemment, les travaux de D. N. Stern sur les accordages précoces et de R. Roussillon (2008) sur la relation en double permettent de soutenir l’hypothèse d’une forme transitionnelle du double susceptible de dépasser les paradoxes du narcissisme et de l’identité. Parmi les différentes modalités du double, le « double transitionnel » serait le point autour duquel s’équilibrent sans s’opposer les investissements narcissiques et objectaux, mais aussi les catégories du même et de la différence, du dedans et du dehors, les registres de l’identité et de l’altérité.
Ni tout à fait un même, ni tout à fait un autre, le double transitionnel conjoint en les harmonisant les registres de l’identité et de l’altérité. En établissant la liaison des catégories du dedans et du dehors, ainsi que celle qui relie la perception à la représentation, cette forme transitionnelle du double protégerait le sujet contre la terreur d’une continuité animique (C. et S. Botella, 2001) dedans/dehors, perception/représentation, tout en assurant les conditions nécessaires à la « retransitionnalisation » de l’expérience.
Il est cet objet à partir duquel le sujet traite, met en forme, symbolise le rapport à ce qui lui échappe dans sa relation à l’objet et à lui-même. Suivant cette perspective, le double peut être envisagé comme un objet à partir duquel l’identité se transitionnalise, c’est-à-dire un objet permettant au sujet de se rencontrer et de se saisir lui-même, subjectivement, au sein de la relation de soi à soi, ce que G. Lavallée nomme l’espace réflexif interne (1999). L’espace réflexif interne constituerait de ce point de vue un analogon de l’espace transitionnel (sujet/objet), réunissant dans l’intrapsychique, les conditions de possibilité d’un espace transitionnel interne et subjectif1 (sujet/sujet), indispensable au jeu identitaire.
La création d’un tel espace renvoie à la manière dont le sujet a pu rencontrer l’objet comme double et à la manière dont l’écran réflexif incarné par l’objet-double a été intériorisé. La qualité de l’espace réflexif interne dépendra alors des modalités d’intériorisation de l’objet-double transitionnel dans le moi.
La question du double transitionnel nous semble pouvoir être repérée a contrario à chaque fois qu’un sujet se trouve confronté à une menace qui pèse sur son identité. Le recours à cette forme de double soutiendrait la capacité du sujet à rétablir une réflexivité en souffrance, à rétablir une limite dedans/dehors, entre l’identité et l’altérité, etc. Cette question de la réflexivité caractéristique des souffrances narcissiques identitaires trouve sa pleine expression dans les formes d’affects qui sous-tendent le sentiment d’identité, à savoir principalement le registre de l’inquiétante étrangeté.
Les traductions françaises d’« inquiétant » ou encore d’« inquiétante familiarité », d’« intime étrangeté » renvoient à l’énigme d’une identité vécue dans le double registre de l’étrangeté inquiétante et de l’inquiétante familiarité. Cette catégorie d’affect engage en effet le sujet dans son rapport à ce qui lui échappe en même temps qu’à ce qui le concerne au plus profond de lui-même.
Dans « l’inquiétante étrangeté », Freud souligne un tel paradoxe dans l’analyse qu’il propose du terme allemand heimlich en certains points identique en son contraire :
« […] parmi ses multiples nuances de signification, le petit mot heimlich en présente également une où il coïncide avec son contraire unheimlich […] Cela nous rappelle plus généralement que ce terme de heimlich n’est pas univoque, mais qu’il appartient à deux ensembles de représentations qui, sans être opposés, n’en sont pas moins fortement étrangers, celui du familier, du confortable, et celui du caché, du dissimulé » (Freud, 1919, p.221).
Pour rendre compte de ce sentiment, Freud évoque un peu plus loin une anecdote personnelle. La situation qu’il décrit, aussi banale qu’elle puisse paraître au premier abord, nous apparaît très éclairante tant sur le plan des processus qui sous-tendent l’affect d’inquiétante étrangeté que sur les liens que ce type d’affect entretient avec la problématique de l’identité et du double.
« J’étais assis tout seul dans un compartiment de wagon-lit, lorsque sous l’effet d’un chaos un peu plus rude que les autres, la porte qui menait aux toilettes attenantes s’ouvrit, et un monsieur d’un certain âge en robe de chambre, le bonnet de voyage sur la tête, entra chez moi. Je supposai qu’il s’était trompé de direction en quittant le cabinet qui se trouvait entre les deux compartiments et qu’il était entré dans mon compartiment par erreur ; je me levai précipitamment pour le détromper, mais m’aperçus bientôt, abasourdi, que l’intrus était ma propre image renvoyée par le miroir de la porte intermédiaire. Je sais encore que cette apparition m’avait foncièrement déplu » (ibid., p.257).
Cet exemple est remarquable à plus d’un titre surtout lorsque l’on connaît le lien particulier que Freud entretenait avec les trains. Toutes les conditions semblent ici réunies pour qu’apparaissent le double et l’affect d’inquiétante étrangeté : la solitude, le chaos, le miroir, mais aussi l’insistance sur le terme de « compartiment ».
Il s’agit de la description d’un double d’abord non reconnu, vécu comme un intrus. Le compartiment semble fonctionner ici comme l’extériorisation d’une topique interne menacée d’intrusion et la scène comme une autoreprésentation des processus engagés, l’insistance sur le terme de compartiment renvoyant à l’importance de s’assurer de ses propres limites internes. Le wagon-lit comme lieu intime, le fait d’être « tout seul », l’ouverture inopinée de la porte des toilettes extérieures sous l’effet d’un « chaos » et enfin le miroir constitueraient les conditions d’émergence d’un double inquiétant.
La reconnaissance de son propre visage dans le miroir de la « porte intermédiaire » marque un temps de flottement permettant un réagencement de son propre espace identitaire à travers le rétablissement d’une zone intermédiaire et réflexive.
Ce passage correspondrait à un moment transitionnel, lequel suppose une suspension quant à l’assignation topique – dedans/dehors ; Moi/non-Moi – de l’objet. La question : « S’agit-il d’un intrus ou de moi-même ? » ne saurait être posée de la même manière que la question de savoir si l’objet transitionnel a été créé ou non par le sujet.
Comme le souligne Winnicott, l’aire intermédiaire d’expérience au sein de laquelle est suspendue l’opposition entre la réalité intérieure et la réalité extérieure n’a pas à être contestée. Au contraire, c’est bien l’existence de ce champ intermédiaire et la tolérance du paradoxe qui le sous-tend qui permettront au sujet de « maintenir, à la fois séparées et reliées l’une à l’autre, réalité intérieure et réalité extérieure » (1971, p.9).
Cet exemple qui renvoie à la psychopathologie de la vie quotidienne permet de repérer autrement, via le surgissement d’un affect d’inquiétante étrangeté, comment le double d’abord méconnu et intrusif peut prendre une valeur transitionnelle – ici, le reflet de soi dans le miroir de la porte intermédiaire – et être utilisé pour « retransitionnaliser » l’identité et rétablir une réflexivité de soi à soi.
L’investissement d’un objet double transitionnel permettrait ainsi de maintenir à la fois reliés et séparés les registres de l’identité et de l’altérité, du même et du différent, du familier et de l’étranger. Il aurait pour fonction ici de protéger le sujet contre une menace de confusion et d’aliénation qui pèse sur son identité.
À l’inverse, lorsque le sujet en proie à une menace identitaire échoue à rétablir une réflexivité de soi à soi, il peut se trouver confronté à des formes négatives ou détransitionalisées du double. L’hallucination négative dans le miroir dans Le Horla de Maupassant peut en constituer un exemple.
Dans cette nouvelle, Maupassant décrit sous la forme d’extraits d’un journal intime le cheminement du narrateur de plus en plus convaincu qu’un être invisible qu’il nomme le Horla hante sa vie au point de prendre possession de son esprit. Le passage où le narrateur se voit être le Horla correspond précisément au moment où il ne se voit plus dans le miroir, ce qui a pour effet de confondre le sujet avec son double. En ne se voyant plus dans le miroir, l’objet-double transitionnel s’efface de l’espace psychique du sujet (miroir comme analogon de l’espace psychique du sujet) et cède la place au Horla, forme détransitionnalisée du double (Hors/là).
Sans image, sans un travail minimum de représentation, le double ne peut alors conserver sa valeur transitionnelle et dépasser le paradoxe d’être simultanément même et différent, dedans et dehors, ici et ailleurs, imperceptible et matériel, présence et absence, etc. Au contraire, le Horla apparaît comme une figure négative (inversée, mais aussi destructrice) et détransitionnalisée du double, menaçant l’identité d’un état de confusion : l’invisible se voit, le dedans devient le dehors, l’absence se présentifie, ce qui est familier devient étranger, le je devient un autre, etc.2
Ces remarques nous amènent à nous interroger sur ce qui se passe lorsque l’objet n’a pu historiquement réfléchir d’une façon suffisamment adéquate les mouvements psychiques du sujet, c’est-à-dire lorsque l’objet n’a pu être rencontré comme double. Cette problématique renvoie à celle des accordages précoces et de la « relation homosexuelle en double » (Roussillon, 2008) qui en découle et de ses conséquences sur l’organisation réflexive interne du sujet.
On entrevoit ici toute la psychopathologie du double et au-delà, celle du narcissisme et de l’identité. Au lieu d’un double transitionnel, on assiste dans ce type de conjoncture à l’émergence de figures « détransitionnalisées » du double, c’est-à-dire des figures qui ne permettent pas ou plus l’élaboration du paradoxe identitaire d’être et de ne pas être identique à soi-même.
Ces conjonctures cliniques rendent compte d’un trouble de l’organisation réflexive renvoyant aux premières formes d’intériorisation de l’objet-double. Si l’introjection de l’objet-double permet une intégration dans le moi contribuant à enrichir celui-ci des qualités « réfléchissantes » de l’objet, au contraire, l’incorporation de l’objet double peut produire des formes d’aliénation du moi liées au maintien de l’altérité de l’objet dans le moi. Le sujet est alors confronté à un miroir déformant, voire aliénant, qui répète dans l’intrapsychique, de soi à soi, mais aussi sur la scène transférentielle le rapport à certaines particularités « inassimilables » de l’objet.
Dans ces situations où le sujet n’a pu s’inscrire historiquement dans une relation en double satisfaisante, lorsque l’objet n’a pu se laisser suffisamment utiliser comme un miroir psychique propice à la figuration et à l’intériorisation des processus réflexifs, le sujet cherchera à répéter, à chaque fois qu’il sera menacé dans sa continuité d’être, à rétablir, dans l’actuel, parfois par des moyens extrêmes (clivage, hallucination négative), une continuité identitaire. C’est le cas des modalités du double organisées essentiellement sur un mode défensif, révélatrices d’une distorsion du miroir psychique interne. L’identité se trouve alors menacée d’un état de confusion conduisant à une désorganisation de la relation réflexive de soi à soi. Ne pouvant être contenu au-dedans, le paradoxe identitaire cherchera à se figurer et à être contenu au-dehors. Comme l’indique J.J. Baranes, le double comme « toile de fond de tout événement psychique » se retourne en figure : « le décor (normalement silencieux) du théâtre psychique devient alors le scénario lui-même » (2003).